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Rapport définitif - Rapport No. 208, Juin 1981

Cas no 981 (Belgique) - Date de la plainte: 08-JUIL.-80 - Clos

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  1. 97. Par des communications des 8 juillet et 18 août 1980, le Cartel des syndicats indépendants a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Belgique. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans une lettre du 16 février 1981.
  2. 98. La Belgique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 99. La plainte a trait à une prétendue tentative d'instauration par le gouvernement d'un monopole des "syndicats politiques" dans les services publics. Les plaignants rappellent que dans le passé ils avaient déjà déposé une plainte (cas no 655) contre un projet de loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, projet qui était devenu loi le 19 décembre 1974.
  2. 100. Dans le présent cas, les plaignants allèguent qu'un projet de loi du 3 décembre 1979, relatif à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale aux membres du personnel du secteur public affiliés aux organisations dites "représentatives", avantagerait les membres de ces organisations au détriment des membres affiliés et cotisant aux autres organisations syndicales. Depuis le dépôt de la plainte, le projet est devenu loi le 1er septembre 1980.
  3. 101. Les plaignants adressent essentiellement deux griefs à la loi en question. Le premier tient à ce que l'octroi d'une prime syndicale à certains membres du personnel constituerait une atteinte à la liberté syndicale, les travailleurs se laissant toujours influencer par l'octroi d'avantages pécuniaires, si minimes soient-ils. Sur ce point, ils expliquent que, là où la prime existe, les organisations syndicales non admises à la percevoir n'ont pratiquement pas de possibilité de survie. La prime constituerait, selon eux, un moyen de pression efficace. Le second grief invoqué tient à la rétroactivité, jusqu'en 1978, de la loi du 1er septembre 1980.
  4. 102. En outre, les plaignants expliquent que la loi nouvelle fait expressément référence, en son article 7, à la loi du 19 décembre 1974. Or cette dernière loi, qui n'est toujours pas appliquée, prévoit comme critère de reconnaissance en tant qu'organisation représentative l'obligation d'appartenir à une organisation siégeant au Conseil national du travail. Ce conseil, aux termes de la loi du 29 mai 1952, est composé des représentants des organisations représentatives des travailleurs nommés par le Roi parmi les candidats présentés par les organisations interprofessionnelles fédérées sur le plan national. Or, ajoutent-ils, quoique le cartel des syndicats indépendants satisfasse aux critères de la loi, sa demande de faire partie du conseil a toujours été repoussée pour différents motifs, depuis son instauration la répartition des sièges au Conseil national du travail étant restée inchangée.
  5. 103. Par ailleurs, les plaignants contestent les justifications avancées par le gouvernement lors de l'élaboration de la loi de 1980. Le gouvernement justifierait l'octroi de la prime par le fait que les organisations les plus représentatives ont davantage de charges que les autres, à cause de leur collaboration étroite avec les autorités administratives et politiques, notamment leur participation à la convention collective, la cogestion efficace de certains services, les avis qu'elles donnent dans les nombreux organes de consultation. Le gouvernement prétendrait que cette prime ne serait qu'une compensation partielle des efforts particuliers que les organisations les plus représentatives exigent de leurs membres afin de pouvoir exécuter les tâches qui leur sont confiées.
  6. 104. Sur le premier point, les plaignants déclarent que le cartel, quoi qu'il soit également à considérer comme une organisation représentative d'après le statut syndical du 20 juin 1955 (toujours applicable dès lors que les arrêtés d'exécution de la loi de 1974 n'ont pas encore été adoptés), n'a aucun droit à la prime syndicale nouvellement instaurée même si ses membres siègent dans divers organes de consultation. Sur le second point, les plaignants notent que, pour siéger dans les différentes commissions, les participants reçoivent des exemptions de service et leur salaire complet, les organisations syndicales dites "politiques" recevant, quant à elles, certains subsides de l'Etat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 105. Après avoir brossé un tableau général de la situation syndicale dans le secteur public, le gouvernement explique que la prime syndicale est inscrite dans deux conventions collectives du secteur public des 28 octobre 1977 et 26 mai 1978 et s'inspire de ce qui existe déjà depuis quelque dizaines d'années dans le secteur privé en matière d'avantages réservés aux syndiqués. Il affirme que ces avantages, fort répandus, constituent une forme de clause de sécurité syndicale.
  2. 106. Le projet de loi, déclare le gouvernement, a été soumis pour avis à l'examen du Conseil d'Etat le 18 juillet 1979. Ce dernier estime que l'octroi d'une prime syndicale aux seuls membres du personnel du secteur public qui sont affiliés aux organisations syndicales les plus représentatives n'est pas contraire au principe constitutionnel et légal de la liberté d'association, à condition que le montant de la prime ne soit pas tel que son octroi puisse en fait exercer une pression ou une contrainte sur l'agent en vue de le déterminer à s'affilier à une telle organisation syndicale.
  3. 107. Par ailleurs, indique le gouvernement, bien que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt rendu à propos du projet de loi en question, n'ait pas traité du principe d'égalité et de non discrimination, on peut, suivant en cela sa jurisprudence antérieure, conclure que ladite réglementation n'est pas contraire aux principes constitutionnels régissant la matière. L'égalité devant la loi n'est pas violée quand un avantage est accordé à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation, pour autant qu'elles forment une catégorie déterminée de façon objective indiquait le Conseil d'Etat dans un arrêté du 3 février 1967 prononcé dans une autre affaire. Tel est le cas des syndiqués, affirme le gouvernement, qui explique que les membres des organisations syndicales les plus représentatives peuvent être considérés comme une catégorie déterminée de façon objective: leurs organisations doivent en effet, aux fins d'être qualifiées d'organisations les plus représentatives, satisfaire à des critères de représentativité préalablement et objectivement déterminés sur un plan général par le législateur. Le gouvernement se réfère, en outre, à la doctrine belge pour déclarer quant à la distinction opérée entre les syndicats qu'il n'y a pas violation de la liberté d'association si les organisations syndicales sont traitées sur un pied d'égalité, dans la mesure où chacune d'elles a réellement contribué au développement de la vie économique et de la paix sociale, a participé aux négociations collectives: l'exclusion des petits syndicats, ajoute-t-il, peut se justifier s'ils ne sont pas à même d'apporter un concours efficient à la réalisation de ces objectifs.
  4. 108. La loi, explique le gouvernement, a déterminé pour chaque secteur (enseignement, administration de l'Etat, armée) quelles sont les organisations syndicales les plus représentatives dont les membres percevront la prime. Il déclare que son intention est que la répartition se fasse entre les membres des organisations les plus proches de la "base". En principe, elles sont accordées, pour les membres du personnel des administrations et autres services de l'Etat, en priorité, à ceux qui sont affiliés aux organisations syndicales aptes à siéger aux comités de secteur et, à défaut, aux organisations syndicales traditionnelles. Il est erroné de prétendre, selon le gouvernement, que les trois organisations syndicales traditionnelles bénéficieront, ipso facto, de la prime; d'autres pourront en bénéficier dans la mesure où elles satisfont aux conditions posées on ne peut soutenir, déclare le gouvernement, qu'il a par ce système tenté d'instaurer un monopole au profit de certains syndicats dits "traditionnels" parce que représentés au Conseil national du travail.
  5. 109. Toutefois, le gouvernement admet, qu'étant, selon lui, dans l'impossibilité de procéder au contrôle de la représentativité interne pour les années 1997, 1978, 1979, il a dû prévoir une période transitoire et adopter des critères de représentativité externe, à savoir notamment, avoir été affilié à une organisation représentée au Conseil national du travail. En conséquence, pour les trois années visées seuls les membres des trois organisations syndicales traditionnelles peuvent être pris en considération pour l'octroi de la prime.
  6. 110. Enfin, le montant de la prime sera fixé, déclare-t-il, de manière à n'exercer aucune pression ou contrainte sur les agents, et ce sous le contrôle des cours et tribunaux et du Conseil d'Etat. Pour chacune des années de référence 1977, 1978, le montant a été fixé à 700 francs belges, ce qui, indique le gouvernement, ne saurait constituer un réel moyen de pression.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 111. Dans le présent cas, les plaignants allèguent une tentative d'instauration d'un monopole des "syndicats politiques" dans le secteur public par l'octroi d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public affiliés à des organisations dites "représentatives" au détriment des membres affiliés et cotisant à d'autres organisations syndicales. Pour sa part, le gouvernement estime que l'attribution de la prime en question n'implique aucune discrimination en faveur des organisations syndicales traditionnelles.
  2. 112. D'une manière générale, le comité a toujours considéré que la possibilité pour un gouvernement d'accorder un avantage à une organisation déterminée ou de lui retirer risque d'aboutir à favoriser ou défavoriser un syndicat par rapport aux autres et de constituer par là un acte de discrimination; ce faisant, le gouvernement peut influencer directement ou indirectement le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. Dans le présent cas, le comité observe que l'avantage n'est pas octroyé à l'organisation elle-même mais aux membres cotisants. Cependant, l'octroi d'une prime pourrait de la même manière influer sur la décision des travailleurs d'adhérer à un syndicat déterminé or la liberté de choix des intéressés en la matière constitue un droit expressément consacré par la convention no 87.
  3. 113. La Conférence internationale du Travail, évoquant la question du caractère représentatif des syndicats au cours de la discussion du projet de convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, a admis, dans une certaine mesure, que des distinctions soient opérées parfois entre les divers syndicats en présence selon leur degré de représentativité à la condition que la détermination des organisations les plus représentatives se fasse d'après des critères objectifs et déterminés d'avance pour éviter toute possibilité de partialité ou d'abus.
  4. 114. Dans le cas d'espèce, la rétroactivité de l'octroi de la prime ne semble pas avoir été opérée selon ces principes dans la mesure où, pour les années 1977 à 1979, elle était accordée uniquement aux membres du personnel affiliés aux organisations dites traditionnelles, aux dires mêmes du gouvernement.
  5. 115. En revanche, les critères qui vont maintenant être appliqués semblent, eux, satisfaire aux principes d'une détermination objective au moins pour certains secteurs puisqu'il semble que les membres de toute organisation syndicale représentative d'un secteur déterminé seraient habilités à toucher la prime même s'il ne s'agit pas d'organisation adhérant aux "organisations traditionnelles". Le comité remarque, toutefois, que, dans d'autres secteurs, le personnel percevra la prime uniquement s'il fait partie d'associations de personnel affiliées à une organisation représentée au Conseil national du travail.
  6. 116. Enfin, le comité note que le montant de la prime, qui s'élève à 700 francs belges par personne par année, ne semble pas constituer un réel moyen de pression permettant de conclure que l'intention des pouvoirs publics en matière d'avantages octroyés à certains travailleurs serait de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir. Pour qu'il en demeure ainsi à l'avenir, le comité estime qu'il importe que le montant de la prime en question ne dépasse pas un niveau symbolique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 117. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions ci-dessus et en particulier d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qui s'attache à ce que tout avantage octroyé, par la loi, aux travailleurs qui adhèrent à un syndicat déterminé ne dépasse pas un niveau symbolique afin d'assurer qu'en aucun cas un avantage puisse être de nature à influencer indûment le choix des travailleurs en ce qui concerne l'organisation à laquelle ils entendent appartenir.
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