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Rapport intérimaire - Rapport No. 238, Mars 1985

Cas no 1298 (Nicaragua) - Date de la plainte: 28-AOÛT -84 - Clos

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  1. 232. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 28 août 1984. Par la suite, la CISL a envoyé des informations complémentaires par des communications en date des 28 septembre, 15 octobre et 6 novembre 1984. Le gouvernement a répondu par des communications en date du 17 septembre 1984 et de janvier 1985.
  2. 233. Plusieurs organisations syndicales internationales se sont parallèlement adressées au Directeur général du BIT en le priant d'intervenir auprès du gouvernement à propos des questions soulevées dans cette plainte. Le Directeur général a aussitôt donné suite à cette demande.
  3. 234. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 235. Dans sa communication du 28 août 1984, la CISL allègue que, sur instructions du ministre de l'Intérieur, la police sandiniste de Managua a occupé par la force le siège de la Confédération d'union syndicale (CUS) le 25 août 1984, alors que le comité exécutif de cette organisation y tenait une réunion. Selon la CISL, au cours de cette action huit personnes ont été blessées et la syndicaliste Sara Méndez (département de León) et son fils ont été arrêtés.
  2. 236. La CISL indique qu'un groupe de personnes ayant emprunté un véhicule de l'Etat a occupé par la force le siège de la CUS le 18 avril 1984 à une heure avancée de la nuit et a commis des déprédations dans l'immeuble et saccagé les archives. Elle ajoute que ces faits se sont produits alors que les principaux dirigeants de la CUS participaient à une conférence de la CISL sur la nouvelle stratégie syndicale face à la crise économique en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui se tenait à Cuernavaca (Mexique).
  3. 237. La CISL a transmis, dans sa communication du 28 septembre 1984, les informations complémentaires suivantes:
  4. Le 18 août 1984, un groupe d'une vingtaine de personnes s'est introduit par la force dans le siège d'une organisation qui nous est affiliée, la Confédération d'union syndicale (CUS). Ces personnes circulaient dans une camionnette de l'unité 53 du "TELCOR" (téléphones et postes), appartenant à l'Etat et immatriculée MA-KV-206. Le groupe était composé de personnes originaires de diverses communes et localités et était mené par deux délégués au Congrès national de la CUS, M. Germán Reyes et Mme Victoria García. Une fois dans les lieux, ces individus se sont mis à briser les vitres des fenêtres, à forcer les bureaux et à violer les archives, brûlant des documents d'intérêt historique pour le mouvement syndical et mettant hors d'usage des meubles et d'autres objets indispensables au fonctionnement normal de la CUS. M. Germán Reyes et Mme Victoria García ont des liens avec les services de sécurité du gouvernement. De plus, M. Germán Reyes est coordonnateur du Comité de défense sandiniste de la section 12 septembre de Chinandega et Mme Victoria García est l'épouse d'un agent du service de sécurité de l'Etat. Au moment de ces événements, la majeure partie des dirigeants de l'appareil exécutif national de la CUS était occupée à des activités syndicales dans le pays ou à l'étranger. L'intention déclarée des occupants était d'exiger de la CUS qu'elle se retire de la Coordination démocratique du Nicaragua (CDN) (organisation regroupant la CUS, la Confédération des travailleurs du Nicaragua, trois partis politiques et une association d'employeurs), qui représente actuellement l'opposition démocratique au gouvernement du Nicaragua. Après plusieurs jours de négociation (le 25 août 1984), les occupants restaient sur les mêmes positions et des voies de fait furent commises à l'encontre des personnes et des dirigeants qui réclamaient la dévolution du local par des individus étrangers à la CUS. Ces individus, que des témoins oculaires ont en effet reconnus comme appartenant à des groupes sandinistes, se trouvaient aux aguets depuis les premières heures du jour. La confusion fut totale et les locaux de la CUS furent à nouveau envahis, cette fois par des groupes sandinistes, qui brisèrent portes, fenêtres et bureaux et frappèrent ceux qui se trouvaient à ce moment-là sur les lieux, blessant ou prenant à partie plus de 20 personnes. Ces événements étaient observés depuis la matinée du samedi 18 août 1984 par des piquets de police postés stratégiquement aux abords des locaux de la CUS. Or la police ne fit rien, sur le moment, pour éviter l'attaque des groupes sandinistes et n'intervint qu'une fois que tout fut terminé, pour arrêter deux personnes, la camarade Sara Méndez, du Syndicat des travailleurs du département de León et son fils, âgé de 15 ans, dont on est sans nouvelles, et pour prendre possession des locaux de la CUS. Les dirigeants syndicaux de cette organisation se virent interdire l'accès à leur local. Cette situation se prolongea pendant 14 jours et les bureaux de la CUS restèrent tout ce temps sous le contrôle exclusif de la police et des forces de l'ordre. Pendant cette période, les biens de l'organisation syndicale furent une fois de plus gravement endommagés, les archives furent une fois de plus indûment consultées et quelques-unes détruites. Ce n'est que le vendredi 7 septembre à 18 h 15 que la police sandiniste remit le local aux mains d'individus qui avaient participé à la première effraction, à savoir Germán Reyes et Victoria García, et non aux représentants légitimes de l'organisation syndicale. Quelques heures plus tard ces individus quittèrent le local sans autre forme de procès. Ce n'est que le lendemain que les représentants légitimes de la CUS reprirent possession de l'immeuble abandonné, pour éviter tout nouveau pillage ou toute autre destruction. Ils l'occupent encore aujourd'hui.
  5. 238. Dans sa communication du 15 octobre 1984, la CISL fournit la liste nominative des 25 personnes blessées ou prises à partie le 25 août 1984 par des éléments incontrôlés. La CISL joint également la déclaration sous serment passée devant notaire de M. Favio Antonio López Ruiz, dénonçant un certain nombre d'actes relevant de la contrainte et de l'ingérence commis par les autorités à son encontre et au préjudice de la CUS, en rapport, notamment, avec les événements dont il est question dans la présente plainte. Selon sa déclaration, M. López Ruiz aurait été contraint, en mai 1984, par des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, à déclarer par écrit s'engager à servir d'instrument pour la dissolution ou l'anéantissement d'organisations indépendantes comme la CUS et aurait été menacé de payer de sa vie toute trahison des ordres reçus. Par la suite, le 22 août 1984, un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, M. Ernesto Zeledón (Martín), lui aurait intimé l'ordre de chercher des personnes affiliées à la CUS pour appuyer les personnes non affiliées à cette organisation qui avaient pris possession de son siège central. Par la suite, M. Ernesto Zeledón, apprenant que López Ruiz n'était pas d'accord avec la mission qui lui avait été ordonnée, obligea ce dernier à se rendre à Managua, lui payant le trajet aller et retour, ce que celui-ci fit, le 25 août. Au siège central de la CUS se trouvaient des personnes n'appartenant pas à l'organisation aussi bien que des membres de cette dernière, un certain nombre étant venus contraints et trompés par Germán Reyes et Victoria García de Castillo. Une sorte d'assemblée se tint ce jour-là et, faute d'accord entre les parties présentes, plusieurs individus prirent à partie les personnes authentiquement affiliées à la CUS, blessant plusieurs d'entre elles, et causèrent des destructions dans les bureaux du siège central de l'organisation.
  6. 239. En dernier lieu, dans sa communication du 6 novembre 1984, la CISL allègue que le secrétaire général de la Fédération des travailleurs agricoles de Carazo (FETRACAMCA), M. José Agustín Téllez, a été incarcéré arbitrairement le 30 octobre 1984. La CISL déclare que cet acte s'inscrit dans le cadre d'une campagne engagée par des éléments alliés au Front sandiniste de libération nationale (FSLN) pour détruire ou diviser la CUS et les organisations qui lui sont affiliées.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 240. Le gouvernement déclare que le siège de la Confédération de l'union syndicale (CUS) a été occupé par des membres de cette même organisation (notamment des membres dirigeants) pour protester contre certaines positions politiques prises par quelques dirigeants. Il estime qu'il s'agit d'une affaire interne à la CUS, imputable à l'existence d'opinions contraires parmi ses membres quant au maintien ou au retrait de l'organisation du groupement politique d'opposition appelé Coordination démocratique "Ramiro Sacasa". Par la suite une querelle éclata, toujours entre membres de la CUS, qui dégénéra en violentes échauffourées. Le conflit atteignit son comble avec les événements du 25 août 1984. La violence atteignit un tel degré que l'on sortit des armes blanches et des armes contondantes. Une femme brandissant un couteau et son fils, arborant un gourdin, furent arrêtés par la police alors qu'ils attaquaient des membres de la CUS. Ils furent remis en liberté au bout de quelques heures. Devant cette situation, les voisins, les militants de la base et une partie des dirigeants demandèrent à la police sandiniste de prendre possession des biens immeubles de l'organisation le temps que l'on trouve une solution aux différends opposant ses dirigeants, un groupe de membres de la CUS menaçant de saccager ces biens. Une fois le problème résolu, le 7 septembre 1984 à 6 h 15 du soir, le chef en second du poste de police sandiniste no IV remit officiellement les biens immeubles de la CUS en possession de M. Germán Reyes Monjarrez (secrétaire du contentieux) et de Mme Victoria García de Castillo (secrétaire de l'action féminine au niveau national), lesquels signèrent un acte constatant la restitution des biens immeubles de l'organisation dans l'état où ils avaient été confiés à la police et à la pleine et entière satisfaction des bénéficiaires. Par la suite, ces deux dirigeants ont été exclus de l'organisation. Ils soutenaient des opinions contraires à celles du secrétaire général et du secrétaire politique de la CUS. Le gouvernement estime qu'il n'y a pas eu de violation de la convention no 87 étant donné que la police n'a rien fait d'autre que d'accomplir son devoir.
  2. 241. Les articles de presse communiqués par le gouvernement indiquent que le 7 septembre 1984 M. Germán Reyes et Mme Victoria García ont été remis en possession du local de la CUS par la police. D'autres membres du Comité exécutif de la CUS, qui avaient participé aux démarches afférentes à la restitution du local, n'étaient pas présents au moment de la restitution de celui-ci en raison, semble-t-il, d'un retard indépendant de leur volonté.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 242. Le comité note que dans la présente plainte le plaignant allègue que le siège de la CUS a été occupé à deux reprises, une première fois, par un groupe de 20 personnes, le 18 août 1984 et une deuxième fois, le 25 août 1984, après que des groupes l'eurent envahi. Cette seconde occupation a pris fin avec l'intervention de la police, laquelle a arrêté une syndicaliste (Mme Sara Méndez) et son fils, âgé de 15 ans. Le plaignant indique que l'invasion de ces groupes a fait 25 blessés et des dégâts matériels importants. De même, il indique que des dégâts matériels et des destructions de documents ont été commis pendant la première occupation et pendant la période au cours de laquelle le local a été occupé par la police. Le gouvernement a répondu que la première occupation a été le fait de membres de la CUS, notamment de dirigeants de cette organisation, entendant protester contre certaines positions politiques prises par quelques dirigeants et que divers affrontements, ayant dégénéré en échauffourées, se sont produits entre les membres de la CUS, de sorte que les militants de la base et une partie des membres du Comité directeur ont demandé à la police de prendre possession des installations de l'organisation. Les deux personnes arrêtées n'ont été retenues que quelques heures; elles ont été arrêtées parce qu'elles avaient agressé des membres de la CUS avec des armes blanches et des armes contondantes. Les installations de la CUS ont été restituées par la police le 7 septembre 1984 à deux membres du Comité directeur de l'organisation.
  2. 243. Le comité observe que le gouvernement estime que les faits invoqués relèvent de la vie interne de la CUS, organisation au sein de laquelle il existe des divergences quant à son maintien ou à son retrait du groupement politique d'opposition appelé "Coordination démocratique Ramiro Sacasa". En revanche, la thèse du plaignant indique que ces faits résultent de l'ingérence de fonctionnaires publics tendant à ce que la CUS se retire de la Coordination démocratique. A l'appui de son dire, le plaignant signale que le groupe de personnes responsables de la première occupation se déplaçait à bord d'une camionnette propriété de l'Etat et était mené par deux personnes entretenant des liens avec les services de sécurité du gouvernement, M. Germán Reyes et Mme Victoria García (qu'il reconnaît néanmoins appartenir à la direction de la CUS). Le plaignant a, en outre, produit, à l'appui de ses dires, une déclaration sous serment passée devant notaire d'un ancien conseiller juridique de la CUS attestant de menaces et de pressions à l'encontre de ce dernier tendant à ce qu'il commette des actes visant l'anéantissement de la CUS. L'ancien conseiller juridique indique notamment dans sa déclaration: 1) qu'un fonctionnaire du ministère de l'Intérieur lui a intimé l'ordre de rechercher des personnes affiliées à la CUS afin d'appuyer un groupe de personnes non affiliées à cette organisation qui avait pris possession de son siège; 2) qu'il a été contraint à se rendre au siège de la CUS le 25 août 1984 (afin, il s'entend, d'appuyer les occupants), où il a rencontré des membres de la CUS ainsi que des personnes n'appartenant pas à cette organisation; 3) qu'une assemblée s'est tenue le même jour et que, faute d'un accord entre les parties présentes, plusieurs individus ont blessé ou pris à partie les personnes authentiquement affiliées à la CUS et ont commis des destructions dans les bureaux de la centrale de l'organisation.
  3. 244. S'agissant des syndicalistes victimes de voies de fait et blessés le 25 août 1984 au siège de la CUS, le comité observe que, selon le plaignant, la police n'aurait rien fait pour éviter l'attaque de certains groupes, alors qu'elle se trouvait aux abords du siège de l'organisation, et qu'elle n'est intervenue que lorsque tout était terminé.
  4. 245. Afin de pouvoir se prononcer sur les allégations du plaignant en pleine connaissance de cause, le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir des observations précises sur les faits invoqués par le plaignant à l'effet de prouver que les occupations successives de la CUS sont le fait de fonctionnaires publics et de répondre à l'allégation selon laquelle la police n'a rien fait pour éviter l'attaque de certains groupes et n'est intervenue que lorsque tout était terminé, alors qu'elle se trouvait aux abords du siège de la CUS le 25 août 1984. Le comité signale cependant que le climat de violence qui entoure les événements en question ne peut qu'entraver le libre exercice des droits syndicaux.
  5. 246. Enfin, le comité prie le gouvernement de répondre à l'allégation relative à l'arrestation de M. José Agustín Téllez, secrétaire général de la FETRACAMCA.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 247. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) S'agissant de l'occupation du siège de la CUS, qui s'est produite à deux reprises, et afin de se prononcer à ce sujet en pleine connaissance de cause, le comité demande au gouvernement de lui fournir des observations précises sur les faits invoqués par le plaignant à l'effet de prouver que les occupations successives des locaux de la CUS sont le fait de fonctionnaires publics (en particulier liens avec les forces de sécurité de l'Etat des deux personnes qui ont mené la première occupation et déclaration devant notaire de l'ancien conseiller juridique de la CUS sur les ingérences des autorités dans les deux occupations du siège de la CUS).
    • b) Le comité demande au gouvernement de répondre à l'accusation selon laquelle la police n'aurait rien fait pour éviter l'attaque de certains groupes et ne serait intervenue qu'une fois que tout était terminé, alors qu'elle se trouvait aux abords du siège de la CUS le 25 août 1984 (jour où se sont produits les actes de violence visés dans la plainte).
    • c) Le comité signale que le climat de violence qui entoure certains des faits en question ne peut qu'entraver le libre exercice des droits syndicaux.
    • d) Le comité demande au gouvernement de répondre à l'allégation relative à l'arrestation de M. José Agustín Téllez, secrétaire général de la FETRACAMCA.
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