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Rapport définitif - Rapport No. 217, Juin 1982

Cas no 1089 (Burkina Faso) - Date de la plainte: 05-NOV. -81 - Clos

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  1. 225. La plainte de la Fédération syndicale mondiale figure dans une communication télégraphique du 5 novembre 1981. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des communications des 12 janvier, 23 février et 23 mars 1982.
  2. 226. La Haute-Volta a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicales et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 227. La Fédération syndicale mondiale (FSM) dénonce la suppression du droit de grève en Haute-Volta adoptée en violation flagrante des conventions et recommandations de l'OIT. Elle demande que des dispositions soient prises en vue de l'abrogation de cette mesure antisyndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 228. Dans sa réponse du 12 janvier 1982 le gouvernement affirme qu'il n'est nullement dans l'intention du Comité militaire de redressement pour le progrès national, au pouvoir depuis le 25 novembre 1980, de violer délibérément les droits syndicaux, la Haute-Volta ayant, confirme-t-il, ratifié les conventions nos 87 et 98 en 1960 et 1962 respectivement.
  2. 229. Le président du Comité militaire, chef de l'Etat, poursuit le gouvernement, a garanti, dans sa Proclamation du 25 novembre 1980, les libertés syndicales. Malheureusement, ajoute-t-il, profitant de cette proclamation, des personnes mal intentionnées ont voulu faire de la possibilité de grève un tremplin pour des causes inavouées.
  3. 230. Afin de faire face à une conjoncture intérieure dangereusement menacée par une grave crise aux conséquences incalculables que certains syndicalistes avaient l'intention de provoquer en lançant un appel à la mobilisation générale pour des grèves illimitées visant à assouvir des desseins anarchiques et à imposer des prises de décisions hautement politiques, le Comité militaire, explique le gouvernement, soucieux d'éviter l'irréparable et de sauver les intérêts supérieurs de la nation, s'est trouvé dans l'obligation de prendre divers textes, notamment l'ordonnance no 0041/CMRPN/PRES du 1er novembre 1981 portant suppression du droit de grève.
  4. 231. Le gouvernement affirme qu'il s'agit de mesures prises pour des raisons d'Etat qui ont pour objectif le maintien de la paix sociale. Pour lui, ces mesures conjoncturelles sont appelées à être rapportées. Il ajoute que le chef de l'Etat, dans son message à la nation à l'occasion des voeux du Nouvel An 1982, a assuré que "le Comité militaire de redressement pour le progrès national qui, dès son avènement, a affirmé sa volonté de faire des organisations de travailleurs ses partenaires sociaux privilégiés, s'emploiera très prochainement à établir une situation normale dans ce domaine".
  5. 232. En annexe à sa réponse, le gouvernement joint le texte de l'ordonnance supprimant le droit de grève ainsi qu'un communiqué du 11 novembre 1981, signé du chef de l'Etat, faisant référence à l'attitude de certains employeurs qui auraient tendance à adopter un comportement intolérable dans leurs rapports avec leurs travailleurs depuis la diffusion de l'ordonnance supprimant le droit de grève. Le communiqué rappelle à l'attention desdits employeurs que, si pour des raisons d'Etat cette décision a été prise, il n'en reste pas moins que les travailleurs ont pleine liberté dans le cadre de la loi de défendre leurs intérêts professionnels et de faire valoir leurs droits. Il conclut: "autant tout acte d'indiscipline des travailleurs ne peut être toléré, tout arbitraire de l'employeur à l'égard de ses employés sera sanctionné".
  6. 233. Dans sa réponse ultérieure du 23 février 1982 le gouvernement indique que l'interdiction de la grève qui fait l'objet de la plainte a été levée par ordonnance no 82.003 (CMR/PN) du 14 janvier 1982 diffusée le 13 février 1982 et portant procédure de règlement des conflits collectifs. Dans une communication du 23 mars 1982, le gouvernement envoie le texte de l'ordonnance en question ainsi que le texte du décret no 82/0054 sur la composition et le fonctionnement du comité et du Conseil national de négociation.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 234. Le comité constate tout d'abord que le comité militaire de redressement pour le progrès national avait supprimé le droit de grève en Haute-Volta le 1er novembre 1981.
  2. 235. A cet égard, le comité rappelle que, dans les cas où la législation impose une interdiction absolue de la grève, il a toujours fait sienne l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, à savoir qu'une telle interdiction constitue une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales, limitation qui n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
  3. 236. Aussi le comité note-t-il avec intérêt la déclaration du gouvernement dans sa communication du 23 février 1982 annonçant que l'ordonnance supprimant le droit de grève a été rapportée par l'ordonnance no 82.003 du 14 janvier 1982 portant procédure de règlement des conflits collectifs de travail.
  4. 237. Le comité a pris connaissance du contenu de ladite ordonnance et il observe toutefois que certaines dispositions de ce texte appellent, de sa part, des réserves.
  5. 238. Le comité observe, en effet, que le droit de grève est dénié notamment aux salariés du secteur privé en période d'essai (article 13 (6)); qu'en cas de besoin (sans que le texte contienne d'autres précisions) le gouvernement pourra décider la réquisition collective ou individuelle des travailleurs et agents en grève (article 15); qu'outre les grèves sur le tas, surprises, perlées, tournantes et sauvages, même les piquets de grève sont interdits et passibles de sanctions (article 16), et que la grève de solidarité ou de soutien ne concernant pas directement la profession est illégale (article 17). La participation à la grève illégale est passible d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à un an ou d'une amende (article 20) et le refus de déférer à l'ordre de réquisition est aussi passible de peines analogues.
  6. 239. En ce qui concerne les objectifs que les travailleurs poursuivent par l'exercice du droit de grève, le comité rappelle que la grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels et économiques, au sens large, intérêts qui non seulement se rapportent aux revendications collectives d'ordre professionnel (article 12 de l'ordonnance) mais qui englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l'entreprise et qui intéressent directement les travailleurs.
  7. 240. En ce qui concerne les modalités du droit de grève que l'ordonnance refuse aux travailleurs (interdiction des piquets de grève, grèves sur le tas notamment), le comité considère que les limitations ne se justifieraient que si la grève perdait son caractère pacifique.
  8. 241. Au sujet des catégories de travailleurs qui ne jouissent pas du droit de grève, le comité note que les salariés du secteur privé en période d'essai en sont privés. Le comité considère que l'exclusion de cette catégorie de travailleurs du droit de grève est incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
  9. 242. Pour ce qui est des pouvoirs de réquisition dont dispose l'administration "en cas de besoin", le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que la réquisition de personnes pour remplir des fonctions abandonnées à l'occasion d'un conflit du travail ne saurait, si la grève est par ailleurs légale, être justifiée que par la nécessité d'assurer le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risque de mettre en danger la vie ou les conditions d'existence de tout ou partie de la population.
  10. 243. Le comité prie le gouvernement d'amender sa législation pour la mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale mentionnés ci-dessus et croit approprié de porter ces questions à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 244. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
    • a) Le comité note que la suppression du droit de grève qui avait été prononcée par ordonnance du 1er novembre 1981 a été levée par l'ordonnance portant procédure du règlement des conflits collectifs diffusée le 13 février 1982.
    • b) Le comité attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit de grève en tant qu'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts et il observe que le nouveau texte contient des restrictions à l'exercice de ce droit qui, ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale.
    • c) Le comité prie le gouvernement d'amender sa législation pour la mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale et croit approprié d'appeler l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur ces questions.
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