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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 234, Juin 1984

Cas no 1179 (République dominicaine) - Date de la plainte: 19-JANV.-83 - Clos

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  1. 284. La plainte figure dans une communication de la Centrale générale des travailleurs du 19 janvier 1983. Le gouvernement a répondu par une communication du 3 février 1984.
  2. 285. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 286. Rappelant que le Syndicat national des travailleurs du Service national des ressources hydrauliques (ci-après Syndicat des eaux) et le Service national des ressources hydrauliques (ci-après Service des eaux) avaient conclu une convention collective le 8 janvier 1982, l'organisation plaignante allègue que le directeur nommé par le nouveau gouvernement a cessé, quelques mois après, d'en appliquer les clauses. Le syndicat a d'abord essayé de régler cette situation par accord direct, puis par médiation du Secrétariat d'Etat au Travail, aboutissant ainsi à un accord qui aurait dû mettre fin au conflit. Or le directeur du Service des eaux, ayant désavoué ses représentants, a refusé de signer le nouvel accord. Le syndicat a donc déclaré en octobre 1982 une grève de 72 heures, mais sans fermeture des vannes, de sorte que l'irrigation n'a pas été interrompue.
  2. 287. Selon l'organisation plaignante, le gouvernement aurait réagi à cette grève de la manière suivante: occupation militaire du Service des eaux, interdiction des activités du syndicat et annulation de l'enregistrement de celui-ci par le Secrétariat d'Etat au Travail, accusations mensongères de sabotage et de grève avec fermeture des vannes, suspension de la retenue des cotisations à la source, confiscation des cotisations déjà perçues et qui appartenaient donc au syndicat, licenciement des membres du Comité exécutif national, des comités directeurs des 23 sections du syndicat et de plus de 1.000 affiliés, et pour les travailleurs qui voulaient rester employés au Service des eaux obligation de se retirer du syndicat.
  3. 288. L'organisation plaignante allègue d'autre part que, depuis mai 1982, des centaines de travailleurs de l'Institut agraire dominicain (IAD) ont formé le Syndicat national des travailleurs de l'IAD (SINATRIAD) qui compte maintenant 20 sections dans tout le pays. L'organisation plaignante signale que le Secrétariat d'Etat au Travail a ratifié, par acte officiel du 24 juin 1982 (dont l'organisation plaignante donne copie), le principe que les travailleurs de l'IAD n'ont pas le droit de se syndiquer.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 289. Le gouvernement déclare que le conflit entre le Syndicat des eaux et le Service des eaux a pour principale origine des divergences sur l'application de la convention collective régissant les conditions de travail.
  2. 290. Le gouvernement ajoute que le Syndicat des eaux a commis une violation flagrante de la loi (articles 370 et 371 du Code du travail) en lançant une grève illégale dans un service public d'utilité permanente, comme le Service des eaux, dont la fonction principale est l'alimentation en eau de tout le pays. L'article 370 du code dispose que la grève n'est pas permise dans les services publics d'utilité permanente, et l'article 371 définit comme tel l'approvisionnement en eau.
  3. 291. Le gouvernement déclare aussi qu'en conséquence de la grève illégale lancée par le Syndicat des eaux il a constaté des sabotages contre les installations d'adduction et a, par conséquent, " décidé l'occupation par la force publique de toutes les installations du service afin de protéger les installations et de garantir l'approvisionnement. Cette mesure d'intervention a eu un caractère temporaire et a complètement cessé depuis.
  4. 292. Le gouvernement signale que, malgré cette situation grave, certains des dirigeants les plus connus du syndicat ont été réintégrés dans leur emploi au Service des eaux à la suite de négociations entre les deux parties, et que la grande majorité des travailleurs qui avaient été licenciés pour grève illégale ont aussi été réintégrés.
  5. 293. En ce qui concerne le droit de syndicalisation des travailleurs de l'IAD, le gouvernement déclare qu'il n'a jamais refusé au syndicat son enregistrement, lequel fonctionne de fait dans cette administration, et que le Secrétariat d'Etat au Travail attend de recevoir tous les documents nécessaires à sa constitution de droit pour procéder à l'enregistrement, comme le syndicat en a été avisé officiellement le 7 décembre 1983 (par acte écrit dont le gouvernement donne copie).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 294. En ce qui concerne les mesures prises par les autorités par suite de la grève de 72 heures organisée en octobre 1982 au Service national des eaux par le Syndicat des eaux, le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, la grève n'est pas autorisée dans les services publics d'utilité permanente tels que l'approvisionnement en eau dont est chargée ladite administration, que l'occupation des installations du Service des eaux par la force publique était due à la découverte de sabotages dans les installations d'adduction, et que certains des dirigeants du syndicat et la plupart des travailleurs licenciés ont été réintégrés.
  2. 295. Tout en reconnaissant que les services d'approvisionnement en eau constituent un service essentiel au sens strict du terme (c'est-à-dire un service dont l'interruption pourrait mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l'ensemble de la population), et pour lequel il peut être légitime d'interdire le recours à la grève [voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1225 (Brésil), paragr. 668], le comité tient à signaler que les mesures prises par les autorités pour assurer la prestation des services essentiels doivent rester proportionnelles aux buts visés, sans aboutir à des excès des autorités et en particulier à des actes d'ingérence qui limitent le droit des organisations syndicales d'organiser librement leur gestion et leurs activités (article 3 de la convention no 87).
  3. 296. A cet égard, le comité relève que certaines des mesures alléguées par l'organisation plaignante, sur lesquelles le gouvernement n'a pas envoyé d'observations, ne se justifient pas du point de vue énoncé ci-dessus; il s'agit, en particulier, de l'interdiction des activités du syndicat, de la suspension de la retenue des cotisations à la source, de la confiscation des cotisations déjà perçues et de l'obligation faite aux travailleurs de signer leur démission du syndicat comme condition à l'emploi au Service des eaux. Considérant que les mesures alléguées remontent à 1982, le comité ne peut que déplorer qu'elles aient été prises et espérer qu'il n'en sera pas pris de semblables à l'avenir.
  4. 297. Le comité tient à signaler, d'autre part, que les licenciements massifs de grévistes impliquent de graves risques d'abus et compromettent sérieusement la liberté syndicale. (Voir, par exemple, 149e rapport, cas no 793 (Inde), paragr. 138.]
  5. 298. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le Secrétariat d'Etat au Travail aurait considéré que les travailleurs de l'IAD n'ont pas le droit de se syndiquer, le comité relève que, selon une communication adressée le 7 décembre 1983 par le Secrétariat d'Etat au Travail aux représentants du syndicat (alors en formation) de l'Institut agraire dominicain (IAD), les autorités auraient changé d'attitude en ce qui concerne le droit de syndicalisation desdits travailleurs, et que le Secrétariat d'Etat au Travail attend actuellement les documents nécessaires pour la constitution du syndicat. Le comité exprime l'espoir que ce syndicat sera bientôt constitué et prie le gouvernement de le tenir au courant.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 299. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Tout en reconnaissant que les services d'approvisionnement en eau constituent un service essentiel au sens strict du terme et dans lequel il peut être légitime d'interdire le recours à la grève, le comité considère que certaines des mesures prises temporairement par les autorités par suite de la grève effectuée par le Syndicat des eaux en octobre 1982 (interdiction des activités du syndicat, suspension de la retenue des cotisations à la source, etc.) sont contraires aux garanties prévues à l'article 3 de la convention no 87. Le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que les mesures prises par les autorités pour assurer la prestation des services essentiels doivent rester proportionnelles aux buts visés sans aboutir à des excès. Le comité déplore donc ces mesures et exprime l'espoir qu'il n'en sera pas pris de semblables à l'avenir.
    • b) Le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe que les licenciements massifs de grévistes impliquent de graves risques d'abus et compromettent sérieusement la liberté syndicale.
    • c) Le comité exprime l'espoir que, conformément aux assurances données par le gouvernement, le Syndicat des travailleurs de l'Institut agraire dominicain pourra se constituer bientôt et prie le gouvernement de l'en tenir informé.
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