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Rapport intérimaire - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1270 (Brésil) - Date de la plainte: 23-MARS -84 - Clos

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  1. 603. Le Syndicat des travailleurs de la métallurgie de Joao Monlevade a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Brésil dans des communications des 23 mars, 18 mai, 11 et 19 juin 1984. La Centrale unitaire des travailleurs s'est jointe à cette plainte dans une communication du 25 mai 1984 et la Confédération mondiale du travail a fait de même par des communications des 19 juin et 20 août 1984. Le gouvernement, pour sa part, a envoyé une réponse partielle sur ce cas dans une lettre datée du 6 août 1984.
  2. 604. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 605. Les plaignants expliquent qu'alors que, dans le passé, il était possible de régler les conflits du travail par voie de négociations collectives dans la compagnie sidérurgique Belgo Mineira, filiale d'une compagnie multinationale dont le siège est à Luxembourg et qui est présente en Belgique, en France, en Allemagne et en Italie, l'entreprise a, en 1983, été le théâtre de graves tensions sociales. La direction a adopté une attitude très dure lors des négociations sur le renouvellement de la convention collective du travail. Elle a refusé de discuter les propositions syndicales pour ensuite licencier 192 ouvriers en mai 1983, en prétendant que ces licenciements étaient le résultat de l'attitude intransigeante du syndicat. Or, expliquent les plaignants, en février 1983, la direction avait proposé au syndicat d'accepter des réductions de 50 pour cent des salaires alors que l'inflation atteignait 230 pour cent l'an, ce que le syndicat avait refusé puisque l'entreprise venait d'augmenter ses distributions de bénéfice. La direction, en juin 1983, avait en outre annulé le paiement des congés des dirigeants syndicaux, pour motifs syndicaux, alors que ce droit avait été acquis par le syndicat depuis plus de vingt ans. Elle avait aussi refusé de déduire les cotisations syndicales des fiches de paie des travailleurs sous prétexte que cette opération serait coûteuse.
  2. 606. Les plaignants déclarent que les travailleurs ont riposté par une grève le 3 octobre 1983 que le tribunal du travail a refusé, le 10 octobre 1983, de déclarer illégale comme le demandait la direction. Le tribunal a en outre ordonné à la compagnie de satisfaire certaines revendications syndicales, mais les travailleurs licenciés ne furent pas réengagés et la majeure partie des revendications syndicales ne furent pas satisfaites, expliquent les plaignants. Malgré cela, les travailleurs reprirent le travail.
  3. 607. Quelques semaines plus tard, la direction a repris ses provocations à l'égard des travailleurs. Dans certains secteurs, par exemple, le paiement du supplément pour travail de nuit fixé par la convention collective fut tout simplement aboli. Les travailleurs déposèrent plainte au tribunal du travail, mais la direction les convoqua individuellement pour les contraindre à signer une déclaration par laquelle ils renonçaient à porter plainte et au supplément pour travail de nuit. Peu d'entre eux cédèrent à cette pression. La direction utilisa la même méthode de pression lorsqu'elle décida de décupler le prix des repas. Entre-temps, le réfectoire de l'entreprise fut fermé et son personnel licencié. En outre, contrairement aux conventions conclues qui prévoyaient un certain salaire de départ, l'entreprise se mit à recruter de nouveaux travailleurs pour un salaire trois fois moindre et à la condition qu'ils ne se syndiquent pas, ce que même la législation du travail brésilienne ne permet pas. Enfin, les dirigeants du Syndicat des travailleurs de la métallurgie furent personnellement visés: mutation, transfert à une fonction inférieure et même licenciement les frappèrent. Deux intéressés déposèrent plainte au tribunal du travail et obtinrent gain de cause. Selon les plaignants, cette liste n'est pas exhaustive.
  4. 608. A l'occasion de ces événements, le Syndicat des travailleurs de la métallurgie de Monlevade convoqua une assemblée générale le 13 janvier 1984 où il fut décidé d'engager la procédure du déclenchement de la grève. Une assemblée générale ultérieure devait être convoquée pour décider, conformément à la loi sur les grèves, de lancer le mot d'ordre de grève, mais ladite assemblée ne fut pas convoquée immédiatement car le syndicat souhaitait encore donner une chance aux négociations. Finalement, la date de la grève fut fixée au 8 mars 1984. Entre-temps, cependant, les tensions avaient atteint un niveau tellement critique que, le 27 février 1984, les travailleurs arrêtèrent spontanément le travail. La direction annonça immédiatement 98 nouveaux licenciements. Le Syndicat des travailleurs de la métallurgie affirme qu'il s'agissait de travailleurs ayant participé à l'action syndicale. La direction ordonna alors aux ingénieurs et aux contremaîtres d'aller réquisitionner les travailleurs à leur domicile et de les menacer de licenciement s'ils refusaient de reprendre le travail. Les épouses dont le mari n'était pas à la maison furent forcées de les accompagner en voiture pour aller le chercher. Ses tentatives échouèrent cependant.
  5. 609. En raison des fortes pressions exercées par la direction, il fut décidé que les piquets de grève resteraient à leur poste jour et nuit pour surveiller les accès de l'usine. En réponse à cette décision, la direction renforça encore ses pressions. Elle ordonna aux chefs d'équipe d'intimider sans relâche les membres de la famille des travailleurs. Des voitures faisaient la ronde à trois heures du matin et ceux qui refusaient de se laisser emmener devaient être licenciés séance tenante. Des hauts parleurs ont été placés par la direction aux entrées de l'usine pour appeler par leur nom et menacer de licenciement les piquets de grève. Finalement, 106 travailleurs cédèrent face à ses pressions. Ils furent escortés par la police vers l'entreprise où ils durent rester pendant vingt heures.
  6. 610. Toujours selon les plaignants, le 29 février, des représentants du ministère du Travail entreprirent une tentative de médiation dans le conflit. La direction de Belgo Mineira nia qu'elle avait usé de menaces à l'égard des travailleurs et refusa d'entamer des pourparlers avec le Syndicat des travailleurs de la métallurgie avant que soit mis fin à la grève. Le représentant du ministère du Travail proposa alors au syndicat de reprendre le travail à deux conditions: arrêt des mesures coercitives de l'entreprise et enquête par l'inspection sociale à propos des infractions aux lois, règlements et conventions collectives en vigueur dans l'entreprise. Le syndicat accepta cette proposition et le travail reprit le 1er mars. Or les évolutions ultérieures démontrent que la direction n'avait pas modéré ses attaques vis-à-vis des travailleurs et du Syndicat des travailleurs de la métallurgie de Monlevade:
    • - seul un appel urgent au gouverneur de l'Etat fédéré permit au syndicat d'éviter 426 nouveaux licenciements le jour même de la reprise du travail;
    • - actuellement, la direction prétend ne plus vouloir négocier avec les représentants syndicaux, mais uniquement avec une délégation de travailleurs qu'elle constituerait elle-même;
    • - la direction essaie d'amener les ingénieurs et les contremaîtres à faire des déclarations incriminant le syndicat. Les déclarations sont alors transmises à la justice auprès de laquelle une plainte a été déposée pour faire déclarer illégale la grève du 27 février au 1er mars 1984;
    • - les contremaîtres affiliés au syndicat font l'objet de pressions pour qu'ils renoncent à leur affiliation. on leur envoie une lettre de préavis préimprimé dont un exemplaire doit être envoyé au syndicat et l'autre à l'entreprise;
    • - la direction tente de faire obstacle à l'enquête de l'inspection du travail: elle a envoyé un télégramme de menace aux fonctionnaires responsables et a exercé des pressions sur les travailleurs pour qu'ils ne fassent aucune déclaration.
  7. 611. Pour conclure, les plaignants indiquent que la radio locale, en janvier et en février 1984, s'est employée à discréditer le syndicat. Ils demandent donc au BIT d'utiliser les moyens à sa disposition pour exiger qu'au Brésil la direction de cette entreprise adopte une conduite respectueuse de la liberté syndicale et qu'elle cesse sa politique de confrontation et de liquidation du syndicat.
  8. 612. Par ailleurs, la Centrale unitaire des travailleurs se réfère en particulier à plusieurs mesures de mise sous tutelle des syndicats intervenues à la suite des mouvements de grève de juin 1983 et qui ont été examinées dans le cadre du cas no 1225. [Voir paragr. 303 à 315 du présent rapport.]

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 613. Dans sa réponse du 6 août 1984, le gouvernement déclare que la délégation régionale du travail de l'Etat du Minas Gerais, sur la plainte du syndicat en cause et à la demande du Secrétariat aux relations du travail du ministère du Travail, est allée enquêter sur place dans l'entreprise pour s'efforcer d'amener les parties à des concessions réciproques et obtenir la réouverture du dialogue et le retour aux négociations.
  2. 614. Le Secrétariat aux relations du travail poursuit son action dans cette direction en vue de promouvoir la conciliation des intérêts en présence, ajoute le gouvernement. Or, grâce à cette enquête gouvernementale, certaines situations ont été normalisées, d'autres ont été éclaircies.
  3. 615. Les questions de droit du travail et de respect des conventions collectives sont du ressort du pouvoir judiciaire tant que les conventions collectives sont en vigueur, indique le gouvernement.. Il précise que, lorsqu'elles arrivent à expiration, étant donné qu'aucune convention collective n'a été signée, la direction des entreprises peut suspendre certains des avantages prévus par le texte signé antérieurement. Ainsi, dans le présent cas, les heures payées pour les dirigeants syndicaux ont été supprimées étant donné qu'aux termes de l'article 543, paragraphe 2, de la consolidation des lois du travail la période durant laquelle le travailleur est absent de son travail pour remplir des fonctions syndicales est considérée comme une période de congé "non payé" sauf s'il en est prévu autrement par une clause contractuelle ou l'assentiment de l'employeur. Le gouvernement souligne également que le droit de se syndiquer ou de ne pas se syndiquer est libre au Brésil. Donc, un travailleur ne peut être empêché d'exercer son droit. En effet, conformément à l'article 543, paragraphe 6, de la loi précitée, l'entreprise qui cherche à empêcher un travailleur de s'affilier à un syndicat, d'organiser une association professionnelle ou syndicale, d'exercer ses droits inhérents à la condition de syndiqué sera passible de sanctions et le travailleur pourra percevoir une indemnité, affirme le gouvernement.
  4. 616. En ce qui concerne les retenues à la source des? contributions syndicales, elles doivent obligatoirement être effectuées par l'employeur une fois qu'elles ont été autorisées par les employés. Or on est en train de vérifier si les retenues n'ont pas été opérées et si cela est dû à l'initiative de l'employeur.
  5. 617. En conclusion, selon le gouvernement, la position du ministère du Travail est orientée vers la promotion de la négociation entre les parties, condition d'importance primordiale pour la solution de l'affaire en instance.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 618. Le comité observe que le conflit du travail qui s'est développé dans l'entreprise sidérurgique du Minas Gerais, Belgo Mineira, semble s'être déroulé en trois étapes. Dans un premier temps, la direction aurait:
    • - renvoyé 192.travailleurs au mois de mai 1983 après avoir proposé au syndicat, au mois de février 1983, de très importantes réductions de salaire au moment même où l'entreprise augmentait ses distributions de bénéfices;
    • - annulé le paiement des congés syndicaux alors que ce droit avait été acquis depuis plus de vingt ans;
    • - refusé de déduire les cotisations syndicales des fiches de paie des travailleurs sous prétexte que cette opération serait coûteuse;
    • - refusé de renouveler la convention collective venue à expiration au mois d'octobre de l'année 1983.
      • Dans un second temps, par mesure de rétorsion contre la grève légale de protestation déclenchée par les travailleurs à partir du 3 octobre 1983, la direction aurait:
    • - supprimé le paiement des heures supplémentaires pour travail de nuit dans certains secteurs et exercé des pressions pour empêcher les travailleurs concernés de porter plainte;
    • - recruté de nouveaux travailleurs à un salaire moindre, en leur interdisant de se syndiquer;
    • - muté, transféré ou licencié des dirigeants syndicaux;
    • - licencié au début de l'année 1984 98 travailleurs qui auraient participé à l'action syndicale;
    • - réquisitionné des travailleurs grévistes et menacé de licenciement les piquets de grève;
    • - exercé des pressions sur les ingénieurs et les contremaîtres pour qu'ils renoncent à leur affiliation syndicale.
      • Dans un troisième temps, face à une nouvelle grève déclenchée du 27 février au 1er mars 1984, la direction aurait essayé de la faire déclarer illégale et de négocier avec les travailleurs non syndiqués, à l'exclusion des représentants syndicaux. Parallèlement, elle aurait fait obstacle à l'enquête de l'inspecteur du travail dépêché sur les lieux.
    • 619. Le comité observe que le gouvernement ne nie pas le développement de ce conflit du travail. Bien au contraire, il déclare s'efforcer de se poser en médiateur pour aider les parties à trouver une solution. Le comité prend note des explications du gouvernement concernant le non-paiement des congés syndicaux. Il prend note également des assurances données par le gouvernement selon lesquelles nul, aux termes de la loi brésilienne, ne peut être privé du droit de se syndiquer. Il note aussi que l'employeur doit déduire les cotisations syndicales des fiches de paie des travailleurs si le syndicat en a fait la demande et que le gouvernement s'efforce de savoir si ce principe de la loi brésilienne a été violé.
  2. 620. Néanmoins, le comité observe avec regret que le gouvernement ne fournit aucune information sur plusieurs des griefs invoqués par les plaignants, notamment le licenciement de travailleurs ayant participé à une action syndicale et de dirigeants syndicaux, la réquisition de grévistes et les menaces de licenciement de piquets de grève, le recrutement de nouveaux travailleurs à un salaire inférieur et interdits de syndicalisation. Sur ces différentes allégations, le comité attire l'attention du gouvernement sur le danger que de telles entraves peuvent représenter pour la liberté syndicale. Il estime également qu'elles constituent une atteinte à l'exercice légitime du droit de grève. Il insiste en conséquence sur le fait que la réquisition de grévistes, de piquets de grève et de travailleurs sous-payés et interdits de syndicalisation pour briser des grèves légitimes et pacifiques dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, ce qui est le cas de la sidérurgie, n'est pas conforme au respect de la liberté syndicale. Le comité demande donc au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour favoriser la réintégration des travailleurs et des dirigeants syndicaux qui auraient été indûment licenciés et pour assurer le respect de la loi brésilienne garantissant aux travailleurs le droit de se syndiquer.
  3. 621. Enfin, le comité, face au refus allégué de la direction de procéder au renouvellement de la convention collective et à ses tentatives de négocier avec des travailleurs non syndiqués, à l'exclusion des représentants des travailleurs, rappelle l'importance qu'il attache à ce que le développement de règles de procédure convenues entre les employeurs et les organisations de travailleurs soit encouragé et à ce que des mesures soient prises pour promouvoir la négociation collective volontaire avec les représentants des travailleurs. Le comité souligne bien entendu que ces mesures ne doivent pas être conçues ou appliquées de manière à entraver la liberté de négociation collective. En conséquence, le comité demande au gouvernement de communiquer des informations sur les motifs qui seraient à l'origine du refus de l'employeur de négocier ainsi que sur les développements intervenus dans ce conflit du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 622. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Au sujet des allégations de licenciement de travailleurs et de dirigeants syndicaux ayant participé à une action syndicale, et des allégations de réquisition de grévistes, de menaces de licenciement de piquets de grève et de recrutement de travailleurs à un salaire inférieur avec interdiction de se syndiquer pour briser une grève, le comité attire l'attention du gouvernement sur le danger que de telles entraves peuvent représenter pour la liberté syndicale. Il estime également qu'elles constituent une atteinte à l'exercice légitime du droit de grève. Il demande donc au gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour favoriser la réintégration des travailleurs et des dirigeants qui auraient été injustement licenciés et pour assurer le respect de la loi brésilienne garantissant aux travailleurs le droit fondamental de se syndiquer.
    • b) Pour ce qui est du refus allégué de la direction de l'entreprise sidérurgique Belgo Mineira de procéder au renouvellement de la convention collective arrivée à expiration au mois d'octobre 1983 et aux tentatives de négocier avec les travailleurs non syndiqués, le comité, rappelant l'importance qu'il attache à ce que des mesures soient prises pour promouvoir la négociation collective volontaire avec les représentants des travailleurs, demande au gouvernement de communiquer des informations sur les motifs qui seraient à l'origine du refus de l'employeur de négocier ainsi que sur les développements intervenus dans ce conflit du travail.
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