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Rapport définitif - Rapport No. 204, Novembre 1980

Cas no 952 (Espagne) - Date de la plainte: 27-FÉVR.-80 - Clos

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  1. 148. Par une communication du 27 février 1980, la Confédération syndicale des commissions ouvrières a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Espagne. L'organisation plaignante a adressé des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 25 mars 1980. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 17 octobre 1980.
  2. 149. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 150. Selon la Confédération syndicale des commissions ouvrières, un décret royal du 8 février 1980 interdirait l'exercice du droit de grève aux travailleurs des chemins de fer espagnols (RENFE), accordant à la délégation gouvernementale de l'entreprise en question le pouvoir d'édicter des normes pour garantir le maintien du service des chemins de fer.
  2. 151. L'organisation plaignante explique que le texte est contraire à la convention no 87, aux principes exprimés par le comité en matière de droit de grève et à l'article 53 de la Constitution espagnole qui prévoit que l'exercice du droit de grève ne peut être réglementé que dans le cadre de la loi, non d'un décret.
  3. 152. L'organisation plaignante a fourni également une documentation complémentaire comprenant notamment le texte du décret royal no 266/1980 relatif au maintien du fonctionnement du service public des transports ainsi que les circulaires d'application nos 450 à 452 d'où il ressort, selon le comité d'entreprise de RENFE, que le texte permet de maintenir une circulation ferroviaire à 75 pour cent du trafic habituel.
  4. 153. L'organisation plaignante joint en annexe trois arrêtés de réquisition adressés individuellement à des cheminots leur ordonnant d'assurer leur service pendant la grève de protestation des 4 et 5 mars 1980.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 154. Dans sa réponse du 20 octobre 1980, le gouvernement confirme l'adoption du décret royal no 266/1980 du 8 février 1980. Mais il explique que le texte a été pris en application de l'article 10 (2) du décret-loi no 17/1977 sur les relations professionnelles conférant aux autorités le pouvoir d'édicter les mesures nécessaires au fonctionnement des services publics quand la grève est déclarée dans les entreprises chargées de la prestation de ces services ou de services reconnus essentiels ou d'une nécessité immédiate et que des circonstances particulièrement graves s'y produisent.
  2. 155. Le gouvernement rejette l'allégation d'inconstitutionnalité du décret royal et indique à cet égard qu'un projet de loi organique est actuellement à l'examen mais qu'en attendant l'adoption de ce projet par le Parlement la norme applicable est le décret-loi no 17/1977 en vertu duquel le décret royal faisant l'objet de la plainte a été adopté.
  3. 156. Sur le fond, le gouvernement se réfère aux principes exprimés par le comité dans des cas antérieurs selon lesquels le droit de grève peut faire l'objet de restrictions, voire d'interdiction, dans les services essentiels quand la grève pourrait y causer de graves préjudices pour la collectivité.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 157. Pour sa part, le comité observe que le décret royal no 266/1980 dispose que toute grève qui affecte le personnel des chemins de fer est soumise au maintien du service essentiel des transports ferroviaires (article 1er). La délégation du gouvernement aux chemins de fer RENFE désigne de manière restrictive le personnel strictement nécessaire pour assurer la prestation du service ferroviaire essentiel dans des conditions de sécurité maximale (article 2). Les grèves et les arrêts de travail du personnel ainsi requis seront considérés comme illégaux et cause de licenciement (article 3).
  2. 158. En vertu des circulaires d'application de ce décret, la circulation ferroviaire pourra être maintenue jusqu'à 75 pour cent du trafic normal pour les lignes de banlieue, en totalité pour les trains militaires, les trains postaux et les trains ateliers, dans la proportion d'un train de jour et d'un train de nuit pour les grandes lignes, à la discrétion de la tour de commande pour les trains spéciaux de voyageurs et en fonction des nécessités urgentes pour les trains de marchandises.
  3. 159. D'une manière générale, le comité croit devoir signaler, en premier lieu, l'importance qui s'attache à ce que le droit de grève soit reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels. Cependant, dans un certain nombre de cas, le comité a admis que le droit de grève pourrait faire l'objet de restrictions, voire d'interdiction, dans la fonction publique ou les services essentiels dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale et pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires. Le comité a néanmoins signalé à plusieurs reprises, et notamment en se référant au secteur des transports, que le principe relatif à l'interdiction des grèves dans les services essentiels risquerait de perdre tout son sens s'il s'agissait de déclarer illégale une grève dans une entreprise qui ne fournirait pas un service essentiel au sens strict, c'est-à-dire un service dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population.
  4. 160. Dans le cas d'espèce, le comité note que le décret n'interdit pas toutes les grèves dans les chemins de fer mais confère à l'administration le pouvoir d'exiger des cheminots qu'ils déférent aux ordres de réquisition sous peine de licenciement quand elle l'estime nécessaire au maintien du "service essentiel" des chemins de fer.
  5. 161. Notant en outre qu'il ressort des circulaires nos 450, 451 et 452 que les autorités peuvent faire un usage étendu des pouvoirs de réquisition qui leur sont attribués, le comité désire appeler l'attention, comme il l'a fait dans d'autres case, sur la possibilité d'abus qu'impliquent les réquisitions de travailleurs comme moyen de régler les différends du travail. Dans de tels cas, le comité a souligné qu'un recours à ce genre de mesures n'est pas souhaitable, sauf s'il s'agit de maintenir des services essentiels dans des circonstances de crise nationale aiguë.
  6. 162. Le comité est toutefois conscient qu'un arrêt total et prolongé des chemins de fer dans l'ensemble du pays pourrait provoquer une situation telle que les conditions normales d'existence de la population pourraient âtre en danger. En conséquence, il semblerait légitime qu'un service minimum puisse être maintenu en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë. Pour être acceptable, d'une part, un tel service minimum devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population et, d'autre part, les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités publiques.
  7. 163. Le comité note qu'un projet de loi organique est actuellement en cours d'élaboration. Il exprime l'espoir que le nouveau texte prendra en considération les principes exposés ci-dessus.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 164. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • i) de rappeler les principes et considérations exprimés aux paragraphes 159 à 161 au sujet du droit de grève dans les services essentiels et des réquisitions, de souligner notamment que les restrictions au droit de grève devraient se limiter aux services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire aux services dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population, et de signaler les possibilités d'abus que comporte la réquisition;
    • ii) de souligner que, si, en cas de grève totale et prolongée, un service minimum doit être maintenu, un tel service devrait se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population et que les organisations de travailleurs devraient pouvoir participer tout comme les employeurs et les autorités publiques à sa définition;
    • iii) d'exprimer l'espoir que le projet de loi organique en préparation tiendra compte des principes exprimés ci-dessus.
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