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Rapport intérimaire - Rapport No. 256, Juin 1988

Cas no 1337 (Népal) - Date de la plainte: 21-MAI -85 - Clos

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  1. 282. Le comité a examiné ce cas à trois reprises en mai 1986, en mai et en novembre 1987 (voir 244e rapport, paragr. 337 à 356, 251e rapport, paragr. 37 à 398, et 253e rapport, paragr. 302 à 327, respectivement) où il a présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. Depuis lors, la CMOPE a envoyé de nouvelles allégations dans une communication du 16 décembre 1987. Le gouvernement a envoyé, en date du 29 janvier 1988, une réponse partielle aux allégations présentées dans ce cas.
  2. 283. Le Népal n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 284. Lors de ses examens antérieurs du cas, le comité avait noté que les allégations de la CMOPE portaient sur: 1) le refus des autorités, depuis le début de l'année 1980, d'enregistrer l'Association nationale des enseignants du Népal (NNTA); 2) le refus du ministre de l'Education d'ouvrir des négociations avec le NNTA, alors que deux nouveaux syndicats d'enseignants contrôlés par le gouvernement avaient été créés; 3) des mesures répressives des autorités publiques, y compris la mort de six responsables de district du NNTA, la détention, pendant plus de deux ans, de huit dirigeants du NNTA, l'intervention de la police lors de la deuxième Conférence nationale du NNTA, et des arrestations massives d'enseignants au cours de manifestations. L'organisation plaignante avait fourni la liste nominative de 61 enseignants qui auraient été licenciés en raison de leurs activités syndicales ainsi que la liste nominative de 35 enseignants qui auraient été mutés pour le même motif.
  2. 285. Les observations fournies par le gouvernement, dans une communication du 25 mai 1987, réfutaient les allégations contenues dans la plainte de l'Association nationale des enseignants du Népal affirmant qu'elles étaient sans fondement et malveillantes, et qu'elles étaient destinées à nuire au gouvernement. Ce dernier expliquait, d'une manière générale, l'importance de la jeunesse dans l'édification de la nation et des enseignants auxquels il incombe d'inculquer aux jeunes le sens de la discipline et le savoir. Il ajoutait qu'il s'était donc employé à redonner courage et enthousiasme aux enseignants du Népal et qu'il avait créé récemment une commission spéciale chargée de rédiger, dans le cadre de la Constitution et de la loi en vigueur, les statuts d'une association d'enseignants pour la promotion des travaux pédagogiques et académiques, pour l'aménagement des carrières et pour la protection des droits et des intérêts des enseignants. Cette commission était présidée, indiquait-il, par un membre du Parlement et aussi bien les enseignants du primaire que ceux du secondaire y étaient largement représentés.
  3. 286. Selon le gouvernement, cette commission avait rédigé les statuts de deux associations, l'Association nationale des enseignants du primaire et l'Association nationale des enseignants du secondaire qui, toutes deux, avaient été approuvées par le gouvernement. Des commissions spéciales avaient été constituées au niveau national pour créer les associations d'enseignants du primaire et du secondaire prévues par ces nouveaux statuts, et les problèmes des enseignants étaient résolus. Enfin, le gouvernement avait affirmé qu'aucun enseignant n'avait été emprisonné en raison de ses activités pédagogiques et académiques.
  4. 287. Ultérieurement, dans une communication du 30 juillet 1987, la CMOPE avait allégué que la police avait entravé les activités de son représentant régional asien alors qu'il se trouvait à Katmandou et qu'elle avait empêché la tenue de la troisième Conférence nationale de son affiliée, qui devait réunir 185 délégués du NNTA, du 25 au 27 juin 1987. En outre, la CMOPE avait cité un article de journal qui rendait compte d'une déclaration du ministre de l'Education devant le Parlement selon laquelle toute organisation autre que l'Association nationale des enseignants du primaire du Népal et l'Association nationale des enseignants du secondaire du Népal - récemment créées - était illégale, en vertu de l'article 6 de la loi de l'année népalaise 2018, qui interdisait la création d'associations parallèles aux associations déjà enregistrées. Selon ce même article de presse, le ministre menaçait de prendre des "mesures énergiques" à l'encontre de ceux qui se préparaient à organiser une conférence entre le 25 et le 27 juin et qui s'adonnaient à des activités interdites par la loi.
  5. 288. De surcroît, ajoutait l'organisation plaignante, le représentant régional de la CMOPE, en mission à Katmandou pour assister à la troisième Conférence nationale du NNTA, avait été mis sous surveillance policière et sur écoute téléphonique à son hôtel dès son arrivée. Le 24 juin, la police l'avait empêché de se rendre dans les bureaux du NNTA. Des fonctionnaires du PNUD l'avaient informé que les autorités ne s'engageaient pas à assurer sa sécurité s'il restait dans le pays. Deux représentants du NNTA qui s'étaient rendus à l'hôtel du représentant régional de la CMOPE avaient été arrêtés à leur arrivée. Le 27 juin, le coordinateur et trois autres membres importants de la "Commission spéciale nationale" - chargée par le gouvernement de créer les deux associations contrôlées par lui - avaient voulu rendre visite au représentant régional de la CMOPE mais la police les en avait empêchés. Les intéressés s'étaient adressés par téléphone, depuis l'hôtel, à un certain nombre de ministres et de fonctionnaires nationaux sans parvenir, toutefois, à obtenir l'autorisation de s'entretenir avec le représentant de la CMOPE.
  6. 289. Selon la CMOPE, l'interdiction d'avoir des contacts avec des organisations internationales est une violation flagrante de la liberté syndicale.
  7. 290. Toujours d'après la CMOPE, qui avait fourni la liste de 72 enseignants arrêtés, les premières arrestations d'enseignants liées à la conférence nationale auraient commencé une semaine avant la conférence, au moment où les délégués des régions éloignées se préparaient à quitter leur domicile. Des enseignants auraient été appréhendés et détenus dans des cellules trop petites pour qu'ils puissent s'étendre, et on leur aurait refusé toute nourriture. Le 25 juin 1987, dans le voisinage des bureaux du NNTA, on aurait arrêté des enseignants, des étudiants, des parents et des passants.
  8. 291. Le 25 juin au soir, la police aurait tenté vainement de pénétrer dans les bureaux du NNTA en raison d'un rassemblement de gens du quartier. Ce même jour, les locaux qui devaient abriter la conférence auraient été encerclés par la police, qui en aurait interdit l'accès. Finalement, le 27 juin, la conférence aurait eu lieu dans un endroit gardé secret. Elle se serait déroulée dans le calme, en présence de membres du Parlement, de représentants de parents, d'élèves, d'associations professionnelles et de la presse et elle aurait procédé à l'élection d'une commission exécutive nationale.
  9. 292. Au vu des informations dont il disposait à sa session de novembre 1987, le comité avait soumis à l'approbation du Conseil d'administration les conclusions intérimaires suivantes:
    • a) Le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait fourni qu'une dénégation générale aux allégations faisant l'objet du présent cas, malgré les nombreuses demandes qui lui ont été adressées d'envoyer des observations détaillées dans cette affaire et qu'il ait donc été dans l'obligation d'examiner ce cas en l'absence d'informations précises et détaillées.
    • b) Le comité demande au gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire pour instruire les allégations relatives à des décès de syndicalistes enseignants qui seraient survenus alors qu'ils étaient aux mains de la police, et de lui faire connaître les chefs d'inculpation portés contre les huit dirigeants syndicalistes nommément désignés de l'Association nationale des enseignants du Népal.
    • c) Le comité demande au gouvernement de fournir, aussi rapidement et de façon aussi détaillée que possible, ses observations concernant la communication la plus récente de l'organisation plaignante faisant état d'une perturbation, par la police, de la troisième Conférence nationale du NNTA, et notamment de l'arrestation de 72 enseignants nommément désignés et d'ingérence dans les contacts internationaux du syndicat national.
    • d) Le comité demande une fois de plus au gouvernement de fournir des observations détaillées concernant la descente de police qui aurait été effectuée dans les locaux du NNTA en mai 1985 et la confiscation de documents syndicaux.
    • e) Le comité souhaite suggérer au gouvernement d'examiner la proposition du Directeur général relative à l'envoi d'un représentant au Népal pour discuter de la situation générale et pour aider à trouver des solutions aux problèmes soulevés dans le présent cas, à la lumière des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 293. Dans une nouvelle communication du 16 décembre 1987, la CMOPE avait précisé que M. Sushill Chandra Amatya, membre fondateur du NNTA, était toujours en prison quatre mois après son arrestation. Elle avait de plus fourni la liste nominative de neuf enseignants dirigeants du NNTA qui avaient été arrêtés en novembre 1987. Elle avait ajouté que la répression continuait, que les salaires des enseignants liés au NNTA n'étaient pas payés et que des fonctionnaires gouvernementaux visitaient chaque école, menaçant et faisant pression sur les enseignants afin qu'ils rejoignent les deux associations créées par le gouvernement.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 294. Dans une communication du 29 janvier 1988, le gouvernement affirme que les statuts des deux associations d'enseignants du primaire et du secondaire auxquelles il s'était référé ont été dûment approuvés par le gouvernement le 12 février 1987 en application de la loi nationale sur la formation professionnelle de l'année népalaise 2018 BS. Il réitère ses déclarations antérieures selon lesquelles lesdits statuts ont été adoptés après avoir été discutés au cours d'une réunion regroupant les représentants des enseignants de quatorze régions du Népal.
  2. 295. Selon le gouvernement, aux termes de ces statuts deux comités ad hoc séparés au niveau central ont été constitués, l'un pour l'enseignement secondaire et l'autre pour l'enseignement primaire. Le gouvernement rappelle qu'il y a 21 ans déjà, en l'année népalaise 2023 BS, les enseignants des écoles professionnelles avaient demandé à s'organiser en deux associations séparées afin de protéger et de promouvoir leurs intérêts. A la suite des décisions des comités ad hoc centraux des deux associations, des comités ad hoc locaux se sont constitués dans les différentes régions du pays, affirme le gouvernement.
  3. 296. Il reconnaît par ailleurs que des personnes qui, selon lui, n'appartiennent plus à la profession enseignante se sont opposées à ces deux associations. Les opposants, précise le gouvernement, sont Devi Prasad Ojha et Sita Ram Maskey ainsi qu'une poignée d'autres personnes qui les ont suivis pour appeler à la constitution d'une association d'enseignants. Ces personnes ont soumis les statuts de leur association en l'année népalaise 2036 BS, mais les statuts en question n'ont pas reçu l'approbation du gouvernement étant donné qu'ils ne contenaient pas de dispositions relatives à la représentation des enseignants du primaire, puisque les enseignants du primaire y étaient violemment opposés et qu'une demande des enseignants du primaire avait été déposée pour pouvoir créer une association séparée.
  4. 297. Le gouvernement ajoute que les personnes en question mues par des objectifs politiques s'efforçaient de semer la discorde dans le secteur de la profession enseignante. Il poursuit en expliquant que ces personnes trompent certains enseignants et qu'elles se prétendent membres de certains comités qu'elles ont constitués secrètement.
  5. 298. Néanmoins, toujours d'après le gouvernement, les statuts préparés de manière indépendante par les enseignants du secondaire et du primaire des quatorze régions ont été chaleureusement accueillis par la communauté enseignante tout entière. Un grand nombre de ceux qui, dans le passé, avaient soutenu la création de l'association des enseignants qui avait cherché à se constituer en l'année népalaise 2036 BS font maintenant partie des comités ad hoc créés en application des statuts des deux associations qui ont été approuvés.
  6. 299. Le gouvernement indique encore que ces deux associations ont pour mission de conduire des élections et que, dans les trois mois, des comités de districts ont été constitués dans près de la moitié des régions de manière démocratique. Les réunions d'enseignants ont réservé un accueil chaleureux à ces associations. Les élections de dirigeants syndicaux aux deux niveaux se sont déroulées parmi les enseignants. En revanche, toujours d'après le gouvernement, les soi-disants dirigeants syndicaux du NNTA ne sont que des dirigeants qui se sont autodésignés. Neuf d'entre eux, dont un secrétaire général, dans une déclaration conjointe ont d'ailleurs dénoncé le prétendu NNTA qui avait publié leurs noms en tant que dirigeants de cette association sans les avoir préalablement avertis, et ils se sont dissociés de la prétendu "association". En outre, le gouvernement indique qu'il n'a pas autorisé la tenue de la conférence mentionnée par la confédération plaignante étant donné que cette conférence était organisée par une association illégale.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 300. Le comité note que ce cas porte sur la question de la représentation syndicale des enseignants du primaire et du secondaire au Népal et sur des mesures de représailles prises à l'encontre de syndicalistes, y compris la mort, la détention et le licenciement de militants et de dirigeants syndicaux, ainsi que sur l'occupation de locaux et la confiscation de matériels syndicaux et des entraves dans la tenue d'une conférence syndicale nationale.
  2. 301. Le comité observe que les versions de l'organisation plaignante et du gouvernement concernant les faits, objet de la cause, sont diamétralement contradictoires.
  3. 302. Pour l'organisation plaignante, le gouvernement s'est ingéré de manière flagrante dans les affaires syndicales des enseignants, provoquant la mort, la détention et le licenciement de syndicalistes refusant d'enregistrer une organisation syndicale constituée par les enseignants népalais eux-mêmes, occupant les locaux de l'organisation et empêchant la tenue d'une conférence syndicale nationale et les contacts internationaux de syndicalistes népalais avec les représentants syndicaux étrangers.
  4. 303. En revanche, pour le gouvernement, les deux associations légalement enregistrées représentent les enseignants du primaire et du secondaire conformément à la volonté des enseignants exprimée au cours d'une réunion regroupant les représentants des enseignants des 14 régions du Népal. Le gouvernement reconnaît néanmoins que des personnes qui, selon lui, n'appartiennent plus à la profession enseignante se sont opposées à la constitution de ces deux associations et que ces personnes ont déposé les statuts de leur association. Cependant, il explique que les statuts en question n'ont pas reçu d'approbation, étant donné qu'ils ne contenaient pas de dispositions relatives à la représentation des enseignants du primaire, contrairement à la volonté déclarée des enseignants de cette catégorie.
  5. 304. Le comité, tout en prenant note des explications fournies par le gouvernement sur cette affaire, observe avec un profond regret que le gouvernement ne répond pas à plusieurs allégations d'une particulière gravité relatives à la mort, à la détention et au licenciement de syndicalistes, ainsi qu'à l'occupation de locaux et à la confiscation de matériels syndicaux.
  6. 305. Le comité rappelle les considérations qu'il a exposées dans son premier rapport (paragr. 31), à savoir que le but de l'ensemble de la procédure instituée à l'OIT pour l'examen des allégations en violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, elle exige qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. Le comité tient à souligner que, dans tous les cas dont il a été saisi depuis sa création, il a toujours été d'avis que les réponses des gouvernements contre lesquels des plaintes étaient présentées ne devaient pas se limiter à des observations de caractère général.
  7. 306. Dans le présent cas, le comité observe que les statuts des deux associations d'enseignants du primaire et du secondaire reconnues ont été rédigés par deux commissions créées par le gouvernement. A cet égard, le comité rappelle que les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts, sans ingérence des pouvoir publics.
  8. 307. En outre, le comité ne peut que réitérer une fois encore ses demandes antérieures et prie instamment le gouvernement de fournir des informations concrètes et détaillées sur toutes les allégations présentées dans le présent cas.
  9. 308. Il demande en particulier au gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire sur les décès de syndicalistes enseignants qui seraient survenus alors qu'ils étaient aux mains de la police en 1985, d'indiquer les chefs d'inculpation retenus contre les huit dirigeants syndicaux nommément désignés du NNTA, de fournir des explications sur l'occupation des locaux du NNTA et sur la confiscation des documents syndicaux en mai 1985, et d'indiquer si les enseignants arrêtés en juin et en novembre 1987 ainsi que le dirigeant syndical Sushill Chandra Amatya, membre fondateur du NNTA, ont recouvré la liberté.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 309. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note avec regret qu'en dépit du temps écoulé depuis la présentation des allégations le gouvernement n'a fourni que des observations générales sur cette affaire et qu'il n'a pas encore répondu à plusieurs allégations spécifiques d'une extrême gravité.
    • b) Le comité rappelle que les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer librement leurs statuts, sans ingérence des pouvoirs publics.
    • c) Le comité demande instamment au gouvernement de fournir des informations détaillées sur toute enquête judiciaire qui aurait été menée à la suite des décès de syndicalistes enseignants qui seraient survenus alors qu'ils étaient aux mains de la police en 1985, d'indiquer les chefs d'inculpation retenus contre huit dirigeants syndicaux nommément désignés du NNTA, de fournir des explications sur l'occupation violente des locaux et sur la confiscation de matériels du NNTA en mai 1985, et d'indiquer si les enseignants arrêtés en juin et en novembre 1987 ainsi que le dirigeant syndical Sushill Chandra Amatya ont recouvré la liberté.
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