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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 251, Juin 1987

Cas no 1327 (Tunisie) - Date de la plainte: 02-AVR. -85 - Clos

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  1. 296. Le comité a déjà examiné ce cas à ses réunions de février et novembre 1986, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Voir 243e rapport, paragr. 489 à 554, et 246e rapport, paragr. 313 à 357, approuvés par le Conseil d'administration à ses 232e et 234e sessions (fév.-nov. 1986), respectivement.)
  2. 297. Depuis lors, la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a envoyé des communications datées du 3 décembre 1986 ainsi que des 3, 6 et 13 février 1987. Le gouvernement a envoyé des informations dans des communications reçues au BIT les 17 février, 22 avril et 12 mai 1987.
  3. 298. A sa réunion de février 1987, le comité a entendu M. Bertil Bolin, Directeur général adjoint, qui a donné un compte rendu oral de la mission qu'il a effectuée à Tunis les 3 et 4 février 1987. A sa présente réunion, le comité a été informé que le Directeur général s'est rendu à Tunis du 22 au 25 mars 1987. Au cours de cette mission, le Directeur général s'est notamment entretenu avec le Premier ministre de la situation syndicale en Tunisie et a rencontré M. Achour à l'hôpital militaire de Tunis.
  4. 299. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examens antérieurs du cas

A. Examens antérieurs du cas
  1. 300. Le présent cas avait pour origine le différend survenu entre l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le gouvernement tunisien au sujet de la détermination des salaires. Par la suite, le conflit avait largement débordé le cadre initial de ce problème de négociation collective, et la situation s'était considérablement dégradée suite aux grèves organisées par l'UGTT et aux mesures répressives qui, selon les plaignants, auraient été prises par les autorités: réquisition du personnel en grève, utilisation de personnes étrangères au service pour remplacer les grévistes, licenciements de grévistes, arrestations et condamnations de travailleurs à des peines d'emprisonnement, interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises, entraves à des réunions syndicales, suspension du journal de l'UGTT, suppression de la retenue des cotisations syndicales à la source et des détachements de fonctionnaires dans les services permanents de l'UGTT, occupation des locaux de l'UGTT par des comités syndicaux provisoires avec l'appui des forces de l'ordre.
  2. 301. Devant la gravité du conflit, une rencontre entre le ministre du Travail et le bureau exécutif élargi de l'UGTT avait abouti, le 4 décembre 1985, à un accord qui prévoyait: 1) la libération des syndicalistes arrêtés; 2) la réintégration des travailleurs licenciés; 3) le renouvellement des structures syndicales, et 4) la reprise des négociations sur l'ensemble des points en litige. Toutefois, les plaignants avaient estimé que le gouvernement n'avait pas commencé à mettre en oeuvre l'accord ainsi conclu.
  3. 302. Enfin, de nouvelles allégations avaient fait état de l'arrestation puis de la condamnation à une peine d'emprisonnement de M. Habib Achour, secrétaire général de l'UGTT, et de M. Moncef Ben Slimane, secrétaire général du Syndicat national de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESRS).
  4. 303. A sa session de novembre 1986, le Conseil d'administration avait notamment approuvé les recommandations suivantes du comité:
    • - Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur les condamnations de MM. Achour et Ben Slimane. Compte tenu notamment des contradictions entre ces déclarations et celles des plaignants, le comité estime que des mesures d'amnistie en faveur des intéressés seraient de nature à apaiser les esprits.
    • - Le comité rappelle que seuls le développement d'organisations libres et indépendantes et la négociation avec l'ensemble des composantes du dialogue social peuvent permettre à un gouvernement d'affronter les problèmes économiques et sociaux et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation.
    • - Le comité insiste donc auprès du gouvernement pour que tous les efforts soient entrepris, notamment dans le sens d'une mise en oeuvre de l'accord signé entre le bureau exécutif élargi de l'UGTT et le ministre du Travail le 4 décembre 1985, en vue de réunir les conditions nécessaires au rétablissement d'une situation syndicale conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en ce sens.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 304. La CMOPE signale, dans sa communication du 3 décembre 1986, que Moncef Ben Slimane a été condamné à une nouvelle peine de prison de six mois pour avoir "constitué une association non autorisée". Selon la CMOPE, un recours a été interjeté contre cette sentence car l'intéressé n'était pas impliqué dans l'affaire en question. La première condamnation de six mois ayant été purgée, Moncef Ben Slimane a tout de même été relâché le 14 novembre 1986, conformément à la décision de la Cour d'appel.
  2. 305. Dans sa communication du 3 février 1987, la CMOPE allègue que, le 24 janvier 1987, 15 dirigeants syndicaux ont été arrêtés parmi lesquels M. Mohamed Trabelsi, secrétaire aux affaires internationales du Syndicat des enseignants du primaire. Dans sa lettre du 6 février 1987, la CMOPE indique que Mohamed Trabelsi a été relâché avec d'autres dirigeants syndicaux mais qu'un certain nombre d'entre eux sont encore détenus.
  3. 306. Dans sa communication du 13 février 1987, la CMOPE déclare que deux syndicalistes supplémentaires parmi ceux qui sont détenus, MM. Ali Rhomdane et Kamal Saad, ont été relâchés. A la date du 12 février 1987, deux dirigeants syndicaux seraient encore détenus. La CMOPE joint à sa communication une déclaration de la "direction légitime de l'UGTT" dans laquelle celle-ci dénonce le processus menant à la convocation d'un congrès extraordinaire d'unification syndicale les 20 et 21 janvier 1987. Elle signale également que des grèves limitées et largement suivies ont été déclenchées dans les secteurs des mines, de la métallurgie et de l'électroménager pour la défense de l'emploi, la reconnaissance des avancements et des promotions, le versement des primes de fin d'année et la reconnaissance des "structures légitimes" de l'UGTT comme seul représentant des travailleurs. Ces grèves auraient été réprimées par des arrestations et des licenciements.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 307. Dans sa communication reçue le 17 février 1987, le gouvernement indique que, répondant à l'appel du Président de la République le 20 janvier 1986 invitant les syndicalistes, dans leurs diverses sensibilités, à unifier l'action syndicale au sein d'une organisation syndicale forte, représentative et responsable, les bureaux exécutifs de l'UGTT et de l'UNTT ont proclamé, le 9 septembre 1986, la réunification de deux organisations au sein de l'Union générale tunisienne du travail. Lors de la présentation du budget devant la Chambre des députés le 10 décembre 1986, le Premier ministre a déclaré, à propos de la réunification intervenue le 9 septembre 1986, que "cette orientation qui se caractérise par le souci de rechercher des solutions aux préoccupations des travailleurs, d'oeuvrer à la concorde, à la bonne entente susceptible de permettre aux structures syndicales de jouer un rôle positif plus important au service des entreprises de production ...". Il a, par ailleurs, lancé un appel solennel invitant tous les syndicalistes à unifier leurs rangs au sein d'une organisation forte, libre et représentative.
  2. 308. A la suite de cet appel du Premier ministre, les syndicalistes ont engagé des consultations qui ont abouti le 19 décembre 1986 à la formation d'un nouveau bureau exécutif composé de 18 membres regroupant les différentes sensibilités syndicales, y commpris celle issue du 16e congrès de l'UGTT. Réuni de nouveau le 7 janvier 1987, le bureau exécutif a confirmé sa décision de tenir le congrès national extraordinaire de l'UGTT le 20 janvier 1987, jour anniversaire de la création de l'UGTT en 1946 par Farhat Hached, et a décidé de convoquer la commission administrative de l'UGTT le 9 janvier 1987.
  3. 309. La commission administrative, réunie le 9 janvier 1987, "après avoir pris connaissance des étapes franchies dans la réunification syndicale, le renouvellement des syndicats de base ainsi que les dispositions prises pour le bon déroulement du congrès de l'UGTT, a exprimé sa grande satisfaction pour les étapes franchies dans la consolidation de l'unité syndicale et a appuyé la décision de tenir le congrès extraordinaire de l'UGTT les 20 et 21 janvier 1987".
  4. 310. Le congrès qui s'est tenu au cours de la période précitée a couronné les étapes de réunification syndicale, tant au niveau de la direction qu'à celui de la base, et a adopté une motion générale ainsi qu'une charte nationale syndicale dont copie ci-jointe. Le congrès a élu un bureau exécutif composé de 13 membres.
  5. 311. Sitôt élu, le bureau exécutif de l'UGTT a engagé des consultations avec le gouvernement lors d'une réunion tenue le 26 janvier 1987. Ces consultations se sont poursuivies et se sont concrétisées, lors de la réunion conjointe gouvernement-UGTT qui s'est tenue le 10 février 1987, par la publication d'un article de presse annonçant la constitution de trois commissions conjointes: - commission qui examinera le redressement des entreprises publiques en difficulté;
    • - commission qui étudiera les moyens d'amélioration des revenus des travailleurs en fonction du bilan de chaque entreprise;
    • - commission qui se penchera sur la situation des travailleurs suspendus.
  6. 312. Selon le gouvernement, la tenue de ces consultations gouvernement-UGTT à un haut niveau illustre la volonté commune du gouvernement et de l'UGTT de trouver des solutions adéquates aux questions posées. A cet égard, et avant même la constitution de cette dernière commission, des mesures ont été déjà prises au sujet de la réintégration de certains travailleurs licenciés, et la commission conjointe précitée oeuvrera dans ce sens en vue de régler ce problème.
  7. 313. Enfin, le gouvernement indique que Moncef Ben Slimane a été libéré depuis novembre 1986.
  8. 314. Dans sa communication reçue le 22 avril 1987, le gouvernement déclare que tous les dirigeants mentionnés par la CMOPE, et notamment M. Mohamed Trabelsi, sont en liberté et ne font pas l'objet de poursuites judiciaires et que l'intéressé a repris son poste de travail le 4 février 1987.
  9. 315. Dans sa communication du 12 mai 1987, le gouvernement annonce que la commission chargée d'examiner la situation des travailleurs suspendus, créée lors de la réunion conjointe gouvernement-UGTT du 10 février 1987, a permis d'ores et déjà la réintégration d'une centaine de travailleurs suspendus. D'autres mesures de même nature sont en cours d'examen au sein de ladite commission. Il ajoute par ailleurs que l'UGTT procède depuis la réunification et la tenue de son 18e Congrès au renouvellement de ses structures de base, que trois commissions conjointes gouvernement-UGTT se sont réunies à plusieurs reprises pour définir un cadre permettant de renforcer les structures de dialogue au sein des entreprises et d'associer les travailleurs à la recherche de solutions appropriées aux problèmes qui se posent à leurs entreprises et que le dialogue social se poursuit: deux conventions collectives sectorielles ont été conclues, l'une concerne l'enseignement privé, signée le 25 mars 1987, et l'autre intéresse les concessionnaires des équipements agricoles et du génie civil, signée le 30 avril 1987
  10. 316. Le gouvernement indique aussi que l'UGTT a participé aux travaux préparatoires du VIIe Plan de développement économique et social, ce qui lui a permis de contribuer à la définition des choix fondamentaux et objectifs de développement pour la période quinquennale 1987-1991, et que la représentation de la centrale syndicale au sein du Conseil économique et social a été renforcée. Conformément aux dispositions de la loi portant organisation du Conseil économique et social, l'UGTT est représentée audit conseil par six membres. Toutefois, le gouvernement ajoute que, soucieux de renforcer la participation des syndicalistes aux travaux dudit conseil, il a désigné, aprés concertation avec l'UGTT, quatre autres syndicalistes choisis en raison de leur compétence pour siéger au sein dudit conseil. Il s'agit de personnes qui ont assumé d'importantes responsabilités syndicales au sein du bureau exécutif de l'UGTT depuis de nombreuses années. D'autre part, le secrétaire général adjoint de l'UGTT a été élu président de la Commission sociale du conseil.
  11. 317. Le gouvernement porte enfin à nouveau à la connaissance du Comité de la liberté syndicale qu'aucun syndicaliste n'est l'objet de détention ou de poursuites pour des raisons syndicales et que les condamnations prononcées à l'encontre de quelques syndicalistes l'ont été pour des délits de droit commun.
  12. 318. Le gouvernement exprime sa pleine disposition à continuer à collaborer avec le Bureau international du Travail et le Comité de la liberté syndicale pour toute autre question relative à ce sujet, et il ajoute que c'est dans ce cadre que M. Francis Blanchard, Directeur général, et M. Bertil Bolin, Directeur général adjoint, ont effectué des missions en Tunisie.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 319. Le comité a pris note des derniers développements de la situation syndicale en Tunisie, et notamment de la tenue du congrès syndical d'unification en janvier 1987. Il note également que des mesures ont déjà été prises au sujet de la réintégration de certains travailleurs licenciés. Le comité exprime l'espoir que ces mesures constitueront un premier pas vers la réintégration de l'ensemble des travailleurs qui ont été licenciés pour faits de grève ou pour d'autres activités syndicales.
  2. 320. Pour ce qui concerne les arrestations de dirigeants syndicaux, le comité note que les personnes mentionnées dans les communications de la CMOPE ont maintenant recouvré la liberté. Il tient cependant à rappeler au gouvernement le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des mesures de détention et de condamnation prises à l'encontre de représentants de travailleurs dans l'exercice d'activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants. (Voir, par exemple, 217e rapport, cas no 823 (Chili), paragr. 509.)
  3. 321. Le comité doit en outre constater que le gouvernement n'a apporté aucun élément nouveau au sujet de la détention de Habib Achour. Le comité avait relevé que les condamnations prononcées contre M. Achour étaient intervenues dans un contexte de conflit entre l'UGTT et le gouvernement, ce qui, selon les plaignants, expliquait qu'elles aient été prononcées. Compte tenu de ces éléments, le comité croit devoir lancer un nouvel appel au gouvernement pour qu'une amnistie soit prononcée en faveur de M. Achour.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 322. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite des mesures prises en vue de la réintégration dans leur emploi des travailleurs licenciés pour faits de grève ou pour d'autres activités syndicales.
    • b) Le comité attire l'attention du gouvernement sur le danger que représentent pour l'exercice des droits syndicaux les arrestations et condamnations de dirigeants syndicaux dans l'exercice de leurs activités syndicales.
    • c) Le comité demande à nouveau au gouvernement de prendre des mesures d'amnistie en faveur de M. Habib Achour. Il lui demande de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
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