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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 244, Juin 1986

Cas no 1294 (Brésil) - Date de la plainte: 13-JUIL.-84 - Clos

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229. Ces plaintes ont été présentées par plusieurs organisations syndicales nationales, notamment la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), la Fédération des travailleurs de l'agriculture de l'Etat de Pernambuco (FETAPE) et la Fédération des travailleurs des industries chimiques et pharmaceutiques de l'Etat de Sao Paulo (FTIC), ainsi que par la Confédération internationale des syndicats libres. Les plaintes en question ont été soumises à l'examen du BIT avant le changement de régime survenu au Brésil au cours de l'année 1985. Le gouvernement a envoyé depuis certaines informations au sujet de ces cas dans des communications des 21 avril, 6 et 8 mai 1986.

  1. 229. Ces plaintes ont été présentées par plusieurs organisations syndicales nationales, notamment la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), la Fédération des travailleurs de l'agriculture de l'Etat de Pernambuco (FETAPE) et la Fédération des travailleurs des industries chimiques et pharmaceutiques de l'Etat de Sao Paulo (FTIC), ainsi que par la Confédération internationale des syndicats libres. Les plaintes en question ont été soumises à l'examen du BIT avant le changement de régime survenu au Brésil au cours de l'année 1985. Le gouvernement a envoyé depuis certaines informations au sujet de ces cas dans des communications des 21 avril, 6 et 8 mai 1986.
  2. 230. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 231. Les allégations, dans les présents cas, font état de violences commises par les employeurs dont sont victimes les travailleurs, les militants et les dirigeants syndicaux dans les plantations de canne à sucre et dans les distilleries d'alcool de plusieurs Etats du Brésil, en particulier dans l'Etat de Pernambuco et dans celui de Sao Paulo ainsi que des carences du gouvernement à y mettre fin.
  2. 232. Plus particulièrement dans l'Etat de Pernambuco, les allégations concernent l'interdiction faite aux dirigeants syndicaux de pénétrer dans les plantations, des entraves aux activités syndicales, l'incendie d'un local syndical, l'arrêt des déductions des cotisations syndicales, des menaces de mort et même des assassinats de dirigeants syndicaux ou de personnes qui leur sont apparentées pour le simple fait d'exiger l'application ou le renouvellement de conventions collectives. En outre, selon les plaignants, une situation proche de l'esclavage et du travail forcé s'est développée dans ces régions où des travailleurs ont été recrutés clandestinement dans d'autres régions du pays pour briser les grèves des travailleurs permanents affiliés à la FETAPE.
  3. 233. Les plaignants ont expliqué qu'à la suite d'une grève générale en 1979 les 240.000 travailleurs ruraux de la zone de culture de la canne à sucre de l'Etat de Pernambuco avaient obtenu la conclusion de conventions collectives en matière de salaires et de normes de travail et la garantie de la mise à leur disposition de terres destinées à des cultures vivrières. De 1979 à 1983, d'autres accords collectifs ont été signés sous l'égide du tribunal du Travail et les travailleurs ont pris conscience du fait qu'ils pouvaient recourir en justice pour en obtenir l'application. Cependant, à partir de 1982, les employeurs ont commencé à saboter les accords en recrutant massivement la main-d'oeuvre sans emploi des régions du Sertao et de l'Agreste touchées par la sécheresse. Ils se sont débarrassés des travailleurs réguliers pour les remplacer massivement par des travailleurs clandestins sous-payés et non syndiqués provenant desdites régions. Après la récolte, les travailleurs en question repartaient vers leurs circonscriptions d'origine et n'avaient aucun moyen de faire valoir leurs droits devant un tribunal du travail.
  4. 234. Selon les plaignants, ces manoeuvres illégales des employeurs ont été facilitées par l'inertie de la délégation régionale du travail qui, après les élections de 1982, a relâché son contrôle. Pour parvenir à expulser massivement les travailleurs réguliers de la zone de la Meta, le patronat a soudain imposé un accroissement considérable de la charge de travail, doublant ou triplant le volume des tâches journalières prévues dans les accords collectifs. Il a introduit sur le site des cannaies des milices privées, armées de revolvers et de fusils chargés de "rendre visite" aux habitants et de "contrôler" le paiement des ouvriers. Certains travailleurs auxquels des terres avaient été concédées pour leur propre usage se sont vu interdire d'y poursuivre leurs cultures vivrières; leurs terres ont été dévastées et transformées en cannaies. Les employeurs ont interdit aux travailleurs de parler du syndicat et des normes de travail contenues dans les accords collectifs et ils ont arrêté de déduire des salaires les cotisations syndicales. Les dirigeants syndicaux se sont vu interdire par les milices privées l'accès aux plantations, et les travailleurs qui ont cherché à rester en contact avec leur syndicat, en tant que délégués syndicaux, ont été châtiés par les milices. Certains dont les noms ont été communiqués par la CONTAG et par la CISL ont été menacés de mort, incarcérés dans des prisons privées ou même assassinés, en particulier dans la région de Goias.
  5. 235. Par ailleurs, dans l'Etat de Sao Paulo, la FTIC ne peut organiser les travailleurs des distilleries d'alcool de l'Etat et est empêchée de créer des associations professionnelles qui, par la suite, pourraient devenir des syndicats. Ainsi, dans l'entreprise agro-industrielle Gantus, une distillerie établie à Tupa, l'employeur a fait circuler parmi son personnel une pétition indiquant que les travailleurs reconnaissent que l'entreprise fonctionne bien et rejetant les propos qualifiés d'inopportuns d'un dirigeant syndical, Pedro Gonóales da Silva, chargé de la syndicalisation dans cet Etat. Les propos en question appelaient à la grève; ceux qui ne signaient pas la pétition s'exposaient à figurer sur une "liste noire". En conséquence, les travailleurs de Gantus ont massivement signé la pétition.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 236. Dans ses réponses le gouvernement indique qu'il a obtenu des éclaircissements auprès du président de la Fédération des travailleurs de l'agriculture de l'Etat de Pernambuco (FETAPE) et qu'actuellement les cas de violence dans la zone de la Meta ont considérablement diminué, principalement en ce qui concerne l'exode de la main-d'oeuvre régulière des cannaies. Par ailleurs, désormais, les conflits entre les employeurs et les travailleurs permanents et le syndicat des travailleurs ruraux sont circonscrits à des foyers spécifiques et localisés. Cette situation avait pour origine le manque de législation régissant les relations de travail respectives, la démobilisation des travailleurs à l'égard des luttes syndicales et, en dernière analyse, la structure foncière du pays. En conséquence, le gouvernement indique qu'il est actuellement en train d'élaborer deux projets de texte pour résoudre les conflits de cette nature. L'un relève du ministère du Travail, il s'agit d'un projet de loi réglementant les conditions de travail des travailleurs temporaires dans les cannaies, l'autre met en oeuvre l'engagement solennel du Président de la République d'accomplir une réforme agraire capable de résoudre d'une manière viable et saine les questions de cette nature. Ces réformes législatives sont en cours d'élaboration devant le congrès national.
  2. 237. En outre, le gouvernement indique que, en mai 1985, des accords collectifs basés sur l' "accord de Guariba" portant sur les relations de travail dans les plantations de canne à sucre de l'Etat de Sao Paulo ont été signés. Il communique copie des accords en question signés entre la Fédération de l'agriculture de l'Etat de Sao Paulo et la Fédération des travailleurs de l'agriculture, le Syndicat des industries du sucre et le Syndicat des industries de l'alcool de l'Etat de Sao Paulo. Il ajoute aussi que le ministère du Travail a décidé de mettre en place un groupe spécial chargé du contrôle de l'application de ses accords et il communique la copie du décret de création de ce groupe spécial (décret no 3246 du 31 mars 1985). Selon le décret, le groupe spécial en question est de composition tripartite. Il doit rendre ses premières conclusions et recommandations dans un délai de 60 jours à compter de la date d'entrée en vigueur des conventions collectives. Par ailleurs, un accord collectif a été signé le 21 septembre 1985 entre les travailleurs ruraux et les employeurs des plantations de canne à sucre de l'Etat de Pernambuco.
  3. 238. Par ailleurs, le ministre du Travail a créé le 20 septembre 1985 une commission spéciale tripartite chargée d'examiner les plaintes en violation des libertés syndicales portées contre le gouvernement du Brésil devant le BIT. Cette commission devait rendre ses conclusions à la Commission des droits du travail du ministère du Travail. La commission tripartite s'est réunie le 21 janvier 1986. Elle a constaté que les faits dénoncés étaient de la plus haute gravité. En effet, ils concernent des assassinats de travailleurs ruraux, des menaces de mort, des violences pratiquées contre des travailleurs ruraux et des dirigeants syndicaux, des emprisonnements survenus dans des prisons privées, des milices privées, des tortures pratiquées par la police fédérale de Goias, des attentats et autres actes de violence contre les droits de l'homme. La commission a constaté qu'elle ne pouvait pas se prononcer sans posséder d'éléments concrets pour savoir si des mesures avaient ou non été prises par les autorités compétentes sur chaque plainte formulée, où en étaient les enquêtes et si le ministère public avait été saisi. La commission a donc demandé au conseiller juridique du ministère du Travail de demander au bureau du ministère de la Justice des informations détaillées sur chaque cas. A la suite de cette réunion, le ministre du Travail, le 6 mars 1986, a demandé au ministre de la Justice d'enquêter sur toutes les plaintes contenues dans le cas no 1313. Dès qu'elle aura reçu des éclaircissements sur ce cas, la commission sera en mesure de parvenir à des conclusions définitives.
  4. 239. En ce qui concerne le cas no 1331, la délégation régionale du travail de l'Etat de Sao Paulo a engagé une enquête sur cette affaire. Cette délégation a indiqué que la Fédération des travailleurs des industries chimiques et pharmaceutiques a accepté, le 26 août 1985, la clôture de l'affaire. Le gouvernement joint à sa réponse la communication no 24.440-13.399/85, signée le 26 août 1985 par ladite fédération de laquelle il ressort que le conflit qui s'était développé dans l'entreprise Tupa-SP a été résolu.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 240. Le comité observe que ces plaintes ont été formulées avant le changement de régime survenu au Brésil au cours de l'année 1985. Il n'en demeure pas moins qu'elles font état d'allégations d'une extrême gravité qui portent sur des actes de violence commis par les employeurs dans les plantations de canne à sucre de l'Etat de Pernambuco et de l'Etat de Sao Paulo ainsi que dans les distilleries d'alcool. Les allégations portent sur des interdictions faites aux dirigeants syndicaux de pénétrer dans les plantations, des entraves aux activités syndicales, des incendies de locaux syndicaux, des arrêts de déduction des cotisations syndicales, des menaces de mort et des assassinats de dirigeants syndicaux.
  2. 241. Le comité a pris connaissance des informations très concrètes formulées par le gouvernement à cet égard et, en particulier, de la création de deux commissions tripartites chargées des plaintes en instance dans les présents cas. L'une de ces commissions est chargée de veiller à l'application des conventions collectives, l'autre de l'instruction des plaintes déposées devant le BIT dans les présentes affaires. Le comité note également que deux projets de loi, l'un portant sur les conditions de travail des travailleurs temporaires dans les plantations de canne à sucre, et l'autre portant sur la réforme agraire, sont en cours d'élaboration devant le congrès national.
  3. 242. Le comité, pour sa part, rappelle d'ores et déjà la très grande importance qu'il attache au respect des droits de l'homme comme préalable essentiel au respect des droits syndicaux. Il déplore vivement les pertes de vies humaines et les très graves actes de violence perpétrés par les employeurs dans les cannaies et les distilleries d'alcool de l'Etat de Pernambuco et de l'Etat de Sao Paulo contre les travailleurs syndiqués. Il regrette l'utilisation de travailleurs temporaires et interdits de syndicalisation pour empêcher les travailleurs syndiqués de faire valoir leurs droits. Toutefois, le comité, notant avec intérêt la nomination de la commission tripartite chargée d'enquêter sur ces affaires extrêmement graves, prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ses enquêtes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 243. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité note que le nouveau gouvernement, face à l'extrême gravité des allégations qui font état d'actes de violence commis par les employeurs des plantations de canne à sucre et des distilleries de l'Etat de Pernambuco et de l'Etat de Sao Paulo, a nommé une commission tripartite chargée d'enquêter sur les plaintes déposées dans les présents cas; ainsi qu'une commission tripartite chargée de veiller à l'application des conventions collectives de ces secteurs dans l'Etat de Sao Paulo.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats des enquêtes menées sur ces affaires.
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