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Rapport intérimaire - Rapport No. 236, Novembre 1984

Cas no 1283 (Nicaragua) - Date de la plainte: 24-MAI -84 - Clos

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  1. 639. La plainte figure dans une communication de la Confédération mondiale du travail du 24 mai 1984. Cette organisation a fourni des informations complémentaires par une communication en date du 15 juin 1984. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 4 juillet 1984.
  2. 640. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 641. Le plaignant allègue que le 29 avril 1984, la sécurité de l'Etat a arrêté M. Luis Manuel Mora Sánchez, président du Syndicat des travailleurs de la presse de Managua (qui est affilié à la Centrale des travailleurs nicaraguayens (CTN)), et correspondant de la radio "Impacto", dont le siège se trouve à San José, au Costa Rica. Le plaignant ajoute qu'il est impossible d'entrer en contact avec M. Mora, que les avocats chargés de sa défense ont présenté, sans succès, des recours notamment au titre de l'habeas corpus, et qu'on croit savoir que l'intéressé est blessé à la suite de tortures qu'il aurait subies.
  2. 642. Selon le plaignant, M. Mora a été arrêté en raison de la retransmission, à la radio "Impacto", d'une interview d'un groupe de mères dont les fils avaient été obligés de faire leur service militaire et dont elles étaient sans nouvelles depuis plusieurs semaines.
  3. 643. Le plaignant signale également que M. Mora aurait été obligé de faire des aveux forcés, de sa cellule, à la télévision le 17 mai 1984. Il aurait alors notamment déclaré appartenir à une organisation de guérilleros, et être en collusion avec des diplomates des Etats-Unis dans l'exercice de ses fonctions de journaliste. Le plaignant craint que lesdits aveux ne servent de base à une condamnation de l'intéressé dans le cadre du procès qui se déroule devant les tribunaux populaires antisomosistes. Le plaignant indique aussi que deux éditoriaux parus dans le journal "La Prensa", dénonçant de tels aveux forcés faux et résultant de fortes pressions, ont été censurés.
  4. 644. Enfin, le plaignant allègue l'arrestation de M. Jorge Ortega Rayo, membre du Syndicat des travailleurs de la presse, arbitrairement accusé d'activités contre-révolutionnaires, qui serait astreint à résider dans la zone franche, ainsi que l'arrestation, le 2 juin 1984, des dirigeants syndicaux de la CTN, MM. Antonio Benito Grimez Centeno et Numan Pompilio Calderon Araus. S'agissant de ces deux dirigeants, le plaignant précise ne pas savoir où ils se trouvent, les autorités niant les avoir arrêtés. Les tentatives faites par leurs avocats pour entrer en contact avec eux seraient restées vaines.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 645. Le gouvernement déclare que l'arrestation de M. Mora Sánchez n'est pas arbitraire et que l'intéressé n'a pas été arrêté parce qu'il avait interviewé un groupe de mères dont les fils faisaient leur service militaire obligatoire. M. Mora a été arrêté pour avoir exercé des activités contre l'ordre et la sécurité publics de l'Etat nicaraguayen. Selon les propres déclarations de M. Mora, ses activités délictueuses se sont manifestées de la façon suivante: il a adhéré au groupement contre-révolutionnaire dénommé "Alianza Revolucionaria Democratica (ARDE)", qui a organisé des opérations armées contre le Nicaragua depuis le territoire du Costa Rica dans le dessein de former un "Front occidental", recrutant, à cet effet, de nombreux éléments avec lesquels il a préparé une série d'actes criminels, dont certains sont mis à exécution. Ainsi, il a tenté de mettre le feu aux arènes de Managua, a lancé des provocations pour mettre aux prises un groupe de travailleurs avec la police sandiniste le 1er mai, placardé des messages contre-révolutionnaires sur les routes, fait plusieurs voyages à l'étranger pour aller voir des dirigeants contre-révolutionnaires afin de coordonner leur action, de transmettre des renseignements sur la sécurité et de percevoir des dollars en récompense de ses activités de recrutement et couvrir ses frais.
  2. 646. Le gouvernement conclut en signalant que M. Mora est en instance de jugement devant les tribunaux compétents de la ville de Managua.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 647. En ce qui concerne le dirigeant syndical, M. Luis Manuel Mora Sánchez, le comité observe que les versions du plaignant et du gouvernement, quant aux raisons de son arrestation et de son procès, sont contradictoires. En effet, selon le plaignant, M. Mora a été arrêté à la suite de la retransmission à la radio "Impacto" d'une interview qu'il avait réalisée avec un groupe de mères dont les fils avaient été obligés de faire leur service militaire et dont on était sans nouvelles. En revanche, le gouvernement nie qu'il ait été arrêté pour cette raison et ajoute qu'il l'a été pour activités délictueuses comme le fait d'avoir appartenu à un groupement contre-révolutionnaire qui se livre à des opérations armées à partir du Costa Rica, d'essayer de mettre le feu aux arènes de Managua, de lancer des provocations pour mettre aux prises un groupe de travailleurs avec la police sandiniste le 1er mai, de placarder des messages contre-révolutionnaires sur les routes, etc.
  2. 648. Le comité estime que les motifs de l'arrestation et du procès de M. Mora, indiqués par le plaignant et niés par le gouvernement, ont un rapport, non pas avec la liberté syndicale, mais avec la liberté d'expression des journalistes dans l'exercice de leurs activités professionnelles. Le comité observe en revanche que, parmi les raisons qui ont motivé l'arrestation et le procès de M. Mora au dire du gouvernement, si certaines constituent des délits de droit commun, d'autres, par contre, pourraient se rattacher à l'exercice des droits syndicaux; en particulier, les provocations visant à mettre aux prises un groupe de travailleurs avec la police sandiniste le 1er mai ou les messages contre-révolutionnaires sur les routes. En conséquence, le comité demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement qui sera rendu à l'égard de M. Mora.
  3. 649. Le comité observe enfin que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations concernant les arrestations du syndicaliste, M. Jorge Ortega Rayo et des dirigeants syndicaux, IMM. Antonio Benito Gómez Centeno et Numan Pompilio Calderón Arauls. Le comité demande au gouvernement de transmettre ses observations à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 650. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Constatant que certaines des raisons qui ont motivé l'arrestation et le procès du dirigeant syndical Luis Manuel Mora Sánchez au dire du gouvernement pourraient se rattacher à l'exercice des droits syndicaux, le comité demande au gouvernement de transmettre le texte du jugement qui sera rendu à l'égard de M. Mora.
    • b) Le comité demande au gouvernement de transmettre ses observations sur les allégations concernant les arrestations du syndicaliste M. Jorge Ortega Rayo et des dirigeants syndicaux, MM. Antonio Benito Gómez Centeno et Numan Pompilio Ialderón Araus.
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