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Rapport définitif - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1263 (Japon) - Date de la plainte: 21-MARS -84 - Clos

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  1. 259. Dans une communication du 21 mars 1984, le Conseil général des syndicats du Japon (SOHYO), au nom du Congrès des syndicats de fonctionnaires (KOMUIN-KYOTOH), a présenté une plainte contre le gouvernement du Japon. Le même jour, le Secrétariat professionnel international de l'enseignement s'est associé à cette plainte. Dans une communication également du 21 mars 1984, l'Internationale des services publics (ISP), au nom de son affilié japonais, JICHIRO, a aussi présenté une plainte, de même que la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE), dans une lettre du 28 mars 1984.
  2. 260. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; il n'a pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 261. Les plaignants, dans leurs diverses lettres, allèguent que le gouvernement a violé les principes de la liberté syndicale en décidant d'appliquer en partie seulement la recommandation relative à l'augmentation des traitements en 1983 faite par le Service national du personnel (SNP), organisme indépendant qui a été institué en vertu de la loi sur les administrations nationales afin de formuler des recommandations concernant les salaires, en compensation de la non-reconnaissance du droit de négociation collective et du droit de grève aux agents de la fonction publique au Japon. [L'un des plaignants souligne qu'en vertu des articles IV et V de cette loi, les membres du SNP doivent jouir de la plus haute considération morale, être notoirement favorables su système démocratique de gouvernement et à une administration efficace.] Plusieurs plaignants font observer que la recommandation du SNP concernant les hausses de traitement pour 1982 n'a pas été appliquée entièrement, ce qui a fait l'objet d'une plainte antérieure contre le gouvernement du Japon. [Voir 222e rapport, cas no 1165, paragr. 153-169, approuvé par le Conseil d'administration à sa 222e session, en mars 1983.]
  2. 262. Les plaignants font l'historique de la situation comme suit: en avril 1983, ils ont présenté au SNP des demandes d'augmentation des traitements à appliquer à compter du 1er avril 1983; la réponse du gouvernement, datée du 25 avril 1983, dont une copie est fournie, indique que "le gouvernement fera tout son possible de bonne foi pour appliquer la recommandation de 1983, malgré la situation financière difficile"; le 5 mai 1983, le SNP a recommandé d'augmenter les traitements et salaires du personnel des administrations publiques nationales de 6,47 pour cent en moyenne, par personne et par mois, avec effet rétroactif au 1er avril 1983; certains des plaignants n'ont pas jugé cette augmentation satisfaisante, en particulier du fait que la recommandation de 1982 n'avait pas été appliquée, mais ils ont demandé instamment au gouvernement de l'appliquer rapidement et intégralement; les 21 octobre, le gouvernement a décidé d'accorder une augmentation de 2 pour cent en moyenne, et il a simplement notifié cette décision aux syndicats intéressés, sans aucune négociation ou consultation. Les: plaignants ont transmis une copie d'une déclaration publiée le 20 octobre 1983 par le président du SNP dans laquelle il déplore vivement cette décision, car elle ne tient pas compte du fait que le système du SNP compense la restriction imposée aux droits syndicaux des agents publics. A cet égard, la CMOPE souligne que, outre les restrictions susmentionnées aux droits syndicaux des agents de la fonction publique, la législation pertinente ne renferme aucune disposition concernant les négociations entre les syndicats de la fonction publique et l'employeur public ou le recours à un organe, indépendant contre une recommandation du SNP ou contre la façon dont le gouvernement donne suite à une recommandation; elle souligne que toute mesure prise par le syndicat pour manifester son mécontentement est condamnée, malgré les dispositions constitutionnelles garantissant le droit de négocier et d'agir collectivement. Elle conclut que les dispositions contenues dans les conventions nos 98 et 151 ne sont nullement garanties. En vertu de la législation en vigueur, le gouvernement a présenté un projet de loi proposant une augmentation de traitement de 2 pour cent en moyenne - malgré l'opposition des syndicats de la fonction publique et des partis politiques d'opposition -, qui a été adopté unilatéralement sans véritable délibération.
  3. 263. Selon les plaignants, cette application partielle de la recommandation du SNP pour 1983 n'est pas acceptable pour les motifs suivants. i) les fonctionnaires dont les salaires réels avaient déjà sensiblement diminué du fait de la non-application de la recommandation du SNP pour 1982 ont subi à nouveau une perte de revenu effectif par suite d'une décision unilatérale; ii) il existe une discrimination flagrante dans la façon dont le gouvernement traite les fonctionnaires par rapport aux travailleurs du secteur privé et aux travailleurs des sociétés publiques et des entreprises nationales dont les salaires sont fixés par la négociation collective; iii) la décision du gouvernement est un déni de ses affirmations antérieures faites dans le cadre des plaintes contre la non-application de la recommandation du SNP pour 1982 lorsqu'il a déclaré que la non-application "a été une mesure de caractère exceptionnel adoptée dans une situation économique nationale critique sans précédent, et que le gouvernement a l'intention de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la répétition d'une situation semblable à l'avenir". (Voir 222e rapport, paragr. 167.)
  4. 264. En conclusion, les plaignants demandent que les recommandations du SNP soient appliquées intégralement pour corriger l'injustice imposée actuellement aux agents publics, que le gouvernement respecte les recommandations du BIT concernant les garanties adéquates qui doivent exister toutes les fois que des droits fondamentaux sont déniés ou sujets à des restrictions afin de sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs, et que le gouvernement prenne des mesures appropriées pour permettre aux organisations de fonctionnaires de participer à la prise des décisions, car des décisions unilatérales prises par le gouvernement concernant les salaires et d'autres conditions d'emploi ne sont pas de nature à favoriser l'harmonie dans les relations professionnelles.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 265. Dans sa communication du 10 octobre 1984, le gouvernement déclare qu'il maintient fermement sa politique fondamentale de respect des recommandations du SNP - il considère que le SNP constitue une mesure de compensation intégrale contrebalançant les restrictions aux droits syndicaux des agents publics - et qu'il a fait jusqu'ici tout son possible pour appliquer ces recommandations malgré les difficultés financières. Le gouvernement souligne qu'il a exposé clairement sa position aux représentants des organisations de travailleurs intéressées le 4 avril 1984 et, en ce qui concerne la recommandation du SNP pour 1984, il examine actuellement les moyens de lui donner suite du point de vue de cette politique fondamentale.
  2. 266. Selon le gouvernement, les ministres et les représentants du gouvernement concernés ont eu de nombreux entretiens avec les organisations de travailleurs intéressées pour leur expliquer la situation financière d'une gravité sans précédent dans laquelle se trouve le pays et pour entendre leur point de vue. En particulier, la veille du jour où a été prise la décision du Conseil du Cabinet, les ministres et les représentants du gouvernement concernés ont eu un nouvel entretien avec les représentants des organisations de travailleurs intéressées pour leur demander de comprendre les circonstances qui ont rendu difficile l'application intégrale de la recommandation du SNP pour 1983. Le gouvernement a convoqué une conférence des ministres du Cabinet s'occupant des salaires à cinq reprises - les 5 et 26 août, le 9 septembre et les 7 et 20 octobre 1983. Après avoir examiné attentivement les moyens de donner suite à la recommandation, en tenant compte de l'ensemble de ses incidences politiques, économiques et sociales, le gouvernement a finalement décidé le 21 octobre 1983 d'augmenter la rémunération du personnel des administrations publiques nationales de 2 pour cent en moyenne, avec effet rétroactif su 1er avril 1983. Il a décidé en outre que, bien qu'aucun crédit n'ait été alloué pour mettre en oeuvre cette révision des traitements à ce moment-là, de nouveaux efforts seraient déployés, pour obtenir des fonds de diverses sources, par exemple en économisant( sur les crédits qui avaient déjà été réduits et en diminuant davantage le nombre d'agents des administrations publiques nationales; le gouvernement souligne toutefois qu'en pratique il n'y a pas eu de licenciement d'agents de ces administrations. t
  3. 267. Le gouvernement fournit des statistiques détaillées 3 attestant la gravité de la situation financière du Japon en 1983,8 notamment l'existence de problèmes comme la dépendance massive à, l'égard d'obligations en couverture de déficit et l'insuffisance des rentrées fiscales. Le gouvernement souligne que, dans cette situation économique, les prix à la consommation ont été très stables au Japon, les taux annuels d'augmentation par rapport à la période correspondante de l'année précédente étant de 2,4 pour cent pour 1982 et de 1,9 pour cent pour 1983. Il explique qu'un système de majoration périodique annuelle des traitements s'applique aux agents des administrations publiques nationales (à l'exception d'un petit nombre d'entre eux, par exemple ceux qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire et ceux qui ont été absents du travail pour cause de maladie); ce système, bien qu'il soit différent par nature d'une révision des échelles de traitement, a un effet similaire et la majoration périodique de 1983 a atteint en moyenne approximativement, 2 pour cent. Le gouvernement est convaincu que, si l'on tient compte des augmentations annuelles régulières - le taux de majoration des traitements pour l'exercice fiscal 1983 étant presque égal à la hausse de l'indice des prix à la consommation -, les conditions de vie des fonctionnaires sont dûment prises en considération.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 268. Le comité note que ce cas a trait à une allégation relative au défaut d'application intégrale, par le gouvernement, de la recommandation du Service national du personnel visant à augmenter de 6,47 pour cent les traitements des fonctionnaires des administrations publiques nationales du secteur "non opérationnel" à partir du 1er avril 1983. Le gouvernement, après avoir examiné la recommandation, a décidé le 21 octobre 1983 d'augmenter les traitements de ces fonctionnaires de 2 pour cent en moyenne, avec effet rétroactif au leur avril 1983.
  2. 269. Selon les plaignants, le fait que le gouvernement n'ait à nouveau pas intégralement et rapidement appliqué la recommandation du SNP en 1983 constitue une violation des principes de la liberté syndicale et, en particulier, des garanties qui devraient être accordées lorsque le droit de grève et le droit de négociation collective ne sont pas reconnus au personnel de la fonction publique ou des services essentiels. Le gouvernement, pour sa part, explique dans sa réponse que la décision finale a été la conséquence d'une situation économique nationale d'une gravité sans précédent, que des ministres et des représentants du gouvernement ont expliqué la situation aux organisations de travailleurs intéressées, à de nombreuses occasions, et que, bien qu'aucun crédit n'ait encore été alloué pour appliquer l'augmentation de 2 pour cent accordée aux fonctionnaires, l'effectif des fonctionnaires des administrations publiques nationales n'a pas été réduit. Le gouvernement fait valoir que, compte tenu des prix à la consommation au Japon et du système d'augmentations annuelles régulières, on peut constater que les conditions de vie des travailleurs ont été dûment prises en considération.
  3. 270. Le comité rappelle que, lorsqu'il a examiné la plainte (mentionnée par les plaignants dans le présent cas) concernant le défaut d'application de la recommandation du SNP pour 1982 [cas no 1165, 222e rapport du comité, parag. 153 à 169), il a souligné que, lorsque des droits aussi fondamentaux que le droit de négociation collective ou le droit de grève dans les services essentiels ou dans la fonction publique font l'objet d'interdictions ou de restrictions - comme c'est le cas dans cette affaire -, des garanties appropriées, telles que des procédures de conciliation et d'arbitrage, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer et dans lesquelles les sentences rendues doivent être appliquées entièrement et rapidement doivent être accordées pour protéger pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels.
  4. 271. Au sujet de la catégorie des fonctionnaires concernés par les recommandations du Service national du personnel, le comité relève de nouveau, comme il l'a fait dans le cas no 1165, qu'outre le fait qu'ils sont privés du droit de grève ils n'ont aucun droit de participer à un mécanisme de négociation quel qu'il soit pour la fixation de leurs conditions d'emploi, y compris de leurs traitements. Les seules mesures compensatoires sembleraient être l'existence du service précité et les avantages dont cette catégorie de personnel bénéficie par suite de la mise en oeuvre des recommandations dudit service concernant des augmentations de traitements. Le degré d'adéquation de ces mesures compensatoires dépend en conséquence de l'application rapide et sans restriction des augmentations de traitements recommandées par le Service national du personnel, principe qui a été reconnu par la Cour suprême du Japon elle-même. Il semble au comité que dans le passé les recommandations du Service national du personnel et leur mise en oeuvre par le gouvernement ont fourni aux travailleurs concernés une compensation pour les restrictions de leurs droits syndicaux.
  5. 272. Dans le cas no 1165, le comité avait pris note des assurances données par le gouvernement selon lesquelles il maintenait fermement sa politique fondamentale de respect des recommandations du SNP, le défaut d'application de ces recommandations en 1982 n'ayant été qu'une mesure de caractère exceptionnel adoptée dans une situation économique nationale critique sans précédent. Le gouvernement avait l'intention de faire tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la répétition d'une situation semblable à l'avenir. Le comité, par conséquent, tout en regrettant que les recommandations du Service national du personnel n'aient pas été mises en oeuvre en 1982, avait exprimé le ferme espoir qu'à l'avenir les recommandations du SNP seraient rapidement et complètement mises en oeuvre, afin d'assurer aux fonctionnaires concernés une certaine compensation pour les, restrictions de leurs droits syndicaux en matière de négociation collective et de droit de grève.
  6. 273. Le comité fait observer, en outre, que la question de la mise en oeuvre partielle de la recommandation du SNP pour 1983 a été portée à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, laquelle, dans une observation adressée au gouvernement en 1984, a souligné qu'elle comprenait parfaitement qu'en période de crise ou de difficultés économiques les gouvernements jugeaient nécessaire d'imposer des restrictions au processus normal de fixation des salaires, mais que, dans le cas d'espèce, où les agents publics du secteur non opérationnel (c'est-à-dire tous les salariés des administrations publiques nationales et locales autres que les agents des sociétés ou entreprises publiques) non seulement sont privés du droit de grève, mais voient aussi leur capacité de négocier sérieusement limitée; il était particulièrement important que les recommandations du Service national du personnel soient intégralement appliquées. La commission d'experts a exprimé l'espoir que, si les restrictions aux droits syndicaux fondamentaux de ces travailleurs devaient être maintenues le gouvernement réexaminerait les procédures et le mécanisme de fixation des salaires et des conditions de travail dans la fonction publique afin que les garanties énoncées dans la convention soient pleinement appliquées aux fonctionnaires visés par ladite convention.
  7. 274. Le comité ne peut que regretter que la recommandation du Service national du personnel n'ait pas été pleinement appliquée non plus en 1983 en dépit des assurances données par le gouvernement en 1983 par lesquelles il avait déclaré qu'il ferait tout son possible pour respecter les recommandations formulées par le Service national du personnel. En conséquence, le comité doit exprimer des doutes sur le fait que le système actuel de détermination des conditions d'emploi dans le service public japonais inspire la confiance des parties (article 8 de la convention no 151). Le comité appelle donc à nouveau l'attention du gouvernement sur ses conclusions précédentes (dans le cas no 1165) et sur les observations de la commission d'experts en 1984. Il exprime le ferme espoir que le gouvernement parviendra à mettre en place une procédure de détermination des salaires et des conditions de travail dans la fonction publique qui accordera à ces travailleurs une compensation adéquate aux droits fondamentaux dont ils ne jouissent pas actuellement et dans laquelle les travailleurs participeraient.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 275. Le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité rappelle le principe selon lequel, lorsque des droits aussi fondamentaux que le droit de négociation collective et le droit de grève dans les services essentiels ou dans la fonction publique sont déniés ou sujets à des restrictions, comme dans le présent cas, des garanties adéquates telles que des procédures de conciliation et d'arbitrage impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir prendre part et dont les décisions, une fois adoptées, doivent être complètement et rapidement mises en oeuvre, devraient exister pour sauvegarder pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts. Etant donné que les recommandations du Service national du personnel n'ont pas été pleinement appliquées depuis 1981, le comité exprime des doutes sur le fait que le système actuel de détermination des conditions d'emploi dans le service public japonais inspire la confiance des parties (article 8 de la convention no 151).
    • b) Le comité regrette que la recommandation du Service national du personnel n'ait de nouveau pas été pleinement appliquée en 1983; il appelle donc l'attention du gouvernement sur les conclusions qu'il avait formulées dans le cas no 1165 et sur les observations faites par la commission d'experts à cet égard en 1984 et exprime le ferme espoir que le gouvernement parviendra à mettre en place une procédure de détermination des salaires et des conditions de travail dans la fonction publique qui garantira à ces travailleurs une compensation adéquate aux droits fondamentaux dont ils ne jouissent pas actuellement et dans laquelle les travailleurs participeraient.
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