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Rapport intérimaire - Rapport No. 217, Juin 1982

Cas no 1112 (Bolivie (Etat plurinational de)) - Date de la plainte: 12-FÉVR.-82 - Clos

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  1. 623. Les plaintes correspondant au cas no 1112 figurent dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et de la Confédération mondiale du travail (CMT), datées respectivement des 12 et 24 février et du 5 mars 1982. La CMT a fait parvenir un complément d'information dans des communications du 11 mars et du 6 avril 1982. En ce qui concerne le cas no 1128, les plaintes figurent dans une communication du Congrès permanent d'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique latine (CPUSTAL), du 13 avril 1982, ainsi que dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Fédération syndicale mondiale (FSM) du 14 février 1982. Le gouvernement a répondu dans des communications du 30 mars et des 21 et 27 avril 1982.
  2. 624. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 625. Les organisations plaignantes et, tout particulièrement la CISL dans sa communication du 12 février 1982, allèguent que les dirigeants syndicaux dont la liste suit sont détenus et soumis à la torture: Manuel Mamani, Marcelo Zuñagua, Eusebio Chambi, Humberto Hervàs, Edwin Pérez, Victor Blacutt, Juan Saavedra, Rolando Flores, Néstor Urquieta, Arturo Jiménez, Simón Rada, Victor Villarroel, Filemón Escobar (membre du comité exécutif de la COB et secrétaire général de la Confédération des travailleurs des industries manufacturières de Bolivie) et Luis López Altamirano.
  2. 626. Il semble se dégager de la communication de la COB du 25 février 1982 que la détention des deux derniers dirigeants syndicaux susmentionnés est en relation avec la dévaluation de 76 pour cent de la monnaie qui est intervenue le 5 février 1982 et qui a été la cause d'une grève de 24 heures décrétée par la COB clandestine.
  3. 627. Dans sa communication du 11 mars 1982, la CMT envoie une liste de dirigeants syndicaux détenus dans laquelle figurent les personnes suivantes: Claudio Montaño, Omar Fernández, Oscar López, Fanor Rojas, Eduardo Ruiz, Carlos Ortega Pantoja, Javier Ledezma, Benigno Flores Medina, Lucio Valda, Raúl Martínez Valda, Juan Carlos Romero, José Luis Lizeca, Juan Rodríguez Guagama, José Maria Gutiérrez, David Aguilera, Mario Cuéllar Quinteros, Fermin Flores, Antonio Aguirre Mamni, Francisco Mamani, Fernando Rivera, Percy Paz Méndez, René Cartagena, Efrain Reguez, Bonald Romero, Enrique Velàsquez López et Zenón Barrientos. Les plaignants allèguent enfin que, le 10 avril 1982, le dirigeant de la COB, José Maria Palacios López, a été arrêté et que, le même jour, son domicile a été saccagé par des groupes paramilitaires.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 628. Le gouvernement déclare que MM. Manuel Mamani, Marcelo Zuñagua, Eusebio Chambi, Humberto Hervás, Edwin Pérez, Victor Blacutt, Juan Saavedra, Rolando Flores, Néstor Urguieta, Arturo Jiménez, Simón Rada et Victor Villarroel ont été mis en liberté après leur détention préventive aux fins d'enquête sur leur participation supposée à des actes subversifs.
  2. 629. Le gouvernement ajoute que la détention préventive de M. Filemón Escobar est due à sa participation à des actes subversifs, raison pour laquelle il a choisi de s'exiler en Espagne, et que la détention de M. Luis López Altamirano, qui a été libéré récemment, est due à des délits de droit commun sans rapport avec ses activités syndicales et pour lesquels il a été traduit devant les tribunaux ordinaires.
  3. 630. Cependant, le gouvernement signale que, parmi les personnes mentionnées ci-dessus, seuls sont des dirigeants syndicaux Manuel Mamani, Marcelo Zuñagua, Eusebio Chambi et Humberto Hervàs, et que Luis López Altamirano et Filemón Escobar ont cessé de l'être en juillet 1980, lors de la suspension des directions syndicales en vertu du décret présidentiel no 17531.
  4. 631. Le gouvernement déclare enfin que M. José Maria Palacios López a été mis récemment en liberté.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 632. Les allégations contenues dans les présentes plaintes se rapportent à la détention et à la torture de dirigeants syndicaux ainsi qu'à la mise à sac du domicile de l'un d'eux par des forces paramilitaires.
  2. 633. En ce qui concerne les allégations relatives à la détention des dirigeants syndicaux Manuel Mamani, Marcelo Zuñagua, Eusebio Chambi, Humberto Hervás, Edwin Pérez, Víctor Blacutt, Juan Saavedra, Rolando Flores, Néstor Urquieta, Arturo Jiménez, Simón Rada et Victor Villarroel, le statut de dirigeant syndical n'est reconnu qu'aux quatre premiers cités par le gouvernement , le comité observe que, si le gouvernement a déclaré que les intéressés ont été mis en détention préventive aux fins d'interrogatoire pour une participation supposée à des actes subversifs, il n'a pas signalé les faits concrets qui auraient motivé cette détention, point que, par ailleurs, les plaignants n'ont pas mentionné non plus. Dans ces conditions et compte tenu du fait que les intéressés ont été remis en liberté, le comité ne peut que rappeler que la détention préventive de dirigeants syndicaux et de syndicalistes présente un sérieux danger pour la liberté syndicale et peut constituer une grave ingérence dans les activités syndicales.
  3. 634. Le comité observe cependant que, au dire des plaignants, ces personnes, de même que MM. Filemón Escobar et Luis López Altamirano, ont été torturées pendant la période où elles étaient en détention préventive, point que le gouvernement n'a pas mentionné. En conséquence, le comité, tout en rappelant l'importance qu'il attache à ce que la détention préventive soit entourée d'un ensemble da garanties et de limites qui évitent qu'elle soit détournée de ses fins et qui excluent en particulier les mauvais traitements, demande au gouvernement de procéder dès que possible à une enquête en vue de déterminer si, effectivement, des tortures ont été infligées, de punir les responsables éventuels et de prendre les mesures nécessaires pour que des faits de nature identique ne se répètent pas à l'avenir.
  4. 635. En ce qui concerne l'allégation relative à la détention des dirigeants syndicaux Filemón Escobar et luis López Altamirano, le comité observe que, alors que le contenu des allégations laisse entendre que ces détentions étaient liées aux mesures économiques adoptées par le gouvernement qui ont motivé la grève de 24 heures décrétée par la COB clandestine, le gouvernement, pour sa part, a déclaré que MM. Escobar et López Altamirano ont cessé d'être des dirigeants syndicaux en juillet 1980 et que la détention préventive du premier d'entre eux était due à sa participation à des actes subversifs et celle du second, qui a été remis en liberté bien qu'il fasse l'objet de poursuites, était due à sa participation à des délits de droit commun. Compte tenu de ce que la contradiction existant entre la version des plaignants et la réponse du gouvernement ne permet pas de formuler des conclusions définitives sur cette allégation, le comité demande au gouvernement de préciser les faits concrets qui ont motivé la détention de M. Escobar et celle de M. López Altamirano, de l'informer de l'évolution du procès de ces deux personnes et d'envoyer le texte du jugement qui sera rendu au sujet de M. Luis López Altamirano.
  5. 636. Le comité note par ailleurs que M. Filemón Escobar est parti en exil volontaire en Espagne. A ce propos, le comité n'exclut pas que le fait de se trouver en détention préventive pour une participation supposée à des actes subversifs a pu ou peut jouer un rôle déterminant dans la décision de M. Filemón Escobar de choisir l'exil. Dans ces conditions, sans pouvoir déterminer en se fondant sur les éléments dont il dispose si les faits qui ont motivé la détention préventive de l'intéressé constituaient ou non un dépassement de l'exercice de ses activités syndicales, le comité doit rappeler, d'une manière générale, le principe selon lequel une mesure d'exil de dirigeants syndicaux et de syndicalistes pour des activités liées à l'exercice des droits syndicaux, en plus d'être en contradiction avec les droits de l'homme, constitue une violation de la liberté syndicale en privant les organisations syndicales de leurs dirigeants et en affaiblissant ainsi le mouvement syndicale.
  6. 637. Enfin, bien que le comité prenne note du fait que le dirigeant syndical José Maria Palacios López a été remis en liberté, il fait observer que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation relative à la mise à sac effectuée à son domicile par des forces paramilitaires, ni à l'allégation relative à la détention de 26 dirigeants syndicaux mentionnée dans la communication de la CMT du Il mars 1982. Par conséquent, le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations en indiquant précisément, en ce qui concerne la dernière de ces allégations, si ces dirigeants syndicaux continuent à être détenus, les motifs de leur détention et les accusations éventuelles portées contre eux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 638. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions ci-après:
    • a) En ce qui concerne l'allégation relative à la détention des dirigeants syndicaux Manuel Mamani, Marcelo Zuñagua, Eusebio Chambi, Humberto Hervàs, Edwin Pérez, Victor Blacutt, Juan Saavedra, Rolando Flores, Néstor Urguieta, Arturo Jiménez, Simón Rada et Victor Villarroel, le gouvernement ne reconnaît le statut de dirigeant syndical qu'aux quatre premiers mentionnés -, le comité, tout en prenant note que ces personnes ont été remises en liberté, rappelle que la détention préventive de dirigeants syndicaux et de syndicalistes présente un grave danger pour la liberté syndicale et peut constituer une sérieuse ingérence dans les activités syndicales.
    • b) En ce qui concerne l'allégation relative à la détention des dirigeants syndicaux Filemón Escobar et Luis López Altamirano qui, au dire du gouvernement, ont cessé d'être des dirigeants syndicaux en juillet 1980, le comité prend note du fait que Luis López Altamirano a été remis en liberté bien qu'il continue à faire l'objet de poursuites. Compte tenu du fait que la contradiction existant entre la version des plaignants et la réponse du gouvernement sur les motifs de la détention ne permet pas de formuler des conclusions définitives sur cette allégation, le comité invite le gouvernement à préciser les faits concrets qui ont motivé la détention de M. Escobar et celle de M. López, de l'informer de l'évolution du procès intenté à ceux-ci et d'envoyer le texte du jugement qui sera rendu à propos de M. Luis López Altamirano.
    • c) En ce qui concerne l'allégation relative aux tortures dont auraient été l'objet les personnes mentionnées aux paragraphes a) et b), allégation à laquelle le gouvernement n'a pas répondu, le comité rappelle l'importance qu'il attache à ce que la détention préventive soit entourée d'un ensemble de garanties et de limites qui évitent qu'elle soit détournée de ses fins et qui excluent en particulier les mauvais traitements et il invite le gouvernement à procéder le plus rapidement possible à une enquête en vue de déterminer si des tortures ont effectivement été infligées, de punir les responsables éventuels et de prendre les mesures nécessaires pour que de tels faits ne se répètent pas à l'avenir.
    • d) En ce qui concerne la déclaration du gouvernement selon laquelle l'exil a été accordé au détenu Filemón Escobar, le comité rappelle de manière générale le principe selon lequel une mesure d'exil forcé de syndicalistes pour des activités liées à l'exercice des droits syndicaux est en contradiction avec les droits de l'homme et constitue une violation de la liberté syndicale.
    • e) En ce qui concerne les allégations relatives à la mise à sac du domicile de José Maria Palacios López et à la détention de 26 dirigeants syndicaux mentionnés dans la communication de la CMT du 11 avril 1982, le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations en indiquant, en ce qui concerne cette dernière allégation, si ces dirigeants syndicaux sont toujours détenus, quels sont les motifs de leur détention et les accusations éventuelles portées contre eux.
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