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Rapport intérimaire - Rapport No. 243, Mars 1986

Cas no 1343 (Colombie) - Date de la plainte: 08-JUIL.-85 - Clos

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  1. 570. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a présenté des plaintes en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Colombie dans des communications datées du 8 juillet et du 3 décembre 1985. La Centrale syndicale des travailleurs colombiens (CSTC) a présenté des informations complémentaires dans une communication du 20 août 1985. Le gouvernement a adressé ses observations dans des lettres des 9 et 30 août, du 23 octobre et du 18 décembre 1985.
  2. 571. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  • a) Allégations concernant les événements du 20 juin 1985
    1. 572 Dans sa lettre du 8 juillet 1985, la FSM allègue que le 20 juin 1985, à la suite de la Journée nationale de protestation, les forces gouvernementales ont arrêté des centaines de travailleurs, dont un grand nombre sont toujours emprisonnés. En outre, le gouvernement a suspendu arbitrairement la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations syndicales suivantes: CSTC, Fédération nationale des agents de l'Etat (FENALTRASE), Fédération nationale des syndicats colombiens du secteur bancaire (FENASIBANCOL), Fédération des syndicats des travailleurs des établissements publics (FENASINTRAP), Syndicat national des employés des greffes et des études de notaire. Elle déclare aussi que le Syndicat USITRAS est persécuté par les forces gouvernementales. Elle prétend que la suspension par les autorités administratives de la personnalité juridique des syndicats ayant organisé la Journée nationale de protestation constitue une violation flagrante de la convention no 87.
    2. 573 Dans sa communication du 20 août 1985, la CSTC joint le texte des décisions prises par le ministère du Travail le 24 juin 1985 et portant suspension de la personnalité juridique de la CSTC, de la FENALTRASE, de la FENASIBANCOL et du Syndicat des travailleurs du Département national des statistiques administratives SINDANE (décisions nos 01922, 01923, 01924 et 01926, respectivement) ainsi que les recours présentés par ces syndicats auprès du ministre du Travail contre ces décisions. La CSTC joint en outre le texte des décisions nos 02205 et 02129 du ministère du Travail autorisant le licenciement - pour avoir participé à la grève illégale du 20 juin - de travailleurs employés, respectivement, par l'entreprise Vianini Entrecanales (lettres de licenciement concernant MM. Rafael Mauriao Mendoza Aguilar, Pedro Antonio Rodríguez Rojas et Pablo Emilio Leal Cruz) et par la Compagnie colombienne des tabacs (licenciement de MM. Jairo Bernal, Rolando López, Alirio Useche, Reinaldo Medina, Jorge Rey, Jaime Cepeda, Orlando Camacho, Jorge Nelson Murcia, Fernando Acosta, Jairo Lesmes Bulla, Humberto Riano et Justo Calderón).
  • b) Allégations concernant la mort de deux dirigeants syndicaux
    1. 574 Dans sa communication du 3 décembre 1985, la FSM allègue que, le 28 novembre 1985, les forces de police ont assassiné, dans la ville de Manizales, les dirigeants syndicaux Hernado Llata Bonilla, président du Conseil municipal de San Juan de Arma, et Rubin Dario Castaño, président de la Fédération syndicale au Département de Caldas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  • a) Réponse concernant les événements du 20 juin 1985
    1. 575 Dans sa lettre du 9 août 1985, le gouvernement explique que la suspension de la personnalité juridique des organisations intéressées était due à leur comportement contraire à la légalité lorsqu'elles ont déclenché une grève le 20 juin pour troubler l'ordre public. Il rejette en outre catégoriquement les allégations selon lesquelles des centaines de travailleurs auraient été emprisonnés.
    2. 576 Dans sa communication du 30 août 1985, le gouvernement déclare que le 20 juin, seule une centrale ouvrière (la CSTC) sur les quatre qui existent dans le pays avait lancé un mot d'ordre de grève nationale, alors que les trois autres étaient depuis un certain temps en pourparlers directs avec le Président en vue de trouver des solutions à la situation économique difficile et qu'elles avaient participé à des commissions paritaires. Selon le gouvernement, les études effectuées par ces commissions ont déjà abouti à recommander l'adoption immédiate de certaines mesures, dont, par exemple, le blocage des prix pour certains produits essentiels. Le décret no 1658 du 19 juin 1985 (en vigueur pour une année) prévoit les sanctions (six mois de suspension de la personnalité juridique) à appliquer aux syndicats qui participeraient sous une forme quelconque au débrayage, conformément à l'obligation qu'ont les pouvoirs publics en vertu de la Constitution de protéger l'ordre public. Six syndicats (CSTC, FENALTRASE, FENASIBANCOL, FENASINTRAP, SINDANE, Syndicat national des employés des greffes et des études de notaire) ont passé outre et ont organisé l'arrêt de travail qui, d'après le gouvernement, ne se rapportait pas à des questions de travail.
    3. 577 Le gouvernement souligne que, dans des circonstances normales, l'article 380 du Code du travail interdit la suspension administrative de la personnalité juridique des syndicats. Toutefois, dans des cas exceptionnels ou dans des situations d'urgence, comme celle qui est décrite dans le présent cas, le Président est habilité à intervenir pour prévenir ou faire cesser toute atteinte à la légalité et à l'ordre public. L'avertissement lancé par le gouvernement dans son décret visait à éviter que le syndicalisme ne soit utilisé par des groupements subversifs à des fins non professionnelles, comme des préjudices à l'économie ou la paralysie des transports.
    4. 578 Suivant le gouvernement, seules ces six organisations ont fait l'objet de sanctions puisque la grande majorité des travailleurs du secteur privé et du secteur public ont continué de travailler normalement le 20 juin. Le gouvernement déclare que l'opinion publique a soutenu les mesures qu'il avait prises avec une solidarité exemplaire. Il conclut en réaffirmant qu'il ne s'agissait pas là d'une activité syndicale à proprement parler, mais d'une grave action de subversion refusée par la population et par la majorité des centrales ouvrières de Colombie; les événements en question ne relèvent donc pas du domaine de compétence du comité.
    5. 579 Dans sa communication du 23 octobre 1985, le gouvernement réitère son affirmation suivant laquelle le décret no 1658 a été pris dans une situation d'urgence résultant de la grève, laquelle visait manifestement à troubler l'ordre public. Il indique que les sanctions prises contre les six organisations ont maintenant été levées et que ces organisations ont retrouvé leur personnalité juridique. En outre, la grande majorité des personnes arrêtées le 20 juin ont été relâchées et dix seulement d'entre elles purgent actuellement des peines de prison après avoir été jugées.
  • b) Réponse concernant la mort de deux dirigeants syndicaux
    1. 580 En ce qui concerne l'allégation relative au meurtre de MM. Llata et Castaño dans la ville de Manizales, le gouvernement, dans une communication du 18 décembre 1985, exprime son profond regret de la mort des intéressés et indique que les autorités militaires du Département de Caldas ont été invitées à fournir d'urgence des informations sur les circonstances de ces décès qui ont eu lieu, semble-t-il, le 28 novembre 1985. Il s'engage à transmettre ces informations au BIT dès leur réception par le ministère.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  • a) Evénements du 20 juin 1985
    1. 581 Le comité note que la suspension par voie administrative des six organisations syndicales qui ont organisé la Journée nationale de protestation et qui y ont participé le 20 juin 1985 a été levée en octobre 1985, soit deux mois plus tôt que la date d'expiration des décisions pertinentes.
    2. 582 Le comité, tout en prenant acte de l'explication du gouvernement quant à la nécessité où il se trouvait de prendre de telles mesures à ce moment-là (situation d'urgence, menaces pour l'ordre public, caractère subversif du débrayage, absence de soutien populaire, dialogue fructueux en cours entre les autorités et les trois autres grandes centrales syndicales), tient à rappeler l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à suspension ou à dissolution par voie administrative. (Voir, par exemple, 230e rapport, cas no 1194 (Chili), paragr. 291.) En outre, dans des cas analogues, le comité a estimé que la suspension par le ministère du Travail de la personnalité juridique d'un syndicat - celle-ci étant l'une des conditions permettant au syndicat d'agir dans la légalité - était contraire au principe susmentionné. (Voir, par exemple, 214e rapport, cas no 1075 (Pakistan), paragr. 691.)
    3. 583 Le comité a soutenu que, même si le gouvernement fait état de circonstances particulières, toute mesure de suspension ou de dissolution de la part des autorités administratives qui serait prise dans une situation d'urgence doit s'accompagner des garanties judiciaires normales, dont le droit de faire appel devant les tribunaux contre une telle dissolution ou suspension. Les mesures prises pour ôter à un syndicat la personnalité juridique doivent l'être par voie judiciaire et non par voie administrative. Le comité note que, dans le présent cas, les six syndicats intéressés ont fait appel auprès du ministre du Travail contre la décision de retrait de la personnalité juridique et qu'aucun recours judiciaire n'était possible. Il estime donc que les mesures prises sont contraires à l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par la Colombie.
    4. 584 En ce qui concerne l'allégation relative à l'arrestation de centaines de travailleurs pendant la Journée nationale de protestation, le comité observe que le gouvernement, après avoir tout d'abord rejeté cette allégation, indique ensuite (dans une communication sous forme de lettre) que la grande majorité des personnes arrêtées ce jour-là ont été relâchées et que dix seulement d'entre elles purgent des peines de prison après avoir été jugées. Le comité déplore que ni les plaignants, ni le gouvernement ne lui aient fourni d'informations suffisamment détaillées à propos des allégations concernant les arrestations et les circonstances dans lesquelles elles auraient eu lieu.
    5. 585 Le comité note que le gouvernement ne formule pas d'observation sur le licenciement, en vertu des décisions nos 02205 et 02129, de 15 travailleurs nommément désignés de l'entreprise Vianini Entrecanales et de la Compagnie colombienne des tabacs, respectivement. Il demande donc au gouvernement de lui transmettre des observations détaillées afin qu'il soit en mesure d'examiner cet aspect du cas en pleine connaissance de cause.
  • b) Mort de deux dirigeants syndicaux
    1. 586 S'agissant de l'allégation relative au meurtre par la police de MM. Llata Bonilla et Dario Castaño, dans la ville de Manizales, le 28 novembre 1985, le comité note que le gouvernement a ouvert une enquête et qu'il lui transmettra des informations complémentaires dès qu'elles seront en sa possession. Le comité ajourne donc l'examen de cet aspect du cas en attendant de disposer des observations complémentaires du gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 587. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations sur le licenciement des 15 travailleurs de l'entreprise Vianini Entrecanales et de la Compagnie colombienne des tabacs nommément désignés ainsi que sur le décès des deux dirigeants syndicaux dont le nom a été mentionné, le 28 novembre 1985.
    • b) Le comité estime que la suspension par voie administrative des six organisations syndicales qui avaient participé à la Journée nationale de protestation du 20 juin 1985, bien que levée en octobre 1985, ne s'accompagnait pas de garanties judiciaires, et était donc contraire à l'article 4 de la convention no 87.
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