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Rapport intérimaire - Rapport No. 234, Juin 1984

Cas no 1216 (Honduras) - Date de la plainte: 15-JUIN -83 - Clos

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  1. 571. La plainte figure dans une communication conjointe de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Fédération internationale des travailleurs des plantations, de l'agriculture et des secteurs connexes (FITPASC) du 15 juin 1983. La FITPASC a envoyé des informations complémentaires dans des communications des 5 et 25 juillet et du 12 août 1983. Le gouvernement a répondu par des communications des 5 juillet et 8 août 1983 et du 30 avril 1984.
  2. 572. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 573. Les organisations plaignantes allèguent que le 29 mars 1983, entre 20 et 2.] heures, au lieu dit El Bálsamo, entre la ville d'El Progreso et Santa Rita de Yoro, ont été assassinés les dirigeants et syndicalistes du Syndicat des travailleurs de la Société d'exploitation agricole et d'élevage du Sula, SITRACOAGS, affilié à la FITPASC au Honduras dont les noms suivent. Dagoberto Padilla Escoto (président), Ismael Ulloa (secrétaire chargé des dossiers de la sous-section Finca 9 de Guanchias), Angel Alvarado (secrétaire général de la sous-section Finca 9), Carlos Aicides Mejía (syndiqué). D'autre part, Pedro Chavarría (secrétaire chargé des dossiers et de l'éducation), Jacobo Núñez (vice-président du comité de discipline) et Eulogio Figueroa (vice-président de la sous-section Finca 9) ont été gravement blessés.
  2. 574. Les organisations plaignantes signalent que les assassinats se sont produits trois heures et demie après la fin d'une assemblée de travailleurs qui s'était tenue dans la Finca 11. L'assemblée avait été convoquée d'urgence pour informer la base des accords conclus entre le syndicat, l'entreprise et le ministère du Travail au sujet de divers problèmes qui n'avaient pas été résolus.
  3. 575. Selon les organisations plaignantes, les faits se sont produits de la façon suivante: vers 17 heures, une fois terminée l'assemblée, quelques dirigeants se rendirent dans leurs champs respectifs à bord d'une jeep de marque Toyota appartenant au syndicat. Alors qu'ils se disposaient à retourner à El Progreso, dans la Finca 9, ils ont été interceptés par deux hommes vêtus d'un uniforme militaire de couleur vert olive, qui portaient un rifle "Falk" et un fusil. Ces deux hommes, apparemment des militaires ont demandé aux syndicalistes de les emmener à Santa Rita, ce que ces derniers ont accepté de faire. Ils sont tous montés à bord de ce véhicule. Au moment où ils quittaient les chemins des bananeraies et arrivaient à la chaussée bitumée, l'un des hommes en uniforme a demandé à Dagoberto Padilla, qui conduisait, d'arrêter le véhicule au village El Bálsamo. C'est là que, sans rien dire, l'homme en uniforme qui portait le fusil a tiré sur M. Padilla qui est tombé mort sur le pavé. Alors qu'il gisait déjà à terre sans vie, l'homme a tiré sur lui une seconde fois. Tout de suite après, l'homme en uniforme qui portait le rifle "Falk" a mitraillé les autres syndicalistes, déchargeant toutes ses munitions. C'est ainsi que quatre syndicalistes sont morts et trois ont été gravement blessés.
  4. 576. Les organisations plaignantes indiquent que, par la suite, il a été établi que les deux assassins en uniforme militaire étaient en réalité des surveillants des bananeraies qui ont agi sur ordre direct du préposé au bureau du gérant, moyennant la somme de 4.000 lempiras (monnaie nationale) chacun, et que ce préposé avait reçu des instructions du chef de la sécurité de ces plantations, mandaté par le gérant et les propriétaires qui s'appellent Echeverri.
  5. 577. Les organisations plaignantes allèguent aussi que différents syndicats ont réagi publiquement face à cet horrible forfait. En particulier, l'Association nationale des paysans honduriens (ANACH) a publié un communiqué exigeant que les autorités civiles et militaires fassent rapidement toute la lumière sur ces faits et arrêtent les coupables. Deux jours plus tard, le dirigeant syndical du bureau exécutif de l'ANACH, Jacobo Hernández, a été assassiné dans la ville de Danli, aux environs de 19 heures par un inconnu qui a tiré sur lui à bout portant sans qu'il y ait eu la moindre provocation. Ce dirigeant participait au règlement d'un conflit concernant des terres inexploitées.
  6. 578. La FITPASC allègue par ailleurs qu'après les assassinats 260 membres du syndicat (SITRACOAGS) ont été licenciés et qu'au début de juillet des prisonniers se sont évadés de la prison d'El Progreso, Yoro, parmi lesquels se trouvaient Fausto Rivera García et Marco Antonio Molina, deux des auteurs du massacre perpétré le 29 mars 1983.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 579. Le gouvernement envoie un document de la Cour suprême de justice renfermant une note du Tribunal d'El Progreso, Yoro, en date du 21 juillet 1983, dans laquelle il est dit que le Tribunal de paix pour les affaires criminelles de cette ville a engagé le 30 mars 1983 un procès contre Marco Antonio Molina Martínez, Fausto Garcia Rivera, Alfredo Villeda Henírquez et Moisés Reyes Orellana pour le délit d'assassinat commis contre Dagoberto Padilla Escoto, Ismael Ulloa, Angel Alvarado et Carlos Aicides Mejía et de tentative d'assassinat contre Pedro Chavarría, Jacobo Núñez et Eulogio Figueroa, et que ce procès est en instance devant le Tribunal de paix. La procédure en est au stade de l'instruction, de sorte qu'il n'est pas possible de donner plus d'information à son sujet.

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 580 Le comité exprime sa vive préoccupation devant la gravité des allégations concernant l'assassinat de trois dirigeants et d'un syndicaliste de SITRACOAGS et d'un dirigeant d'ANACH, la tentative d'assassinat de trois autres dirigeants de SITRACOAGS et le licenciement ultérieur de 260 membres de SITRACOAGS; et ce d'autant plus que les organisations plaignantes ont souligné - et le gouvernement n'a pas fait d'observations à ce sujet - que le gérant et les propriétaires de la Société d'exploitation agricole et d'élevage du Sula seraient impliqués dans les événements concernant les syndicalistes de SITRACOAGS.
    2. 581 Dans des cas antérieurs où il a examiné des allégations relatives à la mort ou à des atteintes à l'intégrité physique de dirigeants syndicaux [voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1233 (El Salvador), paragr. 683], le comité a demandé au gouvernement de procéder dans les meilleurs délais à une enquête judiciaire indépendante pour élucider pleinement les faits, déterminer les, responsabilités et punir les coupables. Le comité note à cet égard que, le Tribunal de paix instruit un procès contre Marco Antonio Molina Martínez, Fausto García Rivera, Alfredo Villeda Henriquez et Moisés Reyes Orellana pour le crime d'assassinat commis contre Dagoberto Padilla Escoto, Ismael Ulloa, Angel Alvarado et Carlos Aicides Mejia et de tentative d'assassinat contre Pedro Chavarría, Jacobo Núñez et Eulogio Figueroa. Dans ces conditions, le comité, tout en exprimant sa profonde consternation devant les assassinats et les graves atteintes à l'intégrité physique des dirigeants syndicaux et syndicalistes susmentionnés, demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de l'enquête judiciaire en cours et de lui envoyer le texte du jugement qui sera rendu.
    3. 582 Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations concernant l'assassinat du dirigeant syndical d'ANACH, Jacobo Hernández, et le licenciement de 260 membres de SITRACOAGS. Le comité demande au gouvernement de lui envoyer de toute urgence ses observations au sujet de ces allégations, d'entreprendre - s'il ne l'a pas encore fait - une enquête judiciaire sur l'assassinat de ce dirigeant et de le tenir informé des résultats de l'enquête.
    4. 583 D'une manière générale, le comité signale à l'attention du gouvernement que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1233 (El Salvador), paragr. 682.] Le comité exprime l'espoir que le gouvernement prendra des mesures urgentes et appropriées pour garantir que les faits décrits dans la plainte ne puissent pas se reproduire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 584. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité exprime son extrême préoccupation devant la gravité des allégations concernant l'assassinat de trois dirigeants et d'un syndicaliste de SITRACOAGS et d'un dirigeant d'ANACH, la tentative d'assassinat de trois autres dirigeants de SITRACOAGS et le licenciement ultérieur de 260 membres de SITRACOAGS; et ce d'autant plus que les organisations plaignantes ont souligné - et le gouvernement n'a pas fait d'observations à ce sujet - que le gérant et les propriétaires de la Société d'exploitation agricole et d'élevage du Sula seraient impliqués dans les événements concernant les syndicalistes de SITRACOAGS.
    • b) Le comité, tout en exprimant sa profonde consternation devant les assassinats et les graves atteintes à l'intégrité physique des dirigeants syndicaux et syndicalistes mentionnés, demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de l'enquête judiciaire en cours concernant les crimes perpétrés contre des dirigeants et syndicalistes de SITRACOAGS et de lui envoyer le texte du jugement qui sera rendu.
    • c) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations concernant l'assassinat du dirigeant syndical d'ANACH, Jacobo Hernández, et le licenciement de 260 membres de SITRACOAGS. Le comité demande au gouvernement de lui envoyer de toute urgence ses observations au sujet de ces allégations, d'entreprendre - si cela ne l'a pas encore été - une enquête judiciaire sur l'assassinat de ce dirigeant, et de le tenir informé des résultats de l'enquête.
    • d) D'une manière générale, le comité signale à l'attention du gouvernement que la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. Le comité invite le gouvernement à prendre des mesures urgentes et appropriées afin que les faits décrits dans la présente plainte ne se reproduisent pas.
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