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Rapport intérimaire - Rapport No. 234, Juin 1984

Cas no 1201 (Maroc) - Date de la plainte: 13-MAI -83 - Clos

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  1. 544. La plainte de la Fédération nationale des travailleurs du rail (UMT) figure dans des communications du 13 mai 1983; cette organisation a fourni des informations complémentaires dans une communication du 30 mai 1983. N'ayant pas reçu les commentaires du gouvernement, le comité a ajourné l'examen du cas à sa réunion de novembre 1983. Par la suite, il a lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il envoie ses observations. [Voir 233e rapport, paragr. 16 et 18, approuvé par le Conseil d'administration à sa 225e session (février-mars 1984).] Aucune réponse n'a été reçue du gouvernement.
  2. 545. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 546. Dans sa plainte du 13 mai 1983, la Fédération nationale des travailleurs du rail (UMT) déclare qu'à la suite du refus de la direction générale de l'Office national des chemins de fer (ONCF) d'ouvrir des négociations avec elle, une grève générale a été organisée du 3 au 21 mai 1983, afin de faire aboutir un cahier de revendications. L'organisation syndicale proteste contre la réaction des autorités à l'occasion de cette grève, laquelle a consisté en l'emploi de la force armée pour briser la grève et en l'arrestation à Taza, pour faits de grève, de neuf cheminots, le 5 mai 1983. Il s'agit de Benjilali Abdeslam, Layachi Fouad (délégué du personnel), Meftah Mohamed, Saber Yahia, Ridal Abdellah, Ben Melih Azzedine, Zfizef Mohamed, Chahid Mohamed et Khaldi Mohamed. L'organisation plaignante précise en outre qu'elle avait donné des consignes d'ordre et de discipline aux syndicalistes appelés à la grève. Elle envoie, à l'appui de cette assertion, l'appel à la grève à tous les cheminots publié par elle le 30 avril 1983.
  2. 547. Dans sa communication complémentaire du 30 mai 1983, l'organisation plaignante allègue que des réquisitions au travail ont été remises à tous les cheminots grévistes à leur domicile par les autorités, et elle déclare que les neuf syndicalistes mentionnés ci-dessus ont été arrêtés et détenus à la prison civile du 4 au 19 mai 1983, mais qu'ils ont été jugés par le tribunal de Taza pour refus d'obtempérer aux réquisitions. Elle précise également que trois d'entre eux, à savoir Ridal Abdellah, Chahid Mohamed et Saber Yahia, sont suspendus de leur travail sur décision du directeur de l'exploitation de l'ONCF. Elle précise en outre qu'à la suite de la grève d'autres syndicalistes ont été appréhendés à Marrakech par la police pour constitution de dossier au tribunal pour faits de grève. L'organisation plaignante précise que les revendications des travailleurs du rail datent de février 1982 et que, depuis lors, elle s'est adressée de nombreuses fois tant à la direction générale de l'ONCF qu'aux autorités ministérielles compétentes pour leur faire part de ses revendications, mais qu'elle n'a jamais reçu de réponse ni à celles-ci ni à ses demandes d'audience. En conséquence, le 17 février 1983, une grève générale de 24 heures avait déjà été organisée à la direction d'exploitation; c'est à la suite du mutisme total des responsables de la direction de l'ONCF et du gouvernement qu'une grève générale d'avertissement de 24 heures a été décidée, puis prolongée par la suite, ce qui a abouti à la grève du 3 au 21 mai 1983.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 548. Le comité réprouve le fait qu'en dépit du temps écoulé depuis la soumission de la plainte et les nombreuses demandes qui lui ont été faites, le gouvernement n'ait pas transmis ses commentaires sur cette affaire. Par conséquent, le comité croit devoir rappeler que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait et qu'il est convaincu que si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations dirigées contre eux.
  2. 549. En l'absence de réponse de la part du gouvernement, le comité ne peut que constater avec préoccupation qu'à l'occasion de la grève générale du 3 au 21 mai 1983 dans le secteur du transport ferroviaire, neuf syndicalistes ont été arrêtés pour faits de grève, dont trois ont été suspendus de leur emploi, et que les autorités ont fait usage de la force armée afin de briser la grève; il observe, en outre, que cette grève avait été décidée par la Fédération nationale des travailleurs du rail UMT, organisation plaignante, à la suite de ses tentatives infructueuses depuis février 1982 de négocier avec la direction générale de l'ONCF et le ministère de tutelle d'un cahier de revendications. Le comité relève qu'en février 1983 une grève générale de 24 heures avait déjà eu lieu et que, celle-ci n'ayant donné aucun résultat, l'organisation plaignante avait décidé une grève générale qui, après des prolongations successives, s'est déroulée du 3 au 21 mai 1983.
  3. 550. Le comité relève que, dans cette affaire, l'organisation plaignante allègue que les autorités ont utilisé la force armée afin de briser la grève, et que, par ailleurs, des réquisitions ont étés-: remises à tous les cheminots grévistes à leur domicile afin de les obliger à travailler. A cet égard, le comité attire l'attention du gouvernement, comme il l'a fait dans le passé [par exemple 110e rapport, cas no 561 (Uruguay), paragr. 209; 214e rapport, cas no 1021 (Grèce), paragr. 123], sur la possibilité d'abus que comporte> la mobilisation ou la réquisition de travailleurs lors de conflits du travail, et a souligné l'inopportunité qu'il y a d'avoir recours à de semblables mesures, si ce n'est afin de permettre le fonctionnement des services essentiels dans les circonstances de la plus haute gravité. Le comité constate que les neuf cheminots qui ont fait l'objet d'arrestation ont été détenus à la prison civile du 4 au 19 mai 1983 et jugés par le tribunal de Taza pour refus d'obtempérer aux réquisitions, et que trois d'entre eux ont été suspendus de leur travail sur décision du directeur de l'exploitation de l'ONCF.
  4. 551. Tout en rappelant que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels, le comité considère comme une atteinte aux droits syndicaux l'emploi de la police pour briser une grève, celui-ci devant se limiter au maintien de l'ordre public. D'autre part, le comité estime que les transports ne peuvent pas, en termes généraux, rentrer dans la catégorie des services essentiels, c'est-à-dire dans les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir, par exemple, 199e rapport, cas no 943 (République dominicaine), paragr. 172.]
  5. 552. En ce qui concerne le fait que l'employeur ainsi que les autorités administratives n'aient pas donné suite aux demandes de la fédération d'ouvrir des négociations sur les revendications des travailleurs des chemins de fer, le comité rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs et leurs organisations des salaires et des conditions d'emploi constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale. En conséquence, le comité estime que les syndicats devraient avoir la possibilité d'exercer ce droit librement, et que, conformément à l'article 4 de la convention no 98, ratifiée par le Maroc, il incombe au gouvernement d'en assurer la promotion.
  6. 553. Le comité est également préoccupé par le fait que trois des cheminots ayant participé à la grève générale de mai 1983 ont été licenciés de leur emploi par la direction générale de l'ONCF. Le comité souligne que de telles mesures constituent des actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et qu'en l'absence de réponse de la part du gouvernement le comité ne peut que constater que, selon l'organisation plaignante, ces licenciements ont eu pour motivation la participation à la grève. Dans ces circonstances, le comité relève qu'il y a violation de l'article 1 de la convention no 98 aux termes duquel "les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi". Par conséquent, le comité demande que ces trois cheminots soient réintégrés dans leur emploi, étant donné que la grève générale de mai 1983 a fait l'objet de consignes du syndicat organisateur quant à l'ordre et à la discipline de son déroulement, qu'elle est un moyen légitime de défense des intérêts professionnels des travailleurs et de leurs organisations, et qu'en l'espèce les mesures de licenciement constituent une discrimination à l'encontre de travailleurs exerçant des activités syndicales licites.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 554. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité réprouve le fait que, malgré le temps écoulé depuis la soumission de la plainte et les demandes nombreuses qui lui ont été adressées, le gouvernement n'ait pas communiqué ses observations sur ce cas.
    • b) Au sujet des mesures prises pour briser la grève générale des cheminots de mai 1983, le comité rappelle au gouvernement que tant l'usage de la force armée que les réquisitions à domicile pour obliger les grévistes à reprendre le travail sont des actions inadmissibles à l'égard de travailleurs défendant leurs intérêts professionnels, quand elles ne visent pas le fonctionnement des services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité. Le comité souligne qu'en l'occurrence lest transports ferroviaires ne sont pas considérés comme services essentiels au sens strict du terme.
    • c) En ce qui concerne le refus maintes fois réitéré de l'Office national des chemins de fer (ONCF) de négocier avec les travailleurs du rail leur cahier de revendications, ce qui a mené ceux-ci à déclencher des grèves, le comité tient à souligner qu'en vertu de l'article 4 de la convention no 98, il appartient à l'Etat Membre qui a ratifié cet instrument d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les employeurs et les travailleurs. En conséquence, le comité attire l'attention du gouvernement sur la nécessité de permettre aux cheminots de négocier leurs conditions d'emploi et de salaire.
    • d) Le comité exprime sa vive préoccupation pour l'arrestation pour fait de grève de neuf syndicalistes jugés pour n'avoir pas obtempéré aux réquisitions au travail. Tout en déplorant vivement que des sanctions d'emprisonnement soient prises à l'égard de syndicalistes en grève, le comité reste très préoccupé par les mesures de suspension de leur travail qui ont frappé trois d'entre eux. Le comité considère qu'il s'agit là d'une discrimination en matière d'emploi pour exercice d'activités syndicales licites, contraire à l'article 1 de la convention no 98 et portant atteinte à la liberté syndicale; en conséquence, il demande au gouvernement de faire en sorte que ces trois travailleurs soient au plus tôt réintégrés dans leur emploi et de lui transmettre des informations à ce sujet.
    • e) Le gouvernement est instamment prié de transmettre ses commentaires sur les allégations de l'organisation plaignante.
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