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Rapport définitif - Rapport No. 222, Mars 1983

Cas no 1165 (Japon) - Date de la plainte: 05-OCT. -82 - Clos

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  1. 153. Des plaintes en violation des droits syndicaux au Japon ont été présentées, le 5 octobre 1982, par les organisations syndicales suivantes: la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération japonaise du travail (DOMEI) et le conseil national des syndicats du personnel des administrations et des sociétés publiques, et, le 12 octobre 1982, par l'Internationale des services publics (ISP), la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE), le Secrétariat professionnel international de l'enseignement, le Syndicat du personnel enseignant du Japon, la Confédération japonaise des syndicats du personnel des administrations publiques nationales, le Syndicat des travailleurs du ministère de l'Agriculture et des Forêts, le Conseil général des syndicats du Japon (SOHYO) et le Syndicat pan japonais des travailleurs préfectoraux et municipaux. Des informations supplémentaires ont été communiquées par les organisations suivantes: la CMOPE (le 14 octobre 1982), la DOMEI (les 28 octobre 1982 et 8 février 1983) et le SOHYO, conjointement avec quatre des organisations plaignantes nationales (le 10 novembre 1982). Le 22 novembre 1982, le syndicat japonais des professeurs du secondaire a présenté une plainte analogue contre le gouvernement du Japon. Celui-ci a répondu par une communication que le BIT a reçue le 4 février 1983.
  2. 154. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 155. Dans leurs différentes lettres, les plaignants allèguent que le gouvernement a violé les principes de la liberté syndicale en décidant de ne pas donner effet à la recommandation relative à l'augmentation des traitements (1982) émanant du Service national du personnel (SNP), organisme indépendant qui a été institué en vertu de la loi sur les administrations nationales afin de formuler des recommandations concernant les salaires, en compensation de la non-reconnaissance du droit de négociation collective et du droit de grève aux agents de la fonction publique au Japon. Plusieurs des plaignants allèguent aussi que la recommandation formulée en 1981 par le SNP n'a pas été entièrement appliquée. La CHOPE reproche à cette mesure d'être particulièrement inéquitable à l'égard du personnel enseignant qui, à son avis, ne devrait pas, de toute façon, être visé par la loi précitée.
  2. 156. Les plaignants font l'historique de la situation- en mars 1982, ils ont présenté au SNP, au gouvernement et aux autorités locales, en tant qu'employeurs, des revendications salariales à satisfaire à compter d'avril 1982; dans sa réponse, en date des 14 et 19 avril (dont des copies sont fournies), le gouvernement déclare que des "efforts sincères" seront faits pour donner effet cette année aux recommandations du SNP "eu dépit de la situation fiscale difficile et d'autres difficultés"; le 6 août, le SNP a recommandé de majorer les traitements et salaires des fonctionnaires nationaux (+ 4,58 pour cent, par personne et par mois) avec effet rétroactif au 1er avril 1982; certains des plaignants n'ont pas jugé cette augmentation satisfaisante, mais ils ont prié instamment le gouvernement de l'appliquer rapidement et sans restriction; le 24 septembre, sans avoir consulté les syndicats du personnel des administrations publiques, le gouvernement a décidé de remettre à une date indéterminée la révision des salaires qui avait été recommandée. Les plaignants transmettent des copies d'une déclaration publiée par le président du SNP dans laquelle il déplore vivement cette décision, car elle ne tient pas compte du fait que le système du SNP compensait la restriction imposée aux droits syndicaux des fonctions publiques. A cet égard, les plaignants soulignent que, mis à part les restrictions déjà mentionnées aux droits syndicaux des fonctionnaires en question, la législation pertinente ne renferme aucune disposition relative aux procédures de conciliation ou d'arbitrage. En outre, selon les plaignants, la situation est presque impossible puisque le projet de budget d'octobre 1982 du gouvernement réduit l'enveloppe relative aux salaires.
  3. 157. En conclusion, les plaignants font observer que, dans le passé, le gouvernement avait respecté et appliqué sans restriction les recommandations du SNP et qu'en refusant de le faire maintenant, vu les restrictions existantes en matière de droits syndicaux des fonctionnaires, il viole les conventions nos 98 et 151.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 158. Dans sa communication reçue le 4 février 1983, le gouvernement déclare qu'il maintient fermement une politique fondamentale qui consiste à respecter les recommandations formulées par le SNP - ce qu'il estime constituer une mesure de compensation intégrale contrebalançant les restrictions en matière de droits syndicaux du personnel des administrations publiques - et qu'il a fait jusqu'ici tout son possible pour leur donner effet. Toutefois, il fait observer que la décision de différer l'augmentation de salaires recommandée pour 1982 est une mesure tout à fait exceptionnelle due à la situation financière critique sans précédent dans laquelle il se trouve.
  2. 159. Selon le gouvernement, le conseil des ministres s'occupant des traitements s'est réuni à trois reprises (les 6 août, 1er et 20 septembre 1982) pour examiner la façon dont il convenait de donner suite à la recommandation, mais il a été décidé, le 24 septembre, d'en différer l'application vu que l'on attend des fonctionnaires nationaux qu'ils se montrent prêts à coopérer à la réforme en cette période de crise financière et vu que l'écart entre les traitements de ces employés et ceux de leurs homologues du secteur privé est inférieur à 5 pour cent. (Le gouvernement fait observer que les émoluments de ses propres membres n'ont pas augmenté depuis 1978 et qu'en novembre 1982 tous les membres du Cabinet ont convenu de verser au Trésor 10 pour cent de leur traitement actuel.) Il déclare que cette décision difficile a été prise après plusieurs réunions avec les organisations du personnel intéressé; d'après une liste qu'il a fournie, 34 de ces réunions ont eu lieu entre le 3 mars et le 4 octobre. Le gouvernement confirme que la Diète a approuvé le budget le 25 décembre 1982, et qu'aucun crédit n'a été alloué pour mettre en oeuvre la recommandation da SNP.
  3. 160. En ce qui concerne la plainte particulière de la CHOPE, le gouvernement déclare que les fonctionnaires visés à l'article 6 de la convention no 98 sort considérés, au Japon, comme étant ceux qui "bénéficient de conditions d'emploi statutaires", de sorte que les fonctionnaires du secteur "non opérationnel", les enseignants par exemple, sont considérés comme n'étant pas couverts par la convention.
  4. 161. Le gouvernement présente des statistiques détaillées attestant la gravité de la situation financière dans laquelle se trouve le Japon en 1982 et notamment l'existence de problèmes tels que la dépendance massive à l'égard d'obligations en couverture de déficit et l'insuffisance des rentrées fiscales. Il déclare que la résolution de ces problèmes permettra, à long terme, de garantir et d'améliorer le niveau de vie de l'ensemble des travailleurs, y compris des fonctionnaires publics. En outre, il signale qu'un système de majoration périodique annuelle des traitements s'applique aux fonctionnaires des administrations publiques nationales (à l'exception d'un petit nombre d'entre eux, par exemple ceux qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire) et qu'en 1982 l'augmentation était légèrement supérieure à 2 pour cent, ce qui correspond presque à la hausse des prix à la consommation (2,8 pour cent).
  5. 162. Le gouvernement conclut en soulignant qu'il s'efforcera dans toute la mesure possible de ne plus prendre de telles mesures et que la décision de 1982 ne signifie pas qu'il nie l'importance inhérente du rôle ou du système des recommandations du SNP.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 163. Le comité note que ce cas a trait à la non-application, par le gouvernement, d'une recommandation du Service national du personnel visant à augmenter de 4,58 pour cent les traitements des fonctionnaires nationaux du secteur "non opérationnel" à partir du 1er avril 1982- Selon les plaignants, la non-application intégrale et rapide de cette recommandation constitue une violation des principes de la liberté syndicale et, en particulier, des garanties qui devraient être accordées lorsque le droit de grève et le droit de négociation collective ne sont pas reconnus au personnel de la fonction publique ou des services essentiels. Pour sa part, le gouvernement affirme que, conformément aux principes de l'OIT, les recommandations du SNP ont toujours été appliquées sans restriction dans le passé et que tout sera mis en oeuvre pour qu'il en soit ainsi à l'avenir. Toutefois, pour l'année 1982, la décision exceptionnelle de ne pas donner effet à ladite recommandation a été rendue nécessaire par l'existence d'une situation financière critique
  2. 164. Le comité estime qu'il doit rappeler dans le cas présent, comme il l'a fait dans des cas analogues concernant le Japon, que lorsque des droits fondamentaux, tels que le droit de négociation collective ou le droit de grève dans certains services essentiels ou dans la fonction publique, font l'objet d'interdictions ou de restrictions - comme c'est le cas dans cette affaire - des garanties appropriées, telles que des procédures de conciliation et d'arbitrage, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer et dans lesquelles les sentences rendues doivent être appliquées entièrement et rapidement, doivent être accordées pour protéger pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels.
  3. 165. Au sujet de la catégorie des fonctionnaires concernés par les recommandations du Service national du personnel, le comité relève que, outre le fait qu'ils sont privés du droit de grève, ils n'ont aucun droit de participer à un mécanisme de négociation quel qu'il soit pour la fixation de leurs conditions d'emploi, y compris de leurs traitements. Les seules mesures compensatoires sembleraient être l'existence du service précité et les avantages dont cette catégorie de personnel bénéficie par suite de la mise en oeuvre des recommandations dudit service à l'effet d'augmenter leurs traitements. Le degré d'adéquation de ces mesures compensatoires dépend en conséquence de l'application rapide et sans restriction des augmentations de traitement recommandées par le service en question, principe qui a été reconnu par la Cour suprême du Japon elle-même. Le comité observe que dans le passé les recommandations du Service national du personnel et leurs mises en oeuvre par le gouvernement ont fourni aux travailleurs concernés une compensation pour les restrictions de leurs droits syndicaux.
  4. 166. Dans le présent cas, le comité note que la décision du gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la recommandation du SNP relative aux augmentations de salaires de 1982 a été ratifiée par la Diète quand, le 25 décembre 1982, le budget a été révisé, et qu'aucun crédit n'a été alloué pour mettre et oeuvre la recommandation du SNP. En conséquence, il n'est pas utile de demander au gouvernement de réexaminer la situation à l'égard de cette recommandation du SNP.
  5. 167. Le comité prend note des assurances données par le gouvernement selon lesquelles il maintient fermement sa politique fondamentale de respect des recommandations du SNP et que la non application de ces recommandations en 1982 a été une mesure de caractère exceptionnel adoptée dans une situation économique nationale critique sans précédent, et que le gouvernement a l'intention de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la répétition d'une situation semblable à l'avenir.
  6. 168. Tout en regrettant que les recommandations du Service national du personnel n'aient pas été mises en oeuvre, le comité exprime le ferme espoir qu'à l'avenir les recommandations du SNP seront rapidement et complètement mises en oeuvre, de sorte que les fonctionnaires concernés se voient compensés pour les restrictions de leurs droits syndicaux en matière de négociation collective et de droit de grève.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 169. Le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) Le comité rappelle le principe selon lequel, lorsque des droits aussi fondamentaux que le droit de négociation collective et le droit de grève dans les services essentiels ou dans la fonction publique sont déniés ou sujets à des restrictions, comme dans le présent cas, des garanties adéquates telles que des procédures de conciliation et d'arbitrage, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les parties doivent pouvoir prendre part et dont les décisions, une fois adoptées, doivent être complètement et rapidement mises en oeuvre, devraient exister pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés de moyens essentiels de défense de leurs intérêts.
    • b) Le comité note les assurances données par le gouvernement selon lesquelles il maintient fermement sa politique fondamentale de respect des recommandations du Service national du personnel et qu'il a l'intention de faire tout ce qui est en son pouvoir pour ce faire à l'avenir.
    • c) Le comité regrette que les recommandations du Service national du personnel n'aient pas été mises en oeuvre en 1982 et il exprime le ferme espoir qu'à l'avenir les recommandations du SNP seront complètement et rapidement mises en oeuvre, garantissant ainsi aux fonctionnaires concernés une mesure de compensation aux restrictions à leurs droits syndicaux en matière de négociation collective et de droit de grève.
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