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- PLAINTES PRESENTEES PAR LA CENTRALE UNIQUE DES TRAVAILLEURS DU CHILI (COMITE EXTERIEUR) ET LE CONSEIL NATIONAL DE COORDINATION SYNDICALE DU CHILI CONTRE LE GOUVERNEMENT DU CHILI
- 474 Les plaintes figurent dans une communication de la Centrale unique des travailleurs du Chili (Comité extérieur) du 10 février 1983 et dans une communication du Conseil national de coordination syndicale du Chili de mai 1983. Le gouvernement a répondu par des communications du 11 mai et ou 29 septembre 1983.
- 475 Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives à la législation en matière de liberté et de négociation collective
A. Allégations relatives à la législation en matière de liberté et de négociation collective- 476. Les plaignants allèguent que certaines dispositions législatives en vigueur sont contraires aux principes en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Ainsi, la loi no 18198 du 31 décembre 1982 dispose que, dans les contrats collectifs qui seront conclus après cette date, l'employeur pourra offrir les mêmes conditions de travail que celles qui seront en vigueur au 31 décembre 1982, sans possibilité de réajustement ultérieur. La loi no 18198 permettra aux employeurs d'empêcher non seulement l'actualisation des rémunérations des travailleurs à la date d'ouverture des négociations, mais toute possibilité de réajustement dans l'avenir. Ces dispositions sont promulguées au moment où l'inflation est estimée à 50 pour cent pour la période à venir, outre que la durée minimale d'un contrat collectif est de deux ans. Par ailleurs, les rémunérations des travailleurs du secteur public sont bloquées depuis le mois d'août 1981 en application du décret no 3551 de la même année.
- 477. De plus, la loi no 18196 du 29 décembre 1982 interdit aux syndicats de recevoir une aide financière des entreprises auxquelles appartiennent leurs adhérents, ainsi que des personnes physiques ou morales étrangères; en cas d'infraction, des sanctions pénales seront imposées et les sommes indûment perçues devront être remboursées. D'autre part, dans le Journal officiel du 18 août 1982, le gouvernement a publié une liste de 40 entreprises dont les travailleurs peuvent négocier mais ne peuvent recourir à la grève, essentiellement parce qu'il s'agit d'entreprises stratégiques pour la défense et la sécurité nationales. La liste comprend notamment les entreprises suivantes. CODELCO (exploitation minière du cuivre), Chemins de fer de l'Etat, Compagnie des téléphones, ENTEL, ENAP (pétrole), LAN (compagnie d'aviation), GASCO (gaz), Entreprise nationale d'explosifs, ENDESA (électricité ), CHILECTRA et Banque de l'Etat.
- 478. Le gouvernement déclare que le Tribunal constitutionnel a déclaré conforme au droit la loi no 18198 de 1982 portant modification du décret-loi no 2200 sur le contrat de travail et du décret-loi no 2758 sur la négociation collective. Cette loi se fonde sur des considérations liées à la récession économique qui affecte tous les pays. Dans la crise actuelle, le pays n'a pas pu s'en dispenser et un système de réajustement automatique compromettrait gravement l'emploi. La loi a traité la question de manière réaliste par nécessité, afin de ne pas aggraver le chômage.
- 479. Le gouvernement indique que l'allégation relative à la suspension du réajustement des rémunérations des travailleurs du secteur public n'est pas fondée car, au cours de l'année 1983, ces rémunérations ont été réajustées de 5 pour cent; de plus, à compter du 1er janvier 1984, elles seront réajustées de 15 pour cent. Outre les réajustements mentionnés, trois bonifications équivalant à 30 pour cent du traitement des agents publics ont été accordées: deux d'entre elles ont déjà été versées et la troisième devait l'être en novembre 1983.
- 480. S'agissant des travailleurs qui ne jouissent pas du droit de grève, le gouvernement déclare qu'au Chili, comme dans tous les pays du monde, il existe des entreprises dans lesquelles il ne saurait y avoir de grève en raison du préjudice qui en résulterait pour la communauté, vu la nature des activités exercées par ces entreprises. Au Chili, toutefois, cette considération a été conciliée avec la nécessité d'une justice du travail: les travailleurs qui ne peuvent pas faire grève ont recours à la négociation collective, par voie d'arbitrage en cas de désaccord; l'employeur ne peut pas refuser d'y participer et il doit en respecter les résultats.
- 481. Quant à l'interdiction pour les organisations syndicales de recevoir des contributions de l'employeur ou d'entités étrangères, le gouvernement signale que la loi syndicale prévoit un système adéquat de financement par les cotisations ordinaires et extraordinaires des membres, déduites de leur rémunération par un système de retenue à la source. Le financement syndical par l'entreprise ou par des entités étrangères est interdit. C'est là un principe de base du régime de libre affiliation: cette liberté n'est effective que dans la mesure où les syndicats peuvent faire état des succès qu'ils ont obtenus grâce à l'action diligente de leurs dirigeants et non des avantages extérieurs comme le seraient ceux obtenus par des fonds extra-syndicaux. D'autre part, on évite ainsi les actes d'ingérence syndicale de l'employeur, qui pourrait faire une discrimination en faveur du syndicat ayant sa préférence ou de celui qui serait réceptif à son influence.
- 482. Le comité fait observer que la loi no 18198 du 31 décembre 1982 contient des restrictions importantes à la négociation collective, en particulier en matière de réajustement des rémunérations. A cet égard, notant que le gouvernement et les plaignants ont signalé l'existence de sérieuses difficultés dans le domaine économique, le comité tient à souligner que lorsque, pour des raisons impérieuses d'intérêt économique, les autorités considèrent que le taux de salaire ne peut être fixé librement par voie de négociation collective, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure exceptionnelle limitée à l'indispensable, ne pas dépasser une période raisonnable et être accompagnée de garanties en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir, par exemple, 230e rapport, cas no 1171 (Canada-Québec), paragr. 162.] A cet égard, le comité souligne que la loi no 18198 ne fixe pas de délai et qu'aucune de ses dispositions ne permet de supposer qu'il s'agit d'une loi temporaire, mais plutôt d'une loi de durée indéterminée. Par ailleurs, le comité relève que le gouvernement n'a pas indiqué si des mesures ont été prises pour protéger le niveau de vie des travailleurs. Par conséquent, le comité signale à l'attention du gouvernement que l'application des restrictions à la négociation collective en matière de réajustement des rémunérations, établies par la loi no 18198, ne devrait pas dépasser une période raisonnable et que ces restrictions devraient être accompagnées de garanties en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
- 483. Le comité note d'autre part que, selon le gouvernement, l'allégation relative à la suspension du réajustement des rémunérations des travailleurs du secteur public n'est pas fondée car ces rémunérations ont été réajustées de 5 pour cent en 1983, qu'elles le seraient de 15 pour cent en janvier 1984 et qu'en outre trois bonifications ont été accordées équivalant à 30 pour cent du traitement de l'agent public.
- 484. En ce qui concerne l'interdiction de grève dans 40 entreprises, le comité note que, selon le gouvernement, cette mesure est due au préjudice que des grèves dans ces entreprises causeraient à la communauté. Le comité note également que dans ces entreprises, en cas de désaccord, la négociation collective est réglée par voie d'arbitrage. Le comité a signalé à de multiples occasions [voir, par exemple, 226e rapport, cas no 1166 (Honduras), paragr. 343] que le droit de grève étant l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels, il ne peut faire l'objet d'interdiction ou de restrictions importantes que dans la fonction publique et les services essentiels au sens strict (ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne). Le comité estime, à cet égard, que certaines des entreprises mentionnées par les plaignants dans lesquelles la grève est interdite ne paraissent pas fournir des services essentiels au sens strict du terme. Par conséquent, le comité signale à l'attention du gouvernement la nécessité de limiter la liste des entreprises dans lesquelles la grève est interdite (voir Journal officiel du 18 août 1982) à celles qui fournissent des services essentiels au sens strict du terme.
- 485. Quant à l'interdiction pour les syndicats de recevoir une aide financière des entreprises auxquelles appartiennent leurs adhérents, ainsi que de personnes physiques ou morales étrangères (loi no 18196), le comité considère que, si la première interdiction s'explique du point de vue du principe de la non-ingérence des employeurs et de leurs organisations dans les organisations de travailleurs, la seconde, en interdisant l'aide financière provenant de personnes physiques ou morales étrangères, peut comporter une restriction importante au droit des organisations syndicales de s'affilier à des organisations internationales (fédérations ou confédérations) et de recevoir des fonds syndicaux. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier cette disposition.
- Allégations de détention de dirigeants syndicaux
- 486. Les plaignants allèguent que le 30 septembre 1982, à la suite d'une manifestation effectuée dans la ville de Concepcíon pour exiger le retour des exilés chiliens, on a arrêté Maria Eugenia Darricarrere Andreo, dirigeante de l'Association professionnelle de travailleurs du Chili (AGECH) et René Carvajal Zúñiga, conseiller du travail des syndicats du charbon, en les accusant à tort d'avoir mis une bombe incendiaire près de la mairie de Concepcíon. Quelques jours plus tard, José Ortiz Aravena, président de l'AGECH, a été arrêté; il a été détenu pendant dix-neuf heures et soumis à des tortures. Selon les déclarations de ce dernier, Mme Darricarrere a été soumise à de mauvais traitements.
- 487. Les plaignants allèguent aussi qu'en novembre ou décembre 1982 on a arrêté les dirigeants syndicaux Ernesto Vega Alvarez, Domingo Tapia et Juan Sáez et, en janvier 1983, Lorenzo Boroa, Maria Luisa Traipe et Manuel Espinoza, également dirigeants syndicaux.
- 488. Le gouvernement déclare que, le 11 octobre 1982, Mme Maria Eugenia Darricarrere Andreo et M. René Carvajal Zúñiga ont été arrêtés sur l'ordre des autorités militaires de Concepcíon pour infraction à la loi sur le contrôle des armes. Le tribunal militaire les a inculpés parce qu'il a considéré qu'il existait des présomptions fondées de leur participation au délit mentionné, ayant été surpris en possession d'explosifs dans les douches du stade municipal de Concepcíon. M. René Carvajal Zúñiga a été mis en liberté par ordre du tribunal en décembre 1982. Quant à Mme Maria Eugenia Darricarrere Andreo, la Cour martiale lui a accordé la liberté le 10 février 1983. M. José Ortíz Aravena qui, contrairement à ce qu'indiquent les plaignants, n'est pas président de l'AGECH, a été arrêté pour avoir mené des activités politiques clandestines, mais il a été remis en liberté après que le tribunal l'ait entendu.
- 489. Le gouvernement ajoute qu'on ne dispose pas d'informations sur l'arrestation alléguée d'Ernesto Vega, de Domingo Tapia et de Maria Luisa Traipe et que Juan Sáez et Lorenzo Borea ont été arrêtés et remis en liberté immédiatement après vérification de leur domicile, pour avoir participé activement a des manifestations destinées à troubler l'ordre public et à provoquer des désordres. Quant à Manuel Espinoza, il a été arrêté pour avoir été surpris en possession de petits appareils de fer qui, lancés dans les rues, empêchent les voitures de passer car ils s'incrustent dans les pneus et les font crever. Après avoir été entendus et après vérification de leur domicile, ils ont été laissés en liberté.
- 490. Le comité note que, selon les déclarations du gouvernement, M. Ortiz Aravena, Mme Maria Darricarrere et M. Manuel Espinoza ont été arrêtés pour des faits qui n'ont pas de rapport avec leurs activités syndicales. Le comité note également que le gouvernement déclare qu'on ne dispose pas d'informations sur l'arrestation alléguée d'Ernesto Vega, de Diego Tapia et de Maria Luisa Traipe. Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations de tortures ou de mauvais traitements physiques dont auraient fait l'objet Mme Maria Darricarrere et M. José Ortíz Aravena. Le comité demande au gouvernement de mener une enquête à cet égard et de l'informer des résultats de l'enquête.
- 491. Quant à l'arrestation de MM. Juan Sáez et Lorenzo Boroa, le comité note que, selon le gouvernement, ils avaient participé activement à des manifestations destinées à troubler l'ordre public et à susciter des désordres. Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas donné plus de précisions sur ces manifestations. Néanmoins, étant donné que les personnes en question ont été laissées en liberté immédiatement après vérification de leur domicile et que les faits allégués remontent à janvier 1983, le comité considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- Allégations de licenciement de dirigeants syndicaux et de syndicalistes
- 492. Les plaignants allèguent que cinq dirigeants syndicaux de l'entreprise Celulosa Arauco (MM. Leopoldo Pinto, Eduardo Sepúlveda, Jaime Bohme, José Araneda Alarcón et Miguel Medina) ont été licenciés; ils ont été accusés d'avoir incité à un arrêt de travail de cinq heures, en septembre 1982, au cours duquel 136 membres de la première équipe ont refusé de commencer le travail. De même, la fabrique de chaussures Gino a licencié deux dirigeants du syndicat de cette entreprise, MM. Jorge Venegas et Mauricio Rodríguez, et deux employés pour avoir refusé de signer en faveur de la réduction des commissions sur les ventes, lesquelles font partie du salaire des vendeurs. D'autre part, le propriétaire de la fabrique de récipients en matière plastique Campos a licencié les membres du bureau du syndicat, composé de Sixto Walter Manríquez, Emeterio González et José Rivera, lorsque le syndicat venait d'être constitué, ainsi que douze travailleurs pour avoir collaboré à la formation du syndicat. Les plaignants indiquent que le syndicat de cette entreprise s'est constitué à cause des irrégularités commises par le propriétaire dans l'application de la législation du travail.
- 493. Les plaignants allèguent aussi le licenciement d'Efraín Plaza et de Pedro Gutiérrez (président et vice-président du Syndicat de la construction, des ingénieurs, des techniciens et des agents administratifs) en mai 1982, d'Arsenio Angulo (dirigeant national de la Confédération des travailleurs de la gastronomie) en juin 1982, d'Enrique Morgado et de Jorge Pulgar (président et secrétaire du Syndicat des verreries Toro SA) en août 1982, et de trois dirigeants du Syndicat des croupiers du casino de Viña del Mar en février 1983. En septembre 1982, six dirigeants de la General Motors auraient été obligés de quitter leur emploi à cause des pressions exercées par l'entreprise.
- 494. En ce qui concerne le licenciement de dirigeants de la société Celulosa Arauco y Constitución SA, le gouvernement déclare que le 8 septembre 1982 cette entreprise a notifié à l'inspection départementale du travail d'Arauco la résiliation des contrats de travail des dirigeants du syndicat no 1 des travailleurs de Celulosa Arauco y Constitución SA, MM. Leopoldo del Carmen Pinto Arriagada, Eduardo Adolfo Sepúlveda da Cabrera, Miguel Enrique Medina Mendoza, José Tomás Araneda Alarcón et Jaime Eduardo Bohme Barroso. Le motif de la résiliation des contrats de travail a été la préparation et la participation à un arrêt de travail illégal effectué le 6 septembre 1982. Parmi les dirigeants licenciés, seuls ont engagé une action contre leur licenciement devant les tribunaux judiciaire MM. Leopoldo del Carmen Pinto Arriagada et Eduardo Adolfo Sepúlveda Cabrera; ces derniers sont parvenus à un accord avec l'entreprise (dont le gouvernement envoie une copie) pour mettre fin à l'action engagée pour licenciement injustifié sans attendre que la sentence soit rendue; l'accord prévoit le versement par l'entreprise d'une somme de 101.358,65 dollars à M. Sepúlveda Cabrera et de 74.258,48 dollars à M. Pinto Arriagada. Le 21 décembre 1982, 69 membres du syndicat ont demandé qu'une date soit fixée pour procéder à l'élection d'un nouveau bureau syndical; le 19 janvier 1983, l'élection a eu lieu et le nouveau bureau du syndicat a été élu.
- 495. En ce qui concerne le licenciement par la fabrique de chaussures Gino Ltda de MM. Jorge Venegas et Mauricio Rodríguez et de deux autres travailleurs pour avoir refusé d'accepter une réduction des commissions sur les ventes, selon les informations données par l'inspection du travail de Santiago et de Santiago Oriente, il n'y a pas eu de plaintes ni de réclamations de travailleurs ou de dirigeants syndicaux de ladite entreprise en relation avec des licenciements ou une diminution de leur rémunération.
- 496. En ce qui concerne la fabrique de récipients en matière plastique Campos, le gouvernement déclare que, le 2 novembre 1982, les dirigeants syndicaux MM. Emeterio González Guzmán, Sixto Walter Manríquez Contreras et José Arturo Rivera Ortíz ont saisi l'inspection du travail de leur licenciement. Le 16 novembre 1982, un inspecteur du travail s'est présenté dans l'entreprise et a sanctionné cette infraction par une amende administrative. Le dirigeant syndical Sixto Walter Manríquez Contreras a été réintégré le 17 mars 1983 et il travaille maintenant tout à fait normalement dans l'entreprise; il a été indemnisé intégralement pour la période écoulée entre la date du licenciement et sa réintégration. M. Emeterio González Guzmán a été réintégré, il a été indemnisé pour la période pendant laquelle il était licencié, mais après avoir travaillé dans l'entreprise une semaine, il n'est plus revenu. Quant à M. José Arturo Rivera Ortíz, bien que l'employeur lui ait offert de le réintégrer, il travaille, a-t-on appris, dans une entreprise de transports inter provinciaux de sorte qu'il n'a pas été possible de prendre contact avec lui pour qu'il reprenne son emploi dans la fabrique de récipients en matière plastique Campos.
- 497. Le gouvernement déclare aussi qu'on ne dispose pas d'informations au sujet du licenciement allégué d'Efraín Plaza, de Pedro Gutiérrez, d'Arsenio Angulo, d'Enrique Morgado et de Jorge Pulgar, et que la législation du travail en vigueur permet de recourir aux tribunaux lorsque les travailleurs se considèrent touchés par une mesure de ce genre. Le gouvernement répète cette dernière affirmation à propos du licenciement allégué de dirigeants du Syndicat de croupiers et du Syndicat de General Motors.
- 498. En ce qui concerne le licenciement de cinq dirigeants syndicaux de l'entreprise Celulosa Arauco y Constitución SA, le comité note que deux des dirigeants licenciés sont parvenus à un accord pécuniaire avec l'entreprise selon lequel cette dernière verserait certaines prestations et les dirigeants renonceraient à l'action en réintégration qu'ils avaient engagées devant les tribunaux. En ce qui concerne les trois autres dirigeants licenciés par ladite entreprise, le comité, tout en notant que le licenciement a été motivé par la préparation et la participation à un arrêt de travail illégal et que les intéressés n'ont pas fait appel devant les tribunaux, déplore que le gouvernement n'ait pas indiqué les motifs pour lesquels l'arrêt de travail a été déclaré illégal et que, de ce fait, il ne puisse formuler de conclusions en pleine connaissance de cause.
- 499. En ce qui concerne l'allégation relative au licenciement de deux dirigeants syndicaux et de deux travailleurs de la fabrique de chaussures Gino Ltda pour avoir refusé de signer en faveur de la réduction des commissions sur les ventes, le comité note que, selon le gouvernement, il n'y a pas eu de plaintes ni de réclamations concernant des licenciements ou la diminution des rémunérations dans l'entreprise mentionnée.
- 500. Le comité note que l'inspection du travail a sanctionné par une amende administrative le licenciement des trois dirigeants syndicaux de la fabrique de récipients en matière plastique Campos, et que deux des dirigeants ont été réintégrés dans l'entreprise et que le troisième a eu la possibilité de l'être. Le comité fait observer, toutefois, que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur le licenciement de douze autres travailleurs de ladite entreprise. Par conséquent, étant donné que, selon les plaignants, ces travailleurs auraient été licenciés pour avoir collaboré à la formation du syndicat de l'entreprise, le comité signale de manière générale que nul ne devrait être licencié ni faire l'objet d'autres mesures préjudiciables concernant l'emploi pour avoir mené des activités syndicales licites.
- 501. Le comité note enfin que, s'agissant des autres licenciements allégués, le gouvernement a déclaré qu'on ne dispose pas d'informations à ce sujet et que la législation permet de recourir aux tribunaux lorsque les travailleurs se considèrent touchés par une mesure de ce genre. Dans ces conditions, les plaignants n'ayant pas fourni d'informations concrètes sur les faits qui auraient motivé les licenciements mentionnés et étant donné que ces licenciements se seraient produits il y a plus d'un an, le comité considère qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ces allégations.
- Allégation d'invalidation d'un dirigeant syndical
- 502. Les plaignants allèguent l'invalidation de M. Victor Mendoza Véjar comme dirigeant du syndicat no 6 de l'entreprise nationale du charbon Enacar de Lota, prononcée par une résolution de l'autorité administrative du 10 juin 1982 sans que les raisons en aient été expliquées.
- 503. Le gouvernement déclare que, par la résolution no 354 du 10 juin 1982, la direction du travail a invalidé M. Victor Mendoza Véjar dans ses fonctions de directeur du syndicat de travailleurs no 6 de l'entreprise nationale du charbon pour avoir enfreint les dispositions de l'article 21 no 6 du décret-loi no 2756; cet article dispose que pour être directeur syndical il faut justifier d'une période d'affiliation conforme aux statuts du syndicat, mais qui ne pourra être inférieure à six mois, sauf si le syndicat existe depuis moins longtemps. En fait, il a été établi que M. Mendoza Véjar a adhéré au syndicat le 1er décembre 1981 et que l'élection syndicale a eu lieu le 21 mars 1982. Par conséquent, il était affilié depuis à peine plus de trois mois et demi lorsqu'il a été élu directeur du syndicat. La résolution administrative a fait l'objet d'un recours en justice, mais le jugement n'a pas encore été prononcé car l'intéressé n'a pas fourni les documents à l'appui de sa plainte.
- 504. Le comité note que l'invalidation de M. Mendoza Véjar comme dirigeant syndical a été prononcée le 10 juin 1982 par une résolution de la direction du travail en vertu de l'article 21 no 6 du décret-loi no 2756, lequel dispose que pour être dirigeant syndical il faut être affilié au syndicat depuis au moins six mois. A cet égard, le comité tient à signaler que cette condition pour être dirigeant syndical implique une restriction importante du droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants. Par conséquent, en même temps qu'il déplore la mesure d'invalidation comme dirigeant syndical dont a fait l'objet M. Mendoza Véjar le 10 juin 1982, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 21 no 6 du décret-loi de manière à garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants.
- Allégation relative à l'obstruction d'une conférence de presse
- 505. Les plaignants allèguent que l'autorité judiciaire a rejeté un recours introduit contre ceux qui avaient empêché les dirigeants de quatre organisations syndicales (syndicat no 1 American Screw SA, syndicat no 2 Laboratorio Chile SA, syndicat de travailleurs no 1 Good Year, Planta Nylon, et syndicat interentreprises du montage industriel) de donner une conférence de presse sur la grave situation dans laquelle se trouvent les travailleurs et leurs dirigeants syndicaux.
- 506. Le gouvernement déclare que le ministère de l'Intérieur n'a pas d'informations au sujet des obstacles qui auraient été mis à la tenue d'une conférence de presse.
- 507. Le comité note que les plaignants n'ont pas indiqué la date ni le lieu de la conférence de presse à laquelle ils se réfèrent; en outre, bien qu'ils aient signalé que l'autorité judiciaire a rejeté un recours contre ceux qui avaient empêché la conférence de presse, ils n'ont pas joint copie du jugement ni précisé les motifs sur lesquels la décision judiciaire se serait fondée. Dans ces conditions, le gouvernement ayant déclaré qu'il n'existait pas d'informations sur cette allégation, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégation relative à l'expulsion du pays d'un dirigeant
- 508. Les plaignants allèguent que le gouvernement a expulsé du pays M. Carlos Podlech, président de l'Association des agriculteurs de Valdivia, à cause des déclarations qu'il avait faites sur la grave situation dans laquelle se trouve ce secteur patronal.
- 509. Le gouvernement déclare que le 17 février 1983 la mesure qui frappait M. Carlos Podlech a été rapportée et que son entrée sur le territoire national a été autorisée.
- 510. Le comité relève que le gouvernement n'a pas formulé d'observations sur les motifs de l'expulsion de M. Podlech qui avaient été allégués (avoir fait des déclarations sur la grave situation dans laquelle se trouve le secteur patronal de l'agriculture). Par conséquent, tout en notant que le 17 février 1983 la mesure d'expulsion du pays qui frappait M. Podlech a été rapportée, le comité signale que l'expulsion de dirigeants syndicaux ou patronaux du pays dans lequel ils vivent, pour avoir mené des activités liées à l'exercice de leurs fonctions, non seulement est contraire aux droits de l'homme, mais constitue aussi une ingérence dans les activités de l'organisation à laquelle ils appartiennent.
- Allégation relative à l'intimidation d'un dirigeant syndical
- 511. Les plaignants allèguent que le ministre de l'Intérieur a déposé une plainte devant les tribunaux contre M. Hernol Flores, président de l'ANEF, pour avoir laissé entendre que le gouvernement connaissait les assassins de M. Tucapel Jiménez, ex-président de l'ANEF. Du fait des pressions et de l'intimidation dont il a fait l'objet, M. Flores s'est trouvé contraint de revenir sur ses déclarations et de donner des explications au gouvernement.
- 512. Le gouvernement déclare qu'en octobre 1982 la Cour d'appel de Santiago a chargé un magistrat d'engager une procédure contre M. Hernol Flores Opazo, qui, lors d'une conférence de presse donnée dans le local de l'ANEF le 15, aurait tenu des propos offensants pour le gouvernement suprême, enfreignant la loi no 12927. Le magistrat instructeur, après avoir interrogé diverses personnes qui avaient assisté à la conférence de presse et M. Flores lui-même, a conclu qu'il n'y avait pas eu infraction à la législation en vigueur. M. Flores, en tout état de cause, n'a pas été privé de liberté et ne fait l'objet d'aucune mesure restreignant sa liberté.
- 513. Le comité note que les plaignants n'ont pas indiqué en quoi auraient consisté les pressions et l'intimidation auxquelles ils se réfèrent, si ce n'est l'introduction d'une plainte devant les tribunaux contre le dirigeant syndical M. Hernol Flores. Le comité note aussi que le gouvernement a précisé qu'une procédure avait été engagée contre ce dirigeant syndical pour avoir tenu lors d'une conférence de presse des propos offensants pour le gouvernement suprême.
- 514. Dans ces conditions, étant donné qu'aucune mesure restreignant la liberté de M. Flores n'a été prise et qu'aucune charge n'a été retenue contre lui, le comité considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives au refus d'une entreprise de reconnaître deux dirigeants syndicaux
- 515. Les plaignants allèguent enfin que l'entreprise "Good Year de Chile SAIC", de Maipú, a paralysé la négociation collective en voulant bloquer les rémunérations de novembre 1982 à novembre 1984, en supprimant le réajustement des salaires et les allocations en espèces. Les arguments avancés par l'entreprise sont que les deux représentants syndicaux (Oscar Pino Morales et Pedro Báez Salinas) sont "des indésirables et des fauteurs de troubles". En outre, selon la résolution de l'inspection du travail, ces personnes ne sont pas des travailleurs de l'entreprise car elles ont été licenciées conformément à l'article 15 du décret-loi no 2200 du 31 juillet 1981.
- 516. Le gouvernement déclare que, dans l'entreprise "Good Year de Chile SAIC" de Maipú, la négociation collective a commencé le 24 septembre 1982 lorsque a été présenté le projet de contrat collectif à l'inspection communale du travail de Maipú. Le projet a été présenté par le Syndicat des travailleurs no 1. L'entreprise, dans sa réponse, a contesté la légalité du projet en faisant valoir que la liste des travailleurs affectés à la négociation et formant partie de la commission de négociation comportait MM. Oscar Pino Morales et Pedro Báez Salinas qui avaient été licenciés de l'entreprise un an auparavant, à savoir le 31 juillet 1981. Le 13 octobre 1982, le syndicat a contesté la légalité de la réponse de l'entreprise. A ce sujet, l'inspection communale du travail de Maipú s'est prononcée par la résolution no 9 du 15 octobre 1982 déclarant que l'objection de légalité n'était pas recevable car MM. Pino et Báez n'étaient pas travailleurs de l'entreprise tant qu'une sentence n'était pas rendue dans ce sens par le tribunal compétent et, par conséquent, qu'ils ne pouvaient pas faire partie de la commission de négociation. Le groupe de négociation a eu un nouveau délai pour procéder à la nomination d'une nouvelle commission de négociation. Le processus de négociation collective, en tout état de cause, est terminé.
- 517. Le comité note que parmi les conditions requises par l'article 21 du décret-loi no 2756 pour être dirigeant syndical figure, dans le cas des syndicats d'entreprise, celle de compter au moins deux années de service continu dans l'entreprise (article 21 no 7). A cet égard, le comité signale que, compte tenu du principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, le licenciement d'un dirigeant syndical ou le simple fait qu'il abandonne le travail qu'il avait dans une entreprise déterminée ne devrait pas avoir d'incidence en ce qui concerne sa situation et ses fonctions syndicales, sauf si les statuts du syndicat concerné en disposent autrement. Dans ces conditions, le comité déplore que le licenciement des dirigeants syndicaux Oscar Pino et Pedro Báez le 31 juillet 1981 ait entraîné leur exclusion des négociations sur le projet de contrat collectif présenté le 24 septembre 1982. Etant donné que le processus de négociation collective a été achevé par une nouvelle commission de négociation dont ne faisaient pas partie les dirigeants syndicaux mentionnés, le comité ne peut que demander au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 21, no 7, du décret-loi no 2756, de manière à garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants.
- 518. Les plaignants ont formulé en outre une série d'allégations qui ont été présentées au titre d'autres cas déjà examinés par le comité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 519. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité signale à l'attention du gouvernement que l'application des restrictions à la négociation collective en matière de réajustement des rémunérations, établies par la loi no 18198, ne devrait pas dépasser une période raisonnable et que ces restrictions devraient être accompagnées de garanties en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
- b) Le comité considère que quelques-unes des entreprises dans lesquelles la grève est interdite ne paraissent pas fournir des services essentiels au sens strict du terme. Le comité signale à l'attention du gouvernement la nécessité de limiter la liste des entreprises dans lesquelles la grève est interdite (voir Journal officiel du 18 août 1982) à celles qui fournissent des services essentiels au sens strict du terme (ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne).
- c) Le comité considère que l'interdiction faite aux syndicats de recevoir une aide financière de personnes physiques ou morales étrangères (loi no 18196) comporte une restriction importante au droit des organisations syndicales de s'affilier à des organisations internationales (fédérations et confédérations) et de recevoir des fonds syndicaux. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier cette disposition.
- d) Le comité signale de manière générale que nul ne devrait être licencié ni faire l'objet d'autres mesures préjudiciables dans l'emploi pour avoir mené des activités syndicales licites.
- e) Le comité déplore la mesure d'invalidation comme dirigeant syndical dont a fait l'objet M. Mendoza Véjar le 10 juin 1982 en application de l'article 21 no 6 du décret-loi no 2756. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier cette disposition légale (selon laquelle pour être dirigeant syndical il faut avoir été membre du syndicat depuis au moins six mois), de manière à garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants.
- f) Le comité note que le 17 février 1983 a été rapportée la mesure d'expulsion qui frappait le dirigeant patronal M. Podlech. Le comité signale que l'expulsion de dirigeants syndicaux ou patronaux du pays dans lequel ils vivent, pour avoir mené des activités liées à l'exercice de leurs fonctions, non seulement est contraire aux droits de l'homme, mais constitue aussi une ingérence dans les activités de l'organisation à laquelle ils appartiennent.
- g) Le comité signale que le licenciement d'un dirigeant syndical ou le simple fait qu'il abandonne le travail qu'il avait dans une entreprise ne devrait pas avoir d'incidence en ce qui concerne sa situation et ses fonctions syndicales. A cet égard, le comité déplore que, en vertu de l'article 21 no 7 du décret-loi no 2756 (selon lequel il faut compter au moins deux ans de service continu dans l'entreprise pour pouvoir être dirigeant syndical), le licenciement de deux dirigeants syndicaux le 31 juillet 1981 ait entraîné leur exclusion des négociations sur le projet de contrat collectif avec l'entreprise "Good Year de Chile SAIC", de Maipú, présenté le 24 septembre 1982. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article 21, no 7, du décret-loi no 2756, de manière à garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants.
- h) Le comité demande au gouvernement d'effectuer une enquête sur les allégations de torture ou de mauvais traitements physiques dont auraient fait l'objet Mme Maria Darricarrere et M. José Ortiz Aravena, et de l'informer des résultats de l'enquête.
- i) Quant au reste des allégations, le comité considère qu'elles n'appellent pas un examen plus approfondi.