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Rapport définitif - Rapport No. 218, Novembre 1982

Cas no 1127 (Colombie) - Date de la plainte: 29-MARS -82 - Clos

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  1. 234. La plainte figure dans une communication de la FENALTRASE (Fédération nationale des travailleurs du service de l'Etat) datée du 29 mars 1982. La FENALTRASE a envoyé des informations complémentaires par communication du 12 mai 1982. Le gouvernement a répondu par communication du 27 mai 1982.
  2. 235. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 236. La FENALTRASE allègue que, usant de la faculté discrétionnaire de nomination et de révocation des fonctionnaires que lui confère la loi aux termes de l'article 107 du décret no 1950 de 1973, l'Administration nationale des statistiques (DANS) a révoqué, le 22 octobre 1981, Ricardo Ballesteros, Pedro Osorio, Fabio Martinez, Wilson Pineda et Bernarda Bernal, respectivement président, administrateur et conseillers du Comité national du Syndicat des travailleurs de la DANE (SINDANE), ainsi que Secundino Clavijo, représentant du Comité de la cantine. La FENALTRASE indique que les lettres de révocation ne contenaient aucun motif précis et n'étaient pas accompagnées de la copie réglementaire de la résolution de licenciement. Mais Bernarda Bernal a pu être réintégrée en vertu de l'article 21 du décret no 3135 de 1968, car elle était enceinte au moment de son licenciement.
  2. 237. Le plaignant, plaçant ces faits dans le cadre d'une campagne antisyndicale, ajoute que la direction de la DANE refuse la discussion avec les syndicalistes licenciés sous prétexte que ce sont d'anciens employés publics et donc d'anciens dirigeants syndicaux. La FENALTRASE communique, à l'appui de sa plainte, des documents signés par la direction de la DANE ou par d'autres autorités publiques, d'où il ressort que le 21 octobre 1982 il y a eu grève nationale; que quatre des personnes licenciées étaient membres titulaires du comité directeur du SINDANE et une autre membre suppléant, et que la direction de la DANE a rejeté les demandes faites par Ricardo Ballesteros et Pedro Osorio en leur qualité de dirigeants syndicaux, l'une tendant à obtenir copie des résolutions de licenciement et l'autre à négocier sur ce point, la direction arguant que ces demandes n'étaient pas recevables puisqu'elles émanaient de personnes qui étaient d'anciens employés publics.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 238. Dans sa communication du 27 mai 1982, le gouvernement rejette fermement les affirmations du plaignant et déclare que les nominations de Ricardo Ballesteros, Pedro Osorio, Fabio Martínez, Wilson Pineda et Bernarda Bernal ont été invalidés non parce que les intéressés étaient syndicalistes, mais en vertu de la liberté dont dispose l'administration en matière de nomination et de révocation de ses employés en raison des nécessités du service, comme le prévoit l'article 107 du décret no 1950 de 1973, selon lequel l'administration peut à tout moment révoquer une nomination ordinaire ou temporaire sans être tenue de justifier sa décision. Le gouvernement signale également que Mme Bernal a été réintégrée dans ses fonctions car elle était enceinte.
  2. 239. Le gouvernement ajoute qu'il ne s'agit pas d'une faculté arbitraire puisqu'il faut toujours, pour la révocation, une cause réelle, juste et raisonnable et que si un employé public est révoqué pour sa qualité de syndicaliste, il peut user des recours administratifs et judiciaires que la loi lui accorde pour faire rétablir le droit dont il a été privé. Toutefois, poursuit le gouvernement, l'Etat ne peut pas être obligé à maintenir en fonction un employé dont le travail ou la conduite sont insatisfaisants pour le simple fait qu'il est syndicaliste, ni renoncer à sa liberté de choisir ses employés et de les révoquer quand les nécessités du service et le bon fonctionnement de l'administration publique l'exigent.
  3. 240. Le gouvernement rejette, d'autre part, l'affirmation du plaignant selon laquelle l'employé dont la nomination est annulée cesse d'être un dirigeant syndical, car il ressort de l'article 4 du décret no 1469 de 1968 et des articles 389 et 399 du Code du travail que l'employé public qui a renoncé à sa charge ou en a été révoqué reste dirigeant syndical tant qu'il ne quitte pas ses fonctions ou qu'il n'en n'est pas relevé par son syndicat.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 241. Le comité observe que, dans le présent cas, le plaignant a allégué la révocation, dans le cadre d'une campagne antisyndicale, des dirigeants du Comité national du Syndicat des travailleurs de la DANS et d'un représentant du Comité de la cantine. Il allègue également que, les intéressés ayant cessé d'être des employés publics, la DANE les considère comme n'étant plus syndicalistes.
  2. 242. Le comité prend note des déclarations du gouvernement et notamment de ce que la législation accorde à l'administration la liberté de nommer et de révoquer les employés publics en raison des nécessités du service. Il note aussi que l'Etat ne peut donc pas être obligé de maintenir en fonction un employé dont le travail ou la conduite sont insatisfaisants et que Bernarda Bernal a pu se faire réintégrer dans ses fonctions. Le comité observe toutefois que le gouvernement s'est contenté de se référer au contenu de la législation sur la liberté de révocation des employés publics et d'expliquer les conditions dans lesquelles une telle mesure peut être prise, sans préciser les motifs concrets qui ont conduit à l'annulation des nominations des dirigeants syndicaux Ricardo Ballesteros, Pedro Osorio, Fabio Martinez, Wilson Pineda et Secundino Clavijo, et sans même se référer aux preuves mises en avant par le plaignant sur le caractère antisyndical desdites révocations, à savoir que ces révocations ont eu lieu le même jour et ont frappé quatre des six membres titulaires du comité directeur du SINDANE, un de ses membres suppléant et le représentant du Comité de la cantine, et que le 21 octobre 1980, veille des révocations, il y avait eu une grève nationale.
  3. 243. Le comité note que, selon le gouvernement, les intéressés disposent, aux termes de la loi, de recours administratifs et judiciaires en ce qui concerne leur licenciement, et qu'il faut toujours une cause raisonnable à l'administration pour user de sa faculté de nommer et révoquer ses employés. Le comité, cependant, n'a pas été informé du fait que les plaignants auraient fait usage de leur droit de recours.
  4. 244. Dans ces conditions, le comité, vu que le gouvernement n'a indiqué que de façon générale que la révocation des personnes intéressées était sans rapport avec leur qualité de dirigeants syndicaux, sans nier les allégations des plaignants selon lesquelles ces licenciements sont dus aux activités syndicales des intéressés, attire l'attention du gouvernement sur l'article 1 de la convention no 98 qui prévoit que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale s'applique aux actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales, et que cette protection est particulièrement importante dans le cas des dirigeants syndicaux. Le comité prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'assurer la réintégration de Ricardo Ballesteros, Pedro Osorio, Fabio Martinez, Wilson Pineda et Secundino Clavijo dans leurs fonctions.
  5. 245. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle, une fois déclarée la nullité des nominations des dirigeants en question, la DANS aurait tenu ces derniers pour ex--dirigeants syndicaux et aurait refusé de discuter avec eux, le comité note que, selon le gouvernement, il ressort de l'article 4 du décret no 1469 de 1968 et des articles 398 et 399 du Code du travail que le fonctionnaire qui est dirigeant syndical et qui a cessé d'être employé public garde la qualité de dirigeant syndical jusqu'à ce qu'il y renonce ou en soit privé par son organisation syndicale. Le comité observe néanmoins que le plaignant a fourni des documents qui établissent que la direction de la DANE ne reconnaît plus à Ricardo Ballesteros et à Pedro Osorio les qualités de dirigeants syndicaux depuis leur révocation. A cet égard, bien que le comité estime que le refus d'un employeur de négocier avec un syndicat donné ne constitue pas nécessairement une violation de la liberté syndicale même s'il peut en restreindre considérablement la portée, il considère que le développement harmonieux des relations professionnelles serait facilité si le gouvernement prenait des mesures, conformément aux dispositions susmentionnées du décret no 1469 et du Code du travail, pour assurer leur respect et que, conformément à ses dispositions, la direction de la DANS reconnaissait à Ricardo Ballesteros et à Pedro Osorio leur qualité de dirigeants syndicaux.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 246. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et notamment les conclusions suivantes:
    • a) en ce qui concerne l'allégation relative au licenciement de cinq dirigeants du Comité national du Syndicat des travailleurs de la DANS et du représentant du Comité de la cantine:
    • i) le comité note que la dirigeante syndicale Bernarda Bernal a pu se faire réintégrer dans ses fonctions;
    • ii) compte tenu du fait que, d'après les informations disponibles, il semble que ces dirigeants ont été licenciés pour leurs activités syndicales, le comité signale à l'attention du gouvernement que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit s'appliquer à tout acte qui aurait pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tout autre moyen en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Il prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la réintégration de ces dirigeants dans leurs emplois;
    • b) en ce qui concerne l'allégation selon laquelle les dirigeants Ricardo Ballesteros et Pedro Osorio seraient considérés par la DANS comme ex-dirigeants syndicaux en raison de leur licenciement, le comité, bien qu'il reconnaisse que le refus de discuter ou de négocier, de la part d'un employeur, ne constitue pas nécessairement une violation de la liberté syndicale même si il peut en restreindre considérablement la portée, estime que le déroulement harmonieux des relations professionnelles serait facilité si le gouvernement adoptait des mesures pour assurer le respect de la loi et que, conformément à la loi, la direction de la DANE reconnaissait la qualité de dirigeants syndicaux de Ricardo Ballesteros et de Pedro Osorio.
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