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Rapport intérimaire - Rapport No. 233, Mars 1984

Cas no 1054 (Maroc) - Date de la plainte: 23-JUIN -81 - Clos

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  1. 318. Le comité a examiné le présent cas deux fois, dont la dernière à sa réunion de novembre 1982, au cours de laquelle il a présenté des conclusions intérimaires au Conseil d'administration. [218e rapport, paragr. 506 à 555, approuvé par le Conseil d'administration à sa 221e session (novembre 1982).] Depuis lors, la Confédération démocratique du travail (CDT) a envoyé des informations complémentaires le 2 novembre 1982, le 30 avril et les 3 et 16 novembre 1983.
  2. 319. A ses réunions de février et mai 1983, le comité avait demandé au gouvernement s'il serait disposé à accepter qu'une mission de contacts directs soit effectuée au Maroc par un représentant du Directeur général, et en juin 1983, pendant la 69e session de la Conférence internationale du Travail, le président du comité, conformément à la procédure, s'est entretenu de cette question avec les délégués gouvernementaux du Maroc à la Conférence.
  3. 320. Le gouvernement a transmis des observations complémentaires sur le présent cas dans ses communications datées des 16 mai et 27 octobre 1983 et, le 4 novembre 1983, il a communiqué son accord de principe pour une mission de contacts directs. [Cette dernière information a été notée par le comité au paragraphe 13 de son 230e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 224e session (novembre 1983).] Le gouvernement a fourni des informations complémentaires le 28 novembre 1983.
  4. 321. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 322. Les plaintes se rapportaient à l'origine à la mort ou aux blessures dont avaient été victimes plusieurs centaines de personnes pendant les manifestations organisées à l'occasion de la grève générale de vingt-quatre heures déclenchée par la CDT le 20 juin 1981; à l'arrestation de syndicalistes - et notamment de quatre dirigeants syndicaux nationaux qui étaient emprisonnés depuis plus d'une année sans avoir été jugés lors du dernier examen du cas; à la fermeture des locaux de la CDT et aux licenciements qui avaient eu lieu dans divers secteurs après la grève. Les nouvelles allégations formulées concernent l'interdiction faite à la CDT de célébrer le 1er mai 1982 et la condamnation à un an de prison d'un dirigeant de cette organisation pour avoir distribué un communiqué de presse sur la situation syndicale. Les réponses du gouvernement sur le fond du cas se rapportaient aux licenciements, à la fermeture des locaux syndicaux et à l'emprisonnement d'un dirigeant de la CDT pour infraction à la législation sur la diffusion d'informations.
  2. 323. A sa réunion de novembre 1982, le comité avait recommandé au Conseil d'administration d'approuver les conclusions intérimaires suivantes:
    • "a) Compte tenu du temps écoulé depuis la première proposition de mission sur place adressée au gouvernement (août 1981), le comité déplore vivement l'absence de consentement du gouvernement à ce qu'un représentant du Directeur général ait pu se rendre sur place pour examiner les questions en instance. Le comité est convaincu qu'une telle mission contribuerait à une meilleure connaissance de la situation syndicale et à un examen utile des solutions à apporter aux problèmes posés. Le comité recommande au Conseil d'administration de charger le Directeur général d'effectuer une nouvelle démarche auprès des autorités gouvernementales pour que la mission puisse avoir lieu dans un bref délai.
    • b) En ce qui concerne les allégations relatives à la mort de nombreuses personnes lors des manifestations, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas fourni les observations complémentaires qui lui avaient été demandées sur ce point. Il prie instamment à nouveau le gouvernement d'indiquer si une enquête judiciaire a été effectuée sur les circonstances de ces décès et, dans l'affirmative, d'en fournir le résultat.
    • c) Pour ce qui est de l'arrestation des syndicalistes mentionnés par les plaignants et, en particulier, des quatre dirigeants nationaux de la CDT en détention préventive depuis plus d'un an pour avoir appelé à une grève et qui, au dire des plaignants, encourent des peines de cinq à vingt ans de prison, le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur leur situation actuelle, ainsi que sur celle de toutes les personnes détenues mentionnées en annexe au 214e rapport du comité.
    • d) Au sujet des allégations concernant le licenciement de syndicalistes à la suite de la grève de juin 1981, le comité invite le gouvernement à réexaminer la situation des travailleurs licenciés pour fait de grève en vue de rétablir un meilleur climat de relations professionnelles.
    • e) A propos de la fermeture alléguée des locaux syndicaux de la CDT, le comité, notant les assurances données par le gouvernement selon lesquelles les autorités n'ont pas eu recours à la fermeture des locaux syndicaux, exprime le ferme espoir que la CDT continuera à exercer sans entrave ses activités à travers tout le pays.
    • f) S'agissant de la peine d'un an de prison ferme, qui a frappé le dirigeant national de la CDT, M. Bouzabaa, pour avoir distribué un communiqué de presse au cours d'une réunion organisée sans autorisation préalable et donc, au dire du gouvernement, porté atteinte à la "Loi sur les libertés publiques", le comité insiste sur l'importance du droit d'exprimer ses opinions par voie de presse comme un moyen essentiel d'exercer ses droits syndicaux. En conséquence, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement adoptera une attitude de clémence à l'égard de ce dirigeant syndical et le prie de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • g) Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur l'allégation, à laquelle il n'a pas répondu, relative à l'interdiction qui aurait été faite à la CDT de célébrer le 1er mai 1982."

B. Informations complémentaires transmises par les plaignants

B. Informations complémentaires transmises par les plaignants
  1. 324. Dans une communication datée du 2 novembre 1982, la CDT allègue que le gouvernement poursuit sa campagne de répression à son encontre: ses quatre dirigeants demeurent détenus sans avoir été jugés, les membres et dirigeants de la CDT qui ont purgé leur peine en relation avec la grève de juin 1981 n'ont pas été réintégrés à leur poste de travail et quatre bureaux syndicaux (à Meknès, Nado, Bengrir et Kalâat-Sraghna) restent fermés par décision des autorités.
  2. 325. Le 30 avril 1983, la CDT a informé le Bureau que les autorités lui avaient interdit arbitrairement de célébrer le 1er mai 1983 alors qu'elles autorisaient d'autres organisations de travailleurs à le faire.
  3. 326. Dans sa communication datée du 3 novembre 1983, la CDT déclare que le 5 mai 1983 tous les membres de son bureau exécutif qui étaient détenus ont été libérés par amnistie royale, sauf son secrétaire général qui reste emprisonné sans avoir été jugé. Elle déclare en outre que deux bureaux syndicaux sont toujours fermés en vertu des décrets de 1981 (Bengrir et Kalâat-Sraghna) et qu'elle s'est vu refuser l'autorisation de participer à la sixième Conférence régionale africaine de l'OIT qui s'est tenue à Tunis en octobre 1983. Enfin, le plaignant souligne que, en 1983, des élections syndicales ont été organisées dans tous les secteurs, dont les résultats ont été favorables à la CDT, mais que le gouvernement et les employeurs ont néanmoins refusé tout dialogue avec elle malgré plusieurs démarches faites auprès des autorités à cet effet.
  4. 327. Le 16 novembre 1983, la CDT a informé le Bureau que le gouvernement l'avait invitée à participer au Séminaire de l'OIT sur la sécurité et la protection sanitaire qui devait se tenir à Rabat du 16 au 29 novembre, mais que les employeurs des représentants choisis par elle ont refusé de les autoriser à y assister.

C. Réponses du gouvernement

C. Réponses du gouvernement
  1. 328. Le 16 mai 1983, le gouvernement a communiqué certaines explications concernant l'interdiction de célébrer le 1er mai 1982, à savoir que les divergences entre dirigeants extrémistes et modérés de la CDT avaient provoqué le désordre et l'indiscipline dans les rangs de cette organisation, ce qui aurait pu provoquer des troubles et des atteintes à l'ordre public si les défilés du 1er mai avaient été autorisés.
  2. 329. Dans sa communications ultérieure du 27 octobre 1983, le gouvernement explique que la décision prise par les autorités locales d'interdire à la CDT d'organiser les défilés du 1er mai 1983 n'avait pas un caractère discriminatoire puisque la législation marocaine qui régit et organise la vie syndicale s'applique à tous les syndicats marocains sans distinction. Il indique que la décision visait au maintien de l'ordre public, car les divergences évoquées plus haut auraient pu engendrer des troubles de l'ordre public. Selon le gouvernement, seuls les défilés du 1er mai ont été interdits, ce qui laissait à la CDT la possibilité d'organiser d'autres manifestations dans ses locaux ou dans un stade de Casablanca; c'est la CDT qui a décidé de son propre chef d'annuler toutes les activités prévues à cette occasion.
  3. 330. Le 28 novembre 1983, le gouvernement a informé le Bureau que le secrétaire général de la CDT ainsi que tous les membres de cette organisation dont il a été question dans le présent cas avaient été libérés en novembre 1983 à la suite d'une grâce royale. Cette décision a été prise, déclare le gouvernement, dans le but de renforcer la paix sociale et de permettre à tous les citoyens marocains de participer aux élections législatives qui auront probablement lieu au début de 1984. Le gouvernement estime qu'étant donné que la visite envisagée du représentant du Directeur général au Maroc coïnciderait avec les élections et vu la nouvelle situation politique qui règne dans le pays, il conviendrait que le comité révise sa position dans le présent cas.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  • a) Les allégations en instance
    1. 331 Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement dans sa dernière communication, à savoir que tous les dirigeants de la CDT sont maintenant libérés pour protéger la paix sociale et pour leur permettre de participer aux élections législatives qui devraient avoir lieu au début de 1984. Le comité demande au gouvernement d'indiquer si tous les syndicalistes qui ont été libérés ont pu reprendre leurs activités syndicales.
    2. 332 Lors de son dernier examen du cas, le comité avait déploré que le gouvernement ne lui ait pas transmis les observations complémentaires qu'il lui avait demandées concernant la mort présumée de nombreuses personnes pendant les manifestations organisées à l'occasion de la grève générale de vingt-quatre heures, le 20 juin 1981. Le comité avait prié instamment le gouvernement de lui indiquer si une enquête judiciaire avait été ouverte touchant les circonstances de ces décès et, dans l'affirmative, de l'informer des résultats de cette enquête. Lors du présent examen de cet aspect du cas, le comité doit, une fois de plus, noter avec un profond regret que le gouvernement n'a pas fourni d'informations complémentaires sur cette grave allégation. Le comité tient à attirer tout particulièrement l'attention du gouvernement sur le principe bien établi selon lequel il convient de procéder dans les meilleurs délais à une enquête judiciaire indépendante pour éclaircir les cas allégués de décès et d'actes de violence afin d'élucider pleinement les faits, de déterminer les responsabilités et de punir des coupables. [Voir, par exemple, 218e rapport, cas no 1100 (Inde), paragr. 685, et 222e rapport, cas no 1155 (Colombie), paragr. 273.1 En conséquence, le comité réitère la demande qu'il avait formulée au gouvernement au sujet de l'enquête judiciaire sur ces événements.
    3. 333 En ce qui concerne l'interdiction faite à la CDT de célébrer le 1er mai en 1982 et en 1983, le comité prend note des réponses détaillées du gouvernement l'informant que l'interdiction ne concernait que les défilés et non pas les activités organisées dans les locaux de la CDT ou dans un stade de Casablanca - et que cette interdiction se justifiait par le risque d'atteintes à l'ordre public de la part des factions rivales au sein de la CDT. Le comité tient à rappeler à cet égard que le droit d'organiser des réunions et des défilés publics, notamment le 1er mai, constitue un important aspect des droits syndicaux. [202e rapport, cas no 823 (Chili), paragr. 334, et 204e rapport, cas no 962 (Turquie), paragr. 253.1 Il aimerait néanmoins souligner aussi que les organisations qui jouissent de ce droit doivent observer les dispositions générales concernant les réunions publiques, qui sont applicables à tous les citoyens [voir, par exemple, 204e rapport, cas no 941 (Guyane), paragr. 2811, et que l'interdiction de défilés ou de manifestations sur la voie publique aux points les plus névralgiques d'une ville, lorsque les autorités craignent que des troubles ne se produisent, n'a pas été considérée dans le passé comme portant atteinte aux droits syndicaux. [127e rapport, cas no 660 (Maurice), paragr. 291.1
    4. 334 S'agissant des allégations suivant lesquelles deux bureaux syndicaux (à Bengrir et Kalâat-Sraghna) restent fermés en vertu des décrets de 1981, le comité tient à rappeler le principe général qui veut que le droit à la protection des biens syndicaux compte parmi les libertés civiles qui sont indispensables à l'exercice normal des droits syndicaux. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la réouverture de ces locaux et de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    5. 335 Au sujet des syndicalistes qui avaient participé à la grève de 1981 et qui n'ont toujours pas été autorisés à reprendre leur travail, le comité tient à rappeler d'une manière générale que, lorsque des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux sont licenciés pour faits de grève, on est fondé à conclure qu'ils ont été pénalisés dans l'exercice légitime de leurs activités syndicales et ont fait l'objet d'une discrimination antisyndicale contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir, par exemple, 214e rapport, cas nos 988 et 1003 (Sri Lanka), paragr. 507.] Le comité demande au gouvernement de l'informer de toute mesure qui serait prise en vue de leur réintégration.
  • b) Les nouvelles allégations
    1. 336 Dans ses deux communications de novembre 1983, la CDT allègue qu'elle n'a pas été autorisée à assister à deux réunions de l'OIT, à savoir la sixième Conférence régionale africaine qui a eu lieu à Tunis en octobre 1983 et le Séminaire sur la sécurité et la protection sanitaire qui s'est tenu à Rabat en novembre 1983. Selon la CDT, elle avait été invitée par le gouvernement à participer au séminaire, mais les syndicalistes choisis n'ont pas pu y assister en raison du refus de leurs employeurs. Le comité note que le gouvernement ne présente pas d'observations sur ces allégations. Vu que les travailleurs marocains étaient représentés au sein de la délégation officielle à la conférence régionale et qu'aucune plainte n'a été présentée dans le cadre de la procédure de vérification des pouvoirs concernant les délégués travailleurs intéressés, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part d'examen plus approfondi. En outre, il a appris qu'un représentant de la CDT avait effectivement assisté au Séminaire sur la sécurité et la protection sanitaire (la liste officielle des participants étant disponible au Bureau). Le comité estime donc que cette allégation n'appelle pas, elle non plus, d'examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 337. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et notamment les conclusions suivantes:
    • a) Le comité note que tous les dirigeants syndicaux dont il est question dans la plainte ont été libérés et que le pays est à la veille des élections législatives qui vont avoir lieu au début de 1984 avec, selon le gouvernement, la pleine participation des syndicalistes. Le comité demande au gouvernement d'indiquer si tous les syndicalistes qui ont été libérés ont pu reprendre leurs activités syndicales.
    • b) Le comité note une fois de plus avec un profond regret que le gouvernement n'a pas fourni d'informations complémentaires sur la mort présumée de nombreuses personnes pendant les manifestations qui ont eu lieu à l'occasion de la grève générale du 20 juin 1981_ Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement d'indiquer si une enquête judiciaire a été effectuée sur les circonstances de ces décès et, dans l'affirmative, d'en fournir le résultat.
    • c) Le comité note que, selon le gouvernement, les défilés de la CDT sur la voie publique pour célébrer le 1er mai en 1982 et en 1983 auraient pu engendrer des troubles de l'ordre public. A cet égard, le comité rappelle que le droit d'organiser des réunions et des défilés publics, notamment le 1er mai, constitue un important aspect des droits syndicaux.
    • d) En ce qui concerne les allégations suivant lesquelles deux bureaux syndicaux restent fermés en vertu des décrets de 1981, le comité rappelle que le droit à la protection des biens syndicaux compte parmi les libertés civiles indispensables à l'exercice normal des droits syndicaux. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la réouverture de ces locaux et de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • e) En ce qui concerne les syndicalistes qui avaient participé à la grève et qui n'ont toujours pas été autorisés à reprendre leur travail, le comité rappelle que, lorsque des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux sont licenciés pour faits de grève, on est fondé à conclure qu'ils ont été pénalisés dans l'exercice légitime de leurs activités syndicales et ont fait l'objet d'une discrimination antisyndicale contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de l'informer de toute mesure qui serait prise en vue de leur réintégration.
    • f) Pour ce qui est des dernières allégations concernant le refus d'autoriser la CDT à assister à deux réunions organisées par` l'OIT, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi de sa part.
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