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Rapport intérimaire - Rapport No. 207, Mars 1981

Cas no 958 (Brésil) - Date de la plainte: 18-AVR. -80 - Clos

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  1. 198. La plainte figure dans des communications transmises le 18 avril 1980 par le Front national du travail (FNT), le 22 avril 1980 par la Confédération mondiale du travail (CMT), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FITIM), et le 30 avril par la Fédération syndicale mondiale (FSM). La CMT a envoyé des informations complémentaires les 25 avril et 29 mai 1980, la CISL et la FITIM en ont adressé les 28 avril, 23 mai 1980 et 6 février 1981 et le FNT le 5 janvier 1981. Le gouvernement a répondu par communication du 31 octobre 1980.
  2. 199. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 200. Ces allégations concernent une grève des travailleurs du secteur métallurgique de Sao Paolo effectuée, du 1er avril au 12 mai 1980, pour obtenir principalement des augmentations de salaires et une garantie d'emploi pendant un an. Les autorités judiciaires ont déclaré cette grève illégale le 14 avril 1980.
  2. 201. Les organisations plaignantes allèguent que, le 18 avril, de nombreuses personnes ont été blessées à la suite de la violente intervention de la police militaire contre les travailleurs qui se trouvaient réunis devant le siège de leurs syndicats. D'après la FSM, il y aurait plusieurs dizaines de blessés parmi les travailleurs.
  3. 202. Elles ajoutent que les autorités ont destitué des dirigeants syndicaux (parmi lesquels Luis Inácio da Silva) et les ont remplacés par des fonctionnaires désignés par le pouvoir politique. Le FNT, quant à lui, allègue que les autorités ont placé sous leur contrôle les syndicats de la métallurgie de Sao Bernardo et de Santo Andre. La CMT signale, dans sa communication du 22 avril 1980, la dissolution arbitraire de certains syndicats.
  4. 203. Dans sa communication du 25 avril 1980, la CMT déclare que 34 personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles 12 ont été libérées quelques jours plus tard; toutefois, le 25 avril, les dirigeants syndicaux dont les noms suivent étaient toujours en prison: Luis Inácio da Silva, Devanir Ribeiro, Orlando Francelino da Motta, José Cicotti, Djalma de Souza, Ernesto Cencini, Isaías Urbano da Cunha, Edevaldo Santiago de Araujo, José Maria de Almeida, Expédito Soares, Severino Alves da Silva et Joao Batista dos Santos. Dans leur communication du 28 avril 1980, la CISL et la FITIM indiquent que le nombre de syndicalistes arrêtés devait s'élever, le 21 avril, à une trentaine, parmi lesquels Arnaldo Gonçalves. La CMT allègue en outre, dans sa communication du 25 avril 1980, qu'une délégation de travailleurs agricoles qui voulaient exprimer leur soutien aux grévistes aurait également été arrêtée, pendant quelques heures seulement. Dans leur dernière communication, la CISL et la FITIM signalent que la police politique avait arrêté l'un des organisateurs de la grève, Osmar Mendonca, quand il proposait la reprise du travail au cours d'une réunion dans une église; les deux organisations apprennent que, le 22 mai, 12 syndicalistes auraient été libérés - dont Luis Inácio da Silva -, tandis que le même jour les autorités arrêtaient six dirigeants syndicaux qu'elles soupçonnaient d'avoir poursuivi l'action déclenchée par ceux qui étaient en prison. Dans leur communication du 28 avril 1980, la CISL et la FITIM notent que, le 21 mai, la police a interdit aux grévistes de se réunir dans les districts où les assemblées générales devaient se tenir.
  5. 204. Les organisations plaignantes allèguent aussi que, le 14 mai 1980 - soit deux jours après la fin de la grève -, 1.507 travailleurs de la métallurgie ont été licenciés et elles insistent sur la nécessité d'adopter une nouvelle législation du travail en conformité avec les conventions de l'OIT.
  6. 205. Le FNT indique, dans sa communication du 5 janvier 1981, que les dirigeants syndicaux seront jugés en février, dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale. La CISL et la FITIM précisent dans leur communication du 6 février 1981 qu'il s'agit de Luis Inácio da Silva, Rubens Teodoro Arruda, Djalma de Souza Bom, Osmar Santos Mendoça, Enilson Simôes de Moura, Gilson Luiz Correia de Menezes, Jurandir Batista Magalhâes, Nelson Campanholo et Manoel Anisio Gomes, du Syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo et de José Cicotti, José Timoteo da Silva et José Maria de Almeida, du Syndicat des métallurgistes de Santo Andre.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 206. Le gouvernement déclare dans sa communication du 31 octobre 1980 que le fait d'avoir neutralisé "l'influence charismatique" de Luis Inácio da Silva, puis de l'avoir libéré ainsi que les autres dirigeants syndicaux, a ramené la paix sociale parmi les ouvriers métallurgistes de Sao Paolo.
  2. 207. D'après le gouvernement, la grève a été déclenchée le 31 mars 1980 après que les autorités du travail eurent épuisé toutes les possibilités de négociation afin de parvenir à une conciliation entre les syndicats des industries métallurgiques et les employeurs du Groupe 14 de la FIESP.
  3. 208. Entre autres revendications salariales, signale le gouvernement, les travailleurs réclamaient une augmentation de 15 pour cent en sus de l'indice national des prix à la consommation (INPC), qui aurait entraîné, si elle avait été accordée, un réajustement de presque 105 pour cent par an, et cela à une époque où l'inflation n'atteignait que 80 pour cent. Au cours des négociations qui ont précédé la grève, les employeurs ont fait plusieurs propositions, toujours plus avantageuses, d'augmentation des salaires en pourcentages en sus de l'INPC, mais elles ont toutes été rejetées.
  4. 209. Le gouvernement indique que le 1er avril 1980 le tribunal régional du travail de la deuxième région (TRT) a décidé une augmentation de 6 à 7 pour cent (selon la situation des travailleurs), liée à la productivité. Les travailleurs ont refusé cette augmentation et ont poursuivi la grève, au mépris de la décision du tribunal; c'est pourquoi, le 14 avril, le tribunal a déclaré la grève illégale, en vertu de l'article 25 de la loi no 4330, du 1er juin 1964, qui dispose que "la grève prend fin ... par décision d'un tribunal du travail", et en vertu de l'article 22 de la même loi selon lequel la grève est réputée illégale "si elle a pour but de modifier les conditions en vigueur ... d'une décision rendue par un tribunal du travail". D'autre part, le gouvernement signale qu'aucun recours n'a été présenté contre le jugement du 14 avril.
  5. 210. Le gouvernement déclare que les interventions du ministère dans les affaires des syndicats visaient à faire cesser un mouvement de grève qui s'écartait de ses objectifs et plaçait au second plan les revendications légitimes des travailleurs; ces interventions ont été effectuées en application de l'article 528 de la consolidation de la législation du travail, qui permet au ministre du Travail, en cas de conflit ou de circonstances perturbant le fonctionnement d'un syndicat, de le mettre sous son contrôle et de proposer ou d'exécuter les mesures nécessaires pour assurer le rétablissement de son fonctionnement normal. Les dirigeants syndicaux ont été destitués de leurs fonctions, poursuit le gouvernement, ainsi que la consolidation de la législation du travail le prévoit à son article 724 b pour les cas de suspension du travail ou de désobéissance aux décisions des tribunaux du travail à l'instigation ou sur l'ordre des dirigeants.
  6. 211. En ce qui concerne les arrestations et les interrogatoires, le gouvernement déclare que les dirigeants mentionnés par la CMT ont été emprisonnés pour avoir refusé la décision du tribunal relative à la cessation de la grève et pour avoir violé la loi sur la sécurité nationale, qui, à l'article 36, qualifie de délits les incitations à la transgression collective de la loi et à l'hostilité envers les forces armées ou entre celles-ci et les classes sociales ou les institutions civiles. Le gouvernement ajoute que l'incarcération des dirigeants syndicaux a été révoquée les 6 et 20 mai 1980, le pouvoir judiciaire continue d'enquêter sur les délits dont ils peuvent être coupables et leur procès est en cours.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 212. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la grève a été déclarée illégale par décision du pouvoir judiciaire parce que les dirigeants syndicaux et les travailleurs ont poursuivi leur action et ne se sont pas soumis à l'arbitrage obligatoire concernant les augmentations de salaire, décidé précédemment par le tribunal en application des articles 22 et 25 de la loi no 4330. Le comité relève également que la grève a pris fin le 12 mai 1980 et que la paix sociale règne actuellement dans le secteur métallurgique.
  2. 213. Après avoir examiné les déclarations du gouvernement, le comité signale, comme il l'a fait récemment au sujet de plaintes analogues présentées contre le gouvernement du Brésil, que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont les travailleurs et leurs organisations disposent pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Par conséquent, les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales.
  3. 214. Dans le présent cas, le comité observe que le litige entre les travailleurs et les employeurs du secteur métallurgique de Sao Paolo a été porté devant le tribunal qui, le lendemain du déclenchement de la grève, a rendu un jugement impératif qui réglait les questions salariales controversées et déclarait illégale, par conséquent, la poursuite de la grève. A cet égard, si, dans certains cas, le comité a reconnu que la notification préalable aux autorités administratives et l'obligation de recourir aux procédures de conciliation et d'arbitrage volontaire dans les conflits collectifs ne peuvent être considérées comme portant atteinte aux principes de la liberté syndicale, il doit toutefois signaler à l'attention du gouvernement que l'imposition de l'arbitrage obligatoire, qu'il soit de nature judiciaire ou administrative, risque de compromettre la possibilité pour les travailleurs de faire grève - surtout si ceux qui la font encourent de graves peines - et de les priver ainsi d'un moyen essentiel pour promouvoir et défendre leurs intérêts.
  4. 215. En ce qui concerne l'intervention des autorités dans les affaires des syndicats, la destitution des dirigeants syndicaux et leur remplacement par des fonctionnaires, le comité note que l'article 528 de la consolidation de la législation du travail autorise ces interventions en cas de conflits ou dans des circonstances perturbant le fonctionnement normal d'un syndicat; le comité note aussi que l'article 724b de ladite consolidation permet de destituer des dirigeants en cas de suspension de travail ou de refus d'appliquer les décisions prises par les tribunaux du travail.
  5. 216. A cet égard, le comité doit cependant rappeler qu'il a examiné à plusieurs reprises des cas concernant la mise sous contrôle de syndicats par les autorités brésiliennes. A chaque fois, le comité a attiré l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Le comité a également fait remarquer que la mise sous contrôle des organisations syndicales comporte un grave danger d'entraîner une limitation de ce droit. D'autre part, le gouvernement n'a pas indiqué s'il a mis un terme au contrôle des syndicats et si les dirigeants syndicaux ont pu reprendre leurs fonctions. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur ce point.
  6. 217. En ce qui concerne la détention des dirigeants syndicaux mentionnés par les plaignants et les procès dans lesquels ils vont comparaître, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle leur incarcération a pris fin, bien que ceux-ci fassent toujours l'objet de poursuites et que l'on continue d'enquêter sur les délits dont ils peuvent être responsables pour n'avoir pas respecté la décision du tribunal régional du travail. A cet égard, le comité doit souligner que le développement des relations professionnelles pourrait être compromis si l'on infligeait de manière inflexible des sanctions excessivement sévères aux travailleurs qui ont poursuivi la grève et, en particulier, des sanctions pénales. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé des résultats des actions judiciaires intentées contre les dirigeants emprisonnés.
  7. 218. Sur la base des considérations précédentes, le comité estime qu'il serait utile, pour le développement de relations professionnelles harmonieuses dans le pays, que le gouvernement modifie sa législation en tenant compte des principes exposés aux paragraphes ci-dessus.
  8. 219. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu, dans sa communication, aux allégations relatives à la dissolution arbitraire de certains syndicats, aux voies de fait perpétrées contre les travailleurs qui se trouvaient devant le siège de leurs syndicats le 18 avril et qui auraient fait des dizaines de blessés, à l'interdiction, notifiée le 21 avril par la police, de tenir des assemblées, à l'arrestation, pendant plusieurs heures, de la délégation de travailleurs agricoles venus manifester leur soutien aux ouvriers métallurgistes, et aux nombreux licenciements effectués deux jours après la fin de la grève. En conséquence, le comité prie le gouvernement de lui envoyer des informations complémentaires sur chacun de ces points.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 220. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
    • Le comité signale à l'attention du gouvernement que, s'il est admissible de subordonner la légalité de la grève à des procédures préalables de conciliation ou d'arbitrage volontaire, l'imposition dans l'actuel système juridique brésilien d'un arbitrage assorti d'une sentence obligatoire peut priver les travailleurs de la possibilité d'exercer légalement le droit de grève.
    • Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats des actions judiciaires intentées contre les dirigeants syndicaux mentionnés par les plaignants.
    • Il prie également le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour mettre un terme au contrôle des syndicats par les autorités.
    • Le comité prie le gouvernement de fournir des informations complémentaires sur les allégations, relevées au paragraphe précédent, auxquelles il n'a pas répondu.
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