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Rapport intérimaire - Rapport No. 222, Mars 1983

Cas no 1135 (Ghana) - Date de la plainte: 05-MAI -81 - Clos

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  1. 245. Par des communications respectivement datées des 5, 13 et 17 mai 1981, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB) ont présenté des plaintes en violation de la liberté syndicale au Ghana. La Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM) s'est associée à la plainte de la CISL par une communication du 13 mai 1981. Des informations complémentaires à l'appui des plaintes ont été communiquées par l'OUSA le 19 mai et la FITEB les 26 mai et 29 juillet 1981. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée de novembre 1982.
  2. 246. Le Ghana a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 247. Dans sa communication du 5 mai 1981, l'OUSA allègue que le gouvernement a autorisé des personnes qui ne sont pas constitutionnellement élues à occuper les bureaux du Congrès des syndicats, que les passeports de la plupart des syndicalistes ne leur ont pas été rendus et que leurs comptes bancaires, ainsi que ceux de leurs syndicats, notamment le Congrès des syndicats, sont toujours bloqués, que la liberté de mouvement des dirigeants syndicaux est restreinte et que la conduite normale des activités syndicales est rendue impossible.
  2. 248. La plainte de la CISL du 13 mai 1982 allègue la saisie par le gouvernement, en février 1982, des passeports de la plupart des secrétaires généraux des dix-sept syndicats nationaux affiliés au Congrès des syndicats du Ghana (TUC) et le blocage des comptes bancaires de trois syndicats. Elle allègue en outre l'arrestation et la détention de dix secrétaires généraux de syndicats nationaux, notamment de M. Kofi, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des chemins de fer et de la construction mécanique, de M. Yankey, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des transports et des industries chimiques, et du président national du syndicat des travailleurs des transports routiers. Ces faits se sont produits, selon la CISL, après une violente attaque contre le siège du TUC le 29 avril 1982 et le brutal matraquage par la police d'une délégation de protestation. Enfin, la CISL déclare que le gouvernement a fermé les yeux sur l'attaque contre le siège du TUC et sur l'occupation des locaux par des personnes autres que les dirigeants démocratiquement élus du TUC.
  3. 249. La FITBB, dans sa communication du 17 mai 1982, déclare que ses deux affiliés au Ghana - le Syndicat des travailleurs de la construction et du bâtiment et le Syndicat des travailleurs du bois - avaient leur siège dans les locaux du TUC lorsque ces derniers ont été violemment attaqués et occupés par une bande armée le 29 avril. Selon la FITBB, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la construction et du bâtiment, M. Charles Attah, a été obligé de s'enfuir du pays, et le secrétaire général de l'autre syndicat affilié, M. Sam Akom-Mensah, se trouve dans la clandestinité. La FITBB craint pour sa sécurité et pour celle d'autres responsables et membres de ses affiliés qui sont encore au Ghana. Elle soupçonne le gouvernement d'avoir inspiré ou toléré l'attaque contre les syndicats du Ghana: par exemple, il n'est pas intervenu pour mettre fin aux troubles du 29 avril 1982; la police a violemment repoussé une délégation envoyée de Takoradi pour protester contre l'occupation des locaux: au moins dix dirigeants syndicaux ont été arrêtés: depuis le début de février 1982, le passeport de M. Attah a été confisqué, ce qui l'a empêché d'exercer ses fonctions de membre du Comité exécutif de la FITEB.
  4. 250. Le 19 mai 1982, l'OUSA a envoyé les informations complémentaires suivantes: les dirigeants syndicaux arrêtés le 5 mai comprennent M. C. Ahiable (Syndicat des enseignants), M. Albert Tevie (Syndicat des gens de mer), M. A.K. Yankey (Syndicat des travailleurs des transports et du pétrole), M. Akoto (Syndicat des travailleurs de la santé), M. Asante (Syndicat des travailleurs agricoles) et M. Adjei (Compagnie électrique).
  5. 251. Les informations complémentaires fournies par la FITEB comprennent des documents décrivant les événements qui ont conduit à l'occupation du 29 avril, soulignant que depuis que les militaires ont pris le pouvoir le 31 décembre 1981 - malgré les déclarations du TUC de soutien au nouveau gouvernement - le mouvement syndical est constamment harcelé. Par exemple, des réunions prévues avec des représentants du parti au pouvoir n'ont pas pu se tenir parce qu'une foule en colère a empêché les responsables du TUC d'aller aux rendez-vous. Les documents ajoutent un autre nom à la liste des dirigeants syndicaux détenus: M. Yaw Ntoah du Syndicat des transports routiers privés: il est détenu, avec d'autres dirigeants, au siège régional de la police depuis le 1er mai. Les renseignements les plus récents envoyés par la FITBB le 29 juillet 1982 indiquent que la situation est inchangée, les secrétaires généraux arrêtés ont été libérés sous caution de 100.000 cedi chacun et ils doivent se présenter à la police tous les jours. Selon la FITBB, les autorités ont l'intention de tenir des élections syndicales organisées par un comité intérimaire nommé par le gouvernement; les modalités des élections sont encore à l'examen.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 252. Dans sa communication de novembre 1982, le gouvernement déclare qu'il n'a rien à voir dans l'attaque des travailleurs contre les locaux du TUC et que le blocage des avoirs des dix-sept syndicats nationaux n'est pas une mesure isolée, mais une mesure générale visant à combattre la corruption dans plusieurs secteurs de la société ghanéenne. Il explique qu'en fait, bien avant la révolution du 31 décembre, les travailleurs de la base n'étaient pas satisfaits des dirigeants du TUC et avaient souvent organisé des grèves sauvages sans s'occuper des dirigeants. Il ajoute que le TUC était aussi en butte à des problèmes de démarcation.
  2. 253. C'est dans cette situation que l'occupation du 29 avril a eu lieu et le gouvernement, en tant que gardien de l'ordre public, est intervenu immédiatement pour protéger la vie et les biens en affectant des fonctionnaires de la sécurité à la protection des dirigeants du TUC et des bureaux du congrès le gouvernement déclare qu'il a demandé au greffier des syndicats (qui est aussi le directeur des services du travail au Ghana) de faire procéder à la vérification des comptes de tous les syndicats nationaux et du TUC, conformément à l'article 25 de l'ordonnance de 1941 sur les syndicats. L'examen des comptes est en cours.
  3. 254. S'agissant de l'allégation concernant l'arrestation et l'emprisonnement de dirigeants syndicaux, le gouvernement déclare qu'aucun dirigeant syndical n'a été arrêté: comme il l'a dit plus haut, on a offert aux dirigeants destitués de les mettre en détention préventive pour leur propre sécurité, détention qui a pris fin dès que la tension a cessé. Le gouvernement explique que la protection offerte aux dirigeants a été assurée dans les locaux de la police parce que c'était le seul moyen permettant aux fonctionnaires de police déjà pleinement mis à contribution de les protéger correctement. Selon le gouvernement, pendant cette protection, les dirigeants syndicaux n'ont été privés d'aucun droit; ils ont reçu des visites librement et ils ont été nourris par leur famille.
  4. 255. En ce qui concerne le blocage des comptes bancaires des dix-sept syndicats nationaux, du TUC et des secrétaires généraux, le gouvernement souligne que les avoirs et les comptes bancaires de tous les Ghanéens occupant des postes de responsabilité et de certaines institutions publiques détenant des fonds de dépôt ont été bloqués pour enquête par les commissions d'examen établies par la loi. Il ajoute que les personnes dont les comptes sont bloqués sont généralement invitées à remettre temporairement leurs documents de voyage, ces documents étant rendus lorsque aucune charge n'est retenue contre elles ou lorsque les amendes infligées pour des infractions comme l'évasion fiscale ont été payées le gouvernement souligne que ces mesures visent à mettre fin à la corruption.
  5. 256. Le gouvernement confirme qu'à la suite des attaques continuelles des travailleurs contre le TUC, une réunion avait été organisée le 29 janvier 1982 pour que toutes les parties règlent leur différend, mais la réunion n'a pas pu avoir lieu parce que les responsables du TUC se sont enfuis de leurs locaux, craignant d'être agressés par les mécontents.
  6. 257. Enfin, le gouvernement souligne que dans son souci de garantir aux travailleurs la liberté d'association, il a engagé des négociations avec le groupe qui avait occupé les locaux du TUC, en vue de parvenir à un accord pour démocratiser le TUC, les tentatives précédentes de créer un organe intérimaire de compromis représentant les deux groupes ayant échoué. Selon le gouvernement, les négociations ont abouti à l'accord suivant: chaque syndicat national constitue un comité de gestion intérimaire (IMC) de sept membres qui doivent être élus démocratiquement lors de réunions consultatives régionales: le président élu de chaque comité représentera son syndicat au comité intérimaire de gestion du TUC qui sera créé une conférence extraordinaire des délégués se tiendra en octobre 1982 pour constituer le comité intérimaire de gestion du TUC de dix-sept membres et élire son président: les comités géreront les affaires des syndicats et du TUC jusqu'à ce que l'élection des responsables permanents ait lieu, après examen de la constitution et de la structure du TUC et des syndicats: l'examen sera effectué par le comité intérimaire de gestion du TUC dans un délai d"'un ou deux mois": les observateurs locaux et étrangers, y compris du BIT, seront invités à la conférence.
  7. 258. Le gouvernement déclare que les élections des comités intérimaires de gestion des syndicats nationaux ont eu lieu en septembre et octobre 1982 et la conférence extraordinaire des délégués nationaux s'est tenue du 15 au 17 octobre 1982 et a abouti à l'élection d'un comité intérimaire de gestion du TUC de seize membres, le dix-septième membre devant être élu par le Syndicat national des gens de mer, lequel n'a pas encore résolu ses problèmes de démarcation. Le gouvernement souligne que les élections ont été ouvertes à tous les travailleurs et que les élections du TUC - qui auront lieu une fois achevé l'examen de la constitution, et de la structure des syndicats, en décembre 1982 - seront aussi ouvertes à tous les travailleurs intéressés, les seuls motifs d'exclusion étant les infractions aux lois nationales. Le gouvernement donne l'assurance que les responsables syndicaux qui ont fui le pays sont libres de revenir et de participer à la révolution des travailleurs. Il déclare qu'il communiquera les dates des élections lorsqu'elles seront annoncées par le TUC.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 259. Le comité note que ce cas concerne des allégations de répression antisyndicale, directement ou indirectement par le gouvernement: blocage des comptes bancaires des syndicats, confiscation des passeports de dirigeants syndicaux, occupation par la force des locaux du TUC (qui abritent aussi le siège des syndicats nationaux) et arrestation d'au moins dix secrétaires généraux de syndicats nationaux (le nom et les fonctions de huit d'entre eux ont été fournis). Le comité note en outre la déclaration générale du gouvernement selon laquelle ces événements ont eu lieu après la révolution du 31 décembre 1981 dans un contexte de mécontentement de la base à l'égard des dirigeants syndicaux en général.
  2. 260. S'agissant du blocage des comptes bancaires des syndicats en février 1982, le comité note que, d'après la réponse du gouvernement, il ne s'agissait pas d'une mesure visant uniquement le mouvement syndical, mais que tous les Ghanéens occupant des postes de responsabilité et certaines institutions publiques détenant des fonds de dépôt ont fait l'objet du même traitement. En outre, selon le gouvernement, cette mesure a été prise aux fins d'enquête par des commissions légalement constituées pour combattre la corruption générale. Bien que les plaignants n'aient pas étayé cette allégation par des informations complémentaires montrant que cette mesure était nettement antisyndicale, le comité prie néanmoins le gouvernement d'indiquer les mesures qui sont prises pour libérer les avoirs et les fonds des syndicats concernés.
  3. 261. Le comité note que le gouvernement explique la confiscation des passeports des dirigeants syndicaux comme une mesure accessoire prise dans le cadre d'une enquête sur les personnes détenant des fonds de dépôt. Il prie donc le gouvernement de fournir des renseignements plus précis sur cet aspect du cas.
  4. 262. En ce qui concerne l'attaque et l'occupation par la force des locaux des syndicats, le comité note que les plaignants allèguent que le gouvernement n'est pas intervenu pour empêcher ces événements, alors que le gouvernement affirme avoir agi immédiatement pour protéger la vie et les biens le comité note, d'après les renseignements fournis par l'un des plaignants, que ce n'était pas la première fois que les locaux des syndicats étaient attaqués et que la sécurité personnelle des responsables syndicaux était menacée. En outre, étant donné que les responsables évincés n'ont pas été en mesure de reprendre possession des locaux, le comité appelle l'attention du gouvernement sur la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles (adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session, en 1970) qui considère le droit à la protection des biens des syndicats comme l'une des libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. Comme le gouvernement déclare que des élections intérimaires libres ont eu lieu en vue d'élections plénières - probablement après décembre 1982 -, le comité veut croire que d'authentiques dirigeants élus démocratiquement seront bientôt en possession des locaux. Il demande au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour restituer les locaux aux syndicats en question.
  5. 263. Enfin, en ce qui concerne l'arrestation d'au moins dix dirigeants syndicaux - notamment M. Kofi (Syndicat des travailleur des chemins de fer et de la construction mécanique), M. Yankey (Syndicat des travailleurs des transports, des industries chimiques et du pétrole), M. Ahiable (Syndicat des enseignants), M. Tevie (Syndicat des gens de mer), M. Akoto (Syndicat des travailleurs de la santé), M. Asante (Syndicat des travailleurs agricoles), M. Adjei (Compagnie électrique) et M. Ntoah (Syndicat des transports routiers privés) -, le comité note que, selon les informations de l'une des organisations plaignantes de juillet 1982, ces dirigeants avaient été libérés sous caution de 100.000 cedi chacun et obligés de se présenter à la police tous les jours. D'autre part, le comité note que, selon le gouvernement, ces personnes n'ont jamais été véritablement arrêtées mais qu'on leur a offert la détention préventive - dans les locaux de la police en raison de l'insuffisance des effectifs -, détention qui a pris fin dès que la tension a cessé. Etant donné ces déclarations tout à fait contradictoires, le comité rappelle que les mesures de détention préventive peuvent comporter une grave ingérence dans les activités syndicales qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'une situation grave ou par un état d'urgence et pourraient donner lieu à des critiques à moins qu'elles ne soient accompagnées de garanties judiciaires appropriées, accordées dans un délai raisonnable. Vu la déclaration du gouvernement selon laquelle les élections de comités intérimaires de gestion libres ont eu lieu, préparant des élections du TUC qui seront ouvertes à tous les travailleurs intéressés ("les seuls motifs d'exclusion étant les infractions aux lois nationales"), le comité demande au gouvernement de confirmer que les dirigeants syndicaux susmentionnés sont libres d'exercer leurs activités et de participer aux affaires syndicales. Il prie le gouvernement d'indiquer si les élections qui devaient avoir lieu se sont déroulées et, dans l'affirmative, si les dirigeants évincés du TUC et mentionnés par les plaignants ont pu participer à ces élections.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 264. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) Au sujet des allégations relatives au blocage des comptes bancaires des syndicats et à la confiscation des passeports de dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement d'indiquer les mesures prises pour libérer les avoirs et les fonds des syndicats touchés par ces mesures et de fournir des informations plus précises sur la question des passeports confisqués.
    • b) En ce qui concerne l'attaque et l'occupation par la force des locaux des syndicats, le comité appelle l'attention du gouvernement sur la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui inclut le droit à la protection des biens des syndicats parmi les libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux. Il veut croire que d'authentiques dirigeants démocratiquement élus seront bientôt en possession des locaux et il demande au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour restituer les locaux aux syndicats en question.
    • c) Devant les déclarations contradictoires concernant l'arrestation alléguée d'au moins dix responsables syndicaux, le comité rappelle que les mesures de détention préventive peuvent comporter une grave ingérence dans les activités syndicales. Etant donné que de nouvelles élections libres doivent avoir lieu au sein du TUC, le comité prie le gouvernement d'indiquer si tous les responsables syndicaux mentionnés au paragraphe 263 ci-dessus sont libres d'exercer leurs activités syndicales et ont pu participer aux élections syndicales.
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