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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 234, Juin 1984

Cas no 1155 (Colombie) - Date de la plainte: 17-SEPT.-82 - Clos

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  1. 259. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de février 1983 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir paragr. 26: à 275 du 222e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 222e session (mars 1983).] A sa réunion de février-mars 1984, le comité, ayant constaté que le gouvernement, malgré plusieurs appels, n'avait pas encore envoyé les informations qui lui avaient été demandées, a adressé un appel pressant au gouvernement le priant instamment d'envoyer d'urgence ces informations. [Voir 233e rapport du comité, paragr. 16 et 18.] Le gouvernement a envoyé certaines informations dans une communication datée du 4 mai 1984.
  2. 260. L'ambassadeur de la Colombie, son Excellence Héctor Charry Samper, a fait une déclaration orale devant le comité à la présente réunion sur les cas nos 1155, 1248 et 1252. [Voir paragr. 623 à 638 et 273 à 283, respectivement.] L'ambassadeur a décrit la situation générale prévalant dans son pays et les difficultés auxquelles le pays avait à faire face, en particulier à l'égard des activités terroristes et autres activités criminelles. Il a cependant souligné l'attachement de son pays au processus démocratique et à la liberté syndicale. L'ambassadeur a fourni des informations à propos des cas susmentionnés qui, en substance, ont confirmé les informations déjà transmises par le gouvernement dans des communications écrites.
  3. 261. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 262. Les organisations plaignantes avaient allégué l'assassinat d'Agapito Chagüenda Zúñiga et d'Eliecer Tamayo Paladines, respectivement président et trésorier de la Fédération paysanne du Cauca (FCC), commis près de Popayán (Département du Cauca), le 13 septembre 1982, dans l'après-midi, alors que les intéressés venaient de sortir à moto du siège de la Fédération nationale agraire (FANAL). Les organisations plaignantes avaient indiqué que les dirigeants syndicaux en question avaient été frappés de plusieurs balles dans la tête et avaient ensuite été jetés dans le fleuve Palacé. Les organisations plaignantes avaient ajouté que tout portait à croire que ces assassinats faisaient partie d'une campagne de persécution systématique des organisations syndicales paysannes et ils avaient précisé que, quelques semaines plus tôt, des membres des forces armées colombiennes avaient arrêté arbitrairement Alejandro Leónidas Jojoa et son frère Manuel, syndicalistes de la FANAL, et leur avaient fait subir pendant 33 heures plusieurs interrogatoires sur les dirigeants et les activités de cette fédération.
  2. 263. Le gouvernement avait déclaré que, face à la mort violente des dirigeants syndicaux Agapito Chagüenda et Eliecer Tamayo, les autorités colombiennes avaient exprimé leur réprobation et avaient déploré un tel acte criminel et le Président de la République était intervenu à ce sujet auprès de la Fédération nationale agraire pour lui demander en particulier de collaborer au maximum au bon déroulement de l'enquête afin que les sanctions pénales requises soient prises contre les responsables. Le gouvernement avait ajouté que le Tribunal d'instruction criminelle no 15 s'occupait de cette affaire et qu'il ressortait des premiers éléments réunis par la police nationale que les dirigeants syndicaux en question avaient été menacés par le groupe subversif armé "FARC", et que des témoignages permettaient de supposer que des membres de la "FARC" avaient participé à l'assassinat de MM. Chagüenda et Tamayo, ces derniers ayant refusé à plusieurs reprises d'adhérer à ce mouvement subversif, comme ils en avaient été sommés. D'autre part, le même groupe s'était rendu coupable de l'exécution de sept autres paysans et indigènes, et avait menacé les paysans qui refusaient de collaborer avec lui. Enfin, le gouvernement avait rejeté catégoriquement l'allégation suivant laquelle les forces militaires pourraient être impliquées dans les faits qui faisaient l'objet de la plainte.
  3. 264. Le comité avait recommandé au Conseil d'administration d'approuver les conclusions intérimaires suivantes:
    • a) Le comité est profondément consterné par l'assassinat des dirigeants syndicaux Agapito Chagüenda Zùñiga et Eliecer Tamayo Paladines. Il déplore l'existence de situations comme celle dans laquelle ces événements se sont produits et il attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'un état de violence tel que celui dans lequel ces assassinats se sont produits constitue une menace très grave pour l'exercice des droits syndicaux. Il le prie donc de communiquer les résultats de la procédure pénale engagée contre les coupables par le juge d'instruction criminelle.
    • b) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas fourni d'information sur la détention arbitraire de deux syndicalistes pendant 33 heures et il attire son attention sur le fait que la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes en raison de leur participation à des activités syndicales est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement d'envoyer ses informations sur cet aspect du cas."

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 265. Le gouvernement déclare que dans sa communication de novembre 1982 il avait exprimé sa réprobation devant les faits au cours desquels MM. Chagüendo et Camayo avaient perdu la vie et il avait fait savoir que, selon les renseignements fournis par le commandant du Département de police du Cauca, l'enquête était effectuée par le Tribunal d'instruction criminelle no 15.
  2. 266. Le gouvernement déclare aussi que la mort de MM. Chagúendo et Camayo n'est pas liée à l'exercice de leurs fonctions syndicales ni à une action imputable aux autorités colombiennes, ni même tolérée par elles, et que des délits aussi déplorables sont une atteinte à la légalité démocratique de la Colombie. Rien n'autorise qui que soit à affirmer le contraire. Le gouvernement indique que les juges compétents ont décidé, en l'absence de détenus, de ne pas clore l'instruction. Cependant, on a pu établir l'implication dans cette affaire du groupe de guérilla se faisant appeler Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui mène des activités subversives dans cette zone - des actions de guérilla classiques, des actions de terrorisme et même des actions en liaison avec les trafiquants de drogue. Il ressort clairement de ce qui précède que la mort, regrettable et condamnable, des deux personnes susmentionnées n'était pas le fait d'actions répressives du gouvernement ou des autorités. Elle n'est pas liée non plus à l'exercice d'activités syndicales: il s'agit d'un obscur épisode délictueux qui s'inscrit dans une situation de trouble de l'ordre public qui a conduit à une association exécrable et dangereuse entre la guérilla et le trafic de drogue, défiant ouvertement l'état de droit et la démocratie en Colombie.
  3. 267. Cette situation, ajoute le gouvernement, inflige au pays la perte de vies humaines innocentes, y compris de soldats de la République, d'agents de police, de juges et jusqu'à celle du ministre de la Justice Rodrigo Lara Bonilla qui dirigeait courageusement, dans le respect de la loi, la lutte contre la pègre qui s'abrite quelquefois de mauvaise foi derrière de prétendues causes politiques, alors que chacun sait que tous les chemins de la liberté sont ouverts en Colombie.
  4. 268. En ce qui concerne la détention de deux syndicalistes indigènes, les frères Jojoa, elle n'a pas été effectuée non plus à cause de leurs activités syndicales ou de leurs fonctions de dirigeants paysans: il s'agit seulement d'une garde à vue provisoire, de quelques heures, et d'une action préventive de contrôle d'identité dans la zone touchée par la violence de la guérilla et du terrorisme. Toutes les personnes concernées par cette action préventive de contrôle (qui, d'ailleurs, est courante et légale dans les pays les plus civilisés) en situation d'urgence, ont été remises en liberté. Les frères Jojos sont restés quelques heures en garde à vue et, lorsqu'ils ont prouvé leur identité, ils ont été remis en liberté inconditionnelle; ils le restent et continuent d'exercer leurs activités syndicales sous la pleine protection de la loi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 269. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l'assassinat des dirigeants syndicaux Agapito Chagüenda et Eliecer Tamayo Paladines. Le comité note en particulier que les juges compétents du Tribunal d'instruction criminelle no 15 ont décidé, en l'absence de détenus, de ne pas clore l'instruction, bien que l'implication du groupe de guérilla "Forces armées révolutionnaires de Colombie" (FARC) ait été établie. Le comité note que le gouvernement déclare que la mort des personnes susmentionnées n'est pas le fait d'actes répressifs des autorités et qu'elle n'est pas liée à l'exercice de leur liberté syndicale, mais qu'il s'agit d'un obscur épisode criminel qui s'inscrit dans une situation de trouble de l'ordre public ayant conduit à une association exécrable et dangereuse entre le trafic de drogue et la guérilla.
  2. 270. A cet égard, le comité relève que l'assassinat des deux dirigeants syndicaux de la Fédération paysanne du Cauca a été perpétré le 13 septembre 1982; par conséquent, il exprime l'espoir que l'enquête judiciaire en cours sera à bref délai menée à bien pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement de l'enquête et signale à son attention que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1233 (El Salvador), paragr. 682.]
  3. 271. En ce qui concerne l'allégation relative à la détention pendant 33 heures des deux syndicalistes Alejandro Leónidas Jojoa et Manuel Jojoa, le comité note que ces derniers n'ont été retenus que quelques heures, qu'ils ont été remis en liberté lorsqu'ils ont prouvé leur identité et que leur détention n'est pas liée à l'exercice d'activités syndicales, mais qu'elle s'inscrit dans une action préventive de contrôle d'identité dans la zone touchée par la violence de la guérilla et du terrorisme.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 272. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport, et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) Le comité exprime l'espoir que l'enquête judiciaire en cours sur l'assassinat des dirigeants syndicaux Agapito Chagüenda et Eliecer Tamayo Paladines sera à bref délai menée à bien et permettra d'éclaircir pleinement les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables.
    • b) Le comité signale à l'attention du gouvernement que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du déroulement de l'enquête judiciaire sur l'assassinat des deux dirigeants susmentionnés.
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