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Rapport définitif - Rapport No. 217, Juin 1982

Cas no 1094 (Chili) - Date de la plainte: 18-NOV. -81 - Clos

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  1. 254. Par des communications respectivement datées des 18 et 25 novembre 1981, le Groupement national des employés publics du Chili (ANEE) et l'Internationale du personnel des Postes, Télégraphes et Téléphones (IPTT) ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Chili. L'ANEF a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte le 29 décembre 1981.
  2. 255. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations dans une communication des 10 février et 21 avril 1982.
  3. 256. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 257. Dans sa communication du 18 novembre 1981, l'ANEF se réfère au licenciement, par le Service des postes et télégraphes, de 690 personnes et, plus particulièrement, du vice-président de l'organisation Hernol Flores. L'intéressé exerçait également les fonctions de président de l'Association postale télégraphique et de représentant de l'Internationale du personnel des Postes, Télégraphes et Téléphones ainsi que de la Confédération internationale des syndicats libres au Chili.
  2. 258. L'ANEF précise que Hernol Flores était fonctionnaire au Service des postes et télégraphes depuis 30 ans. Elle indique que le Statut administratif des fonctionnaires publics (décret ayant force de loi no 338 de 1960) établit, en son article 100, des garanties d'inamovibilité, pour les dirigeants des associations de fonctionnaires de l'ANEF, pendant la durée de leur mandat et une période de six mois après le terme de ce mandat. Ils ne peuvent non plus être transférés, ni soumis, à une notation, afin que leur soit assurée l'indépendance nécessaire pour l'exercice adéquat de leurs fonctions de représentation professionnelle. En dépit de ces garanties, ajoute l'ANEF, les autorités chiliennes ont licencié Hernol Flores par décret publié au Journal officiel le 14 novembre 1981.
  3. 259. Dans sa plainte, l'IPTT précise, pour sa part, que les licenciements sont intervenus sans préavis et que les principaux dirigeants de l'Association postale et télégraphique du Chili se trouvent parmi les travailleurs licenciés. En effet, outre Hernol Flores, ont été également privés de leur emploi Pedro Ormeño, secrétaire général, et Lino Avila, secrétaire administratif de l'association.
  4. 260. Selon l'IPTT, le prétexte invoqué pour les licenciements a été le transfert d'une partie des transports de correspondance au secteur privé, qui aurait placé 690 travailleurs en surnombre. L'IPTT estime que ce motif est des plus spécieux car, deux jours après les licenciements, le Directeur général des postes et télégraphes a, par une déclaration publique, annoncé que, parallèlement au licenciement des 690 fonctionnaires, il était procédé au recrutement de 400 personnes et qu'une quantité importante de facteurs auxiliaires seraient engagés.
  5. 261. Pour l'IPTT, le cas du président de l'Association postale et télégraphique, Hernol Flores, est particulièrement exemplaire. Il était en effet libéré de son service pour assurer ses fonctions syndicales et donc, selon l'organisation plaignante, son licenciement ne saurait être justifié par le fait qu'il se trouvait en excédent. Cependant, n'appartenant plus maintenant à l'Administration des postes et télégraphes, il ne peut plus prétendre être adhérent à l'association ni, à plus forte raison, à en être le président. Il apparaît en conséquence à l'IPTT que l'objet essentiel des mesures prises est d'affaiblir son syndicat affilié en mettant ses principaux dirigeants dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de leurs fonctions syndicales.
  6. 262. Dans sa communication du 29 décembre 1981, l'ANEF se réfère à d'autres licenciements de certains de ses dirigeants. Il s'agit de Juan Seoul Ciscutti, président du Conseil provincial de l'ANEF, de Punta Arenas, employé de la Direction des biens nationaux, de Patricia Alarcón Pinto, secrétaire de la même organisation et employée de la Direction de l'industrie et du commerce, et de Fatal Muñoz Garrido, trésorier national de l'ANEF et inspecteur au ministère des Biens nationaux. Ces personnes furent misas hors organigramme après restructuration de leurs services.
  7. 263. L'ANEF mentionne également le cas de Aldo Signorelli, dirigeant national de l'ANEF et président de l'Association des employés de la Direction de l'industrie et du commerce. Ce dirigeant syndical fut privé de son emploi de contrôleur par le décret no 303 de 1981. L'intéressé présenta un recours devant le Conseil d'Etat (Contraloria General) qui estima que le décret en question allait à l'encontre de l'article 100 du Statut administratif. En dépit de la décision du Conseil d'Etat, le gouvernement licencia tout de même Aldo Signorelli.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 264. Le gouvernement déclare dans sa réponse du 10 février 1982 que la licenciement de 690 fonctionnaires et l'engagement de 400 personnes à la Centrale de tri de la correspondance se situent dans le cadre d'une politique de nationalisation et d'économies au sein du Service des postes et télégraphes. En effet, précise le gouvernement, le budget de l'Etat pour 1981 a fixé une dotation maximale en personnel pour ce service de 6.200 fonctionnaires. La dotation au 31 décembre était de 6.737 personnes. Il fallait réduire les services de 537 fonctionnaires au cours de 1981. Après étude de la situation en personnel pour les postes, il est apparu qu'il existait un excès de personnel en province et une insuffisance à Santiago, qui ne comptait que 32,8 pour cent du personnel pour 67 pour cent du trafic total. Pour ce qui est du télégraphe, une étude a révélé que, sur 500 bureaux de postes dans le pays, 290 avaient un mouvement de moins de deux télégrammes par jour, ce qui était insuffisant pour les doter d'un fonctionnaire. Ces bureaux postaux et télégraphiques furent transformés en bureaux postaux-téléphoniques, pour lesquels il n'est pas nécessaire de disposer d'un télégraphiste. Le gouvernement indique également que le transfert de la correspondance a fait l'objet de contrats avec les entreprises privées dans l'agglomération de Santiago.
  2. 265. Pour ce qui est de l'engagement de 400 nouveaux salariés, le gouvernement explique que ces personnes ont remplacé des auxiliaires sans qualification ni spécialité, ainsi que les personnes parties à la retraite. Ce personnel était destiné à renforcer la Centrale de tri de la correspondance.
  3. 266. Le gouvernement indique que les membres du personnel dont les postes ont été supprimés peuvent prendre leur retraite s'ils comptent vingt années de cotisations dans une institution de prévoyance sociale. Les autres ont le droit de percevoir, pendant six mois, leur dernier salaire mensuel, sans aucune déduction.
  4. 267. Le gouvernement déclare enfin que l'allégation selon laquelle des licenciements auraient été effectués pour motifs syndicaux n'est pas fondée. Ainsi les mécaniciens automobiles, au nombre de 24, parmi lesquels Hernol Flores, ont tous été licenciés du fait que leurs fonctions n'étaient plus assumées par le Service.
  5. 268. En ce qui concerne les licenciements intervenus au ministère des Biens nationaux, le gouvernement déclare que Juan Seoul Ciscutti et Raúl Muñoz Garrido occupaient des fonctions qui n'étaient plus incluses dans l'organigramme à la suite de la restructuration des services. Comme ils comptaient respectivement 32 et 41 ans de carrière, ils peuvent faire valoir leurs droits à la retraite. De même, la Direction du commerce et de l'industrie a été restructurée et son effectif est passé de 724 à 130 fonctionnaires. Patricia Alarcón Pinto n'a pas été maintenue dans les effectifs, conformément à un ordre strict de choix du personnel basé sur les mérites respectifs de chacun. Le gouvernement observe que cette dernière personne n'a jamais été dirigeante syndicale, comme le prouve le fait que son travail était évalué chaque année, alors que les dirigeants syndicaux sont exclus de telles évaluations.
  6. 269. Pour ce qui est du licenciement de Aldo Signorelli de la Direction de l'industrie et du commerce, le gouvernement déclare que c'est l'intéressé lui-même qui a demandé par écrit à ne pas figurer dans le nouvel organigramme du service. A titre de preuve, le gouvernement fournit copie de la lettre signée de l'intéressé.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 270. Le comité est saisi dans la présente affaire de cas de licenciements de travailleurs de différents secteurs de la fonction publique et, parmi ceux-ci, de dirigeants syndicaux d'une organisation de fonctionnaires. Les explications fournies par les plaignants, d'une part, et par le gouvernement, d'autre part, quant aux motifs de ces licenciements, diffèrent totalement. Pour les plaignants, ces mesures visaient avant tout à empêcher les dirigeants syndicaux concernés de continuer à exercer leurs fonctions de représentants des travailleurs, alors que, selon le gouvernement, les licenciements obéissaient à une nécessité de nationalisation de l'administration.
  2. 271. Il n'entre évidemment pas dans la compétence du comité de se prononcer sur l'opportunité d'effectuer des licenciements pour motifs économiques ou administratifs. Le comité doit signaler cependant que des actes de discrimination antisyndicale ne devraient pas se produire sous couvert de telles circonstances.
  3. 272. Dans le cas présent, le comité observe que les directions des administrations concernées, loin de s'efforcer de maintenir en emploi les dirigeants syndicaux, en ont, au contraire, licencié un nombre important, alors qu'un recrutement de nouveaux salariés était effectué presque simultanément. Le comité estime donc nécessaire de rappeler à l'attention du gouvernement l'importance qui s'attache à une protection efficace, tant en droit qu'en pratique, contre tout acte de discrimination syndicale qui pourrait être commis à l'encontre de dirigeants syndicaux. °u égard aux considérations qui précèdent, le comité estime également nécessaire de prier le gouvernement de réexaminer la situation des syndicalistes licenciés en vue d'une réintégration dans leur administration.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 273. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité signale à l'attention du gouvernement que des actes de discrimination antisyndicale ne devraient pas se produire sous couvert de licenciements pour des raisons économiques, et il rappelle l'importance qui s'attache à une protection efficace, tant en droit qu'en pratique, contre tout acte de discrimination antisyndicale qui pourrait être commis à l'encontre de dirigeants syndicaux.
    • b) Le comité prie le gouvernement de réexaminer la situation des syndicalistes licenciés en vue d'une réintégration dans leur administration.
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