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Rapport définitif - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1253 (Maroc) - Date de la plainte: 13-DÉC. -83 - Clos

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  1. 205. L'Union locale des syndicats de Casablanca, organisation affiliée à l'Union marocaine du travail, a déposé une plainte en violation des droits syndicaux au Maroc dans une communication du 13 décembre 1983. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 28 mai 1984.
  2. 206. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 207. Dans sa communication du 13 décembre 1983, l'organisation plaignante allègue plusieurs mesures de discrimination antisyndicale qui seraient imputables au patronat de la ville de Mohammedia, avant-port situé à 30 kilomètres de Casablanca. Des conflits du travail ayant pour origine la remise en question du droit syndical et le non-respect de la législation du travail auraient éclaté dans plusieurs entreprises. Ainsi, d'une part, deux délégués syndicaux, MM. Taïebi Rekkaz et Ammi Aït, auraient été licenciés à l'entreprise Linge-service; un délégué du personnel, M. Mohamed Hamraoui, aurait été mis à pied à l'hôtel Samir. La direction de l'entreprise SOMEPI aurait embauché de nouveaux travailleurs pour briser une grève et elle aurait licencié des grévistes, et la société multinationale Firestone refuserait l'organisation des élections des délégués du personnel. D'autre part, dans les sociétés COSEB et STRAFOR-MAROC, la direction ne respecterait pas le droit du travail, la première embauchant des travailleurs sans carte de travail ni affiliation à la sécurité sociale, à des conditions de salaire inférieures au salaire minimum garanti, la seconde embauchant des travailleurs temporaires alors que les travailleurs permanents n'atteignent pas les 48 heures de travail par semaine, abaissant ainsi les salaires déjà faibles des permanents. En conclusion, l'organisation plaignante met en cause le laxisme des agents de l'autorité marocaine et du délégué à l'emploi de la ville.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 208. Le gouvernement, dans sa communication du 28 mai 1984, répond à l'allégation concernant le conflit à la société Fadola Linge-service qu'après des remaniements intervenus dans l'entreprise en mai 1983, un accord signé par les deux parties devant l'inspection du travail a prévu la réintégration des travailleurs sans condition préalable, le versement d'indemnités aux deux délégués syndicaux, le respect par l'employeur des droits acquis des travailleurs et le renvoi du responsable de la production devant le tribunal.
  2. 209. Pour ce qui concerne le conflit à l'hôtel Samir provoqué par la mise à pied pendant trois jours d'un employé pour refus d'exécution des ordres de son supérieur, ce refus a conduit la direction à recourir au délégué du personnel pour remplacer le travailleur mis à pied. Ce délégué du personnel ayant refusé de remplacer son collègue, il a lui-même été mis à pied pendant huit jours. Selon le gouvernement, il ne s'agit que de l'application d'une mesure disciplinaire à l'encontre de deux travailleurs qui ont délibérément refusé d'exécuter les ordres de leurs supérieurs.
  3. 210. Pour le conflit qui s'est développé à la société SOMEPI, le gouvernement explique qu'une grève avait été déclenchée le 21 avril 1982 pour protester contre le transfert de deux travailleurs, transfert motivé par des raisons de réorganisation. L'employeur avait réagi par le licenciement collectif de tous les travailleurs. Cependant sur intervention de l'inspection du travail l'employeur est revenu sur sa décision, acceptant de réintégrer tous les travailleurs, sauf les deux personnes qui avaient été transférées. Selon le gouvernement, le sort de ces deux personnes devait faire l'objet de négociations, mais les travailleurs ayant maintenu leur refus de reprendre le travail, l'accord intervenu devant l'inspecteur du travail a donc été le suivant: démission collective des 11 travailleurs de l'entreprise et imposition à l'employeur du versement d'une indemnité forfaitaire à chaque travailleur licencié. L'accord en question est annexé à la réponse du gouvernement.
  4. 211. Au sujet de la société Firestone où, selon l'organisation plaignante, la direction aurait refusé l'organisation des élections de délégués du personnel, le gouvernement confirme que ladite entreprise a négligé d'organiser les élections devant l'absence de candidatures des travailleurs. Cependant, les travailleurs en question avaient été informés de la date limite des dépôts de candidatures et de la date de la tenue des élections. La copie du procès-verbal rédigé par la direction de l'entreprise sur cette question précise que "les ouvriers ne se sont pas mis d'accord entre eux pour les élections de leurs délégués" et qu'en conséquence la liste d'inscription est restée vide.
  5. 212. Le gouvernement fournit aussi des éléments de réponse aux questions relatives à des manquements à la législation du travail qui se produiraient à l'usine de conserves COSEB et à l'entreprise STRAFOR-MAROC. A l'usine de conserves, explique le gouvernement, la main-d'oeuvre employée est saisonnière et en majorité féminine. Les travailleuses bénéficient des droits prévus par la législation en matière de salaires, congés payés, sécurité sociale et durée du travail. La non-affiliation de ces travailleurs à la caisse marocaine de retraite ne viole pas la législation du travail en ce sens que l'affiliation à la caisse de retraite n'est pas obligatoire sur le plan juridique. Pour ce qui concerne l'entreprise STRAFOR-MAROC, la durée du travail avait effectivement été réduite de trois heures par semaine pour faire face à une baisse d'activité. Néanmoins, depuis le 1er février 1984, la relance des activités de l'entreprise lui a permis de revenir sur sa décision.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 213. La présente affaire porte sur des mesures discriminatoires qui auraient frappé des travailleurs pour des raisons syndicales ainsi que sur une mise en oeuvre insuffisante de la législation du travail.
  2. 214. Le comité observe avec regret que des licenciements de travailleurs sont effectivement intervenus dans certaines entreprises à la suite de conflits du travail. Il observe aussi que les élections syndicales n'ont pas eu lieu dans une entreprise faute de candidats.
  3. 215. Le comité rappelle, d'une manière générale, l'importance qu'il attache à l'exercice de la grève en tant que moyen essentiel dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Le comité doit également signaler, comme il l'a fait dans des cas antérieurs concernant le Maroc [voir 214e rapport, cas nos 992 et 1018, paragr. 91, et cas no 1017, paragr. 1041, que le recours à une main-d'oeuvre étrangère à l'entreprise pour remplacer les grévistes comporte le risque d'une atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux.
  4. 216. Dans les différentes affaires évoquées dans le présent cas, le comité prend note des explications du gouvernement concernant la manière dont les autorités ont contribué à résoudre plusieurs des conflits du travail qui avaient éclaté dans certaines entreprises de la ville de Mohammedia. Il note en particulier que, grâce à l'intervention de l'inspection du travail, des indemnités de licenciement ont été versées à deux délégués syndicaux dans une entreprise et à onze travailleurs licenciés pour fait de grève dans une autre entreprise. Il note aussi que deux travailleurs auraient été mis à pied pour avoir refusé d'accomplir leurs tâches et non pour des raisons syndicales et que, selon le gouvernement, la législation du travail est appliquée dans les entreprises objet de la plainte. Le comité indique sur ce point que sa compétence se limite aux allégations de violation de la liberté syndicale.
  5. 217. En conséquence, le comité observe que les autorités ont contribué à trouver une solution acceptable pour les deux parties aux conflits qui s'étaient développés à la société Linge-Service et à la société SOMEPI et il estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ces aspects du cas.
  6. 218. En ce qui concerne la tenue des élections professionnelles à la société multinationale Firestone, le comité rappelle qu'aux termes du Dahir no 1 61-116 du 29 octobre 1962 (29 joumada I 1382), la représentation du personnel dans les entreprises est confiée aux délégués du personnel qui ont pour mission de présenter au chef d'établissement les réclamations individuelles et collectives et de saisir en cas de désaccord l'agent chargé de l'inspection du travail. Tout en notant que, d'après le procès-verbal établi par la société'` marocaine de pneumatiques Firestone adressé aux autorités, les élections ne se sont pas déroulées car les travailleurs ne se sont pas` mis d'accord entre eux pour les élections de leurs délégués, le comité estime devoir insister sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir élire leurs représentants dans les entreprises, condition nécessaire au déroulement normal des activités syndicales dans l'entreprise et de la protection des travailleurs.
  7. 219. En conséquence, le comité exprime l'espoir que des élections professionnelles auront lieu à brève échéance, assurant ainsi l'application des principes contenus dans la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et l'application de la législation nationale pertinente.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 220. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administrtion d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité rappelle l'importance qu'il attache à l'exercice de la grève en tant que moyen dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres et que le recours à une main-d'oeuvre étrangère à l'entreprise pour remplacer les grévistes comporte le risque d'une atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux.
    • b) Le comité observe que les autorités ont contribué à trouver une solution acceptable aux parties dans plusieurs conflits qui s'étaient développés dans des entreprises de la ville de Mohammedia et il estime que, sous réserve des commentaires susmentionnés, il n'y a pas lieu de poursuivre ces questions.
    • c) Le comité rappelle l'importance de la tenue d'élections professionnelles pour assurer la représentation du personnel dans les entreprises, et il exprime l'espoir que des élections de représentants du personnel auront lieu à brève échéance à la société multinationale Firestone, assurant ainsi l'application des principes contenus dans la recommandation no 143 ainsi que l'application de la législation nationale pertinente.
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