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Rapport intérimaire - Rapport No. 214, Mars 1982

Cas no 1065 (Colombie) - Date de la plainte: 30-JUIN -81 - Clos

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  1. 400. L'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie (FSM) a formulé une plainte en violation des droits syndicaux en Colombie dans une communication du 30 juin 1981. L'organisation plaignante a adressé des informations complémentaires dans une communication du 23 juillet 1981. Le Congrès permanent de l'Unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL) s'est joint à la plainte sur un aspect du cas. Le gouvernement a envoyé ses observations le 16 décembre 1981.
  2. 401. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 402. Dans sa communication du 30 juin 1981, l'Union internationale des travailleurs de la métallurgie (FSM) rappelle que la Colombie vit sous l'empire de l'état de siège depuis plus de trente ans. Depuis 1978, le décret sur le "Statut de sécurité" est appliqué et, au dire de l'organisation plaignante, une série de décrets a été édictée afin de restreindre les activités des syndicats. Il en est ainsi notamment des décrets exigeant pour les travailleurs l'obtention d'une autorisation préalable des autorités gouvernementales pour tenir une assemblée générale, pour déclarer une grève ou approuver un budget. L'absence d'autorisation rend ces activités syndicales illégales; l'exercice du droit de grève a également été limité par décret à 40 jours dans des entreprises autres que des entreprises publiques, les grèves s'y terminent par l'arbitrage obligatoire et les travailleurs sont contraints dans les trois jours de rejoindre leur poste de travail. Toujours selon l'organisation plaignante, la composition tripartite du tribunal d'arbitrage permet dans la majorité des cas aux représentants gouvernementaux et employeurs de s'entendre pour imposer un jugement contraire aux intérêts des travailleurs.
  2. 403. Plus précisément, l'organisation plaignante explique que les travailleurs colombiens ont inscrit, ces derniers temps, dans leur plate-forme de revendications, la lutte contre les tribunaux d'arbitrage obligatoire, contre l'augmentation du coût de la vie, contre l'état de siège et le Statut de sécurité et contre la fermeture de certaines entreprises; ainsi, le 13 mai 1981, ils ont déclenché une grève générale de deux heures à l'appel de l'une des centrales syndicales colombiennes: onze travailleurs, parmi lesquels sept dirigeants syndicaux ont été licenciés dans l'entreprise FACOMEC dans la ville de Cali et la direction de l'entreprise INDURRAJES de Medellin a demandé au gouvernement l'autorisation de licencier les dirigeants syndicaux. Dans les deux cas, il s'agissait de syndicalistes de la Fédération nationale des travailleurs de la métallurgie (FENATRAMETAL), fédération affiliée à l'UIS-Métal.
  3. 404. Par ailleurs, poursuit l'organisation plaignante, dans sa première communication, l'entreprise Van Deer Envases de Colombie a licencié cinq dirigeants syndicaux.
  4. 405. Dans une communication ultérieure, du 23 juillet 1981, l'UIS-Métal dénonce en outre l'arrestation, à la suite de la grève du 13 mai 1981, du trésorier de FENATRAMETAL, José Joaquim Romero, qui aurait été remis à la justice militaire. Selon l'organisation plaignante, il serait détenu à la "prison nationale modèle" de Bogota sans avoir été ni jugé ni condamné. Cette information est confirmée dans une communication du 3 août 1981 par le Congrès permanent de l'Unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL).
  5. 406. D'autre part, toujours dans le secteur de la métallurgie, plusieurs conflits du travail auraient abouti au licenciement de syndicalistes, allègue l'organisation plaignante. Ainsi, dans l'entreprise COLPRA de Barranquilla, les travailleurs, après avoir déposé un cahier de revendications pour obtenir la signature d'une convention collective, auraient, face au refus de négocier de la direction de l'entreprise, dû se mettre en grève. Un tribunal d'arbitrage obligatoire aurait alors été convoqué, mais, selon l'organisation plaignante, à la date de sa communication ledit tribunal ne se serait toujours pas réuni, de sorte que, même si les travailleurs obtiennent par la sentence arbitrale une augmentation de salaires, celle-ci ne sera pas rétroactive et les travailleurs auront perdu un an d'augmentation de salaires, conclut-elle. Par ailleurs, dans l'entreprise Faba et Coservicios de Medellin, le gouvernement aurait également convoqué un tribunal d'arbitrage qui ne se serait réuni qu'un an plus tard, gelant, par là même, les salaires des travailleurs. Dans l'entreprise "Compagnie colombienne automotrice", 180 travailleurs auraient été licenciés avec l'autorisation du ministère du Travail. Dans l'entreprise "Ascenseurs Atlas", les membres du comité directeur du syndicat auraient aussi été licenciés avec l'aval du gouvernement. Dans l'entreprise de carrosserie "Inca", 150 travailleurs auraient été licenciés après que le syndicat se soit vu refuser la négociation d'un cahier de revendications en vue de conclure une nouvelle convention collective. Enfin, dans l'entreprise "Eternit", la grève aurait été déclarée illégale et des travailleurs auraient été délogés par la police, détenus et licenciés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 407. Dans sa réponse du 16 décembre 1981, le gouvernement indique, au sujet de l'allégation relative à la détention de José Joaquim Romero, qu'il a prié la brigade des institutions militaires d'effectuer des recherches afin de déterminer la situation juridique de l'intéressé.
  2. 408. Pour les questions de licenciements de syndicalistes qui seraient intervenus dans les différentes entreprises, le gouvernement communique les informations suivantes.
  3. 409. Dans l'entreprise COLPRA de Barranquilla, après l'échec des négociations collectives, la grève qui a été déclarée s'est déroulée normalement. Cependant, en application des pouvoirs discrétionnaires qui lui sont conférés par le décret 939 de 1966, le ministre du Travail a convoqué un tribunal d'arbitrage qui n'a pas encore rendu son jugement.
  4. 410. Dans les entreprises Faba et Coservicios de Medellín, à la suite du dépôt de cahiers de revendications, le tribunal d'arbitrage a été convoqué et les parties sont arrivées à un accord.
  5. 411. Dans l'entreprise "Compagnie colombienne automotrice", la direction a demandé l'autorisation de procéder à des mises à pied à la Division du travail et de la sécurité sociale de Cundinamarca, laquelle y a consenti aux termes de l'acte administratif no 0030 du 30 janvier 1981, sur appel interjeté par les travailleurs licenciés. L'entreprise a été exonérée de responsabilité car elle a fait valoir qu'il s'agissait de licenciements économiques, mais elle a dû verser les prestations sociales légales et extra-légales aux intéressés et l'acte administratif prévoit qu'au cas où des syndicalistes auraient été licenciés, il faudrait procéder conformément à la loi sur les immunités syndicales. L'acte conclut que les intéressés peuvent introduire des recours devant la juridiction contentieuse administrative.
  6. 412. Dans l'entreprise des Ascenseurs Atlas, selon les vérifications effectuées par les différents services du ministère du Travail il n'y aurait pas eu de différend du travail entre la direction et le syndicat.
  7. 413. Pour ce qui est de l'entreprise de carrosserie inca, il ressort des informations communiquées par le gouvernement et de la documentation qu'il annexe à sa réponse que la direction de l'entreprise s'étant refusée à discuter un cahier de revendications présenté par le Syndicat national des travailleurs de l'industrie métal-mécanique, métallique, métallurgique et sidérurgique (SINTRAIME), celui-ci a dû introduire une plainte auprès du ministère du Travail le 12 août 1980. La direction de l'entreprise, pour refuser de négocier, a prétexté qu'elle n'avait pas été notifiée formellement de l'existence dudit syndicat et de son cahier de revendications et qu'elle avait signé par ailleurs un pacte collectif avec les travailleurs de l'entreprise le 12 septembre 1980, le service compétent du ministère du Travail a ordonné à la direction de l'entreprise, aux termes de la résolution no 15596, de négocier avec le syndicat. Cette résolution a été confirmés les 21 octobre et 1er décembre 1980 et le 8 février 1981. Par la suite, l'avocat de l'entreprise a introduit d'autres recours dont l'un fut jugé par la résolution no 05965 du 8 juillet 1981 par la Division du travail et de la sécurité sociale de Cundinamarca, laquelle a autorisé les licenciements de 18 travailleurs. Ces licenciements avaient été effectués par l'entreprise "Inca" entre le 1er juillet et le 15 août 1980. Cependant, sur appel interjeté par le syndicat SINTRAIME, l'autorité compétente a déclaré dans la résolution no 04910 du 4 novembre 1981 qu'il s'agissait de licenciements collectifs sans juste motif. Elle a sanctionné la direction de l'entreprise d'une peine d'amende et ordonné une enquête pour persécution antisyndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 414. Le comité note que la présente affaire a trait d'une manière générale aux tensions syndicales qui se manifestent dans le pays et concerne, en particulier, plusieurs entreprises du secteur de la métallurgie où il aurait été procédé à des licenciements antisyndicaux et à l'arrestation d'un dirigeant syndical à la suite de conflits du travail.
  2. 415. L'organisation plaignante brosse en effet un tableau de la situation syndicale d'où il apparaît que les travailleurs sont en lutte contre l'état de siège, le statut de sécurité et des décrets imposant des restrictions aux activités des syndicats, notamment pour ce qui concerne les pouvoirs de contrôle administratif de leurs activités et les restrictions au droit de grève. Le gouvernement ne fournit pas de commentaires sur ces points.
  3. 416. Le comité, pour sa part, a pris connaissance des dispositions législatives régissant les pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités administratives sur les activités des syndicats (articles 444, alinéa 2, et 486 du Code du travail, décret no 2655 de 1954 et décret no 672 de 1956, notamment) et les diverses dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire, et il relève que la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans les commentaires qu'elle a formulés en mars 1981 sur l'application de la convention no 87 ratifiée par la Colombie, a invité le gouvernement à harmoniser sa législation avec les dispositions de la convention. La commission d'experts a en particulier insisté sur la nécessité de réduire les pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités administratives en ces domaines et "d'assurer que le recours à l'arbitrage obligatoire soit limité aux cas de grave dans les services essentiels au sens strict", à savoir ceux dort l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population. Le comité veut croire que le gouvernement modifiera sa législation en ce sens.
  4. 417. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle à la suite de la grève générale de deux heures du 13 mai 1981, déclenchée par les travailleurs à l'appel de l'une des centrales syndicales, le trésorier de FENATRAMETAL José Joaquim Romero a été incarcéré à la prison nationale modèle de Bogota, le comité note avec regret que, malgré le temps écoulé, le gouvernement, sans nier les faits, se contente de déclarer qu'il procède à des recherches peur déterminer la situation juridique de l'intéressé. Le comité, tout en priant le gouvernement de le tenir informé de l'issue de ses recherches, souhaite attirer son attention sur les dangers que comportent les mesures de détention préventive en ce qu'elles peuvent constituer une grave ingérence dans les activités syndicales. A cet égard, le comité rappelle le droit pour toutes les personnes détenues d'être jugées équitablement dans les délais les plus prompts.
  5. 418. Au sujet des allégations de licenciements de syndicalistes, le comité observe avec une certaine préoccupation qu'il a été saisi à plusieurs reprises et encore dans le présent rapporte de plaintes relatives à des licenciements de syndicalistes coupables de vouloir faire valoir des revendications syndicales dans diverses branches de l'économie.
  6. 419. Dans la présente affaire, le comité relève que, selon les plaignants, le nombre total de personnes licenciées dans divers secteurs de la métallurgie s'élèverait à 350 militants et dirigeants syndicaux, et que certains de ces licenciements seraient intervenus à la suite d'une grève générale de deux heures le 13 mai 1981. Le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur les licenciements qui seraient intervenus dans certaines entreprises qui font l'objet d'allégations. En revanche, il a transmis ses observations sur d'autres entreprises. Dans certains cas, le gouvernement déclare ne pas avoir eu connaissance de l'existence de conflit du travail (Ascenseurs Atlas) ou qu'il a constaté que le conflit a été résolu par un accord (entreprise Faba et Coservicios) ou encore que les licenciements étaient justifiés par des raisons économiques (entreprise Compagnie colombienne automotrice).
  7. 420. Cependant, le comité observe que le gouvernement admet que dans l'entreprise COLPRA le ministre du Travail, en vertu des pouvoirs discrétionnaires que lui confère la loi, a convoqué un tribunal d'arbitrage obligatoire qui n'a pas encore rendu son jugement. Il observe également que, dans l'entreprise de carrosserie Inca, l'autorité compétente a déclaré qu'il y avait eu licenciement sans justes motifs et ordonné une enquête pour persécution antisyndicale.
  8. 421. D'une manière générale, face à des allégations de cette nature, le comité tient à rappeler, en premier lieu, l'importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs doivent pouvoir bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination antisyndicale et que cette protection doit particulièrement s'étendre aux dirigeants syndicaux. Ceux-ci doivent en effet, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales, avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Une telle protection ne doit pas être seulement prévue dans la législation, elle doit aussi être effectivement appliquée dans la pratique.
  9. 422. Le comité observe, d'ailleurs, que la législation colombienne en la matière prévoit expressément que seul le juge peut autoriser le licenciement d'un travailleur protégé par l'immunité syndicale s'il y a un juste motif, notamment des raisons économiques (articles 408 et 410 du Code du travail dans sa teneur modifiée). Or d'après les informations en la possession du comité, il n'apparaît pas que les licenciements de travailleurs protégés par l'immunité syndicale aient été opérés par les employeurs après avoir obtenu l'autorisation préalable du juge, conformément à la loi.
  10. 423. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de veiller auprès des employeurs au strict respect de la loi. En outre, pour ce qui est des griefs invoqués dans la présente affaire, il prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue du conflit dans l'entreprise COLPRA et de l'issue de l'enquête pour persécution antisyndicale dans l'entreprise de carrosserie inca.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 424. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) En ce qui concerne les allégations relatives aux décrets imposant des restrictions aux activités des syndicats, le comité veut croire que, comme la commission d'experts l'y a invité en mars 1981, le gouvernement pourra harmoniser sa législation avec les dispositions de la convention en réduisant les pouvoirs de contrôle dont disposent les autorités administratives sur les activités des syndicats et en assurant que "le recours à l'arbitrage obligatoire soit limité aux cas de grève dans les services essentiels au sers strict", à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions d'existence de l'ensemble ou d'une partie de la population.
    • b) Pour ce qui est de la détention présumée de José Joaquim Romero, trésorier de la FENATRAMETAL, à la prison nationale modèle de Bogota à la suite d'une grève générale de deux heures, le comité, notant avec regret que, malgré le temps écoulé, le gouvernement se contente de déclarer qu'il procède à des recherches pour déterminer la situation juridique de l'intéressé, rappelle les graves risques d'ingérence dans les activités syndicales qui peuvent résulter de la détention préventive de syndicalistes et prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue des recherches.
    • c) Au sujet des allégations de licenciements antisyndicaux, le comité prie le gouvernement de veiller auprès des employeurs au strict respect de la loi colombienne qui prévoit que seul le juge peut autoriser le licenciement d'un travailleur protégé par l'immunité syndicale. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé de l'issue du conflit dans l'entreprise COLPRA et de l'issue de l'enquête pour persécution antisyndicale dans l'entreprise de carrosserie inca.
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