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Rapport intérimaire - Rapport No. 194, Juin 1979

Cas no 929 (Honduras) - Date de la plainte: 14-MARS -79 - Clos

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  1. 375. Par des communications adressées respectivement les 14 et 30 mars et le 10 avril 1979, la Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux au Honduras. La CISL a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte le 12 avril 1979. Pour sa part, la CMT a adressé une nouvelle communication au BIT le 19 avril 1979. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 16 avril, 4 et 8 mai 1979.
  2. 376. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 377. Les plaignants se réfèrent aux événements qui ont eu lieu le 6 mars 1979 au sein de l'entreprise textile Bemis Handal située dans la ville de San Pedro Sula. Ils expliquent que les travailleurs de cette entreprise avaient remis un cahier de revendications à la direction et que celle-ci avait réagi de façon équivoque pour finalement refuser de négocier. Devant ce refus, les travailleurs se mirent en grève et occupèrent l'entreprise le 6 mars, en déclarant qu'ils n'en sortiraient que lorsque la direction accepterait de négocier.
  2. 378. Les plaignants ajoutent que, afin de déloger les occupants, les autorités agirent brutalement en faisant intervenir les forces de sécurité publique et le Département national de recherches, qui ont fait usage de leurs armes et employé des gaz lacrymogènes, ce qui, selon la CISL, a provoqué l'incendie de la fabrique. La CMT et la CISL précisent que les autorités ont prétendu attribuer la responsabilité de l'incendie aux dirigeants syndicaux et à leurs organisations.
  3. 379. La CLAT et la CMT indiquent que l'intervention des autorités a entraîné la mort de quatre travailleurs. La CISL, quant à elle, fait état de trois travailleurs tués. Un grand nombre de travailleurs ont été blessés et plus d'une centaine arrêtés. Commentant ces événements, la CISL mentionne une déclaration du "chef des homicides" de la Direction nationale des recherches, selon laquelle des investigations se poursuivaient pour savoir si l'incendie avait été provoqué par des personnes étrangères à l'organisation ouvrière. En outre, le recteur de l'Université nationale autonome du Honduras aurait déclaré qu'il y a pu y avoir une erreur au sujet de cette affaire.
  4. 380. Dans sa communication du 19 avril 1979, la CMT communique une liste de quatorze travailleurs membres de l'Union nationale des paysans qui seraient détenus dans diverses prisons du pays.
  5. 381. Dans sa communication du 16 avril 1979, le gouvernement déclare que l'incendie de l'entreprise Bemis Handal n'a pas été un événement fortuit. Il s'agissait d'un sinistre provoqué intentionnellement dans le but de détruire complètement le centre de travail. De ce fait, les autorités ont entrepris immédiatement des recherches pour trouver les auteurs de l'incendie et les soumettre à procès en vue d'établir les responsabilités.
  6. 382. Le gouvernement explique que le 5 juin 1978, alors que la convention collective, signée pour une durée de trois ans, était en vigueur depuis un an et demi, le syndicat des travailleurs de l'entreprise Bemis Handal a présenté à la direction des revendications pour une révision des salaires. Le 19 juin 1978, l'entreprise répondit en indiquant que l'évolution des salaires était prévue dans la convention collective. Le 22 septembre 1978, la direction syndicale s'adressa à l'Inspection générale du travail en dénonçant la violation d'un nombre élevé de clauses de la convention collective. En dépit de l'enquête approfondie menée par les inspecteurs du travail, l'existence des violations en question ne peut être établie.
  7. 383. Le 12 février 1979, les représentants de l'entreprise et du syndicat se réunirent à San Pedro Sula en présence du Directeur régional du travail pour discuter des points en litige. Il existait apparemment, selon le gouvernement, une volonté d'aboutir à des accords durables. Ainsi, douze des treize points mentionnés dans le cahier des revendications furent résolus, un seul restant en suspens.
  8. 384. Cependant, poursuit le gouvernement, le 6 mars 1979, le syndicat a déclenché un arrêt de travail avec occupation des installations, rendant impossible toute activité. Le Directeur régional du travail rencontra alors les dirigeants syndicaux afin de chercher à résoudre le conflit, puis le représentant légal de l'entreprise, avec qui il discuta les différents points en litige. Tous ces efforts furent cependant vains puisque le fonctionnaire en question assista personnellement aux actes de violence perpétrés par les travailleurs qui aboutirent finalement à un incendie détruisant totalement le centre de travail.
  9. 385. Les recherches policières tendant à découvrir les coupables aboutirent à l'arrestation de 111 personnes suspectes d'avoir des responsabilités dans l'incendie. Parmi ces personnes figuraient des travailleurs de l'usine ou d'autres centres de travail, ainsi que des personnes arrêtées sur place, sans qu'elles aient pu justifier leur présence à l'intérieur de l'établissement. Ces arrestations ont été effectuées pendant la phase de l'instruction judiciaire et il n'a été tenu aucun compte de l'éventuelle affiliation des intéressés à un syndicat.
  10. 386. Au fur et à mesure que progressaient l'enquête policière et les procédures judiciaires, 100 personnes ont été libérées car il n'existait aucun motif pour prolonger leur détention. Les onze personnes encore détenues sont restées à la disposition du juge pénal.
  11. 387. Le gouvernement se réfère à des déclarations de dirigeants syndicaux et d'organisations syndicales au sujet des événements de l'entreprise Bemis Handal, dont l'une émane de la Fédération authentique syndicale du Honduras, de tendance démocrate-chrétienne, qui affirme que des personnes étrangères au mouvement syndical se sont introduites dans différentes organisations en vue de créer un climat d'insécurité pour les travailleurs et par là même pour le peuple du Honduras.
  12. 388. Le gouvernement communique en annexe à sa lettre diverses coupures de presse ainsi que le rapport du Directeur régional du travail sur les événements en cause.
  13. 389. Dans ses communications des 4 et 8 mai 1979, le gouvernement précise que, quand l'incendie s'est déclenché dans l'usine, celle-ci était entièrement contrôlée par les travailleurs puisque ces derniers avaient fermé tous les points d'accès et empêchaient l'entrée des autorités du travail et de la police ainsi que de la direction de l'entreprise. Au sujet des allégations concernant la -mort de quatre travailleurs, le gouvernement déclare que les premières enquêtes sur place ont permis de découvrir le cadavre d'une personne de sexe masculin qui fut identifiée comme un travailleur de l'entreprise. Le corps présentait une blessure d'arme à feu de calibre 22, calibre qui n'est jamais utilisé par la force publique. Ces enquêtes ne permirent pas de découvrir d'autres cadavres ni de prouver l'existence de travailleurs blessés. Le gouvernement précise que l'instruction entreprise par le tribunal concerne à la fois l'incendie de l'usine et la mort du travailleur en question.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 390. Le comité note que les allégations concernent principalement les événements survenus en mars 1979 au sein de l'entreprise Bemis Handal. Ces événements se sont produits à l'occasion d'un mouvement de grève déclenché par les travailleurs, avec occupation des locaux. Les forces de police sont alors intervenues pour évacuer l'usine et, à cette occasion, auraient éclaté de graves incidents qui aboutirent à l'incendie de l'usine, à la mort d'un travailleur et à l'arrestation de 111 personnes.
  2. 391. Le comité doit constater que les informations fournies par les plaignants et le gouvernement sur les origines du conflit et le déroulement des événements sont largement contradictoires. Pour les plaignants, l'employeur aurait refusé de négocier avec les travailleurs et l'incendie de l'usine serait dû à l'intervention des forces de police. En revanche, pour le gouvernement, le différend du travail faisait l'objet de négociations avec la participation de l'inspection du travail et ce sont les actes de violence de travailleurs et de personnes étrangères à l'entreprise, présentes sur les lieux, qui provoquèrent l'incendie.
  3. 392. En présence de ces deux versions contradictoires, le comité ne peut aboutir, à ce stade, à des conclusions en toute connaissance de cause. Toutefois, il tient à exprimer sa préoccupation devant la gravité des événements survenus lors de l'intervention des forces de police. Le comité déplore le décès d'un travailleur, confirmé par le gouvernement. Il note que les enquêtes effectuées portent sur l'origine de l'incendie survenu dans l'usine et sur les circonstances du décès du travailleur en question. Afin de se prononcer sur cet aspect du cas, le comité souhaiterait disposer des résultats de l'enquête effectuée au sujet de ce décès.
  4. 393. Le comité note que les procédures judiciaires engagées par les autorités ont abouti au maintien en détention de onze personnes parmi les 111 arrêtées. Au vu des observations du gouvernement, il semble que ces onze personnes vont être jugées. Le comité estime que, dans le cas présent, il lui serait particulièrement utile de disposer d'informations sur le résultat des actions judiciaires entreprises et, en particulier, du texte des jugements prononcés avec leurs attendus.
  5. 394. Enfin, le comité note que le gouvernement n'a pas encore adressé ses observations au sujet de la liste de syndicalistes agricoles qui, selon la CMT, seraient détenus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 395. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'exprimer sa préoccupation devant la gravité des événements survenus lors de l'intervention des forces de police à l'entreprise Bemis Handal;
    • b) de prier le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de l'enquête effectuée au sujet du décès d'un travailleur;
    • c) de noter que les onze personnes encore détenues semblent devoir être jugées et de prier le gouvernement de fournir des informations sur le résultat des actions judiciaires entreprises et, en particulier, le texte des jugements avec leurs attendus;
    • d) de prier également le gouvernement de transmettre ses observations au sujet des syndicalistes agricoles qui, selon la CMT, seraient détenus;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire.
      • Genève, le 30 mai 1979. (Signé) Roberto Ago, Président.
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