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Rapport définitif - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1066 (Roumanie) - Date de la plainte: 10-JUIL.-81 - Clos

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  1. 87. Le comité a déjà examiné ce cas à quatre reprises, et le plus récemment à sa réunion de février 1984 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 233e rapport, paragr. 338 à 381, approuvé par le Conseil d'administration à sa 225e session (février-mars 1984).]
  2. 88. Depuis lors, le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 24 octobre 1984.
  3. 89. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas par le comité

A. Examen antérieur du cas par le comité
  1. 90. La plainte concernait les mesures de répression qui auraient été prises par les autorités roumaines à l'encontre des fondateurs et d'autres membres d'une organisation qui aurait été créée en 1979 sous le nom de "Syndicat libre des travailleurs de Roumanie" (SLOMR). Les allégations portaient également sur le sort de certaines personnes de la ville de Sighisoara censées être des militants du SLOMR, sur des mesures répressives qui auraient été prises à l'encontre de grévistes des houillères de la vallée du Jiu en 1977, ainsi que sur l'arrestation et l'emprisonnement de certaines personnes, dans la ville de Timisoara, en raison d'activités syndicales.
  2. 91. L'organisation plaignante avait allégué qu'en 1979 l'organisation dénommée "Syndicat libre des travailleurs de Roumanie" (SLOMR) avait été fondée par 20 personnes dont les noms figurent dans un document qui serait l'acte constitutif de la nouvelle organisation. Aux termes de cet acte constitutif, que le comité avait étudié, les objectifs déclarés de l'organisation étaient essentiellement de lutter pour le respect des droits de l'homme et, plus particulièrement, pour les droits des travailleurs. L'instrument précisait que l'organisation légalement constituée en conformité de la loi roumaine était affiliée à la Confédération mondiale du travail. Le plaignant avait allégué en termes généraux que cette tentative visant à constituer une organisation syndicale avait été immédiatement suivie par une série de mesures de répression de la part des autorités contre le syndicat et ses membres, y compris l'arrestation, l'internement en hôpital psychiatrique, l'exil, le passage à tabac et la condamnation expéditive. De son côté, le gouvernement avait énergiquement contesté l'existence d'une quelconque organisation nouvelle de ce genre et, par voie de conséquence, toute mesure de répression qui aurait été prise contre une telle organisation ou contre ses membres. Le gouvernement avait précisé que 15 des vingt membres fondateurs du SLOMR n'avaient pu être identifiés, que deux (Ionel Cana et Gheorghe Brasoveanu) étaient à la retraite et vivaient actuellement à Bucarest (après avoir été condamnés pour propagande fasciste, puis amnistiés), et trois (dont deux, Nicolae Gugu et Gheorghe Fratila, étaient à la retraite et l'autre, Ioana Grigore, était couturière) vivaient respectivement à Bucarest et à Otopeni et ne savaient rien du nouveau syndicat mentionné dans la plainte.
  3. 92. Estimant que les renseignements à sa disposition n'étaient pas suffisants pour lui permettre d'aboutir à des conclusions sur cet aspect du cas, le comité avait prié le gouvernement et les plaignants de fournir des informations plus précises à cet égard.
  4. 93. En réponse à cette demande, le plaignant avait transmis divers documents essentiellement établis sous forme d'articles dans des publications françaises. Ces informations donnaient plus de détails sur certains des membres fondateurs de l'organisation et des précisions sur les personnes qui auraient été les porte-parole ou les organisateurs du nouveau syndicat à Bucarest et dans d'autres régions du pays. En particulier, des informations détaillées étaient données concernant les deux personnes (Ionel Cana et Gheorghe Brasoveanu) qui auraient été membres fondateurs de l'organisation, les dates auxquelles elles auraient été arrêtées et les établissements où elles auraient été internées. Ces personnes auraient été arrêtées et détenues peu de temps après la date à laquelle la nouvelle organisation aurait été créée. Les documents transmis par le plaignant indiquaient aussi le nom de nombreuses autres personnes qui, selon lui, étaient des porte-parole ou des militants du SLOMR qui, dés lors que l'organisation a commencé à s'implanter dans diverses régions du pays, ont été persécutés ou arrêtés par la police roumaine de sécurité ou, dans certains cas, ont quitté le pays. Le gouvernement n'avait pas transmis d'informations précises en réponse aux dernières allégations du plaignant, mais il s'était borné à reprendre ses déclarations antérieures, niant que toute organisation de ce genre ait existé et, par voie de conséquence, que des mesures répressives aient pu être prises contre les fondateurs ou les membres de cette organisation.
  5. 94. S'agissant des allégations suivant lesquelles certaines personnes en rapport avec la nouvelle organisation auraient disparu (à savoir Vasile Paraschiv, Virgil Chender, Constantin Acrinei et Melania Mateescu), le comité avait décidé en février 1983, sur la base des informations fournies par le plaignant et par le gouvernement, que cet aspect du cas n'appelait pas un examen plus approfondi. Toutefois, par la suite, le plaignant avait formulé de nouvelles allégations. Il avait indiqué que divers particuliers ou organisations internationales avaient cherché sans succès à entrer en contact avec Vasile Paraschiv et Virgil Chender, et que Constantin Acrinei figurait parmi les signataires d'une lettre faisant état de la grève dans les mines de la vallée du Jiu en 1977 et de la répression qui avait suivi cette grève, et qu'il aurait été par la suite transféré dans une autre mine de Baia Borsa, dans le nord du pays. Le comité avait exprimé son regret que le gouvernement n'ait pas répondu expressément à ces allégations.
  6. 95. Pour ce qui est de l'allégation concernant la grève dans les mines de la vallée du Jiu en 1977 qui aurait été suivie par de sévères mesures de répression de la part des autorités, le plaignant avait fourni un document relatant de façon précise le déroulement de la grève. Il avait également communiqué le nom de certains mineurs contre lesquels des mesures auraient été prises après la grève (transfert dans d'autres mines plus petites ou rétrogradation). Le plaignant avait en outre fourni des renseignements au sujet du transfert dans un camp de travail forcé de plusieurs mineurs, dont certains étaient nommément désignés. Toutes les allégations relatives à cette grève de 1977 dans la vallée du Jiu avaient néanmoins été contestées en bloc par le gouvernement qui avait nié qu'une grève ait eu lieu et que des mesures de répression aient été prises à un moment donné.
  7. 96. En février 1983, le comité avait également demandé au gouvernement de lui indiquer les raisons précises de l'arrestation et de la détention de diverses personnes nommément désignées de la ville de Timisoara qui, selon le plaignant, auraient participé à l'implantation du SLOMR dans cette ville. Par la suite, le nom et l'adresse de nouveaux militants syndicaux de Timisoara avaient été indiqués par le plaignant, mais en revanche aucune explication ou information n'avait été fournie par le gouvernement pour donner suite à la demande du comité.
  8. 97. En l'absence de réponses détaillées de la part du gouvernement aux nombreuses et graves allégations formulées par le plaignant, notamment aux renseignements concrets et détaillés fournis par celui-ci dans sa dernière communication, le comité avait regretté que le gouvernement roumain n'ait pas, selon lui, répondu de façon détaillée aux graves allégations qui avaient été présentées contre lui et aux informations détaillées fournies par le plaignant qui, de l'avis du comité, pourraient mettre en question l'application des principes de la liberté syndicale en Roumanie, et notamment celle des conventions sur la liberté syndicale ratifiées par la Roumanie. En outre, afin de pouvoir formuler ses conclusions dans le présent cas en pleine connaissance de cause et avec la plus grande objectivité possible, le comité avait demandé au gouvernement de lui faire savoir rapidement s'il était disposé à accepter l'envoi d'une mission de contacts directs qui serait chargée d'éclaircir tous les points en instance dans le présent cas et de lui faire rapport sur les résultats obtenus.
  9. B. Réponse du gouvernement
  10. 98. Dans sa réponse, le gouvernement brosse en premier lieu un tableau du développement économique de la Roumanie au cours des quatre dernières décennies qui s'est soldé par un fort accroissement des revenus. Le gouvernement estime que de telles réalisations en matière d'économie et de niveau de vie n'auraient pu être réalisées si les droits de l'homme, et notamment la liberté d'association, n'avaient pas été respectés ou si des mesures répressives avaient été exercées à l'encontre des travailleurs.
  11. 99. Retraçant l'historique du mouvement syndical en Roumanie, le gouvernement signale qu'en 1872 ont été créées l'Association générale des travailleurs roumains, puis, en 1906, la Commission générale des syndicats de Roumanie, ce qui prouve, ajoute-t-il, que l'unité des travailleurs roumains n'est pas un phénomène nouveau.
  12. 100. A l'heure actuelle, l'Union générale des syndicats de Roumanie compte 7.500.000 adhérents, soit plus de 99 pour cent du total des salariés. Le droit d'association est garanti par la Constitution, et les organisations sociales - dont les syndicats - ne constituent pas des "courroies de transmission" mais participent directement, de façon responsable et efficace, à la solution des problèmes sociaux. Les organisations syndicales jouissent notamment du droit à l'initiative législative, et tous les projets de réglementation qui concernent les droits et les obligations des travailleurs sont soumis pour avis à l'Union générale des syndicats de Roumanie.
  13. 101. Considérant les attributions, le rôle et la position des syndicats dans la société roumaine, le gouvernement rappelle les termes de l'article 19, paragraphe 8, de la Constitution de l'OIT qui prévoit qu'en aucun cas l'adoption d'une convention ou recommandation par la Conférence ou la ratification de conventions par un Etat Membre ne devront être considérées comme affectant une loi, une décision, une coutume ou un accord qui assurent des conditions plus favorables aux travailleurs intéressés que celles prévues par une convention ou recommandation".
  14. 102. Au sujet des allégations concernant les vingt fondateurs du "Syndicat libre des travailleurs de Roumanie", le gouvernement rappelle qu'il a déjà fourni des informations sur cinq d'entre eux (Ionel Gheorghe Cana, Gheorghe Brasoveanu, Nicolae Gugu, Gheorghe Fratila et Ioana Grigore) et qu'il a déjà indiqué que les quinze autres personnes mentionnées étaient fictives. Se référant à chacune des personnes citées dans les allégations, le gouvernement indique qu'aucune d'entre elles n'habite à l'adresse indiquée par les plaignants. Plus précisément, le gouvernement fournit les informations suivantes au sujet de ces personnes:
  15. Ilie Blidaru soudeur: 7, rue Traïan, Drobeta Turnu-Severin. A l'adresse indiquée habite Nicolae Blidaru, qui travaille dans un magasin d'alimentation.
  16. Costel Haritoian tôlier: rue Crihala, bloc A.2, esc. B, appt. 4, Turnu. On peut supposer qu'il s'agit de la ville de Drobeta Turnu-Severin. A cette adresse et dans toute la ville, il n'existe aucune personne portant ce nom.
  17. Endra Molnar tôlier: rue Kiselef, bloc A.6, esc. 3, appt. 7, Turnu-Severin. A l'adresse indiquée n'habite pas cette personne. Dans la ville de Drobeta Turnu-Severin, il y a une personne portant le nom de Endre Molnar, électricien et non tôlier, qui a son domicile à une autre adresse et qui ignore l'existence d'un tel "syndicat".
  18. Romulus Bondea riveur: 14, rue Lenin, Turnu-Severin. A l'adresse indiquée habite Gheorghe Bordea, instituteur.
  19. Nicolae Mutu fondeur: 33, bd Republicii, esc. C, appt. 14, Turnu-Severin. A cette adresse habite Zaharia Mocioiu, tourneur.
  20. Aurelian Paunescu fondeur-mouleur: bd Tudor Vladimirescu, bloc B.2, appt. 2, Turnu-Severin. Dans la ville de Drobeta Turnu-Severin, il existe une personne portant le nom de Sebastian Paunescu qui a une autre adresse et est retraité. Vasile Otel polisseur. 54, rue Cicero, Turnu-Severin. A l'adresse indiquée habite Ilie Popescu, responsable d'un magasin.
  21. Aurel Mustachide riveur: 22, rue Proletari, Turnu-Severin. A cette adresse habite Ion Dobre, technicien.
  22. Nicolae Balamat soudeur. Calea Târgu-Jiu, bloc B.5, esc. 4, appt. 8, Turnu-Severin. A l'adresse en question habite Virgiliu Balamat, serrurier, qui ignore l'existence dudit "syndicat".
  23. Elena Pesmagiu soudeuse: rue Crihala, bloc C.4, appt. 5, Turnu-Severin. A cette adresse habite Paul Danila, mécanicien.
  24. Victoria Ivanovici électricienne: 103, rue Dorobanti, Turnu-Severin. A l'adresse indiquée habite Dumitru Pasare, retraité.
  25. Frosa Pesteanu femme de charge: 11, Calea Grivitei, Turnu-Severin. A cette adresse habite Gheorghe Rolea, chef de dépôt.
  26. Petre Papa soudeur: CET nord, bloc B.1, esc. 1, appt. 3, Turnu-Severin. Une personne ayant cette profession et cette adresse n'existe pas.
  27. Mihai Gheorghiu électricien. rue Marasti, Turnu-Severin. La personne n'existe pas à l'adresse indiquée où habite Dumitru Elenescu, retraité.
  28. Romica Badiu soudeur: 109, rue Dorobanti, Turnu-Severin.
  29. Cette personne n'existe pas à l'adresse indiquée parce que la rue Dorobanti n'a que 103 numéros.
  30. 103. Le gouvernement déduit de tous ces éléments que les allégations constituent une désinformation à laquelle se prêtent consciemment leurs auteurs. Il remarque en outre que les vingt noms mentionnés sur la liste des membres fondateurs groupent des personnes de trois localités différentes, dont l'une est située à une distance de plus de 340 kilomètres des autres et qu'elles occupent des professions et des emplois différents, certaines d'entre elles étant même retraitées. Le gouvernement estime qu'une telle structure de syndicat, même si ce dernier avait existé, ne correspondrait à aucune disposition des conventions pertinentes. Le gouvernement observe également que le syndicat en question est mentionné dans les allégations comme étant essentiellement un comité pour la défense des droits de l'homme qui se prononce notamment pour le respect de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant la liberté de quitter un pays et d'y revenir. Le gouvernement indique à cet égard que plusieurs personnes mentionnées dans les communications des plaignants ont demandé des passeports pour se rendre à l'étranger, sans aucun rapport avec une activité syndicale quelconque. Il relève aussi que, dans la documentation soumise en langue roumaine, sont utilisées une orthographe et des dénominations anciennes modifiées depuis plusieurs décennies. Ceci prouve, selon lui, que cette documentation a été rédigée par des personnes qui n'ont rien de commun avec le pays.
  31. 104. En ce qui concerne la situation d'autres personnes mentionnées dans la plainte, le gouvernement rappelle qu'il a déjà fourni des informations au sujet de:
  32. Vasile Paraschiv habite et travaille à Ploiesti.
  33. G. Jurca/Yurca n'a pas été identifié.
  34. Ion Dobre/Dobra n'a pas été identifié dans la ville de Lupeni, mais on a trouvé Constantin Dobre, ancien mineur, qui est devenu étudiant.
  35. Virgil Chender travaille dans une entreprise de la ville de Sighisoara et n'a déployé aucune activité liée au prétendu syndicat; en 1968, a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans pour une affaire d'escroquerie et de pots-de-vin.
  36. Melania Mateescu ancienne assistante médicale, divorcée en 1976, connue pour sa vie désorganisée, décédée en novembre 1980 par suite d'une intoxication alcoolique; n'a été connue pour aucune activité liée au prétendu syndicat. Constantin Acrinei on n'a pu identifier aucune personne portant ce nom.
  37. 105. Au sujet des "personnes de Timisoara" (Stefan Wolf "avec sa famille", Edgard Ludwig "avec son épouse", Helmut Reiter "avec son épouse", Hörst Gangler "avec ses parents, sa soeur et les grands-parents", Helmut Wallner "avec son frère et ses parents", Steffy Mayer, Carl Gibson, Erwin Ludwig), le gouvernement remarque qu'il s'agit de personnes qui ont demandé à s'établir à l'étranger et, dans plusieurs cas, l'ont fait. Les personnes en question n'ont pas été impliquées dans des actions qui auraient été liées au prétendu "syndicat". Par ailleurs, pendant les périodes où elles ont travaillé en Roumanie, la majeure partie de ces personnes étaient membres des syndicats de leur lieu de travail.
  38. 106. Les démêlés que certaines de ces personnes ont eus avec les organes judiciaires ne concernaient pas le domaine syndical mais, relevaient du droit commun. En témoigne le cas de Carl Gibson, dont la famille avait quitté le pays et qui, jusqu'au jour où il a lui-même légalement quitté le pays, est comparu devant la justice pour comportement social contraire aux réglementations légales (tentatives de passage frauduleux de la frontière).
  39. 107. Une annexe à la plainte se réfère à d'autres personnes qui auraient été réprimées pour activités syndicales. Etant donné que, dans la majorité des cas, les noms respectifs sont inintelligibles ou illisibles et sans les moindres données concernant le domicile des personnes en cause, précise le gouvernement, leur identification présente de réelles difficultés. Dans la mesure où cette identification est possible, ajoute-t-il, il résulte clairement que, les personnes mentionnées n'ont pas été impliquées dans des activités liées aux dispositions des conventions nos 87 et 98. Plusieurs d'entre elles réclament purement et simplement, pour diverses raisons, des passeports. C'est le cas, à titre d'exemples, des personnes suivantes: Alexandru Comsa, Radu Sorin Ghita, Nicolae Oblici, Sorin Marin, Lucianul Lucian, Mocanu Marian, Tiplea Mircea si Daniela. Pour résoudre de telles demandes, signale le gouvernement, la législation roumaine a des dispositions claires et chaque citoyen peut s'adresser aux autorités compétentes. Dans chaque cas bien fondé, on a pu trouver des solutions adéquates.
  40. 108. Les allégations relatives à la grève dans les mines de la vallée du Jiu, en 1977, sont, selon le gouvernement, dénuées de tout fondement. Il s'agissait en fait d'une lettre adressée aux autorités par quelques mineurs, dans laquelle les signataires considéraient qu'il convenait de souligner leur attitude à l'égard de la loi sur les pensions de retraite, ainsi que d'autres questions concernant la création d'emplois pour leur épouse dans les localités voisines, l'organisation de la production et du travail, la réduction du personnel non productif. Il est également possible, ajoute le gouvernement, que des personnes non informées ou malveillantes aient donné une fausse signification à des assemblées générales ou séances de production des mineurs, au cours desquelles on discute parfois directement et de façon animée, dans un esprit critique et autocritique, des problèmes de production, de travail et de vie, d'approvisionnement et de rétribution. Les mineurs et leurs syndicats disposent, selon le gouvernement, d'un ample éventail de possibilités pour discuter et résoudre avec la Direction des mines et les organismes d'Etat les problèmes liés au processus du travail et à la vie quotidienne. Chaque fois, des solutions ont été trouvées à la satisfaction des intéressés, ce qui démontre, toujours selon le gouvernement, le sérieux, la responsabilité et la sagesse avec lesquels les parties traitent les relations réciproques.
  41. 109. Le gouvernement remarque également que les mines de la vallée du Jiu sont fréquemment visitées par des délégations étrangères, y compris syndicales. On y a aussi organisé des stages de spécialisation pour différents boursiers étrangers, dont certains sont venus par l'intermédiaire du BIT. Il est évident, ajoute le gouvernement, que de telles actions internationales constructives de coopération et d'échange d'expériences ne pourraient pas avoir lieu dans une zone minière où auraient lieu des grèves ou bien où régneraient la terreur et les répressions, comme le prétendent les plaignants. Le gouvernement fournit également des statistiques sur la production minière et les conditions de travail qui prévalent dans ce secteur d'activité.
  42. 110. En conclusion, le gouvernement déclare que les auteurs des allégations se sont principalement livrés à une spéculation politique sur des informations douteuses. Ce fait est, selon lui, corroboré par le langage irrévérencieux et inacceptable qui a été utilisé. C'est pourquoi le gouvernement demande avec insistance qu'un terme soit mis à ce cas entièrement fabriqué au profit d'intérêts politiques complètement étrangers aux buts, aux principes et à l'universalité de l'OIT.

T. Conclusions du comité

T. Conclusions du comité
  • C. Conclusions du comité
    1. 111 Le comité a examiné une nouvelle fois les différents aspects du cas à la lumière des observations les plus récentes transmises par le gouvernement. Comme dans ses communications précédentes, le gouvernement nie l'existence de toute organisation syndicale nouvelle. Il relève par ailleurs que, selon les déclarations mêmes des plaignants, l'organisation serait essentiellement un comité de défense des droits de l'homme et qu'elle regrouperait des personnes habitant dans des localités différentes et occupant des professions et emplois divers.
    2. 112 A cet égard, le comité doit constater que des preuves de la création d'une organisation intitulée "Syndicat libre des travailleurs de Roumanie" (SLOMR) ont été fournies par les plaignants. Ceux-ci ont en effet communiqué à l'appui de leurs allégations l'acte constitutif de l'organisation en question.
    3. 113 Afin de se forger une opinion sur la nature de cette organisation, le comité a de nouveau examiné la teneur de son acte constitutif. Il y est précisé que le SLOMR lutte pour le respect des droits fondamentaux de l'homme, en mettant tout particulièrement l'accent sur les droits qui découlent des rapports du travail. L'organisation ne se propose pas d'entreprendre des actions à caractère politique, car elle établit une distinction entre la défense des droits politiques du citoyen et des activités à caractère politique. Le SLOMR déclare également militer pour l'application effective de l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui prévoit le droit à un niveau de vie suffisant quant à la nourriture, aux vêtements et au logement, ainsi que pour le respect de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant le droit des personnes de quitter leur pays et d'y revenir. L'organisation se propose de lutter en premier lieu pour le respect des droits des citoyens dans les rapports de travail (droit au travail, lutte contre le chômage, amélioration des conditions de travail, droit au repos hebdomadaire, réduction de la durée du travail, approvisionnement de la population).
    4. 114 La question initiale qui se pose dans le présent cas est de déterminer si le SLOMR peut être considéré comme une organisation ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, selon la définition de l'article 10 de la convention no 87. Le comité relève à cet égard que l'acte constitutif du SLOMR insiste sur l'activité de l'organisation dans le domaine des relations de travail et dresse une liste de thèmes à caractère économique et social sur lesquels elle entend lutter. Le fait, comme le souligne le gouvernement, que le SLOMR se propose de militer pour les droits de l'homme ne constitue pas, de l'avis du comité, une preuve suffisante pour affirmer que l'organisation en question ne serait pas de nature syndicale. Le comité estime en effet que, pour jouer réellement et efficacement leur rôle de défense et de promotion des intérêts des travailleurs, les syndicats doivent pouvoir agir dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estiment ne pas jouir des libertés essentielles indispensables pour mener à bien leur mission, les syndicats sont fondés à demander la reconnaissance et l'exercice de ces libertés et que de telles revendications doivent être considérées comme entrant dans le cadre d'activités syndicales légitimes.
    5. 115 De l'avis du comité, les allégations présentées posent donc la question de la possibilité pour les travailleurs de constituer librement les organisations de leur choix. Dans ce contexte, le comité doit à nouveau rappeler que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a adressé au gouvernement un certain nombre d'observations ayant trait, notamment, à l'article 164 du Code du travail, aux termes duquel le fonctionnement des syndicats se conforme aux règles de la Confédération générale des syndicats, à l'article 26 de la Constitution de la Roumanie et à l'article 165 du Code du travail, qui semblent établir un lien étroit entre les syndicats et le Parti communiste roumain. La commission d'experts a considéré que ces dispositions restreignent apparemment le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et rendent juridiquement impossible de constituer des organisations indépendantes du parti.
    6. 116 Le comité note les explications fournies par le gouvernement selon lesquelles l'unité du mouvement syndical roumain remonte à une époque lointaine. Sur ce point, le comité souhaite se référer aux principes établis en la matière par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective. [Voir Conférence internationale du Travail, 69e session, 1983 (rapport III, partie 4B), Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 137.] La commission a estimé que, même dans le cas d'un monopole de fait, conséquence d'un regroupement de tous les travailleurs, la législation ne doit pas institutionnaliser cette situation de fait en citant, par exemple, nommément la centrale unique, et ceci même s'il s'agissait là d'une revendication de l'organisation syndicale existante. En effet, même dans la situation où, à un moment donné de la vie sociale d'un pays, une unification du mouvement syndical a eu les préférences de tous les travailleurs, ceux-ci doivent cependant pouvoir sauvegarder, pour l'avenir, le libre choix de créer, s'ils le souhaitent, des syndicats en dehors de la structure syndicale établie. En outre, les droits des travailleurs ne souhaitant pas s'intégrer dans les syndicats ou la centrale existants doivent être également protégés.
    7. 117 Se référant aux déclarations du gouvernement relatives à l'article 19, paragraphe 8, de la Constitution de l'OIT, le comité doit signaler, comme cela a déjà été fait antérieurement, que l'absence de conformité d'une législation nationale avec une convention ne saurait, en vertu de cette disposition de la Constitution de l'OIT, être justifiée comme instituant une situation plus favorable aux travailleurs que pour autant que ces dispositions ne sont pas en contradiction avec elle. [Voir à cet égard Bulletin officiel, vol. LV, 1972, nos 2, 3 et 4, pp. 128-152. Voir aussi Conférence internationale du Travail, 63e session, 1977, rapport III (partie 4A), rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, p. 174.)
    8. 118 En l'absence d'éléments nouveaux sur cet aspect de l'affaire, le comité ne peut donc que souligner que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix - tel qu'il est garanti par l'article 2 de la convention no 87 - implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations de travailleurs indépendantes de la structure syndicale déjà existante comme de tout parti politique. Le comité note par ailleurs que, dans des rapports antérieurs adressés aux termes de l'article 22 de la Constitution de l'OIT au sujet de l'application de la convention no 87, le gouvernement s'était référé à la préparation d'une nouvelle législation syndicale. Il exprime donc le ferme espoir que cette nouvelle législation pourra être promulguée dans un proche avenir et qu'elle tiendra compte des commentaires formulés tant par la commission d'experts que par le comité lui-même, afin de donner plein effet aux garanties prévues par la convention no 87, ratifiée par la Roumanie. Le comité recommande en conséquence de signaler l'aspect législatif du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, afin que celle-ci puisse en tenir compte dans le cadre de l'examen régulier de l'application de la convention no 87.
    9. 119 Au sujet des mesures de répression qui auraient été exercées contre les fondateurs du SLOMR, le comité note que le gouvernement a fourni des informations sur cinq d'entre eux, dont trois ne savaient rien du nouveau syndicat mentionné dans la plainte. Pour ce qui est des deux fondateurs qui étaient les premiers signataires de l'acte constitutif du SLOMR - Ionel Cana et Gheorghe Brasoveanu - et sur lesquels les plaignants avaient fourni des informations détaillées (dates d'arrestation et lieux de détention), le gouvernement se borne à indiquer que ces personnes ont été condamnées pour "propagande fasciste" puis amnistiées. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas mentionné les faits précis qui étaient à l'origine de ces condamnations et qui lui auraient permis de déterminer si ces faits pouvaient être considérés comme liés à des activités syndicales légitimes.
    10. 120 En ce qui concerne les quinze autres membres fondateurs du SLOMR, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement, d'où il ressort que toutes ces personnes n'habitent pas à l'adresse indiquée dans la documentation fournie par les plaignants. Le comité estime cependant que le fait que les autorités n'aient pu retrouver les personnes en question aux adresses mentionnées dans la plainte ne suffit pas à lui seul à démontrer que celles-ci n'auraient pas participé à la création du SLOMR, d'autant que, selon le dire du gouvernement lui-même, plusieurs personnes citées nommément par les plaignants ont depuis lors quitté le pays. De même, en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à l'emprisonnement, pour activités syndicales, d'un certain nombre de personnes dans la ville de Timisoara, le comité note que, selon le gouvernement, les intéressés ont maintenant quitté le pays. Le comité rappelle à cet égard que les allégations indiquaient que ces personnes avaient été arrêtées et emprisonnées avant leur départ à l'étranger, ce que le gouvernement ne réfute pas, puisqu'il s'est borné à indiquer d'une manière générale qu'aucune d'entre elles n'avait fait l'objet de mesures d'arrestation qui auraient pu être liées à l'application de conventions internationales sur la liberté syndicale.
    11. 121 Compte tenu de tous ces éléments, le comité ne peut donc que conclure que les informations fournies par le gouvernement ne répondent pas sur tous les points aux allégations détaillées des plaignants. Il doit donc rappeler avec insistance que des mesures de détention ou de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants représentent un danger pour le libre exercice des droits syndicaux. [Voir, par exemple, 214e rapport, cas no 1093, paragr. 388.1 En outre, de telles mesures peuvent entraîner un climat d'intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales de l'organisation à laquelle appartiennent les personnes concernées. [Voir, par exemple, 211e rapport, cas no 1046, paragr. 323.]
    12. 122 Pour ce qui est des allégations concernant les grèves organisées en 1977 dans les houillères de la vallée du Jiu et les mesures répressives - dont des transferts et des destitutions - qui auraient été prises à l'encontre des grévistes, le comité note que le gouvernement réitère ses déclarations précédentes selon lesquelles les affirmations des plaignants sont dénuées de fondement. Le gouvernement ajoute cependant que les événements en question se sont limités à l'envoi d'une lettre aux autorités par quelques mineurs au sujet notamment de questions de retraite, de création d'emplois et d'organisation du travail. Il rejette donc en bloc les informations fournies dans la plainte et ne fait aucune référence aux mineurs, expressément désignés par les plaignants, contre lesquels des mesures auraient été prises après la grève. Il est difficile, dans ces conditions, pour le comité, d'aboutir à des conclusions précises sur cet aspect du cas, d'autant que les faits mentionnés dans la plainte remontent maintenant à plus de sept ans. Compte tenu cependant du fait que les allégations contenaient des indications précises sur le déroulement de la grève et les conséquences dommageables qu'elle aurait entraînées sur certains travailleurs, le comité croit utile de rappeler que la grève constitue un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les syndicats pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres et organiser leurs activités et que des restrictions au droit de grève mettent en cause l'exercice des droits syndicaux. En outre, lorsque des travailleurs font l'objet de mesures préjudiciables pour avoir eu recours à la grève, il y a lieu de considérer qu'ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l'objet d'une discrimination antisyndicale contraire à l'article 1 de la convention no 98. [Voir, par exemple, 214e rapport, cas nos 988 et 1003, paragr. 507.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 123. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas donné suite à la demande de mission de contacts directs.
    • b) Au sujet des allégations concernant la tentative de constituer une organisation connue sous le nom de "Syndicat libre des travailleurs de Roumanie", le comité souligne que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, garanti par l'article 2 de la convention no 87, implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations de travailleurs indépendantes de la structure syndicale déjà existante comme de tout parti politique. Le comité exprime le ferme espoir qu'une nouvelle législation syndicale, à la préparation de laquelle s'est référé dans le passé le gouvernement, sera promulguée dans un proche avenir et qu'elle tiendra compte des commentaires formulés par la commission d'experts et le comité, afin de donner plein effet aux garanties prévues par la convention no 87, ratifiée par la Roumanie. Le comité signale l'aspect législatif du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    • c) Au sujet des mesures de répression qui auraient été exercées contre les fondateurs et les membres du SLOMR, le comité estime que les informations fournies par le gouvernement ne répondent pas sur tous les points aux allégations détaillées des plaignants. Il doit rappeler avec insistance que des mesures de détention ou de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants représentent un danger pour le libre exercice des droits syndicaux. De telles mesures peuvent en outre entraîner un climat d'intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales de l'organisation à laquelle appartiennent les personnes concernées.
    • d) Au sujet des allégations de répression de la grève dans les houillères de la vallée du Jiu en 1977, le comité note que le gouvernement rejette en bloc les informations fournies dans la plainte et ne fait aucune référence aux mineurs expressément désignés par les plaignants, contre lesquels des mesures auraient été prises après la grève. Le comité peut difficilement aboutir à des conclusions précises sur cet aspect du cas, d'autant que les faits remontent à plus de sept ans. Compte tenu cependant du fait que les allégations contenaient des indications précises sur la grève et ses conséquences, le comité croit utile de rappeler que la grève constitue un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les syndicats pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres et organiser leurs activités et que des restrictions au droit de grève mettent en cause l'exercice des droits syndicaux. En outre, lorsque des travailleurs font l'objet de mesures préjudiciables pour avoir eu recours à la grève, il y a lieu de considérer qu'ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l'objet d'une discrimination antisyndicale contraire à l'article 1 de 1a convention no 98.
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