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Rapport définitif - Rapport No. 233, Mars 1984

Cas no 1197 (Jordanie) - Date de la plainte: 05-AVR. -83 - Clos

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  1. 32. La plainte de la Confédération internationale des syndicats arabes figure dans une communication du 5 avril 1983. La confédération a envoyé des informations supplémentaires se rapportant à la plainte le 17 mai 1983. Le gouvernement a transmis sa réponse dans une communication en date du 5 janvier 1984.
  2. 33. La Jordanie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 34. Dans sa communication du 5 avril 1983, la Confédération internationale des syndicats arabes déclare que deux membres de sa délégation, qui assistait en qualité d'observateur à la 11e session de la Conférence de l'Organisation arabe du travail, tenue à Amman du 6 au 16 mars 1983, avaient été abusivement expulsés par les forces jordaniennes de sécurité le 6 mars 1983. Selon l'organisation plaignante, les deux membres de la délégation - un représentant la Fédération des travailleurs de Bahreïn et l'autre représentant la Commission nationale des travailleurs d'Oman - étaient entrés en Jordanie légalement.
  2. 35. L'organisation plaignante déclare que l'intervention en leur faveur du secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats arabes, ses tentatives de mettre un terme à ces procédés et ses rappels de la coutume ainsi que des conventions arabes et internationales se sont heurtés à un refus obstiné du chef du détachement des forces de sécurité, qui a donné ordre à ses hommes de battre et de malmener le secrétaire général et d'arrêter ces deux délégués en usant de la force. Les deux délégués ont, par la suite, été emmenés sous escorte à l'aéroport et expulsés en direction de la Grèce. Selon l'organisation plaignante, les autorités jordaniennes avaient voulu les renvoyer dans leur pays d'origine mais avaient cédé aux pressions exercées par le groupe des travailleurs de la conférence et aux protestations présentées par quelques délégations.
  3. 36. La Confédération internationale des syndicats arabes estime que cette expulsion non seulement enfreint l'article 15 de la Constitution de l'Organisation arabe du travail - qui garantit l'immunité diplomatique aux délégations participant aux travaux de la conférence -, mais aussi montre comment les autorités jordaniennes violent les libertés civiles et les droits syndicaux de la classe ouvrière en Jordanie.
  4. 37. Dans sa communication du 17 mai 1983, la Confédération internationale des syndicats arabes déclare que son secrétaire général, M. Ahmed Jalloud, avait, le 20 mars 1983, écrit à tous les syndicats affiliés pour leur annoncer l'expulsion dans les termes suivants la Confédération internationale des syndicats arabes était invitée (par une lettre que lui avait adressée le directeur général du Bureau arabe du travail le 30 janvier 1983) à assister à la 11e session de la Conférence arabe du travail en qualité d'observateur, en application de l'article 4 du règlement de la conférence; une réunion d'urgence du conseil central de la confédération a décidé de désigner une délégation de six personnes, présidée par M. Jalloud, et comprenant M. Ahmed Salem Kassem, de la Commission nationale des travailleurs d'Oman, et M. Sakr Mohammad Ahmad, de la Fédération des travailleurs de Bahreïn; la délégation a obtenu les visas requis de l'ambassade jordanienne à Damas et est arrivée en Jordanie le 5 mars 1983; le lendemain, environ 15 membres des forces de sécurité ont arrêté MM. Kassem et Ahmad à leur hôtel et blessé les personnes qui ont essayé d'intervenir en leur faveur. Selon la lettre, ces faits ont été condamnés à la première réunion du groupe des travailleurs de la conférence.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 38. Le gouvernement joint à sa lettre du 5 janvier 1984 divers documents se rapportant à l'expulsion de ces syndicalistes et, en particulier, la copie d'un mémoire de la Confédération internationale des syndicats arabes (daté du 2 mars 1982 et ayant été communiqué à toutes les fédérations syndicales des Etats membres arabes de l'Organisation arabe du travail) dans lequel la confédération menaçait de boycotter la 11e session de la conférence si certaines conditions se rapportant à la législation et à la pratique syndicales jordaniennes n'étaient pas remplies. Le gouvernement annexe également une copie de la réponse à ce mémoire préparée par la Fédération générale des syndicats de travailleurs de Jordanie (en date du 5 février 1983) critiquant, en termes également fermes, la position adoptée par la confédération. Selon le gouvernement, le secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats arabes organisait une action surprise pour susciter des troubles à la 11e session de la conférence, en vue surtout de la récente admission d'Oman et de la présence d'une délégation de ce pays à la conférence.
  2. 39. Le gouvernement déclare que les deux membres de la délégation de la Confédération internationale des syndicats arabes étaient effectivement détenteurs de visas d'entrée valables mais qu'ils détenaient des passeports diplomatiques délivrés par le Yémen démocratique et non par le Bahreïn ou par Oman. De plus, les noms figurant dans les passeports ne correspondaient pas aux noms réels de leurs porteurs. En conséquence, poursuit le gouvernement, lorsque ces deux personnes ont essayé de se faire enregistrer auprès du secrétariat de la conférence, celui-ci a refusé de les inscrire et a fait appel aux autorités jordaniennes compétentes pour qu'elles leur fassent quitter la conférence. Selon le gouvernement, une de ces personnes est membre de ce que l'on appelle le Front populaire de libération d'Oman et l'autre de ce que l'on appelle le Front populaire de libération de Bahreïn.
  3. 40. Le gouvernement fait observer que ces deux personnes ont par la suite été envoyées dans le pays de leur choix.
  4. 41. Le secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats arabes ayant suscité des remous dans l'entrée de l'hôtel, le groupe des travailleurs de la conférence s'est réuni et a décidé d'instituer une commission chargée d'examiner la question. Le ministre du Travail jordanien lui-même a déclaré à cette commission que M. Jalloud s'était servi d'imposteurs pour entraver le déroulement de la conférence. Des excuses ont été présentées à M. Jalloud pour ce qu'il avait subi - bien qu'il ait été lui-même la cause de cette situation - et les travaux de la conférence se sont déroulés sans autre référence à ces faits. Selon le gouvernement, la plupart des délégations ont déclaré que l'expulsion de ces deux individus avait éclairci l'atmosphère de la conférence et contribué à son succès.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 42. Le comité note que le présent cas concerne l'expulsion de la Jordanie, en date du 6 mars 1983, de deux membres de la délégation de la Confédération internationale des syndicats arabes assistant en qualité d'observateur à la 11e session de la Conférence arabe du travail qui se tenait dans ce pays du 6 au 16 mars 1983. Le comité note aussi l'argument présenté par le gouvernement pour justifier l'expulsion, à savoir que ces personnes étaient porteuses de faux passeports et étaient entrées en Jordanie dans l'intention de semer le trouble à la conférence.
  2. 43. Le comité a déclaré dans le passé que, si l'interdiction d'entrer dans le pays faite à des ressortissants étrangers ou l'expulsion de ressortissants étrangers du territoire national sont des questions qui relèvent de la souveraineté d'un Etat, le principe selon lequel les organisations syndicales ont le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs implique pour les unes comme pour les autres le droit de rester librement en contact selon les formes généralement admises et de participer à des activités syndicales, telles que des conférences du travail. Les formalités exigées des travailleurs syndicaux et des syndicalistes pour entrer dans un pays ou participer à des activités syndicales devraient être fondées sur des critères objectifs et être exemptes d'antisyndicalisme (voir, par exemple, 211e rapport, cas no 1044 (République dominicaine, paragr. 602). Dans le présent cas, le gouvernement bien qu'ayant déclaré que les deux délégués syndicalistes étaient porteurs de faux passeports n'a soumis aucune preuve concrète à cet effet et n'a pas non plus étayé les soupçons qu'il nourrissait à leur égard - sur la base, apparemment, d'un mémoire de la Confédération internationale des syndicats arabes diffusé un an plus tôt et critiquant le choix de la Jordanie en tant que pays hôte de la 11e session de la conférence - d'être entrés dans le pays pour semer le trouble à la Conférence arabe du travail. Par ailleurs, l'organisation plaignante elle-même ne fournit pas d'informations détaillées sur l'identité des deux membres de sa délégation à la 11e session de la Conférence du travail. Elle n'explique pas non plus pourquoi les deux personnes considérées ont choisi d'être mises dans un avion en partance pour la Grèce plutôt que pour les pays dont ils disaient représenter les travailleurs. Compte tenu de la nature contradictoire des informations dont le comité a été saisi et de ce que ni l'organisation plaignante ni le gouvernement n'ont étayé leur version des faits, le comité estime qu'il n'est pas en mesure de déterminer si, oui ou non, l'expulsion alléguée constitue une violation des principes de la liberté syndicale. La question de savoir si les mesures prises par le gouvernement violent l'article 15 de la Constitution de l'Organisation arabe du travail relève des organes compétents de cette organisation et non pas de la compétence du comité. En conséquence, le comité estime que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 44. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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