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- 171. La Fédération norvégienne des syndicats de travailleurs du pétrole (Oljearbeidernes Fellessammenslutning, OFS) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Norvège dans une communication en date du 12 janvier 1984. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 13 avril 1984.
- 172. La Norvège a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 173. Dans sa communication du 12 janvier 1984, l'OFS allègue qu'en 1980, 1981 et 1982 le gouvernement de la Norvège a violé les conventions nos 8? et 98 en adoptant, lorsque des négociations dans le secteur pétrolier ont échoué, une législation spéciale le privant du droit de grève et soumettant les différends à l'arbitrage obligatoire; en outre, l'OFS soutient que l'organe auquel les conflits ont été renvoyés en 1980, 1981 et 1982 - le Conseil national des salaires - n'est pas indépendant car la majorité des membres sont nommés par le , gouvernement. L'organisation plaignante souligne que, selon la législation norvégienne, les organisations de travailleurs sont tenues de maintenir la paix sociale pendant la période de conciliation obligatoire, mais que, si cette procédure échoue, elles ont le droit de recourir à l'action directe. Or, selon l'organisation plaignante, le gouvernement a interdit les grèves légales en adoptant l'ordonnance provisoire du 18 juillet 1980 alors que les membres de l'OFS étaient en grève depuis deux semaines, l'ordonnance provisoire du 15 août 1981 alors que la grève n'avait pas commencé et le projet de loi no 15 de 1982-83 avant que la grève ait commencé (le Parlement adopta ladite loi quelques jours plus tard, alors que la grève légale avait déjà commencé). L'organisation plaignante explique qu'en 1980 et 1981 les ordonnances provisoires ont été adoptées par le Roi en vertu de l'article 17 de la Constitution norvégienne, du fait que le Parlement n'était pas en session lorsque les conflits ont commencé, tandis qu'en 1982 le gouvernement a eu recours à un projet de loi puisque le Parlement était alors en session.
- 174. L'OFS déclare que le gouvernement a avancé plusieurs raisons pour interdire les grèves et soumettre les différends concernant les négociations collectives à l'arbitrage: premièrement, il a fait état de la perte considérable de recettes fiscales provenant de la production pétrolière; deuxièmement, il a affirmé qu'une grève prolongée pourrait entraîner la mise en congé temporaire, non rémunérée, d'autres groupes de salariés; troisièmement, il a soutenu qu'une fermeture prolongée des installations de production pourrait poser des problèmes de sécurité dus à la corrosion et aux fuites et que la grève accroît le danger d'accident. LOFS répond à ces arguments en déclarant qu'elle s'est toujours associée aux mesures prises pour que les conditions de sécurité dans les installations de production ne se détériorent pas pendant la grève. Elle a fourni les équipes de sécurité demandées par les employeurs et les grèves n'ont pratiquement pas accru les risques d'accidents ou de dommages. En outre, l'OFS affirme qu'une grève dans les installations de production de la mer du Nord ne porte pas préjudice à l'industrie norvégienne en général, ou ne le fait que dans une faible mesure. Par exemple, en 1980, lorsque la grève a duré deux semaines, 928 travailleurs seulement ont été mis à pied en raison de la grève alors que 1.800 travailleurs environ y participaient. L'organisation plaignante déclare que ni le risque de perte de recettes fiscales ni le danger de lourdes conséquences sur l'industrie norvégienne en général ne sont des motifs suffisants pour justifier une telle intervention du gouvernement.
- 175. LOFS allègue que l'interdiction de la grève l'a privée de , l'instrument le plus important pour obtenir des accords satisfaisants en matière de salaires et de conditions d'emploi. Les employeurs sont pratiquement dispensés de mener des négociations collectives avec l'organisation syndicale en pareil cas et, si aucune convention collective n'est conclue, ils peuvent espérer qu'aucun arrêt de travail n'aura lieu et que les salaires et conditions d'emploi seront fixés par le Conseil national des salaires conformément aux mesures d'intervention du gouvernement. Au dire de l'OFS, dans cette situation, les travailleurs ne voient guère d'intérêt à adhérer à une organisation syndicale et l'organisation perd de son prestige auprès de ses membres et de son pouvoir dans ses relations avec les employeurs.
- 176. LOFS explique ensuite en détail les événements qui ont conduit aux conflits de 1980, 1981 et 1982. Elle a engagé des négociations avec les sociétés d'exploitation (Philips Petroleum Company Norway, Mobil Exploration Norway Incorporated et Elf Acutane Norge A/S) le 6 février 1980 et les négociations se sont poursuivies jusqu'au 21 mai lorsque l'OFS les a rompues et a donné un préavis de grève. Le 23 mai, le conciliateur national a signifié une interdiction de tout arrêt de travail et la procédure de conciliation obligatoire a commencé le 5 juin. Douze réunions de conciliation ont eu lieu sans succès et un arrêt du travail a été entrepris le 3 juillet 1980. Le gouvernement a riposté en adoptant l'ordonnance provisoire du 18 juillet 1980. En vertu de cette ordonnance, le différend a été soumis à l'arbitrage obligatoire du Conseil national des salaires qui a pris des décisions les 8 et 16 octobre et le 1er décembre fixant les nouveaux salaires des membres de l'OFS, ainsi que le contenu de la convention collective, laquelle devait rester en vigueur deux ans à partir du 1er avril 1980. Il avait été décidé, toutefois, que les travailleurs auraient le droit de négocier une augmentation de salaires à partir du 1er avril 1981 et qu'ils pourraient recourir à l'action directe si l'accord ne se faisait pas. C'est dans ce contexte que le second différend est né. Les parties ont engagé des négociations qui ont été rompues sans résultat le 3 avril 1981. Le conciliateur national a signifié une interdiction de cessation du travail et appelé les parties à entreprendre une procédure de conciliation obligatoire. La procédure a été différée en attendant l'issue des principales négociations salariales concernant les travailleurs à terre. Le 3 juillet, lorsque les résultats de ces dernières ont été connus, le conciliateur national a présenté une proposition de convention collective qui a été soumise à un vote direct des membres de l'OFS, lesquels l'ont rejetée par une large majorité. En conséquence, un arrêt du travail a été entrepris le 24 août 1981. Le même jour, les parties ont été appelées à une réunion avec le ministre responsable qui a annoncé que le gouvernement allait adopter une ordonnance interdisant tout arrêt du travail et a demandé à l'OFS de ne pas faire grève jusqu'à ce que l'ordonnance provisoire ait été formellement adoptée. LOFS n'a pas donné son accord, et le 25 août l'ordonnance, interdisant toute grève, a été adoptée par le Roi, à la suite de quoi la grève a pris fin et le différend a été soumis au Conseil national des salaires qui a décidé une augmentation de salaires de 1 pour cent pour les membres de l'OFS. L'organisation plaignante souligne à cet égard que les trois sociétés employeuses avaient dans le même temps accordé à leurs salariés non organisés des augmentations générales de salaires allant de 5 à 15 pour cent, ce qui a déclenché plusieurs grèves illégales échappant au contrôle de l'OFS pendant l'automne de 1981. Ces grèves illégales ont obligé les employeurs à procéder à une révision générale des hausses de salaires pour les rendre plus conformes aux augmentations déjà accordées aux travailleurs non syndiqués. Les négociations en vue d'une nouvelle convention collective pour la période de 1982 ont échoué de nouveau sur la question du barème des salaires qui avait été adopté après les grèves illégales de 1981. Les négociations ont été rompues le 18 mai et le conciliateur national a appelé les parties à engager une procédure de conciliation obligatoire. Après plusieurs réunions infructueuses, les organisations de travailleurs ont fait savoir qu'elles se mettraient en grève le 24 août 1982. Lors d'une réunion volontaire de conciliation, les 24 et 25 août, le conciliateur national a présenté une proposition de compromis qui a été rejetée de nouveau par un vote direct des travailleurs concernés. Après d'autres tentatives vaines, les travailleurs ont décidé d'arrêter le travail à partir du 13 octobre. Ce jour-là, les parties ont été convoquées à une réunion avec le ministre concerné qui a annoncé que le gouvernement se proposait de nouveau de recourir à l'arbitrage obligatoire et a demandé une fois de plus aux organisations de travailleurs de ne pas faire grève. Le projet de loi du gouvernement a été adopté le 18 octobre 1982. Pendant les cinq jours écoulés entre la proposition du projet de loi et son adoption, la grève a eu lieu mais elle a pris fin dès que le Parlement a adopté la loi. Le différend a été soumis pour règlement au Conseil national des salaires qui s'est prononcé en faveur des employeurs.
- 177. L'organisation plaignante souligne que l'argument avancé par le gouvernement pour recourir à l'arbitrage obligatoire a toujours été la perte de recettes fiscales et non le fait qu'une grève menacerait des intérêts publics vitaux en mettant en danger la sécurité de la nation ou la santé de la population. Selon l'OFS, une grève dans les champs pétrolifères ne menacerait pas l'approvisionnement de la collectivité en produits essentiels, y compris le pétrole: la plus grande partie de la production des champs pétrolifères est acheminée par oléoduc vers d'autres pays et la Norvège importe la plus grande partie du pétrole qu'elle consomme. A cet égard, l'OFS souligne que le gouvernement, outre sa préoccupation pour les recettes fiscales, soutient que les salaires des travailleurs du pétrole pourraient susciter une forte demande à la hausse dans d'autres industries. Par conséquent, le gouvernement s'est attaché à freiner les hausses de salaires, en particulier dans l'industrie du pétrole, au moyen de l'arbitrage obligatoire. Au dire de l'OFS, le gouvernement a recours au Conseil national des salaires parce que la majorité des membres de ce dernier sont nommés par le gouvernement. Par exemple, le président du conseil de 1981 à 1983 était le directeur national du Contrôle des prix et l'un des autres membres du conseil est aussi membre de l'Office national des impôts et de l'Office national des contentieux fiscaux (pétrole). En pratique, la politique du gouvernement au sein du conseil consiste à intervenir en faveur de l'employeur pour limiter les hausses de salaires et interdire les grèves. LOFS souligne que le conseil se compose de sept membres, dont cinq sont nommés par le gouvernement, les parties à chaque différend désignant chacune un membre. Deux des membres nommés par le gouvernement viennent des deux principales organisations d'employeurs et de travailleurs, à savoir la Confédération des employeurs norvégiens et la Fédération des syndicats de Norvège (LO). L'OFS souligne qu'elle n'est pas affiliée à la LO et que les deux organisations se font concurrence pour recruter des membres parmi les travailleurs du pétrole. C'est pourquoi les membres de la LO au Conseil national des salaires, qui devraient représenter les intérêts des salariés du pétrole, ont toujours voté contre les revendications des travailleurs.
- 178. Enfin, l'OFS allègue que le Conseil national des salaires s'emploie dans ses décisions à pénaliser les organisations de travailleurs pour avoir usé du droit de mener des grèves légales. Par exemple, il a adopté un principe selon lequel les augmentations de salaires décidées par le conseil lorsqu'une grève est en cours entrent en vigueur à la date à laquelle la grève prend fin; si aucune grève n'a commencé, les hausses de salaires entrent en vigueur à compter de la date d'expiration de la dernière convention collective. Or, pour le calcul de l'augmentation de salaires, le conseil prend pour base la date d'expiration de la dernière convention collective. LOFS souligne que cela se produit dans des cas où les grèves ont été organisées légalement et où aucun effort n'a été fait pour déterminer quelle partie est responsable du fait que le différend n'a pu être résolu sans recours à la grève.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 179. Dans sa communication du 13 avril 1984, le gouvernement donne une description de la situation qui coïncide avec celle de l'organisation plaignante. Premièrement, le gouvernement souligne que pendant le printemps de 1980 des négociations avaient été engagées concernant la convention collective entré les travailleurs du pétrole et les employeurs. Les négociations ont échoué le 21 mai 1980; le médiateur d'Etat (traduction officielle du BIT. conciliateur d'Etat, SL, 1927 - Nor. 1) a signifié une interdiction temporaire de cessation du travail en vertu de l'article 29.2) de la loi no 1 du 5 mai 1927 concernant les différends du travail et a appelé les parties à une médiation obligatoire. La procédure de médiation a commencé le 5 juin 1980, mais elle a pris fin le 1er juillet à la demande des associations de travailleurs, après que douze réunions de médiation eurent lieu sans succès. Le même jour, comme la médiation avait pris fin, le ministre des Administrations locales et du Travail a convoqué les parties à une réunion afin de discuter les possibilités de reprendre la médiation. Cependant, les associations de travailleurs ont fait savoir ensuite que l'OFS convoquerait une réunion le 3 juillet pour étudier la possibilité d'une action directe. Selon le gouvernement, malgré cela, les membres de l'OFS se sont mis en grève le 2 juillet dés minuit. La grève a entraîné un arrêt complet de la production dans tous les champs pétrolifères d'Ekofinsk et de Statfjord. Le gouvernement ajoute qu'après l'arrêt du travail le médiateur d'Etat a eu plusieurs entretiens officieux avec les parties pour essayer de trouver de nouvelles bases de médiation, mais en vain. Devant les sérieuses conséquences de la grève et de cette situation d'impasse, le gouvernement s'est vu obligé de proposer que le conflit soit résolu et que cesse l'action directe et, en conséquence, le Roi a pris la décision, le 18 juillet 1980, de recourir à l'arbitrage obligatoire et de mettre fin à la grève qui durait depuis 15 jours. Après examen de la situation, le Conseil national des salaires a élaboré un accord détaillé qui, selon le gouvernement, était le premier accord de base entre les parties.
- 180. Deuxièmement, le gouvernement indique que les négociations concernant la révision de la convention collective arrivant à expiration le 1er avril 1981 ont été rompues le 3 avril 1981. LOFS a notifié l'arrêt du travail d'environ 2.500 de ses membres à compter du 3 mai 1981. Le médiateur d'Etat a prononcé une interdiction temporaire d'arrêt du travail et a appelé les parties à une médiation obligatoire le 22 avril. Lors d'une réunion le 30 avril, les parties sont convenues de différer la poursuite de la médiation en attendant que les négociations soient menées à bien à l'échelon central. Cependant, comme l'accord ne s'est pas fait sur une nouvelle convention collective concernant les salaires dans les négociations centrales, il a été décidé de soumettre le conflit à l'arbitrage obligatoire. Lorsque la décision du Conseil national des salaires concernant les négociations centrales a été rendue publique le 20 juin 1981, les parties ont été convoquées à une nouvelle réunion d'arbitrage le 3 juillet, au cours de laquelle le médiateur a présenté un projet de règlement à soumettre au vote des membres de l'OFS. Comme ces derniers ont rejeté la proposition, l'OFS a donné préavis d'une grève perlée de ses membres touchant trois exploitations pétrolières. Le 24 août 1981, les parties ont été convoquées au ministère des Affaires étrangères (agissant pour le compte du ministère des Administrations locales et du Travail), réunion qui n'a pas réglé non plus le différend. Le ministre a annoncé que pour éviter tout conflit le gouvernement proposerait que le différend soit soumis à l'arbitrage obligatoire et il a demandé à l'OFS de surseoir à l'arrêt du travail prévu, jusqu'à ce que le ce que le différend ait été examiné à la réunion extraordinaire du Cabinet le jour suivant. Selon le gouvernement, l'OFS a rejeté cette demande et a annoncé une grève dans tous les champs pétrolifères à partir de 18 heures le 24 août 1981. Le 25 août, le Cabinet a de nouveau décidé de régler le différend par l'arbitrage obligatoire et une décision du Conseil national des salaires a été annoncée le 14 octobre 1981.
- 181. Troisièmement, le gouvernement explique que les négociations en vue d'une nouvelle convention collective pour 1982 ont été rompues le 18 mai 1982 et que le médiateur d'Etat a décidé d'interdire l'action directe et a convoqué les parties à une médiation obligatoire. La médiation, commencée le 28 mai, a pris fin le 16 juin sans succès, après huit réunions. De nouvelles tentatives de médiation ont eu lieu les 5 et 6 juillet, mais elles ont également échoué. Selon le gouvernement, les associations de travailleurs ont annoncé alors un nouvel arrêt de travail de leurs membres à partir du 23 août 1982. Après de nouvelles réunions de médiation, le médiateur d'Etat a présenté une proposition de règlement à mettre aux voix. Comme la proposition a été rejetée par les membres des associations de travailleurs concernées, le ministre des Administrations locales et du Travail a convoqué une réunion pour le 13 octobre, laquelle n'a pas abouti non plus. Le ministre a annoncé alors que, vu la conjoncture économique, le gouvernement proposerait de soumettre le différend à l'arbitrage obligatoire et il a demandé aux associations de travailleurs de surseoir à la grève en attendant que le Parlement ait examiné cette proposition. Cette demande a été rejetée par les travailleurs qui ont annoncé que la grève commencerait le 13 octobre à 12 heures. Le gouvernement a présenté sa proposition d'arbitrage obligatoire qui a été adoptée par le Parlement le 18 octobre 1982, mettant fin ainsi à la grève déclenchée cinq jours plus tôt. Le Conseil national des salaires a rendu sa décision concernant cette affaire le 30 décembre 1982.
- 182. Le gouvernement souligne que c'est l'Etat qui doit supporter les pertes financières les plus lourdes en cas d'arrêt temporaire de la production des installations pétrolières de la mer du Nord. Selon le gouvernement, les quinze jours de conflit de 1980 ont entraîné une perte d'environ 2 milliards de couronnes norvégiennes en recettes de production et environ 500 millions de couronnes en impôts et taxes. Une perte de revenus de cette ampleur grève lourdement l'économie norvégienne. Le gouvernement fournit plusieurs statistiques montrant que l'industrie pétrolière joue un rôle vital dans l'économie norvégienne, contribuant pour environ 17 pour cent au produit intérieur brut et pour 33 pour cent aux exportations. Le gouvernement souligne que les prélèvements fiscaux sur le pétrole sont un élément essentiel des recettes fiscales et du budget de sécurité sociale de l'Etat et que le secteur pétrolier joue également un grand rôle dans l'emploi; en effet, 50.000 personnes environ sont occupées à des activités liées à l'industrie pétrolière, dont environ 7.000 travaillent sur les plates-formes de production de la mer du Nord.
- 183. Selon le gouvernement, en Norvège le droit de grève s'exerce en principe librement: seuls les forces de police, les forces de défense nationale et les hauts fonctionnaires sont soumis à des restrictions à cet égard. Le gouvernement norvégien est fermement convaincu qu'il incombe aux organisations de travailleurs et d'employeurs de conclure des conventions collectives sur les salaires et de maintenir la paix sociale. Il fait observer qu'un recours trop fréquent à l'arbitrage obligatoire peut affaiblir le système de négociation. Néanmoins, selon le gouvernement, à l'heure actuelle, les conflits du travail ont des conséquences qui débordent largement les parties directement intéressées; par exemple, une grève peut avoir pour la société des conséquences si sérieuses et si importantes qu'il serait insensé de la part des autorités de ne pas intervenir. Le gouvernement explique qu'en Norvège il n'existe pas de base légale permanente interdisant la grève; l'interdiction doit être prononcée soit par une disposition législative spéciale, soit par une ordonnance provisoire promulguée par le Roi comme cela a été le cas en l'espèce. Pour chaque différend, le préjudice qu'une grève pourrait causer à la collectivité est évalué et des solutions volontaires sont recherchées avant de recourir à l'interdiction de la grève. Le gouvernement souligne qu'il n'a pas l'intention de priver du droit de grève les travailleurs de la production dans la mer du Nord: s'il a décidé, lors des conflits de 1980, 1981 et 1982, de proposer l'arbitrage obligatoire, c'est en raison de l'ampleur probable des conséquences préjudiciables de ces conflits. Il souligne que, dans ces conflits, les travailleurs de toutes les plates-formes de production du plateau norvégien ont été amenés à faire grève et qu'il y avait très peu de chances de parvenir à un règlement rapide dans chacun des cas.
- 184. Le gouvernement ajoute qu'il a pris un autre facteur en considération lors des conflits de 1980, 1981 et 1982, celui de la sécurité qui revêt une importance spéciale en raison du climat et des conditions technologiques propres à la mer du Nord. Par exemple, s'agissant du conflit de 1980, plusieurs problèmes de coopération se sont posés dans certaines installations qui ont abouti parfois à des situations confuses et à des défaillances d'information des autorités chargées du contrôle. Selon le gouvernement, pareilles conditions augmentent le danger d'incidents et d'accidents. A cet égard, le gouvernement souligne que les instruments de l'OIT protégeant le droit d'organisation et de négociation collective autorisent, dans certaines conditions, l'interdiction de la grève à titre permanent ou dans des cas particuliers après évaluation des effets préjudiciables probables de la grève; le gouvernement considère donc que les conditions nécessaires à l'interdiction de la grève étaient remplies dans les conflits en question dans la mer du Nord.
- 185. En ce qui concerne les critiques formulées par l'organisation plaignante à l'égard du Conseil national des salaires, le gouvernement renvoie à un cas antérieur concernant la Norvège, examiné par le comité en mai 1982. [Cas no 1099, 217e rapport, paragr. 449-470 approuvé par le Conseil d'administration à sa 220e session, en mai-juin 1982.] En outre, le gouvernement explique que le Conseil national des salaires est un organe permanent d'arbitrage, constitué en application de la loi no 7 du 19 décembre 1952 portant création d'un Conseil national des salaires pour le règlement des différends du travail; les membres du conseil sont nommés par le Roi pour trois ans; le conseil est à la disposition des organisations de travailleurs et d'employeurs pour régler les différends du travail, l'Etat prenant à sa charge les frais de l'arbitrage; le conseil se compose de sept membres, dont cinq sont nommés par le gouvernement pour trois ans, trois de ces membres permanents étant indépendants à la fois du gouvernement et des organisations de travailleurs et d'employeurs; les membres représentent respectivement les intérêts des employeurs et des travailleurs et doivent être spécialement au courant des échelles de salaires applicables au plan national qui déterminent les niveaux de salaires du pays; dans le secteur privé, le gouvernement a nommé des représentants des deux plus grandes organisations de l'industrie, la Confédération des employeurs norvégiens et la Fédération des syndicats norvégiens (LO) qui n'ont qu'un rôle consultatif au conseil et n'ont pas de droit de vote indépendant; la loi énonce les règles de procédure du conseil selon lesquelles les parties peuvent se faire représenter et ont le droit de présenter au conseil toutes les informations qu'elles jugent importantes pour le cas d'espèce. Le gouvernement conclut donc que le conseil n'est pas lié par la politique des revenus du gouvernement et qu'il est complètement indépendant.
- 186. A cet égard, le gouvernement explique la nomination du directeur général des Prix aux fonctions de président du Conseil national des salaires, qui a été critiquée par l'OFS. Il souligne que, pour la nomination des membres, il s'emploie à trouver des candidats ayant une connaissance étendue des aspects juridiques, de la fixation des salaires par convention collective et imposant le respect; dans le cas présent, il est tout à fait fortuit que la personne nommée président était le directeur général des Prix. Le gouvernement indique que la personne en question a quitté ce poste le 1er avril 1983 pour devenir juge d'un tribunal de district et qu'en février 1984 il a été nommé juge de la Cour suprême. En ce qui concerne la fonction de président en général, le gouvernement souligne que l'article 4 de la loi no 7 du 19 décembre 1952 portant création d'un Conseil national des salaires pour le règlement des différends du travail et l'article 13 de la loi no 1 du 5 mai 1927 prévoient la possibilité de soulever des objections concernant l'éligibilité; par exemple, un membre du Conseil national des salaires est inéligible dans les mêmes cas qu'un juge en matière civile ordinaire. En outre, la question du retrait d'un membre peut être soulevée aussi bien par le membre en question que par les parties au différend. Le gouvernement souligne que l'OFS n'a pas soulevé d'objection de ce genre dans les différends de 1980, 1981 ou 1982. En ce qui concerne les objections de l'OFS concernant un autre membre du Conseil national des salaires qui est aussi membre de l'Office national des impôts et de l'Office national des contentieux fiscaux, le gouvernement déclare qu'il ne voit pas pourquoi l'exercice de ces fonctions devrait empêcher cette personne d'être membre du Conseil national des salaires. Il ajoute que là encore l'OFS n'a pas soulevé d'objection contre ce membre au cours de la procédure engagée devant le conseil. Enfin, sur ce point, le gouvernement déclare que l'affirmation de l'OFS selon laquelle le représentant de la LO au Conseil national des salaires (qui a été nommé en raison de sa connaissance particulière des conventions collectives nationales en matière de salaires) a toujours voté contre les travailleurs dans les différents conflits est certainement due à un malentendu car ce représentant n'a pas le droit de vote.
- 187. S'agissant de l'allégation selon laquelle les décisions du conseil pénalisent les travailleurs pour avoir engagé une action directe, le gouvernement souligne que le conseil est indépendant des pouvoirs publics et que le gouvernement n'est pas habilité à donner des instructions à cet organe en ce qui concerne la date d'entrée en vigueur ou l'ampleur des hausses de salaires. Le gouvernement souligne aussi que le Conseil a toujours eu pour règle de fixer lui-même la date d'entrée en vigueur de sa décision et, partant, de la nouvelle convention collective.
- 188. Enfin, le gouvernement se réfère aux résultats prétendument défavorables des décisions du conseil en 1980, 1981 et 1982. Il fournit des statistiques selon lesquelles le salaire net de tous les salariés de ce secteur a enregistré une augmentation de 19,7 pour cent entre 1981 et 1983, alors que le salaire moyen dans le secteur manufacturier a augmenté pendant la même période de 18,9 pour cent.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 189. Ce cas concerne l'allégation d'intervention des pouvoirs publics dans les activités légales de l'organisation syndicale plaignante par l'adoption d'une législation spéciale interdisant à cette organisation d'appeler à la grève dans des différends concernant la négociation de conventions collectives en 1980, 1981 et 1982 et imposant l'arbitrage obligatoire devant un conseil qui, de l'avis de l'organisation plaignante, n'est pas impartial. Le comité note que, bien que la situation en elle-même ne soit pas contestée, la version des faits donnée par l'organisation plaignante et les explications du gouvernement sur les motifs de l'adoption d'une législation spéciale sont contradictoires. Les deux parties donnent une description détaillée de la nature non essentielle ou essentielle du secteur dans lequel l'interdiction de grève a été imposée et les deux parties décrivent en détail la composition du Conseil national des salaires qui a été appelé à arbitrer les différends à titre de procédure destinée à compenser la perte du droit de grève pour les travailleurs de la production pétrolière.
- 190. A cet égard, le comité note qu'il a déjà examiné une plainte similaire contre le gouvernement de la Norvège à laquelle le gouvernement se réfère dans sa réponse. [Voir cas no 1099, 217e rapport, paragr. 449-470.] Le comité adopte les mêmes conclusions dans le présent cas en ce qui concerne le recours à la grève, à savoir que la restriction ou l'interdiction de ce moyen essentiel pour les travailleurs de défendre leurs intérêts professionnels ne peuvent être admises que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire dans les services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans l'ensemble ou dans une partie de la population. Appliquant ce critère aux circonstances particulières du présent cas, le comité prend note des informations fournies au sujet des conséquences économiques générales d'une grève dans les installations de production pétrolière de la mer du Nord. Il estime, toutefois, que l'interruption des services assurés par les travailleurs concernés, bien qu'elle risque d'entraîner un arrêt de la production et d'avoir de graves conséquences à long terme pour l'économie nationale, ne mettrait pas en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l'ensemble de la population. [Voir, par exemple, 233e rapport, cas no 1225 (Brésil), paragr. 668.] Il considère donc que la mesure législative prise par le gouvernement qui a eu pour effet de priver l'ensemble de cette catégorie particulière de travailleurs de la possibilité de recourir à la grève n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 191. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'organe chargé de l'arbitrage obligatoire en application des dispositions législatives adoptées pour régler les différends de 1980, 1981 et 1982 n'est pas impartial, le comité note que, selon le gouvernement, des garanties d'impartialité satisfaisantes ont été données aux travailleurs concernés par l'intermédiaire du 'Conseil national des salaires. Après avoir examiné la composition et les règles de procédure de cet organe, en particulier en ce qui concerne le droit de vote, le comité ne se trouve pas en mesure de soutenir l'allégation selon laquelle la composition et la procédure du conseil sont de nature à mettre en doute son impartialité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 192. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la législation privant de la faculté de recourir à la grève certains salariés des installations de production pétrolière de la mer du Nord, le comité considère que, malgré les informations détaillées fournies par le gouvernement quant aux conséquences économiques de pareille grève, les mesures législatives adoptées par le gouvernement et qui ont conduit à exclure totalement cette catégorie particulière de travailleurs de la faculté de recourir à la grève sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale selon lesquels les grèves ne peuvent être interdites ou sujettes à restriction que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme.
- b) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les procédures de compensation prévues par le gouvernement dans la législation interdisant de recourir à la grève ne sont pas suffisamment impartiales, le comité ne se trouve pas en mesure de soutenir, l'allégation selon laquelle la composition et la procédure de l'organe en question - le Conseil national des salaires - sont de nature à mettre en doute son impartialité.