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Rapport définitif - Rapport No. 238, Mars 1985

Cas no 1007 (Nicaragua) - Date de la plainte: 20-NOV. -80 - Clos

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  1. 94. Le comité a examiné ce cas à diverses reprises (voir 208e rapport du comité, paragr. 371 à 391, 218e rapport, paragr. 437 à 466, et 233e rapport, paragr. 214 à 317, approuvés par le Conseil d'administration à ses 216e, 221e et 225e sessions, en mai-juin 1981, novembre 1982 et février-mars 1984, respectivement); l'examen le plus récent a eu lieu à sa réunion de mai 1984 (voir 234e rapport du comité, paragr. 418 à 431, approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session de mai-juin 1984), au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire. Le gouvernement a envoyé certaines informations dans une communication de janvier 1985.
  2. 95. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 96. Lorsque le comité a examiné le cas à sa réunion de mai 1984, il a formulé les recommandations suivantes sur l'allégation qui était restée en instance (relative à la mort de M. Jorge Salazar Argüello, vice-président du Conseil supérieur de l'entreprise privée - COSEP):
    • "a) Le comité exprime sa surprise en constatant la contradiction qui existe entre le jugement du 1er mars 1982 (selon lequel le vice-président du COSEP, M. Jorge Salazar, aurait tiré le premier des coups de feu contre la patrouille de la sécurité, ce qui aurait conduit à son décès) et deux communications du gouvernement, l'une antérieure et l'autre postérieure à ce jugement (dans lesquelles il est implicitement et explicitement reconnu que M. Salazar n'était pas armé au moment des faits), et ceci d'autant plus que le jugement en question n'a été transmis par le gouvernement que presque deux ans après avoir été rendu. Le comité demande donc instamment au gouvernement d'expliquer cette contradiction et ce délai.
    • b) Le comité demande au gouvernement d'indiquer si le jugement du 1er mars 1982 a l'autorité de la chose jugée et s'il était possible de recourir en appel contre ce jugement ou si l'instance supérieure a été consultée d'office. "

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 97. Au sujet de la contradiction dont le comité fait état à l'alinéa a) des recommandations qu'il a formulées à sa réunion de mai 1984, le gouvernement déclare que les commentaires d'un fonctionnaire d'un gouvernement, et même d'un ministre, ne peuvent être considérés comme une preuve irréfutable, et encore moins être opposés à la force juridique du jugement rendu par un tribunal qui rappelle la déclaration d'un des principaux personnages qui ont participé aux événements en question. Seules les personnes qui se trouvaient sur le lieu des événements peuvent témoigner des faits survenus. Dans sa déclaration, M. Moncada Lau, d'après le gouvernement, principal complice de M. Salazar, indique clairement que ce dernier était armé et qu'il avait, par instinct de conservation (selon les termes mêmes de M. Moncada Lau), ouvert le feu contre la patrouille, pensant qu'il s'agissait de la patrouille de la sécurité de l'Etat, motivé certainement par le fait qu'il était pleinement conscient du délit qu'il était en train de commettre, en l'occurrence le transbordement illicite d'armes.
  2. 98. Le gouvernement fait observer, cependant, que le fait de savoir si M. Salazar était armé ou non est un détail qui n'a pas à être examiné par le comité; il s'agit d'une question qui relève du pénal et qui, par conséquent, doit être analysée par les tribunaux de justice propres au pays pour rendre leur jugement.
  3. 99. Le gouvernement déclare également que le jugement rendu au sujet de M. Salazar prouve clairement qu'il s'agit d'une affaire de politique intérieure du pays, dans le cadre de laquelle un groupe de personnes dirigé par Jorge Salazar organisait un mouvement de conspiration contre le gouvernement et ses autorités. Les activités auxquelles se livrait alors M. Salazar ne peuvent être qualifiées nulle part d'activités syndicales. Accepter que le transbordement illicite d'armes et que les activités de conspiration constituent une fin pour les organisations, qu'elles soient de travailleurs ou d'employeurs, conduirait à un terrain très dangereux et dénaturerait totalement l'esprit de la convention no 87 et, par là même, permettrait aux organisations de s'éloigner de leur finalité fondamentale. Le gouvernement estime que les faits cités ne constituent en aucune manière une violation des engagements qu'il a pris en matière de liberté syndicale.
  4. 100. Enfin, pour donner suite à la demande d'information du comité, le gouvernement déclare que, comme il est indiqué dans le jugement du 1er mars 1984, il existait la possibilité de recourir en appel. Toutefois, comme le défenseur n'avait pas usé de ce recours dans le délai légal, l'autorité judiciaire a donné un caractère définitif au jugement, qui a pris ainsi l'autorité de la chose jugée. Pour le reste, le système nicaraguayen ne prévoit pas la consultation d'office de l'instance supérieure.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 101. Le comité note que le gouvernement, dans sa réponse de janvier 1985, fait entièrement crédit à la version des circonstances de la mort de M. Jorge Salazar Argüello, vice-président du COSEP, retenue par l'autorité judiciaire dans son jugement du 1er mars 1982, et selon laquelle M. Salazar aurait tiré le premier contre la patrouille de la sécurité de l'Etat qui a entraîné sa mort. Le comité observe également que le gouvernement a modifié la version des faits qu'il avait avancée au début selon laquelle M. Salazar n'était pas armé au moment des faits, en déclarant que les commentaires d'un fonctionnaire d'un gouvernement, et même d'un ministre, ne peuvent être considérés comme constituant une preuve irréfutable, et encore moins être opposés à la force juridique du jugement d'un tribunal.
  2. 102. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'appartient pas au comité d'examiner si M. Salazar était armé ou non, le comité doit souligner qu'un examen des circonstances du décès constitue au contraire un élément essentiel pour déterminer les faits avec exactitude et se prononcer ainsi en toute connaissance de cause sur les allégations formulées.
  3. 103. Le comité constate et s'étonne que le gouvernement soit revenu sur les déclarations qu'avait faites antérieurement son porte-parole, le ministre de l'Intérieur, au sujet des circonstances dans lesquelles s'est produit le décès de M. Salazar Argüello. Le comité déplore également que le gouvernement n'ait donné aucune raison de l'important retard enregistré dans l'envoi du jugement du 1er mars 1982 relatif à la mort de M. Salazar, qui n'a été transmis par le gouvernement que près de deux ans après qu'il eut été rendu. Le comité estime, dans ces circonstances, que le climat d'incertitude et de doute qui subsiste sur les circonstances dans lesquelles s'est produit le décès de M. Salazar n'a pu qu'influer de façon dommageable sur les relations professionnelles et la confiance qui doit régner dans les organisations professionnelles pour que puisse s'exercer la liberté syndicale.
  4. 104. Le comité note, enfin, qu'il existait la possibilité de recourir en appel au jugement du 1er mars 1982, mais que le défenseur n'a pas usé de cette prérogative, ce qui a conféré un caractère définitif au jugement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 105. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité déplore que le gouvernement n'ait donné aucune raison de l'important retard enregistré dans l'envoi du jugement du 1er mars 1982 relatif à la mort de M. Salazar Argüello, vice-président du COSEP, qui n'a été transmis par le gouvernement que près de deux ans après qu'il eut été rendu.
    • b) Le comité constate et s'étonne que le gouvernement soit revenu sur les déclarations qu'avaient faites antérieurement son porte-parole, le ministre de l'Intérieur, sur les circonstances dans lesquelles s'est produit le décès de M. Salazar.
    • c) Le comité estime, dans ces circonstances, que le climat d'incertitude et de doute qui subsiste sur les circonstances dans lesquelles s'est produit le décès de M. Salazar n'a pu qu'influer de façon dommageable sur les relations professionnelles et sur la confiance qui doit régner dans les organisations professionnelles pour que puisse s'exercer la liberté syndicale.
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