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- 2. Le comité est saisi de différentes plaintes en violation de la liberté syndicale au Nicaragua déposées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), et d'une plainte relative à l'observation par le Nicaragua des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, présentée par plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.
- 3. Conformément à l'invitation formulée par le gouvernement du Nicaragua dans une communication du 23 mai 1988, une mission d'étude s'est rendue au Nicaragua du 28 septembre au 5 octobre 1988. (Voir rapport de mission en annexe.)
- 4. Depuis plusieurs années, le Comité de la liberté syndicale est saisi de diverses plaintes en violation de la liberté syndicale et du droit d'organisation au Nicaragua qui ont été examinées à diverses reprises (voir notamment 258e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de mai-juin 1988). En outre, trois nouvelles plaintes ont été présentées, d'une part, par la CISL dans des communications des 9 mars, 25 avril, 9 et 30 mai et 14 juillet 1988, et par la CMT dans une lettre du 19 août 1988 (cas no 1442) et, d'autre part, par l'OIE dans des communications du 7 juin et des 11 et 19 juillet 1988 (cas no 1454).
- 5. D'autre part, dans une communication du 17 juin 1987, plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence internationale du Travail ont présenté une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT contre le gouvernement du Nicaragua pour violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
- 6. A sa réunion de mai 1988, le comité a invité le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes (voir 258e rapport, paragr. 55, approuvé par le Conseil d'administration à sa 240e session, mai-juin 1988):
- a) Le Comité rappelle au gouvernement que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l'une des libertés essentielles à l'exercice des droits syndicaux, et il lui demande de prendre les mesures nécessaires pour qu'une telle protection soit assurée efficacement.
- b) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur la détention et le sort des syndicalistes, Eric González et Eugenio Membreño.
- c) Le comité, tout en notant avec intérêt que les droits suspendus par l'état d'urgence ont été rétablis, demande au gouvernement de fournir des informations concrètes et détaillées sur la reprise des activités des organisations d'employeurs et de travailleurs en pratique, notamment en ce qui concerne la diffusion des informations syndicales et professionnelles, l'exercice du droit de réunion, l'enregistrement de ces organisations et l'exercice du droit de grève.
- d) Constatant que le décret no 130 n'est pas conforme à l'article 4 de la convention no 98 relatif à la promotion et au développement de la négociation collective volontaire, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et de lui fournir des informations sur les mesures qu'il entend prendre à cet égard.
- e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les consultations qu'il a entreprises ou qu'il entend entreprendre avec le COSEP sur les questions relatives aux normes internationales du travail.
- f) Ayant reçu après ses délibérations une lettre du gouvernement du 23 mai 1988 qui propose la formation d'une mission d'étude, selon les lignes que le comité avait lui-même envisagées, le comité recommande au Conseil d'administration d'accepter cette proposition. Le comité sera ainsi en mesure, à sa session de novembre 1988, de donner une réponse définitive quant à la question des suites qu'il convient de donner à la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.
- 7. La mission d'étude en question a été menée du 29 septembre au 5 octobre 1988 par M. Fernando Uribe Restrepo, membre de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, qui était accompagné de MM. Bernard Gernigon, chef du Service de la liberté syndicale, et Christian Ramos, fonctionnaire du même service. Le rapport du représentant du Directeur général figure en annexe au présent rapport.
- 8. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
- 9. Le comité tient tout d'abord à exprimer ses remerciements à M. Fernando Uribe Restrepo pour s'être acquitté de cette mission d'étude en tant que représentant du Directeur général ainsi que pour son rapport détaillé sur les affaires en instance.
- 10. Comme les plaintes et les informations recueillies au cours de la mission sont analysées dans le rapport du représentant du Directeur général, le comité peut formuler directement ses conclusions sur les différents cas.
A. A. Conclusions du comité
A. A. Conclusions du comité
- Conclusions du comité
- 11 Le comité prend note du rapport du représentant du Directeur général sur la mission d'étude effectuée du 29 septembre au 5 octobre 1988 au Nicaragua. Il prend note également des facilités que les autorités ont accordées au représentant du Directeur général pour mener à bien sa mission. Il déplore cependant que le représentant du Directeur général n'ait pas reçu l'autorisation de rencontrer M. Mario Alegría, directeur d'un organisme annexe du Conseil supérieur de l'entreprise privée, actuellement détenu au système pénitentiaire "Zona franca" de Managua. Le comité regrette d'autant plus ce refus que les raisons invoquées par le gouvernement ne lui semblent pas convaincantes. Il rappelle à cet égard que la question de savoir si des allégations relatives à la détention ou à la condamnation de dirigeants ou de membres d'organisations syndicales ou professionnelles relèvent du droit commun ou de l'exercice du droit d'association ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé et que c'est au comité qu'il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles. Le comité estime donc que les informations qu'aurait pu obtenir le représentant du Directeur général en rencontrant M. Alegría lui auraient été particulièrement utiles pour examiner cette affaire en toute connaissance de cause.
- 12 Dans les différents cas dont le comité est saisi, les allégations avaient trait à l'assassinat de syndicalistes, à la détention de syndicalistes, à une grève de la faim déclenchée par une organisation de travailleurs, à des assauts menés contre des locaux syndicaux et à des menaces exercées contre des syndicalistes, aux mesures prises à la suite d'une manifestation organisée à Nandaime, à la confiscation de terres à des dirigeants du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP) et à la condamnation de M. Alegría, directeur d'un institut de recherches annexe du COSEP. Le comité est saisi en outre de la plainte en violation des conventions nos 87, 98 et 144 présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. Le comité se propose d'examiner successivement chacun de ces aspects des cas à la lumière des informations dont il dispose actuellement.
- a) Allégations relatives à l'assassinat de syndicalistes
- 13 Le comité note que, selon les informations fournies par le gouvernement à la mission, les trois assassinats dont avaient fait état les plaignants ont fait l'objet d'enquêtes qui ont déterminé qu'ils n'étaient pas liés à l'affiliation ou aux activités syndicales des victimes. Dans un cas, la personne concernée a été tuée par une patrouille alors qu'elle se livrait à des activités de contrebande. Les militaires impliqués dans cette affaire ont été jugés et relaxés. Dans les deux autres cas, il s'agit de crimes de droit commun dont les auteurs sont actuellement détenus et poursuivis devant les tribunaux. Dans ces conditions, compte tenu des déclarations contradictoires des plaignants et du gouvernement, le comité se trouve dans l'impossibilité de se prononcer sur cet aspect du cas.
- b) Allégations relatives à la détention de syndicalistes
- 14 Le comité note que la peine de MM. Eric González et Eugenio Membreño a été commuée et qu'ils ont été libérés. Il note également qu'un premier groupe de syndicalistes de la CUS mentionnés dans la plainte de la CISL (Santos Francisco García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Saturnino Gutiérrez López, Juan Alberto Contreras Muñoz, Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González Lopez, Arnulfo González, Jacinto Olivo Vallecillo, Salomón de Jesús Vallecillo Martínez, Ricardo Gutiérrez Contreras, Luis García Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García Alvarado et Pedro Joaquín Talavera) ont été arrêtés en août 1987 pour avoir violé les paragraphes a et g de l'article 1 du décret no 1074 (loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique). Ils sont actuellement détenus au système pénitentiaire "Zona franca" en qualité d'accusés.
- 15 Les dispositions en question de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique énoncent que "sont considérés comme commettant un délit contre la sécurité publique ... ceux qui commettent des actes destinés à soumettre totalement ou partiellement la nation à une domination étrangère ou à porter atteinte à son indépendance et son intégrité" ainsi que "les auteurs de conspiration ou ceux qui proposent ou acceptent de conspirer pour commettre un délit mentionné dans le présent article et leurs complices". Ces personnes sont passibles de peines allant de cinq à trente ans de prison et de trois à quinze ans de prison.
- 16 Afin d'examiner l'allégation en toute connaissance de cause, le comité devrait disposer du texte du jugement qui sera rendu au sujet de ces personnes. Il demande donc au gouvernement de fournir une copie du jugement lorsqu'il sera rendu.
- 17 En ce qui concerne la détention de M. Juan José Cerda, dirigeant du Syndicat des cantonniers de Masaya, le comité note que cette personne a été condamnée à une peine de six mois de prison pour avoir participé à des actes de violence contre du personnel et des installations des forces de police, mais qu'il a été libéré au bout d'un mois, à la faveur de la grâce prévue dans les accords de paix de Sapoa pour les éléments contre-révolutionnaires.
- 18 Pour ce qui est de l'arrestation, en mai 1988, de paysans affiliés au Syndicat des paysans de Cayantu y Cuje, le comité note l'explication du gouvernement selon laquelle ces personnes n'ont pas été arrêtées par les forces de police, mais que la majorité d'entre elles ont été incorporées pour accomplir leur service militaire de réserve dans l'armée.
- 19 En ce qui concerne la condamnation de syndicalistes membres de la CTN, le comité note que MM. Milton Silva Gaitán, Arcadio Ortíz Espinoza, Ricardo Cervantes Rizo et Napoleón Molina Aguilera ont été condamnés à des peines de cinq à huit ans de prison pour avoir commis des actes de sabotage à l'encontre de l'Entreprise nationale d'autobus. Deux d'entre eux - les deux derniers nommés - ont été libérés à la suite de mesures d'amnistie ou de réduction de peines. En revanche, il apparaît que MM. Milton Silva Gaitán et Arcadio Ortíz Espinoza sont toujours détenus. Etant donné les lourdes peines de prison qui leur ont été infligées - respectivement cinq et huit (réduites par la suite à six) années de prison -, le comité demande au gouvernement d'envisager des mesures d'amnistie ou de réduction de peines en faveur de ces syndicalistes.
- 20 Le comité note, pour ce qui concerne la détention d'Anastasio Jiménez Maldonado, Justino Rivera, Eva Gonzales et Eleazar Marenco, que le gouvernement souhaiterait obtenir des informations plus détaillées pour faire des recherches sur le sort de ces personnes. Comme les allégations formulées à cet égard étaient très générales, le comité demande à l'organisation plaignante, à savoir la Confédération mondiale du travail, de fournir des informations complémentaires sur les circonstances de l'arrestation de ces personnes.
- 21 Enfin, le comité note que le gouvernement s'est engagé à fournir des informations sur un certain nombre de paysans membres de la CUS qui seraient détenus, à savoir: Luis Alfaro Centeno, Pastor García Matey, Mariano Romero Melgare, Dámaso González Sánchez, Jesús Cárdenas Ordónez, Rafael Ordónez Melgara et Miguel Valdivia.
- c) Allégations relatives à la grève de la faim déclenchée par le Congrès permanent des travailleurs
- 22 Le comité prend note à cet égard des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles l'entrée du local de la CGT (i) où se tenait la grève de la faim n'a pas été franchie par la police et que seul un cordon de police avait été maintenu autour du local pour préserver l'ordre public et la circulation. Le comité constate cependant qu'au cours de cette grève de la faim deux dirigeants syndicaux, Roberto Moreno Cajina et Rafael Blandón, ont été détenus puis libérés par la suite, sans qu'on retienne de charges contre eux. Il note en outre que, selon la Commission permanente des droits de l'homme, les forces spéciales et la police ont tenté de déloger les grévistes et ensuite ont fait couper l'eau, l'électricité et l'entrée d'aliments créant ainsi une situation d'insalubrité insoutenable qui a obligé à suspendre la grève.
- 23 A cet égard, le comité tient à rappeler à l'attention du gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé entraîne des restrictions à la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation. (Voir à cet égard, par exemple, 236e rapport, cas no 1259 (Bangladesh), paragr. 68; cas nos 1277 et 1288 (République dominicaine, paragr. 682.)
- d) Allégations relatives à des assauts menés contre des locaux syndicaux et à des menaces exercées contre des syndicalistes 24. Le comité note que, selon le gouvernement, la police n'a pas eu connaissance de menaces exercées contre des syndicalistes ou d'assauts menés contre des locaux syndicaux et qu'en tout état de cause la Direction générale de la sécurité de l'Etat et la police n'ont été en aucune manière mêlées à de telles opérations.
- 25 Le comité tient cependant à rappeler à cet égard que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes, fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales. Lorsqu'elles sont informées de tels faits, les autorités devraient donc sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés.
- e) Allégations relatives aux mesures prises à la suite de la manifestation organisée à Nandaime 26. Il ressort des informations recueillies par la mission, et notamment lors de l'entretien avec M. Carlos Huembes, secrétaire général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua, actuellement détenu au centre pénitentiaire de la Granja (province de Granada), que la manifestation organisée le 10 juillet 1988 a été convoquée par la Coordination démocratique nicaraguayenne (CDN) et non par des organisations syndicales, même si certaines font partie de la CDN. De même, les objectifs de la manifestation étaient d'ordre politique.
- 27 Dans ces conditions, le comité estime, sans porter de jugement sur les procédures judiciaires suivies dans le cas d'espèce, que les allégations présentées à ce sujet ne ressortissent pas de sa compétence. Il appartient donc à d'autres instances internationales jouissant d'une compétence générale en matière de droits de l'homme d'examiner cette affaire.
- f) Allégations relatives à la confiscation de biens de dirigeants du COSEP 28. Le comité prend note des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles les mesures de confiscation de terres répondaient à des besoins de réforme agraire. Le comité observe également que ces confiscations n'ont pas seulement frappé des dirigeants et membres du COSEP mais ont également concerné des propriétaires membres d'autres organisations de producteurs agricoles. Il estime néanmoins que ces mesures semblent avoir frappé particulièrement les dirigeants et membres du COSEP.
- 29 Le comité est en outre convaincu, à la lumière des informations recueillies au cours de la mission, que les possibilités réelles de recours judiciaire des personnes affectées par ces mesures étaient relativement limitées et que les indemnisations prévues pour compenser ces confiscations sont soit inexistantes (cas des terres non exploitées, déficitaires ou abandonnées), soit insuffisantes (émission de bons de réforme agraire). Le comité estime donc que l'ensemble des dispositions relatives à l'indemnisation des confiscations de terres devraient être revues pour assurer une compensation réelle et juste des pertes ainsi subies par les propriétaires, et que le gouvernement devrait rouvrir les dossiers d'indemnisation à la demande des personnes qui estiment avoir été spoliées dans ce processus de réforme agraire.
- g) Allégations relatives à la condamnation de M. Alegría
- 30 Le comité a pris connaissance des informations recueillies par la mission au sujet du cas de M. Alegría, et notamment du texte du jugement qui l'a condamné à seize années de prison.
- 31 Le comité note qu'il ressort de ce jugement que M. Alegría a été condamné pour avoir acheté des informations économiques à caractère secret - en raison de la situation de guerre que vit le pays - à des fonctionnaires gouvernementaux et pour les avoir ensuite remises à un diplomate étranger.
- 32 Le comité rappelle que les tâches confiées à M. Alegría au sein d'un organisme du COSEP étaient précisément d'effectuer des recherches et des études économiques et qu'à ce titre il devait pouvoir disposer d'informations pour mener à bien ses travaux. Il apparaît d'ailleurs à la lecture du texte du jugement que des informations obtenues par M. Alegría ont fait l'objet d'une analyse par l'institut qu'il dirigeait. En outre, selon diverses sources, les informations étaient largement connues dans le public.
- 33 Par ailleurs, le comité observe avec préoccupation que l'accusation s'est fondée notamment sur une vidéo-cassette contenant des déclarations des accusés qui auraient été enregistrées dans les locaux de la sécurité de l'Etat. Compte tenu en outre de l'extrême sévérité de la peine prononcée en première instance, le comité exprime le ferme espoir que la Cour d'appel de Managua, actuellement saisie du recours de M. Alegría, réexaminera cette affaire avec toute l'attention et l'indépendance nécessaires. Il demande au gouvernement de fournir une copie de l'arrêt de la Cour d'appel lorsqu'il sera prononcé.
- h) Plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution
- 34 Le comité a pris note à cet égard des informations détaillées recueillies par la mission en ce qui concerne les conséquences pratiques de la levée de l'état d'urgence sur les libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux.
- 35 Pour ce qui est du droit d'expression, il ressort de ces informations que la levée de l'état d'urgence a entraîné l'abolition de la censure préalable à laquelle étaient soumis les moyens de communication. Ceci a rendu plus facile la publication de revues syndicales. Cependant, le comité doit constater que les organisations se heurtent encore à des difficultés pour exprimer leurs opinions par voie de presse. Il apparaît notamment que la loi générale provisoire sur les moyens de communication établit de sévères restrictions, notamment quant "aux écrits qui compromettent la stabilité économique de la nation". Par ailleurs, en cas de violation des textes, les organes de presse peuvent être suspendus de manière temporaire ou définitive. C'est ainsi notamment que, depuis la levée de l'état d'urgence, plusieurs journaux écrits ou parlés ont été suspendus, notamment le quotidien La Prensa et la station Radio Católica.
- 36 Le comité est d'avis que de telles restrictions qui aboutissent à l'existence d'une menace permanente de suspension des publications ne peuvent qu'entraver considérablement le droit des organisations syndicales et professionnelles d'exprimer des opinions par voie de presse soit dans leurs propres publications, soit dans d'autres médias. Il rappelle que ce droit constitue l'un des éléments essentiels des droits syndicaux et qu'en conséquence les gouvernements devraient s'abstenir d'en entraver indûment l'exercice légal.
- 37 En ce qui concerne le droit de manifestation, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les manifestations de nature syndicale ont été autorisées et n'ont donné lieu à aucun incident. Il observe cependant que les organisations syndicales d'opposition ont fait état de réponses tardives du ministère de l'Intérieur aux demandes d'autorisation de manifestations et même d'un refus d'une manifestation organisée en juillet 1988 par le Congrès permanent des travailleurs, en vue de protester contre des mesures d'arrestation et la hausse du coût de la vie.
- 38 A cet égard, le comité rappelle que, s'il appartient aux syndicats de respecter les dispositions législatives visant à assurer le maintien de l'ordre public, les autorités publiques, de leur côté, devraient s'abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d'organiser librement la tenue et le déroulement des réunions. Le comité estime en particulier que l'un des moyens d'éviter des incidents lors de manifestations publiques est que les autorités donnent une réponse suffisamment à l'avance aux demandes d'autorisation afin que les organisateurs de la manifestation disposent d'un temps suffisant pour prendre les dispositions nécessaires à son bon déroulement.
- 39 L'une des conséquences de la levée de l'état d'urgence a été la suppression des tribunaux populaires antisomozistes. Le comité doit constater avec regret qu'il n'apparaît pas que les jugements rendus par ces tribunaux d'exception soient susceptibles de révision. Seules des décisions politiques d'amnistie ou de grâce semblent possibles, mais la mission n'a pu connaître le nombre de syndicalistes qui avaient bénéficié de ces mesures depuis la levée de l'état d'urgence.
- 40 D'une manière générale, le comité doit souligner que certaines restrictions imposées par la législation ordinaire, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression, sont encore excessivement sévères. Le comité observe également que la révision de la législation en matière de procédure judiciaire est considérée par tous comme nécessaire. Si certaines limitations peuvent être justifiées en période de guerre, il conviendrait en revanche qu'elles soient abrogées en période normale. Le comité estime donc que le gouvernement devrait mettre à profit le processus de paix engagé au Nicaragua pour adopter une législation garantissant pleinement l'exercice des libertés publiques essentielles à l'exercice des droits syndicaux et élargissant les garanties judiciaires.
- 41 Pour ce qui est des questions relatives à la législation syndicale soulevées dans la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, à savoir le droit de grève et le droit de négociation collective, le comité prend note des informations recueillies par la mission sur ces points.
- 42 Au sujet du droit de grève, le comité note en particulier que ce droit qui avait été suspendu pendant l'état d'urgence peut à nouveau être exercé. Il observe que, au cours des six premiers mois de l'année 1988, 50 mouvements de grève ont été enregistrés mais que, cependant, certaines organisations syndicales font état de pressions ou de mesures de répression exercées à l'encontre de grévistes.
- 43 En ce qui concerne la négociation collective, le comité note que le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS) est maintenant utilisé uniquement comme valeur de référence et que les rémunérations sont établies selon la capacité économique de chaque centre de travail par des négociations bilatérales. Le comité doit cependant constater que, même s'il apparaît qu'au cours de 1988 aucun refus d'enregistrement de convention collective n'a été opposé par le ministère du Travail, l'approbation de ce ministère reste nécessaire pour que les conventions entrent en vigueur.
- 44 Au sujet des consultations tripartites en matière de normes internationales du travail, le comité observe que de nombreuses organisations de travailleurs et d'employeurs ont signalé qu'elles n'étaient en aucune manière consultées sur les questions mentionnées dans la convention no 144 Il note à cet égard que le gouvernement s'est déclaré prêt à étudier la constitution d'une commission consultative sur les normes internationales du travail. Le comité demande au gouvernement de constituer et de réunir cette commission le plus vite possible et d'y associer toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il lui demande de fournir des informations sur la constitution et les réunions de cette commission.
- 45 D'une manière générale, le comité note que l'Assemblée nationale se trouve actuellement dans une phase de première étape de préparation d'un nouveau Code du travail et que le gouvernement s'est engagé à demander la coopération du BIT pour la préparation du code et à informer régulièrement le Bureau des étapes suivies dans ce processus.
- 46 Le comité estime que le gouvernement devrait accorder une attention prioritaire à la préparation de ce code. Il demande instamment au gouvernement d'associer l'ensemble des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que, comme le gouvernement l'a lui-mêne accepté, le BIT à l'élaboration de ce code et il exprime le ferme espoir que le gouvernement pourra faire état très prochainement de progrès substantiels sur une nouvelle législation éliminant les divergences avec les , notamment en matière de reconnaissance du droit syndical à certaines catégories de travailleurs, de constitution des organisations, d'activités politiques des organisations, de contrôle des livres et registres des syndicats, de droit de grève et de droit à la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur le processus suivi pour l'élaboration de cette nouvelle législation.
- 47 Compte tenu des conclusions ainsi formulées, le comité observe que la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs au Nicaragua pose des problèmes importants en relation avec plusieurs principes fondamentaux en matière de liberté d'association et de liberté syndicale. Le comité estime donc que le gouvernement doit prendre dans les délais les plus brefs des mesures concrètes pour appliquer pleinement les conventions sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées. Ces mesures devraient couvrir d'un côté l'ensemble des problèmes qui se posent en droit et qui concernent aussi bien la préparation d'un nouveau Code du travail que l'adoption d'une législation garantissant le plein exercice des libertés publiques. Ces mesures d'ordre juridique devraient être accompagnées de mesures concernant des situations de fait telles que, en premier lieu, la libération des dirigeants d'organisations d'employeurs et de travailleurs actuellement détenus. Au cas où le gouvernement ne fournirait pas, d'ici la prochaine session du comité en février 1989, des informations prouvant un changement d'attitude en ces domaines et une volonté manifeste de réaliser des progrès dans la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs et de leurs dirigeants et membres, le comité se verrait dans la nécessité de remettre l'affaire au Conseil d'administration, en lui recommandant la constitution d'une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 48. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prend note du rapport de la mission d'étude effectuée au Nicaragua ainsi que des facilités que les autorités ont accordées au représentant du Directeur général pour mener à bien sa mission. Il déplore cependant que le représentant du Directeur général n'ait pas reçu l'autorisation de rencontrer l'une des personnes détenues avec laquelle la mission avait demandé de s'entretenir.
- b) Le comité demande au gouvernement de fournir une copie du texte du jugement qui sera rendu dans le cas de syndicalistes de la CUS actuellement détenus au système pénitentiaire "Zona franca" de Managua, mentionnés au paragraphe 14 ci-dessus.
- c) Le comité demande au gouvernement d'envisager l'adoption de mesures d'amnistie ou de réduction de peines en faveur de MM. Milton Silva Gaitán et Arcadio Ortíz Espinoza, syndicalistes qui avaient été condamnés à des peines de cinq et six ans de prison.
- d) Le comité demande à la Confédération mondiale du travail de fournir des informations complémentaires sur les circonstances de l'arrestation de M. Anastasio Jimenez Maldonado, Justino Rivera, Eva Gonzales et Eleazar Marenco.
- e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'arrestation des syndicalistes mentionnés au paragraphe 21 ci-dessus (faits concrets à l'origine des arrestations, texte des jugements, lieu de détention).
- f) Concernant les arrestations opérées à l'occasion d'une grève de la faim déclenchée par le Congrès permanent des travailleurs, le comité rappelle à l'attention du gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé entraîne des restrictions à la liberté syndicale et que les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
- g) Au sujet des assauts menés contre des locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes, le comité rappelle que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés.
- h) Au sujet des mesures prises à la suite de la manifestation de Nandaime, le comité estime, compte tenu du caractère politique de cette manifestation, qu'il appartient à d'autres instances internationales jouissant d'une compétence générale en matière de droits de l'homme d'examiner cette affaire.
- i) Au sujet de la confiscation de biens, le comité estime que ces mesures semblent avoir frappé particulièrement les dirigeants et membres du COSEP. Il considère que l'ensemble des dispositions relatives à l'indemnisation des confiscations de terres devraient être revues pour assurer une compensation réelle et juste des pertes subies par les propriétaires, et que le gouvernement devrait rouvrir les dossiers d'indemnisation à la demande des personnes qui estiment avoir été spoliées.
- j) Au sujet de la condamnation de M. Alegría, le comité exprime sa préoccupation devant la procédure suivie dans cette affaire et devant l'extrême sévérité de la peine prononcée en première instance. Le comité exprime le ferme espoir que la Cour d'appel de Managua réexaminera ce cas avec toute l'attention et l'indépendance nécessaires. Il demande au gouvernement de fournir une copie de l'arrêt de la Cour d'appel lorsqu'il sera prononcé.
- k) En ce qui concerne les libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux, le comité note que des restrictions excessivement sévères subsistent encore et il demande donc au gouvernement de mettre à profit le processus de paix engagé au Nicaragua pour adopter une législation garantissant pleinement l'exercice des libertés publiques et élargissant les garanties judiciaires.
- l) Au sujet des consultations tripartites en matière de normes internationales du travail, le comité demande au gouvernement de constituer et de réunir le plus vite possible une commission consultative en la matière et d'y associer toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il lui demande de fournir des informations sur la constitution et les réunions de cette commission.
- m) Au sujet de la législation syndicale, le comité demande instamment au gouvernement d'associer l'ensemble des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que, comme le gouvernement l'a déjà accepté, le BIT à l'élaboration du nouveau Code du travail qu'il entend préparer, et il exprime le ferme espoir que le gouvernement pourra faire état très prochainement de progrès substantiels sur une nouvelle législation conforme aux conventions nos 87 et 98.
- n) Compte tenu des conclusions ainsi formulées, le comité observe que la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs au Nicaragua pose des problèmes importants en relation avec plusieurs principes fondamentaux en matière de liberté d'association et de liberté syndicale. Le comité estime donc que le gouvernement doit prendre dans les délais les plus brefs des mesures concrètes pour appliquer pleinement les conventions sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées. Ces mesures devraient couvrir d'un côté l'ensemble des problèmes qui se posent en droit et qui concernent aussi bien la préparation d'un nouveau Code du travail que l'adoption d'une législation garantissant le plein exercice des libertés publiques. Ces mesures d'ordre juridique devraient être accompagnées de mesures concernant des situations de fait, telles que, en premier lieu, la libération des dirigeants d'organisations d'employeurs et de travailleurs actuellement détenus. Au cas où le gouvernement ne fournirait pas, d'ici la prochaine session du comité en février 1989, des informations prouvant un changement d'attitude en ces domaines et une volonté manifeste de réaliser des progrès dans la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs et de leurs dirigeants et membres, le comité se verrait dans la nécessité de remettre l'affaire au Conseil d'administration, en lui recommandant la constitution d'une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution.
Rapport du Professeur Fernando Uribe Restrepo, représentant du Directeur
Rapport du Professeur Fernando Uribe Restrepo, représentant du Directeur- général, sur la mission d'étude effectuée au Nicaragua (28 septembre - 5
- octobre 1988)
- I. Introduction
- Par une lettre du 23 mai 1988, le gouvernement du Nicaragua a proposé au
- Directeur général qu'une mission d'étude se rende au Nicaragua. A sa session
- de mai 1988, le Comité de la liberté syndicale, ayant constaté que cette
- invitation a été adressée selon les lignes que le comité avait lui-même
- envisagées, a recommandé au Conseil d'administration d'accepter cette
- proposition. Le Conseil a approuvé cette recommandation lors de sa 240e
- session (mai-juin 1988).
- Au cours d'un entretien tenu le 11 juin 1988 entre le Président du Comité de
- la liberté syndicale, M. Roberto Ago, et le ministre du Travail, M. Benedicto
- Meneses Fonseca, il a été convenu que, conformément au voeu exprimé par le
- Comité de la liberté syndicale, la mission d'étude serait chargée d'examiner
- les questions de fait et de droit en instance devant le comité. En outre, la
- mission devait examiner les problèmes liés aux commentaires formulés par la
- Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au
- sujet de l'application des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la
- protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de
- négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites
- (normes internationales du travail), 1976.
- Le Directeur général m'a désigné comme son représentant pour mener à bien
- cette mission qui s'est déroulée du 28 septembre au 5 octobre 1988. J'ai été
- accompagné au cours de la mission par MM. Bernard Gernigon, chef du Service de
- la liberté syndicale, et Christian Ramos Veloz, fonctionnaire de ce même
- service. Je dois souligner la compétence, le dévouement et le sens des
- responsabilités dont ont fait preuve mes accompagnateurs, dont le concours à
- la réussite de la mission a été déterminant.
- II. Déroulement de la mission
- Afin d'obtenir les informations les plus complètes possibles sur la situation
- syndicale, la mission s'est entretenue avec les représentants des milieux
- couvrant l'ensemble des opinions s'exprimant dans les domaines économique et
- social au Nicaragua.
- Du côté des autorités gouvernementales, la mission a rencontré MM. Benedicto
- Meneses Fonseca, ministre du Travail, et Fernando Cuadra, vice-ministre du
- Travail; le commandant Alonso Porras, vice-ministre de la Réforme agraire; le
- commandant René Vivas Lugo, vice-ministre de l'Intérieur; le docteur Omar
- Cortés, Procureur général de justice, ainsi que le docteur Rodrigo Reyes,
- président de la Cour suprême. De plus, la mission a eu plusieurs entretiens
- avec des hauts fonctionnaires du ministère du Travail.
- La mission s'est également entretenue soit au siège des organisations, soit
- dans les locaux du Programme des Nations Unies pour le développement, avec un
- nombre important d'organisations d'employeurs et de travailleurs représentant
- la quasi-totalité des organisations existant dans le pays au niveau national.
- Pour ce qui concerne les organisations de travailleurs, il s'agit de la
- Confédération générale du travail (CGT) (i), la Centrale des travailleurs du
- Nicaragua (autonome) (CTN (a)), la Centrale action et unité syndicales (CAUS),
- la Confédération d'unité syndicale (CUS), toutes les quatre regroupées au sein
- du Congrès permanent des travailleurs (CPT); la Centrale des travailleurs du
- Nicaragua (CTN); le Front ouvrier (FO); la Centrale sandiniste des
- travailleurs (CST); l'Association des travailleurs de l'agriculture (ATC);
- l'Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN); la Fédération
- des travailleurs de la santé (FED SALUD); l'Union des journalistes du
- Nicaragua (UPN) et l'Union nationale des employés (UNE).
- Quant aux organisations d'employeurs, la mission a rencontré les
- représentants du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP); l'Union
- nationale d'agriculteurs et d'éleveurs de bétail (UNAG); la Confédération
- nationale de la petite industrie (CONAPI) et l'Association des entreprises du
- Nicaragua (ADENIC) créée récemment.
- En outre, la mission s'est entretenue des questions liées à l'exercice des
- libertés publiques avec les représentants de la Commission nationale de
- promotion et de protection des droits de l'homme et de la Commission
- permanente des droits de l'homme.
- Enfin, la mission s'est rendue en province pour rencontrer M. Carlos
- Huembes, secrétaire général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua,
- actuellement détenu à La Granja (province de Granada), et pour visiter une
- exploitation agricole dont a été exproprié M. Bolaños, ancien président du
- Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP).
- La liste de l'ensemble des personnes rencontrées figure en annexe au présent
- rapport.
- Avant d'aborder les questions de fond qui faisaient l'objet de la mission,
- je dois témoigner des facilités que m'ont accordées les autorités
- gouvernementales, ce dont je tiens à les remercier. J'ai pu m'entretenir ainsi
- en toute liberté avec les personnes que j'avais souhaité rencontrer. La seule
- exception à cette liberté d'élaborer mon programme de visites a été que
- l'autorisation de rencontrer M. Mario Alegría, directeur de l'Institut
- nicaraguayen d'études économiques et sociales (organisme d'études du COSEP),
- actuellement détenu à la Zona Franca de Managua, ne m'a pas été accordée, bien
- que j'aie insisté à plusieurs reprises, avec la plus grande énergie possible,
- tant auprès des autorités du ministère du Travail que de celles du ministère
- de l'Intérieur sur l'importance de cette rencontre. Le gouvernement a précisé
- que cette réponse négative ne devait pas être considérée comme une volonté de
- faire obstacle au bon déroulement de la mission, mais qu'après avoir examiné
- attentivement ma demande et en avoir discuté, il a estimé que le cas de M.
- Mario Alegría devait être considéré comme une affaire d'espionnage et
- d'atteintes à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat et qu'en conséquence
- il ne concernait en aucune manière une affaire relevant du domaine du travail.
- Je dois regretter profondément le refus qui m'a été opposé de rendre cette
- visite à M. Alegría qui m'aurait permis de compléter mes informations sur sa
- condamnation et sa détention, comme j'ai eu l'occasion de le dire au
- vice-ministre du Travail qui nous a communiqué la décision du gouvernement le
- dernier jour de notre visite, d'autant que ce refus est de nature à jeter, à
- tort ou à raison, un doute sur la réalité de la volonté apparente du
- gouvernement de coopérer avec l'OIT dans le cadre de l'examen des plaintes.
- Je tiens enfin à remercier l'ensemble de mes interlocuteurs pour le climat
- de cordialité et de franchise qui a caractérisé tous les entretiens, ce qui
- m'a permis de recueillir des informations qui seront, je l'espère, utiles au
- Comité de la liberté syndicale, au Conseil d'administration et à la commission
- d'experts.
- Afin de faciliter l'examen du rapport, je crois utile d'examiner tout
- d'abord les questions relatives à la législation syndicale découlant des
- commentaires de la commission d'experts et de la plainte déposée en vertu de
- l'article 26 de la Constitution de l'OIT puis, dans une deuxième partie,
- celles concernant les libertés publiques liées à l'exercice des droits
- syndicaux et, enfin, les questions de fait en instance devant le Comité de la
- liberté syndicale.
- III. Législation syndicale
- Parmi les questions que je devais examiner au cours de la mission,
- figuraient celles qui découlent des commentaires de la commission d'experts
- sur l'application des conventions nos 87, 98 et 144.
- Ces commentaires ont trait, dans le cadre de l'application de la convention
- no 87, à la nécessité de:
- - garantir, par une disposition spécifique, le droit d'association des
- fonctionnaires, des travailleurs indépendants des secteurs urbain et rural et
- des personnes travaillant dans les ateliers familiaux pour la défense des
- intérêts professionnels de leurs mandants;
- - supprimer l'exigence de la majorité absolue des travailleurs d'une
- entreprise ou d'un centre de travail pour constituer un syndicat (art. 189 du
- Code du travail);
- - modifier la disposition sur l'interdiction générale des activités
- politiques aux syndicats (art. 204 b) du code);
- - modifier l'obligation faite aux dirigeants syndicaux de présenter les
- livres et registres du syndicat à l'autorité du travail sur la demande de l'un
- quelconque des membres du syndicat (art. 36 du règlement sur les associations
- professionnelles);
- - lever les limitations excessives à l'exercice du droit de grève, comme
- l'exigence de 60 pour cent des travailleurs pour déclencher une grève,
- l'interdiction des grèves dans les professions rurales lorsque les produits
- risquent de se détériorer si l'on n'en dispose pas immédiatement, et la
- possibilité pour les autorités de mettre fin à une grève qui a duré trente
- jours par l'arbitrage obligatoire si aucun règlement n'a eu lieu après la date
- d'autorisation de la grève (art. 225, 228 et 314 du code).
- Pour ce qui concerne la convention no 98, les commentaires concernent
- l'incompatibilité avec l'article 4 de la convention du décret no 530 du 24
- septembre 1980 qui soumet les conventions collectives à l'approbation du
- ministère du Travail et du Système national d'organisation du travail et des
- salaires (SNOTS) qui déterminait une politique salariale.
- En outre, la commission d'experts avait demandé au gouvernement de fournir
- des informations au sujet des consultations effectuées auprès des
- organisations d'employeurs et de travailleurs sur les normes internationales
- du travail dans le cadre de l'application de la convention no 144.
- La plainte déposée par plusieurs délégués employeurs en vertu de l'article
- 26 de la Constitution soulevait également certaines des questions qui avaient
- fait l'objet de commentaires de la commission d'experts, et notamment à la
- liberté syndicale, à la négociation collective et à la consultation tripartite
- en matière de normes internationales du travail.
- Avant d'aborder chacun de ces points, je dois souligner que je me suis
- attaché, au cours de mes entretiens avec les autorités du ministère du Travail
- et les organisations d'employeurs et de travailleurs, de traiter non seulement
- des problèmes de droit posés par la législation, mais également d'examiner
- comment celle-ci était appliquée en pratique.
- a) Droit d'association des fonctionnaires et de certaines autres catégories
- de travailleurs
- Pour ce qui a trait au droit syndical des fonctionnaires - qui n'est pas
- garanti par une disposition spécifique du Code du travail -, il ressort des
- informations obtenues au cours de la mission qu'environ 40 pour cent d'entre
- eux sont affiliés à l'Union nationale des employés (UNE) qui regroupe les
- travailleurs manuels et intellectuels des institutions étatiques. Les statuts
- de cette organisation, qui regroupe 45 syndicats de base et quelque 27.000
- travailleurs et qui est enregistrée au ministère du Travail et qui est donc
- dotée de la personnalité juridique, disposent que l'un de ses objectifs est de
- promouvoir de meilleures relations et conditions de travail. Les dirigeants de
- l'UNE que la mission a rencontrés ont indiqué que leur organisation menait ses
- activités comme tout autre syndicat, y compris en matière de négociation
- collective. Tous les fonctionnaires peuvent y adhérer, à l'exception de ceux
- qui exercent des fonctions de type politique (ministres, vice-ministres,
- directeurs de programmes). Il existe également une organisation de
- travailleurs de la santé (FED SALUD) et de l'enseignement (ANDEN), dont les
- représentants se sont entretenus avec la mission et qui regroupent environ les
- trois quarts des travailleurs de leurs secteurs respectifs. La Centrale
- sandiniste des travailleurs (CST) regroupe également en son sein des agents
- publics, et notamment des travailleurs municipaux et des entreprises
- étatiques.
- Les représentants de la Confédération d'unité syndicale (CUS) et du Front
- ouvrier (FO) ont signalé à la mission que s'il était vrai que les
- fonctionnaires peuvent s'affilier à un syndicat, cette liberté est, selon eux,
- limitée car il est en pratique impossible aux fonctionnaires de créer un
- syndicat qui aurait une attitude d'opposition au gouvernement. Les dirigeants
- de la CUS ont également indiqué que les fonctionnaires font l'objet de
- pressions pour s'affilier à l'UNE s'ils veulent conserver leur emploi ou
- obtenir une promotion.
- Pour leur part, les délégations de l'Association nationale des enseignants
- du Nicaragua et de la Fédération des travailleurs de la santé ont souligné que
- l'unité syndicale existant dans leur secteur répondait à la volonté des
- travailleurs. Selon eux, aucun cas de demande d'enregistrement d'un syndicat
- indépendant des organisations existantes ne s'est présenté. Mais aucun
- obstacle légal ne s'oppose à la constitution d'une telle organisation.
- Pour ce qui est des travailleurs indépendants et des travailleurs des
- ateliers familiaux, la mission a constaté qu'un nombre important d'entre eux
- sont regroupés au sein de la Confédération nationale de la petite industrie
- (CONAPI) qui regroupe 10.800 employeurs affiliés qui occupent quelque 40.000
- travailleurs. Beaucoup de ces affiliés sont des ateliers familiaux et, selon
- l'opinion des dirigeants de la CONAPI, le droit d'association des travailleurs
- de ces ateliers ne revêt pas d'importance en pratique.
- b) Restrictions à la constitution et fonctionnement des organisations
- syndicales
- Le ministère du Travail a reconnu que, comme l'a signalé la commission
- d'experts, certaines dispositions du règlement des associations syndicales ne
- s'ajustent pas au libre exercice des droits politiques et syndicaux des
- organisations représentatives. Il a été rappelé à cet égard que la législation
- en vigueur est précisément un héritage législatif du régime antérieur avec les
- conséquences que cela implique. Les autorités du ministère du Travail estiment
- par exemple que l'interdiction des activités politiques n'a pas lieu d'être.
- Comme le reste de la législation, le règlement des associations syndicales
- sera soumis prochainement à des modifications, à mesure qu'avance le processus
- de révision de toute la structure juridique du pays qui a commencé avec la
- promulgation de la Constitution.
- Les autorités du ministère du Travail ont souligné qu'elles n'avaient pas -
- tout comme les autorités gouvernementales en général - imposé d'obstacles
- majeurs aux activités politiques et syndicales des organisations, sauf dans
- les cas où il existait une évidente violation des dispositions qui protègent
- l'ordre public. Elles ont ajouté que s'il est vrai que, dans quelques cas, les
- fonctionnaires du ministère du Travail, en stricte conformité avec la
- législation, ont demandé aux syndicats de se conformer aux exigences établies
- par la loi, dans beaucoup d'autres circonstances ils ont agi avec un maximum
- de souplesse. Il apparaît ainsi, dans un tableau remis à la mission par le
- ministère du Travail, que 15 syndicats de la région de Managua, affiliés à des
- centrales syndicales d'opposition au gouvernement, n'ont pas procédé aux
- élections de leurs organes directeurs depuis plusieurs années. Néanmoins, le
- ministère du Travail n'a pris aucune mesure corrective ni aucune disposition
- restrictive. Au contraire, selon le ministère du Travail, ces syndicats
- continuent de fonctionner normalement, même si leurs directions n'ont pas été
- renouvelées normalement, comme l'établit la législation.
- Sur cette question de la constitution et du fonctionnement des
- organisations, certaines organisations syndicales se sont plaintes de
- l'attitude excessivement pointilleuse du ministère du Travail pour
- l'enregistrement des organisations. Ainsi, les représentants de la Centrale
- des travailleurs du Nicaragua (CTN) ont signalé que les travailleurs se
- heurtaient parfois à des tracasseries administratives pour constituer des
- syndicats, par exemple à des demandes d'informations extrêmement détaillées.
- Les représentants de la Confédération générale du Travail (CGT) ont déclaré à
- cet égard que, déjà en 1985, ils avaient adressé une lettre au ministre du
- Travail - dont ils ont fourni une copie - pour attirer son attention sur ces
- pratiques qui vont même au-delà des exigences de la législation. Aucune
- réponse ne leur aurait été donnée. Cette omission a été portée à la
- connaissance du ministère du Travail qui n'a pas donné d'explication à ce
- sujet. La Confédération d'unité syndicale (CUS) a, pour sa part, remis à la
- mission une liste d'organisations dont la demande d'enregistrement est
- apparemment restée sans réponse. La CUS a également signalé que, afin d'éviter
- des tracasseries administratives, certaines organisations de base
- dissimulaient leur nombre exact d'adhérents et le limitaient au nombre minimum
- requis par la législation dans leur demande d'enregistrement. Dans le même
- ordre d'idée, un dirigeant du Front ouvrier, centrale de tendance
- marxiste-léniniste, a déclaré qu'afin d'accélérer leur enregistrement certains
- syndicats ne mentionnaient pas dans leurs statuts leur affiliation à sa
- centrale. En outre, selon la CTN, des pressions et des menaces seraient
- exercées à l'encontre des dirigeants des syndicats qui souhaitent se
- désaffilier de la Centrale sandiniste des travailleurs.
- Interrogées sur les difficultés que rencontreraient ainsi les organisations,
- les autorités du ministère du Travail ont souligné que, pour pouvoir être
- enregistrées, les organisations devaient évidemment, conformément à la loi,
- fournir un certain nombre d'informations, mais que l'attitude du gouvernement
- dans ce domaine, loin d'être restrictive, avait été ouverte. C'est ainsi que,
- depuis 1987, un programme de décentralisation de l'enregistrement des
- syndicats a été mis en place, ce qui facilite les démarches, en particulier
- pour les organisations de province. Ces autorités ont également indiqué que,
- depuis l'avènement au pouvoir de la Révolution sandiniste en juillet 1979
- jusqu'en décembre 1987, 1.515 syndicats affiliés à sept centrales syndicales
- de diverses tendances idéologiques ont été enregistrés. Elles ont observé que
- le ministère avait eu de sérieuses difficultés de fonctionnement en raison de
- la mobilité du personnel qui comprend, en outre, un effectif limité, ce qui
- affecte son niveau de formation. Les dirigeants de l'UNAG ont confirmé ce
- point de vue en indiquant que les problèmes d'enregistrement des syndicats
- sont d'ordre pratique - en raison de la prolifération des associations au
- Nicaragua (par exemple, il en existe plus de 400 de nature religieuse) - et
- non d'ordre légal.
- Un autre problème d'ordre pratique qui pourrait influer sur la constitution
- et le fonctionnement des organisations a été relevé par certains de mes
- interlocuteurs. Il s'agit des avantages qui seraient accordés aux
- organisations tant d'employeurs que de travailleurs proches du gouvernement.
- C'est ainsi que les dirigeants du COSEP ont déclaré que les employeurs
- affiliés à l'Union nationale des agriculteurs et éleveurs de bétail (UNAG) se
- voyaient accorder des facilités de crédit. Du côté travailleurs, les affiliés
- de la Centrale sandiniste des travailleurs (CST) obtiendraient, selon le Front
- ouvrier, des avantages pour leur approvisionnement. De même, les dirigeants
- des organisations regroupées dans le Congrès permanent des travailleurs (CPT)
- ont déclaré que certaines organisations, notamment dans le secteur de
- l'agriculture, étaient patronnées par les autorités gouvernementales. La CST a
- nié l'existence d'une situation discriminatoire, et les autorités du ministère
- du Travail ont souligné pour leur part que la législation en matière de crédit
- financier s'appliquait à tous sans que l'affiliation à telle ou telle
- organisation soit prise en considération. En matière d'approvisionnement,
- elles ont indiqué que la population pouvait acheter librement les produits de
- consommation, sans aucune discrimination. Ce qui peut se produire, toujours
- selon les autorités du ministère du Travail, c'est qu'un syndicat négocie
- directement avec les producteurs en vue d'obtenir de meilleurs prix et
- services pour ses membres.
- c) Droit de grève
- Selon le ministère du Travail, le caractère antipopulaire de la dictature
- somoziste explique que le Code du travail établisse une série de procédures
- extrêmement complexes pour que la grève puisse être reconnue comme légale
- (conciliation, arbitrage, possibilité de fermeture du centre de travail, etc.)
- . Pendant le régime somoziste, la grève a constitué un moyen de lutte de grand
- poids et de grande signification pour les travailleurs. En revanche, les
- termes des relations entre employeurs et travailleurs sont maintenant
- substantiellement modifiés. Dans le cadre de l'économie mixte, le gouvernement
- assume, selon les autorités du ministère du Travail, un rôle de garant
- effectif des droits des travailleurs et des employeurs. Ces autorités ont
- également souligné que la prolifération des commissions bipartites par
- entreprise, les conseils de production, les instances de consultation par
- branches d'activité sont des expressions concrètes de l'espace politique et
- économique conquis par le mouvement syndical pour présenter ses
- revendications. Selon le ministère du Travail, il n'a pas été nécessaire
- d'avoir recours à la grève pour atteindre ces objectifs puisque, précisément,
- les travailleurs bénéficient d'une politique sociale qui privilégie leurs
- intérêts et leurs besoins.
- Les autorités du ministère du Travail ont déclaré reconnaître pleinement le
- droit de grève comme instrument de lutte du mouvement syndical. Cette position
- du gouvernement a été reflétée juridiquement dans la Constitution nationale
- (art. 83). Cependant, dans la mesure où la volonté politique de l'Etat
- garantit la solution satisfaisante des revendications du monde du travail,
- l'exercice du droit de grève est réservé uniquement comme recours extrême. En
- outre, les autorités ont souligné que le Nicaragua souffre d'une agression
- externe ayant des conséquences très graves sur le plan matériel et humain et
- qu'il existe ainsi, sans aucun doute, des conditions d'exception dans
- lesquelles la grève a des incidences directes sur les possibilités de
- récupération économique des effets du conflit, au préjudice de la grande
- majorité de la population nicaraguayenne. Toujours selon ces autorités, les
- tensions nées du blocus économique et les déficiences technologiques de la
- structure productive héritée du somozisme se verraient aggravées par un usage
- irréfléchi de la grève.
- L'opinion des organisations de travailleurs varie quant aux possibilités
- d'exercice effectif du droit de grève. Ainsi, les organisations syndicales
- opposées au gouvernement estiment généralement que la levée de l'état
- d'urgence de janvier 1988 qui a remis en vigueur le droit de grève n'a guère
- eu de conséquences pratiques. Selon elles, en effet, les travailleurs qui
- souhaitent déclencher une grève sont soumis à des menaces ou à des
- représailles professionnelles ou pénales (licenciements, arrestations, etc.).
- Des exemples ont été donnés à la mission, notamment dans le cas de la grève du
- secteur de la construction du 25 avril au 5 mai 1988, où des travailleurs ont
- été arrêtés. Les organisations syndicales d'opposition ont également signalé
- que la loi sur le maintien de l'ordre et la sécurité publics (no 1074) de
- juillet 1982 était utilisée pour réprimer les mouvements de grève. Aux termes
- de cette loi, sont notamment considérés comme commettant des délits contre la
- sécurité publique ceux qui révèlent des secrets au préjudice de la sécurité
- économique du pays et ceux qui empêchent ou tentent d'empêcher les autorités
- d'exercer librement leurs fonctions. Selon cette loi, sont punis de un à
- quatre ans de prison ceux qui diffusent de fausses nouvelles destinées à
- provoquer des altérations aux prix, aux salaires, etc.
- En revanche, d'autres organisations syndicales considèrent que la levée de
- l'état d'urgence a permis à nouveau aux travailleurs d'avoir recours à la
- grève. Les dirigeants de l'Association nationale des enseignants du Nicaragua
- (ANDEN) ont mentionné des cas où des travailleurs de leur secteur avaient
- déclenché des mouvements de grève sans qu'ils fassent l'objet de représailles.
- Des cas d'arrêts de travail ont également été évoqués par la Fédération des
- travailleurs de la santé (FED SALUD) qui a observé toutefois que, dans
- certains cas, des représailles avaient pu être exercées contre des grévistes.
- Ces problèmes ont pu être réglés par l'intervention de la fédération.
- Au sujet de l'exercice pratique du droit de grève, les autorités du
- ministère du Travail ont affirmé que les syndicats avaient eu recours à la
- grève, même pendant la durée de l'état d'urgence où ce droit était suspendu.
- Ainsi, en 1987, neuf grèves ont été déclenchées dans différents secteurs
- d'activité (métallurgie, secteur sucrier, production alimentaire). Bien que
- ces grèves ne fussent pas légales, ont ajouté ces autorités, le gouvernement
- ne les a pas réprimées mais a entamé immédiatement des négociations en
- promouvant des concessions mutuelles entre les parties aux conflits.
- Depuis la levée de l'état d'urgence jusqu'au 30 juin 1988, 50 grèves
- impliquant un total de 4.617 travailleurs ont été enregistrées. Selon le
- ministère du Travail, la grande majorité de ces grèves a été déclenchée sans
- que les dispositions du Code du travail soient strictement appliquées et,
- néanmoins, le gouvernement a recherché la solution à ces conflits sur la base
- de la persuasion et du dialogue avec les intéressés.
- Les autorités du ministère du Travail ont également souligné que la grève a
- été parfois utilisée clairement à des fins de boycottage économique et
- d'agitation politique. Ainsi, selon le gouvernement, au cours de la grève
- menée du 25 avril au 5 mai 1988 dans le secteur de la construction, un secteur
- minoritaire dirigé par des centrales syndicales liées aux partis politiques
- opposés à la révolution sandiniste a prétendu utiliser des revendications
- professionnelles comme forme de pression et de chantage politiques, en
- recourant même à la grève de la faim. Pour maintenir l'ordre public, les
- autorités de police ont arrêté un moment quelques provocateurs qui ont été
- remis en liberté par la suite. Selon le ministère du Travail, la grève a pris
- fin sans intervention directe de la police pour libérer les locaux occupés, et
- le problème qui était à l'origine du conflit a été résolu favorablement par
- une baisse du rendement que les travailleurs devaient maintenir. Toujours
- selon le ministère du Travail, une convention collective est actuellement en
- cours de négociation sans que les organisations syndicales qui dirigeaient la
- grève aient voulu y participer, en accord avec les partis politiques qui les
- dirigent.
- d) Négociation collective
- Pour justifier les restrictions qui ont pu s'exercer en matière de
- négociation collective, les autorités du ministère du Travail ont expliqué
- qu'au début de la Révolution sandiniste, un secteur significatif des
- entreprises privées ont commencé à "décapitaliser" leurs actifs. Selon ces
- autorités, l'une des méthodes utilisées à cette fin a été précisément de
- négocier et d'accorder des conditions de travail supérieures aux capacités
- réelles des entreprises, ce qui leur permettait, à moyen terme, de demander la
- suspension ou la fermeture des entreprises en alléguant un manque de
- liquidités ou une insolvabilité financière.
- Les autorités du ministère du Travail ont donc décidé de participer à la
- négociation de façon plus active, avec une connaissance préalable de la
- situation des entreprises, en vue de sauvegarder l'emploi des travailleurs. De
- même, selon ces autorités, un effort national d'ordonnancement des niveaux de
- revenu a été nécessaire tant pour assurer l'élimination des différences
- injustes de salaires que pour rechercher des procédures de classification de
- la structure professionnelle du pays. C'est ainsi qu'à partir de 1984 a
- commencé à être appliqué le Système national d'organisation du travail et des
- salaires (SNOTS) qui établissait notamment des catégories d'emploi et des
- tarifs salariaux correspondants. Ces catégories étaient, selon le ministère du
- Travail, déterminées par une négociation tripartite tenant compte des
- particularités des entreprises et des revendications des syndicats. L'une des
- principales finalités du système avait été de mettre un terme aux grandes
- inégalités existantes.
- Le ministère du Travail estime que, malgré ces éléments, la participation de
- l'Etat dans la négociation collective n'a pas constitué un obstacle à la
- conclusion de conventions puisque, du 19 juillet 1979 au deuxième semestre
- 1987, 1.192 conventions collectives couvrant 380.665 travailleurs urbains et
- ruraux ont été signées.
- Enfin, les autorités du ministère du Travail ont signalé que la réforme
- économique adoptée en 1988 a réduit au minimum le rôle du ministère du Travail
- dans la fixation des salaires. Actuellement, les montants salariaux fixés dans
- le cadre du SNOTS sont utilisés uniquement comme salaires de référence. Les
- rémunérations sont établies selon la capacité économique et la rentabilité de
- chaque centre de travail par une négociation bilatérale entre employeurs et
- travailleurs. Une détermination centralisée des revenus n'existe plus que pour
- les administrations du gouvernement central. Le rôle des autorités du
- ministère du Travail est donc maintenant réduit à un caractère purement
- formel. A cet égard, il convient de faire mention de la déclaration d'un
- dirigeant syndical qui a affirmé que le SNOTS est maintenant un "cadavre non
- enterré".
- Les organisations d'employeurs et de travailleurs que la mission a
- rencontrées ont reconnu que le Système national d'organisation du travail et
- des salaires ne s'appliquait plus que comme un élément de référence et que les
- salaires pouvaient donc être fixés librement. Les dirigeants de la
- Confédération générale du travail ont estimé que le système du SNOTS ne
- pouvait pas fonctionner car il n'existe pas de véritable planification
- économique au Nicaragua. Pour sa part, l'Union nationale des agriculteurs et
- éleveurs de bétail (UNAG) a considéré que ce système équivalait à une
- "camisole de force" pour les interlocuteurs sociaux. L'UNAG a qualifié le rôle
- du ministère du Travail après la réforme économique comme celui d'un amiable
- compositeur. Toutefois, certaines des organisations rencontrées, notamment le
- Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), le Congrès permanent des
- travailleurs (CPT), la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) et le
- Front ouvrier (FO) ont critiqué le fait que les conventions devaient toujours
- être approuvées par le ministère du Travail. Il semble cependant qu'au cours
- de 1988 aucun refus d'enregistrement de convention collective n'ait été opposé
- par le ministère.
- e) Consultations tripartites en matière de normes internationales du travail
- De nombreuses organisations de travailleurs et d'employeurs ont signalé
- qu'elles n'étaient en aucune matière consultées, contrairement à ce que
- prévoit la convention no 144. Les dirigeants du COSEP ont toutefois déclaré
- que le gouvernement leur avait envoyé, quelques jours auparavant, des
- questionnaires relatifs aux thèmes que la prochaine Conférence internationale
- du Travail discutera.
- Le ministère du Travail a souligné la difficulté de procéder à des
- consultations tripartites en raison du grand nombre d'organisations syndicales
- et professionnelles existant dans le pays avec des opinions extrêmement
- diverses et entretenant souvent des relations conflictuelles de nature
- politique. Il a observé, en outre, qu'il n'est pas toujours facile de
- déterminer quelle est l'organisation la plus représentative. Le ministère
- s'est néanmoins déclaré prêt à étudier la constitution d'une commission
- consultative sur les normes internationales du travail.
- f) Perspectives d'une nouvelle législation syndicale
- Les autorités du ministère du Travail ont informé la mission que l'Assemblée
- nationale se trouvait actuellement dans une phase de première étape de
- préparation d'un nouveau Code du travail. La commission compétente de
- l'Assemblée a déjà procédé à la consultation de diverses organisations
- syndicales dont certaines opposées au gouvernement qui l'ont confirmé à la
- mission. Le ministère du Travail a précisé que, dans les tous prochains jours,
- une table ronde regroupant l'ensemble des organisations d'employeurs et de
- travailleurs serait organisée sur ce thème. Le COSEP a déclaré quant à lui ne
- pas avoir été consulté sur les travaux relatifs à un nouveau Code du travail.
- Sur proposition de la mission, le ministre du Travail a déclaré que le
- gouvernement demanderait la coopération du Bureau international du Travail
- pour la rédaction de ce nouveau code. Le gouvernement s'est également engagé à
- informer le BIT des étapes suivies dans ce processus. Entre-temps, la mission
- a remis au ministère du Travail des propositions de modification de la
- législation qui seraient susceptibles de donner satisfaction aux commentaires
- de la commission d'experts. Le ministère du Travail étudiera ces propositions
- dans le cadre de la préparation du nouveau Code du travail.
- IV. Libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux
- La plainte déposée par certains délégués employeurs en vertu de l'article 26
- de la Constitution de l'OIT alléguait notamment que le Nicaragua était en état
- d'urgence depuis plusieurs années. Selon les plaignants, cette situation était
- utilisée par le gouvernement pour supprimer les droits essentiels à
- l'exécution de la convention no 87. Par la suite, les organes de contrôle de
- l'OIT ont noté que, par le décret no 247 du 18 janvier 1988, l'état d'urgence
- a été levé sur tout le territoire national et qu'en conséquence ont été
- rétablis tous les droits constitutionnels qui avaient été suspendus.
- Toutefois, tant le Comité de la liberté syndicale que la commission d'experts
- ont demandé au gouvernement de fournir des informations concrètes sur la
- reprise des activités syndicales. Je me suis donc efforcé, au cours de mes
- entretiens avec les représentants des autorités et ceux des organisations,
- d'obtenir des informations sur les conséquences pratiques de la levée de
- l'état d'urgence en matière de libertés publiques liées à l'exercice des
- droits syndicaux.
- D'une manière générale, l'opinion des diverses organisations d'employeurs et
- de travailleurs que la mission a rencontrées varie sur les conséquences de la
- levée de l'état d'urgence. Pour les dirigeants du COSEP, le processus de paix
- qui a permis de lever l'état d'urgence aurait dû entraîner logiquement une
- normalisation de la situation. Or, selon eux, l'inverse s'est produit en
- pratique et la répression s'est exercée à l'encontre des organisations
- indépendantes des autorités. Ainsi, selon le COSEP, la levée de l'état
- d'urgence n'a entraîné aucune amélioration dans la vie des organisations
- syndicales et professionnelles.
- Les dirigeants des organisations regroupées dans le Congrès permanent des
- travailleurs (CPT) ont estimé que la levée de l'état d'urgence a pu entraîner
- quelques améliorations formelles, mais ils ont souligné que les organisations
- d'opposition au gouvernement demeurent soumises à des actes arbitraires et à
- des représailles, soit de la part des autorités policières elles-mêmes, soit
- de groupes liés aux autorités. Les représentants de la Centrale des
- travailleurs du Nicaragua (CTN) ont également déclaré que la levée de l'état
- d'urgence n'a entraîné que des changements très relatifs car les actes
- répressifs perpétrés à l'encontre des dirigeants syndicaux se sont poursuivis
- et même intensifiés. Selon la CTN, les motifs des arrestations ne sont jamais
- officiellement de nature syndicale car les autorités invoquent d'autres
- motifs: liens avec la contre-révolution, atteintes à l'ordre public et à la
- sécurité de l'Etat, etc. Cette situation rend en pratique extrêmement
- difficiles les activités syndicales. Il a été également indiqué à la mission
- que l'Assemblée nationale discutait un projet de loi sur l'état d'urgence dont
- l'objet serait de réglementer de manière drastique les dispositions
- applicables en cas de proclamation de l'état d'urgence, et que ce projet de
- loi est notoirement sévère. Selon la CUS, aux termes de ce projet, l'état
- d'urgence peut être déclaré en cas de guerre, de crise économique ou de
- catastrophe nationale et, lorsqu'il est en vigueur, le président a, entre
- autres, de larges pouvoirs pour suspendre les droits et garanties
- constitutionnels, décréter des arrestations préventives et domiciliaires et
- suspendre les moyens de communication.
- En revanche, les organisations proches du gouvernement ont estimé que la
- levée de l'état d'urgence avait permis le retour à l'exercice effectif des
- droits des organisations qui ne sont plus soumises, selon elles, à des
- restrictions quant à leurs activités.
- Les diverses autorités gouvernementales ont souligné pour leur part que,
- depuis la levée de l'état d'urgence, les lois ordinaires s'appliquaient sans
- qu'aucune des libertés inscrites dans la Constitution nationale ne soit
- suspendue.
- Afin de dresser un bilan de la situation en matière de libertés publiques
- liées à l'exercice des droits syndicaux, j'examinerai successivement les
- questions relatives au droit d'expression, au droit de manifestation et de
- réunion, aux garanties judiciaires et à l'amnistie et aux grâces.
- a) Droit d'expression
- L'ensemble des personnes rencontrées par la mission ont affirmé et reconnu
- que la levée de l'état d'urgence avait entraîné l'abolition de la censure
- préalable à laquelle étaient soumis les moyens de communication. Ceci rend
- évidemment plus facile la publication de revues syndicales. C'est ainsi, par
- exemple, que la Confédération d'unité syndicale (CUS) édite à nouveau sa revue
- "Solidaridad".
- Cependant, divers interlocuteurs de la mission ont mis en évidence les
- difficultés auxquelles se heurtent les organisations pour exprimer leurs
- opinions par voie de presse, malgré l'abandon de la censure préalable. Les
- organisations d'opposition manquent souvent de moyens financiers pour émettre
- des publications. Elles font face également à une crise d'approvisionnement en
- papier. Enfin et surtout, elles déclarent être en permanence sous le risque
- d'une suspension ou d'une fermeture de leurs publications en raison des
- restrictions importantes imposées par la législation pertinente, comme le
- prouvent les suspensions d'organes de presse écrite ou orale qui ont été
- décrétées depuis la levée de l'état d'urgence (notamment la Pensa et Radio
- Católica en juillet 1988). Il s'instaure aussi, selon elles, une sorte
- d'autocensure destinée à éviter des mesures répressives de la part des
- autorités. Lorsque ces règles ne sont pas suivies, il peut en résulter des
- conséquences extrêmement graves, comme dans le cas de M. Alegría, directeur
- d'un institut du COSEP (voir développements sur ce cas ci-après dans le
- rapport).
- Pour le gouvernement, la liberté d'expression et plus particulièrement la
- liberté de la presse sont respectées depuis la levée de l'état d'urgence. Les
- autorités ont autorisé la réouverture de 17 journaux parlés, deux revues de
- radio, deux revues imprimées et deux hebdomadaires, tous liés à des groupes
- d'opposition. Cependant, selon les milieux gouvernementaux, les médias de
- l'opposition ont défié la légalité et agi de façon irresponsable en publiant
- des mensonges et des calomnies dont l'inexactitude a été démontrée, comme dans
- le cas de M. Rafael Blandon, dirigeant syndical dont on avait allégué
- l'assassinat (voir ci-après dans le rapport). Les autorités ont également
- signalé que la Commission de réconciliation nationale mise en place après les
- accords de paix d'Esquipulas II avait exhorté les mass media du pays à
- promouvoir le respect à la dignité et à l'honneur des personnes, à modérer le
- langage utilisé et à être plus objectifs dans l'information.
- La Constitution nationale reconnaît le droit d'expression en son article 30
- qui dispose que "les Nicaraguayens ont le droit d'exprimer librement leur
- pensée". L'article 66 énonce que "les Nicaraguayens ont le droit à
- l'information conforme à la vérité", tandis que l'article 67 précise que "le
- droit d'informer est une responsabilité sociale et s'exerce dans le strict
- respect des principes établis par la Constitution. Ce droit ne peut être
- soumis à censure, mais peut entraîner des responsabilités ultérieures établies
- par la loi."
- La liberté de la presse est réglementée par la loi générale provisoire sur
- les moyens de communication, qui a été promulguée le 13 septembre 1979 et
- révisée par la suite, notamment le 30 avril 1981. Cette loi établit, en son
- article 2, que les critiques ou commentaires doivent être émis à des fins
- constructives et basés sur des faits dûment vérifiés. Aux termes de l'article
- 3, tel que modifié par l'incorporation des décrets nos 511 et 512 du 17
- septembre 1980, il est interdit de publier, distribuer, circuler, exposer,
- diffuser, exhiber, transmettre ou vendre des écrits qui compromettent la
- sécurité interne du pays ou la défense nationale ou qui y portent atteinte et
- des écrits qui compromettent la stabilité économique de la nation ou qui y
- portent atteinte. Dans ces deux cas, avant d'être publiées, les informations
- doivent être vérifiées auprès des autorités respectives (ministère de la
- Défense et de l'Intérieur et ministère du Commerce intérieur). En cas de
- violation de ces textes, les organes de presse peuvent être suspendus de
- manière temporaire ou définitive.
- Selon des informations communiquées par l'Union des journalistes du
- Nicaragua, 14 suspensions de journaux écrits ou parlés ont été prononcées en
- 1988 par la Direction des moyens de communication pour une durée maximum de
- deux semaines. Les raisons invoquées pour ces suspensions sont, dans six cas,
- la transmission de fausses informations; dans deux, la transmission de
- communiqués de la contre-révolution; dans deux, la présentation de la femme
- comme objet sexuel; dans un, l'absence de vérification d'informations avec
- l'armée ou le ministère de l'Intérieur; dans un, l'apologie d'un délit; et
- dans deux, des atteintes à la sécurité interne du pays ou à la défense
- nationale.
- b) Droits de manifestation ou de réunion
- Avec la levée de l'état d'urgence, le droit de manifestation et de réunion
- est de nouveau formellement reconnu. Cependant, selon diverses organisations
- d'opposition au gouvernement, l'important est de prendre en considération tous
- les obstacles pratiques qui se présentent pour exercer effectivement ce droit.
- Ainsi, les organisations de travailleurs regroupées au sein du Congrès
- permanent des travailleurs (CPT) ont indiqué que, la plupart du temps, les
- autorités du ministère de l'Intérieur ne répondaient que très tardivement
- (seulement quarante-huit heures à l'avance) aux demandes d'autorisation de
- manifestations publiques pourtant déposées longtemps à l'avance. Les
- organisations sont ainsi placées dans une situation difficile: soit elles
- attendent l'autorisation et ne disposent pas du temps suffisant pour organiser
- la manifestation, soit elles appellent à manifester avant d'obtenir
- l'autorisation mais se heurtent, dans ce cas, à des risques de sanctions et de
- répression. Par ailleurs, les manifestations une fois autorisées sont sujettes
- à des provocations qui donnent une justification à l'intervention de la
- police, aux arrestations et aux condamnations qui s'ensuivent.
- Le vice-ministre de l'Intérieur a souligné que les demandes d'organisation
- de manifestations présentées par les organisations syndicales étaient peu
- nombreuses. En revanche, les partis politiques déposent souvent des demandes
- qui sont, pour la plupart, acceptées bien que le gouvernement manifeste plus
- de réticences à accorder des autorisations depuis les incidents survenus lors
- de la manifestation de Nandaime, en juillet 1988. De toute manière, a indiqué
- le vice-ministre, l'autorisation de manifestation est régie par une
- réglementation dépassée, adoptée en 1924. Le ministère du Travail a fourni à
- la mission un tableau des manifestations publiques organisées par des
- syndicats ou partis politiques d'opposition en 1988. Il ressort de ce tableau
- que neuf manifestations ont eu lieu, dont trois spécifiquement organisées par
- des organisations syndicales. Le Procureur général de justice a observé à cet
- égard que les manifestations strictement syndicales de commémoration du 1er
- mai n'ont donné lieu à aucun incident, ce qui a été confirmé par les milieux
- syndicaux d'opposition.
- En revanche, selon les autorités gouvernementales, les manifestations qui
- poursuivaient des objectifs politiques ont souvent donné lieu à des actes de
- violence qui ont dû être réprimés, conformément à la loi. Ainsi, la Commission
- de réconciliation nationale, dans son rapport de mars 1988, a dû lancer un
- appel à tous les partis politiques pour qu'ils s'abstiennent d'avoir recours à
- la violence dans leurs différentes manifestations publiques, réunions ou
- meetings. Certaines situations résultant de ces incidents ont pu, selon le
- gouvernement, être résolues dans le cadre du dialogue national avec les partis
- politiques. Par exemple, le 27 mars 1988, 25 personnes arrêtées à Masaya au
- cours d'une manifestation contre le service militaire patriotique ont été
- libérées.
- Les autorités gouvernementales ont insisté enfin sur le fait que ces
- manifestations politiques s'inscrivaient dans un plan de déstabilisation du
- pays inspiré et financé de l'étranger et mis en oeuvre par un secteur de
- l'opposition interne regroupée dans la coordination démocratique, mouvement
- auquel appartiennent notamment le Conseil supérieur de l'entreprise privée
- (COSEP) et la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN).
- Il a été en outre indiqué à la mission que les réunions organisées dans les
- locaux syndicaux n'étaient pas sujettes à autorisation préalable, mais
- qu'elles pouvaient être entravées par la surveillance policière permanente
- dont font l'objet les locaux syndicaux et par des interventions violentes de
- groupes paragouvernementaux. Par ailleurs, les réunions et manifestations sont
- réglementées par la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics
- (décret no 1074 de 1982), laquelle est considérée comme trop drastique par les
- secteurs de l'opposition.
- c) Garanties judiciaires
- Simultanément à la levée de l'état d'urgence, le décret no 296 du 19 janvier
- 1988 a supprimé les tribunaux populaires antisomozistes. Interrogés sur les
- conséquences de cette suppression, les dirigeants du Conseil supérieur de
- l'entreprise privée (COSEP), du Congrès permanent des travailleurs (CPT) et de
- la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) ont estimé qu'elle n'avait que
- peu d'effets en pratique, car les magistrats restaient les mêmes, la majorité
- des membres des tribunaux populaires antisomozistes ayant été intégrée dans le
- cadre judiciaire normal. Les dirigeants du COSEP ont insisté sur le fait que
- la justice n'était pas indépendante du pouvoir exécutif, et ceci à tous les
- niveaux juridictionnels. Selon plusieurs interlocuteurs de la mission, les
- condamnations sont prononcées sur la base de preuves subjectives (par exemple
- des déclarations des accusés) et sans que les droits à la défense soient
- pleinement respectés. Ces personnes ont ajouté que les juges donnent
- fréquemment valeur de preuves à de simples indices et statuent sur la base de
- ce qu'ils appellent la "saine critique révolutionnaire".
- Le président de la Cour suprême a expliqué à cet égard que n'existait
- pendant l'état d'urgence qu'un tribunal populaire antisomoziste à Managua
- (l'un de première instance, l'autre de seconde instance) auxquels sont venus
- s'ajouter, six mois avant la levée de l'état d'urgence, deux autres tribunaux
- de première instance en province. Comme le nombre de juges par tribunal
- n'était que de trois (un juriste et deux assesseurs non juristes), le nombre
- de personnes intégrées dans le corps judiciaire n'a pu être que très réduit,
- d'autant que seuls certains membres des tribunaux populaires ont bénéficié de
- cette intégration.
- Les jugements rendus par les tribunaux populaires antisomozistes n'étaient
- pas susceptibles de pourvoi devant la Cour suprême. La question s'est posée de
- savoir si, une fois l'état d'urgence levé, ces jugements pouvaient être
- révisés. Les avis des juristes que la mission a rencontrés diffèrent sur ce
- point. Selon la Commission nationale de promotion et de protection des droits
- de l'homme, une telle révision est possible légalement en vertu d'un recours
- extraordinaire de révision prévu par la législation. En revanche, le président
- de la Cour suprême a estimé que les jugements rendus par les tribunaux
- populaires antisomozistes ont maintenant autorité de la chose jugée et ne
- peuvent être révisés. Seules des décisions politiques d'amnistie peuvent être
- prises en faveur des personnes qui ont été condamnées.
- De toute manière, il apparaît qu'il n'y a pas eu de recours en révision de
- jugements présentés devant la Cour suprême. La Centrale des travailleurs du
- Nicaragua (CTN) a indiqué à cet égard que les possibilités de révision de
- jugements, selon elle légales, n'ont pas fonctionné. La Commission nationale
- de promotion et de protection des droits de l'homme a indiqué que les
- personnes condamnées pouvaient engager trois formes d'action: demande de grâce
- au Président de la République, demande de réduction de peine et demande de
- liberté conditionnelle, quand une partie de la peine a été accomplie.
- Un autre effet de la levée de l'état d'urgence, souligné tant par le
- Procureur général de justice que par le président de la Cour suprême, a été le
- rétablissement du plein exercice de l'habeas corpus. Selon les autorités
- gouvernementales, le recours d'habeas corpus n'avait d'ailleurs pas été
- complètement suspendu pendant l'état d'urgence, quand il s'agissait d'établir
- les motifs de la détention, de déterminer le lieu de détention du détenu et de
- protéger ses droits à la vie et à l'intégrité physique.
- Selon certaines informations recueillies par la mission, le recours d'habeas
- corpus fonctionne mal en pratique, du fait à la fois de déficiences
- législatives et de mauvais fonctionnement de la justice. Les personnes
- arrêtées seraient tout d'abord détenues dans les locaux de la sécurité de
- l'Etat, complètement au secret, et où les mauvais traitements seraient
- fréquents.
- De manière générale, il a été signalé à la mission, tant dans les milieux
- gouvernementaux que dans les milieux d'opposition, que la révision de la
- législation en matière de procédures judiciaires était nécessaire. Le
- président de la Cour suprême et la Commission nationale de promotion et de
- protection des droits de l'homme ont indiqué, à cet égard, que l'Assemblée
- nationale discutait actuellement un projet de nouvelle loi de protection
- judiciaire (ley de amparo) qui, selon eux, élargirait les garanties
- judiciaires. Le Procureur général de justice m'a informé que le code de
- procédure pénale qui institue le système d'instruction date du siècle passé
- (1872) et que le code de police en vigueur a été adopté au début du
- e siècle. En outre, diverses sources ont signalé à la mission les grandes
- limitations de ressources humaines et matérielles qui affectent
- l'administration de la justice. Il y a eu un exode considérable de juristes et
- les universités fonctionnent de façon précaire. Dans de telles circonstances,
- il est difficile d'obtenir le concours de professionnels qualifiés dans la
- fonction publique, ou comme "juges exécuteurs" ad honorem dans le recours
- d'habeas corpus, ou encore comme avocats d'office pour les nombreux
- justiciables qui ne peuvent obtenir d'assistance juridique.
- d) Amnistie et grâces
- Selon des informations fournies par le Procureur général, les mesures de
- grâces visent les personnes qui accomplissent des peines de prison et
- l'amnistie vise les personnes qui, depuis 1983, ont été impliquées dans des
- actions armées contre le gouvernement et qui veulent déposer les armes et se
- réintégrer dans la vie civile. Du 30 juillet 1987 au 30 août 1988, 1.256
- personnes ont bénéficié de ces mesures sur un total de 4.647 depuis 1983. En
- outre, en novembre 1987, 987 personnes ont été grâciées.
- Les autorités gouvernementales ont également précisé qu'à la suite des
- accords de Sapoá avec les organes de la contre-révolution, le gouvernement a
- adopté un calendrier d'amnistie pour les contre-révolutionnaires soumis à
- procès ou condamnés: 50 pour cent des 1.523 contre-révolutionnaires détenus
- seraient libérés une fois que les groupes armés se trouveront dans les zones
- de cessez-le-feu et les autres 50 pour cent seraient libérés lorsqu'un
- cessez-le-feu définitif sera signé. Le 27 mars 1988, 100 prisonniers ont été
- libérés dans ce cadre.
- Bien que la mission ait posé à plusieurs reprises des questions sur le
- nombre de syndicalistes qui ont bénéficié de l'amnistie, elle n'a pu obtenir
- de réponses sur ce point, les autorités ayant expliqué que l'affiliation
- syndicale des personnes détenues puis amnistiées leur était inconnue. D'une
- manière générale, les milieux d'opposition ont estimé que l'amnistie était
- insuffisante et que, de toute manière, les mesures d'arrestation et les
- condamnations continuaient à frapper les syndicalistes.
- V. Cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale
- La mission d'étude a eu l'occasion d'examiner avec les fonctionnaires du
- ministère du Travail et avec d'autres fonctionnaires du gouvernement du
- Nicaragua, en particulier avec le Procureur général de justice, le président
- de la Cour suprême de justice et le vice-ministre de l'Intérieur, ainsi
- qu'avec des représentants des diverses organisations de travailleurs et
- d'employeurs intéressées, les questions soulevées dans les cas qui se trouvent
- en instance au Comité de la liberté syndicale. La mission a pu obtenir les
- renseignements suivants:
- A. Plaintes présentées par des organisations de travailleurs
- Cas nos 1129 et 1298
- Lorsque le Comité de la liberté syndicale a examiné ces cas, qui avaient
- été présentés par la CISL et la CMT, la dernière fois à sa session de mai
- 1988, il a recommandé au gouvernement d'envoyer des informations au sujet de
- l'arrestation et du sort des syndicalistes Eric Gonzáles et Eugenio Membreño.
- Les dirigeants de la CTN (autonome) ont fait savoir que ces syndicalistes
- se trouvaient en liberté. Le syndicaliste Eric Gonzáles avait été condamné et,
- après trois mois de prison, sa peine a été commuée. Le syndicaliste Eugenio
- Membreño a été libéré dans les mèmes circonstances.
- Cas no 1442
- a) Assassinats de travailleurs
- Les allégations présentées par la CISL dans ce cas ont trait à la mort du
- paysan José Abraham Galea, affilié à la Fédération de travailleurs agricoles
- du Chinandega, le 20 ou 21 janvier 1988. Les adhérents locaux de la CUS
- signalent qu'il avait été menacé par le chef militaire de la région à cause de
- ses activités de militant syndical à la CUS; la communication de la CISL
- dénonce aussi les assassinats de M. Mauricio Canales Prieto, membre de
- l'Association des avocats indépendants et conseiller d'une organisation
- affilié à la CUS, à El Viejo, département de Chinandega, et de M. Carlos
- Alberto García Velásquez, membre de la CUS, qui a été assassiné le 3 juillet
- 1988 à Nindirí.
- En ce qui concerne la mort de José Abraham Galea, affilié à la Fédération
- de travailleurs agricoles de Chinandega, le vice-ministre de l'Intérieur, le
- commandant René Vivas Lugo, a fait savoir que M. Galea a été tué par une
- patrouille de gardes frontière, le 20 janvier, alors qu'il se livrait à des
- activités de contrebande avec deux autres personnes dans la région frontalière
- qui est fortement surveillée, car il y des camps de contre-révolutionnaires de
- l'autre côté de la frontière qui pénètrent sur le territoire nicaraguayen pour
- mener des activités terroristes. Les militaires impliqués dans la mort de M.
- Galea ont été traduits en justice devant un tribunal militaire de la région
- qui a prononcé un non-lieu. Il a souligné que sa mort n'avait rien à voir avec
- son affiliation syndicale. Il a ajouté qu'on fait état de l'appartenance
- syndicale dans des cas de crimes de droit commun pour faire accroire que le
- gouvernement réprime le mouvement syndical. Il a indiqué en outre qu'en termes
- absolus les syndicalistes de la Centrale sandiniste des travailleurs qui sont
- détenus pour délits de droit commun sont beaucoup plus nombreux que les
- affiliés à d'autres centrales, ce qui démontre qu'il ne s'agit pas de
- représailles.
- Le docteur Vilma Nuñez de Escorcia, directrice de la Commission nationale
- de promotion et de protection des droits de l'homme (CNPPDH) a fourni à la
- mission des informations sur les allégations concernant les assassinats de M.
- Mauricio Canales Prieto, membre de l'Association des avocats indépendants et
- conseiller juridique d'une organisation affiliée à la CUS, et de M. Carlos
- Alberto García Velàsquez. S'agissant de M. Canales Prieto, elle a indiqué que
- ce cas avait déjà été étudié par la commission laquelle a constaté qu'il ne
- s'agissait pas d'un assassinat syndical: l'assassinat a été perpétré le 24
- juin 1988 dans une discothèque appartenant à M. Canales Prieto par M. José
- García Estrada avec qui il avait des liens personnels. Des poursuites
- judiciaires sont en cours contre M. Estrada au tribunal pénal de Chinnandega,
- qui a émis un mandat d'arrestation. La mission a reçu les mêmes informations
- sur ce cas du Procureur général de justice. En ce qui concerne l'assassinat de
- M. Carlos Alberto García Velásquez, la directrice de la CNPPDH a indiqué qu'il
- n'avait pas été assassiné à cause de son affiliation à la CUS, mais par un
- policier qui n'était pas en service, tandis qu'ils consommaient des boissons
- alcoolisées ensemble dans une CMS maison privée. On a fourni à la mission une
- copie du mandat d'emprisonnement émis par le tribunal pénal de Masaya le 22
- juillet 1988 contre M. Margarito Altamirano Matute, où sont énoncés les
- éléments précis de sa responsabilité dans le crime.
- b) Arrestation de travailleurs affiliés à la CUS
- Les allégations ont trait également à l'emprisonnement sans procès depuis
- le 8 août 1987 de paysans affiliés à la CUS en particulier de Santos Francisco
- García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Juan Alberto Contreras Muñoz,
- Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González López, Arnulfo González, Jacinto
- Olivo Vallecillo, Salommón de Jesús Vallecillo Martínez et Ricardo Gutiérrez
- Contreras, Luis García Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García
- Alvarado et Pedro Joaquín Talavera, ainsi Masaya, Juan José Cerda, pendant six
- mois.
- Après l'entrevue avec le vice- ministre de l'Intérieur, la mission a reçu,
- par l'entremise du ministère du Travail, une communication de la CISL sur la
- détention sans inculpation ni jugement des paysans de la CUS, le 8 août 1987;
- à cet égard, le ministère de l'Intérieur a fait savoir par écrit ce qui suit:
- MM Santos Francisco García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Saturnino
- Gutiérrez López, Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González Olivas, Jacinto
- Olivas Vallecillo, Salomón de Jesús Vallecillo Martínez, Luis Enrique García
- Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García Alvarado et Pedro Joaquín
- Talavera Pérez ont été arrêtés le 8 août 1987 parce qu'ils avaient enfreint
- les dispositions des alinéas "A" et "G" de l'article 1 du décret no 1074 (loi
- sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics) et l'article 493 du code
- pénal en vigueur, et ils se trouvent internés à la prison "Zona Franca" sur
- ordre du juge de district pénal de Managua, en tant qu'inculpés. MM. Juan
- Alberto Contreras Muñoz et Ricardo Gutiérrez Contreras ont été arrêtés le 6 et
- le 13 août 1987, respectivement, et ils ont été inculpés pour les mêmes délits
- et internés au même endroit que les autres. Quant à la condamnation à à six
- mois de prison de Juan José Cerda, secrétaire d'organisation du Syndicat des
- cantonniers de Masaya, les dirigeants de la CPT ont fait savoir qu'il était
- sort de prison un mois plus tard, gracié comme contre-révolutionnaire après
- les négociations de paix de Sapoa, mais qu'il fait l'objet de menaces. Sur ce
- point des allégations, le ministère de l'Intérieur a indiqué que M. Cerda a
- été arrêté par la police sandiniste, le 19 février 1988, pour avoir participé
- à des troubles et à des actes de violence contre le personnel et les
- installations de la police de Masaya. Il a été condamné par le juge
- d'instruction de police à six mois de détention sous les chefs d'accusation de
- trouble de l'ordre public et de non-respect de l'autorité en vertu des
- dispositions du décret no 559 et du code de police. Le 25 mars de cette année,
- il a été gracié et remis en liberté. S'agissant des allégations relatives à
- l'arrestation de paysans affiliés à la CUS et emprisonnés depuis le 8 août
- 1987, la directirce de la CNPPDH a confirmé que ces personnes sont détenues à
- la prison "Zona Franca" et font l'objet d'un procès au tribunal de district
- pénal de Managua pour atteintes à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat,
- pour avoir participé individuellement à des activités d'appui logistique à la
- contre révolution et pour sabotage. Rien n'indique dans les dossiers
- judiciaires que ces personnes aient exercé des activités syndicales et chacune
- d'elle est accusée de faits différents.
- La CISL a présenté également des allégations relatives à l'arrestation, le
- 20 mai 1988, de paysans affiliés au Syndicat de travailleurs agricoles de
- Cayantu et Cuje, appartenant à la CUS. Les paysans arrêtés sont les suivants:
- José Natalio Pérez Miranda, Agustín Pérez Miranda, Arnulfo Carazo, José Anggel
- Vargas Gutiérrez, Bernabé Carazo Sánchez, Pablo González Muñoz Eulalio Gómez
- Zamora, Bruno Muñoz Muñoz, Reducino Mejía González, Alejandro Rodríguez
- Sánchez, Ruperto Martínez, Santos Venegas, Pedro Venegas et Lucas Rivera.
- En ce qui concerne l'arrestation de nombreux membres du Syndicat de
- travailleurs agricoles de Cayantu et Cuje, récemment crée dans le département
- de Madriz, qui est affilié à la CUS, la communication du ministère de
- l'Intérieur fait savoir que MM. José Natalio Pérez Miranda, José Agustín Pérez
- Miranda, José Angel Vargas Gutiérrez, José Bernabé Carazo Sánchez, Juan Pablo
- González Muñoz, Eusebio González Muñoz, Eulalio Gómez Zamora, Bruno Muñoz
- Muñoz, Eusebio Mejía González, Alejandro Rodríguez Sánchez et Santos Venegas
- n'ont pas été arrêtés par les autorités du ministère de l'Intérieur mais
- qu'ils ont été mobilisés par l'armée populaire sandiniste (EPS) dans le
- bataillon 53-12, en vertu de décret no 1327. articles 14 et 16 de la loi du
- service militaire patriotique pour accomplir le service militaire de réserve.
- Il n'y a pas d'information sur la situation de MM. Arnulfo Carazo, Ruperto
- Martínez, Pedro Venegas et Lucas Rivera mentionnés dans la même communication
- de la CISL. Par ailleurs, en ce qui concerne cette allégation, la directrice
- de la CNPPDH a déclaré que ces personnes ne sont pas détenues dans le système
- pénitentiaire, et qu'à la date du 20 mai mentionnée dans la communication de
- la CISL on pense qu'ils ont été recrutés pour accomplir le service militaire;
- en outre, il n'existe pas de syndicat de paysans de Cayantu et Cuje parce que
- les intéressés ne réunissaient par les conditions requises pour créer un
- syndicat, n'étant ni salariés ni paysans indépendants. Souvent on recourt à la
- tactique qui consiste à faire passer toute personne arrêtée pour un
- syndicaliste ou un dirigeant politique.
- La Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté des allégations sur
- l'arrestation de membres de la CTN et du syndicat SIMOTUR, poursuivis en
- justice fallacieusement comme membres de la contre-révolution, qui sont
- toujours détenus: Miton Silva Gaitán (arrêté le 1er octobre 1983 et condamné à
- cinq ans) et Arcadio Ortíz Espinoza (arrêté le 7 novembre 1983 et condamné à
- huit ans); les membres suivants de la CTN ont également été arrêtés et, selon
- la communication de la CMT, on ne sait pas où ils se trouvent; Anastasio
- Jiménez Maldonado (au début, on a su qu'il était détenu à Jalapa en octobre
- 1982), Justino Rivera (détenu à Jalapa), Eva González (aux environs de 1982,
- elle était détenue à Esteli) et Eleazar Marenco (vers avril 1983, il était
- également détenu à Esteli).
- Au sujet de ces allégations, la directrice de la CNPPDH a indiqué que M.
- Milton Silva Gaitán, (CTN), arrêté le 1er octobre 1983 et condamné à cinq ans
- de prison, et M. Arcadio Ortíz Espinoza (CTN), arrêté le 7 novembre 1983 et
- condamné à huit ans de prison, peine qui a été réduite à six ans par la suite,
- ont été condamnés pour des actes de sabotage contre l'Entreprise nationale
- d'autobus (ENABUS), et qu'ils purgent leur peine dans la prison de Tipitapa.
- M. Ricardo Cervantes Rizo (CTN) a été condamné à sept ans de prison, également
- pour des actes de sabotage contre ENABUS puis il a bénéficié d'une amnistie le
- 28 mars 1988 (renseignement qui a été confirmé par le dirigeant syndical de la
- CUS, M. Alvin Guthrie); M. Napoleón Molina Aguilera a été condamné à cinq ans
- de prison en 1983, peine qui a été réduite à quatre ans, et il a été libéré le
- 22 juillet 1988 après avoir purgé sa peine pour acte de sabotage contre
- ENABUS. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations relatives à
- l'arrestation d'Anastasio Jiménez Maldonado en octobre 1982 à Jalapa, de
- Justino Rivera, arrêté à Jalapa, d'Eva Gonzalez, arrêtée à Esteli et d'Eleazar
- Marenco, la directrice de la CNPPDH a indiqué qu'il faudrait disposer de
- renseignements précis sur ces arrestations pour déterminer où ces personnes se
- trouvent.
- La CISL a présenté aussi des allégations relatives à l'arrestation le 20
- juin 1988 des paysans suivants membres de la CUS: Luis Alfaro Centeno, Pastor
- García Matey, Mariano Romero Melgare, Dámaso González Sánchez, Jesús Cárdenas
- Ordónez, Teodoro Matey Romero qui sont détenus à San Juan Rio Coco. José Matey
- Ordónez et Rafael Ordónez Melgara qui sont détenus à la Dalla, département de
- Madriz, ainsi qu'à l'arrestation de M. Miguel Valdivia de l'Union des paysans
- de Posoltega par des membres de l'armée sandiniste, dont on ne sait pas où il
- se trouve. Le gouvernement s'est engagé à envoyer très prochainement des
- informations sur ces points.
- c) Allégations relatives à la grève de la faim déclarée par des
- dirigeants du Congrès permanent des travailleurs (CPT)
- Les allégations présentées par la CISL se référaient aussi à la grève de
- la faim déclarée par des dirigeants du CPT devant l'absence de réponse du
- gouvernement aux revendications socio-économiques des centrales composant le
- CPT. Selon les plaignants, le CPT a convoqué une conférence de presse et les
- participants ont été expulsés violemment du local par la police qui a arrêté
- José Antonio Jarquin, secrétaire général de la CTN (a), remis ensuite en
- liberté à cause de son statut de député, et Roberto Moreno Cajina, secrétaire
- général de la CAUS, ainsi que le syndicaliste Rafael Blandón; les plaignants
- allèguent aussi que la police s'était rendue à maintes reprises au siège
- syndical de la CUS pour rechercher les syndicalistes Alvin Guthrie et José
- Espinoza.
- Au cours de l'entrevue que la mission d'étude a eue avec les dirigeants du
- CPT, ces derniers ont indiqué que la grève de la faim a commencé le 25 avril
- et s'est terminée le 5 mai, et que le local où se trouvaient les grévistes
- avait été entouré de troupes appelées "bérets noirs" qui exerçaient des
- pressions psychologiques contre les syndicalistes en grève; ils ont indiqué
- aussi que des éléments de la sécurité de l'Etat font pression sur des membres
- de la CGT (i), en les accusant de recevoir des dollars, afin qu'ils
- collaborent avec eux; les activités syndicales des organisations formant le
- CPT sont considérées comme un plan politique. En ce qui concerne l'arrestation
- de Roberto Moreno Cajina, secrétaire général de la Centrale action et unité
- syndicales (CAUS), il a été indiqué que ce dernier avait été arrêté à cinq
- occasions, la dernière fois lorsqu'il essayait de pénétrer dans le local de la
- CGT (i) où avait lieu la grève de la faim; à cette occasion, il a été détenu
- dans la prison de Palo Alto sans chef d'accusation et a été remis en liberté
- une fois terminée la grève de la faim. Quant aux allégations selon lesquelles
- la police recherche les syndicalistes Alvin Guthrie et José Espinoza, ces
- derniers ont fait savoir personnellement qu'après leur retour au pays ils
- n'avaient pas eu de problèmes avec la police, mais que le local de la CUS est
- placé sous la surveillance des organismes de sécurité de l'Etat.
- Au sujet de ces allégations, le vice-ministre de l'Intérieur a fait savoir
- qu'il n'y avait pas eu d'attaque du local: les travailleurs qui faisaient une
- grève de la faim (26 au total) ont été convaincus d'abandonner leur attitutude
- par d'autres dirigeants syndicaux. Il a indiqué en outre que le local de la
- CGT où avait lieu la grève de la faim se trouve dans l'une des principales
- artères de Managua (ce que la mission a pu constater) et que c'est la raison
- pour laquelle un cordon de police a été détaché autour de ce local, pour
- préserver l'ordre public et la circulation, mais qu'une ambulance de la
- Croix-Rouge était présente à tout moment pour s'occuper des grévistes qui
- avaient besoin de soins médicaux. Le vice-ministre a affirmé qu'aucun agent de
- police n'avait franchi la porte d'entrée du siège syndical et que du reste,
- devant le local, se trouvaient en permanence des représentants de la presse
- nationale et internationale qui pourraient en témoigner. Selon la Commission
- permanente des droits de l'homme, cependant, des forces spéciales et la police
- ont tenté de déloger les grévistes et, devant la résistance qu'ils
- recontrèrent, ils décidèrent d'enfermer plus de 80 personnes dans le local -
- grévistes et assistants -. Ensuite, la police a fait couper l'eau,
- l'électricité et l'entrée d'aliments, créant ainsi une situation
- d'insalubrité insoutenable qui a obligé à suspendre la grève.
- Quant à l'arrestation, le 29 avril 1988, du syndicaliste Rafael Blandón,
- l'un des participants à la grève de la faim organisée par le CPT, la
- directrice de la CNPPDH a indiqué que certains moyens de communication, dont
- copie a été donnée à la mission, avaient propagé la nouvelle que M. Blandón
- avait été assassiné par la police sandiniste, et la Coordination nationale
- démocratique a envoyé un cercueil le même jour à la famille de l'intéressé et,
- deux heures plus tard, M. Blandón a été remis sain et sauf à sa famille par le
- ministère de l'Intérieur; cet épisode a motivé la fermeture temporaire de
- Radio Católica et Radio Corporación.
- d) Allégations relatives à des menaces contre des syndicalistes
- Les allégations de la CISL se réfèrent aussi aux menaces proférées par la
- Centrale sandiniste de travailleurs (CST) contre le CPT dans des tracts
- diffusés le 6 juillet et à des menaces faites par l'armée sandiniste contre
- des membres de la CUS pour qu'ils ne participent pas à un programme agricole
- appelé Cycle agricole 88-89 organisé par cette centrale, et pour qu'ils se
- retrient de cette organisation et s'affilent à l'Association de travailleurs
- agricoles (ATC) de tendance sandiniste, ainsi qu'à l'attaque, le 4 mars 1988
- par des groupes sandinistes du local syndical de la CGT (i) où se réunissait
- le Congrès permanent de travailleurs (CPT), à la violation de domicile du
- local syndical en présence de la police et à des menaces contre des dirigeants
- syndicaux du CPT. Les allégations ont trait également à l'attaque à coups de
- pierres, le 10 juillet 1988 pendant la nuit, du local syndical de la CUS à
- Managua par des inconnus qui ont brisé des fenêtres et endommagé une
- automobile appartenant à la CUS, et au refus des autorités d'autoriser une
- manifestation organisée par le CPT, le 17 juillet 1988, afin de protester
- contre la répression gouvernementale et la cherté de la vie.
- Au sujet de l'attaque à coups de pierres et des dommages infligés au local
- de la CUS, le 10 juillet 1988, le vice-ministre de l'Intérieur a indiqué que
- les organismes consultés à ce sujet n'ont pas connaissance de ces faits dans
- leurs registres. En ce qui concerne différentes allégations de répression
- contre des dirigeants du CPT, il a signalé que les centrales syndicales
- faisant partie du CPT entrent souvent en conflit avec les autorités, non pour
- des raisons syndicales, mais pour des activités politiques patronnées par des
- partis politiques. Ainsi la CUS est entrée en conflit avec les autorités pour
- des raisons politiques, tout comme M. Carlos Huembes de la CTN (voir les
- paragraphes qui suivent); les activités syndicales de cette organisation n'ont
- pas posé de problèmes. Les dirigeants de la CUS mènent des activités
- syndicales à des fins politiques car le Nicaragua est une région sensible qui
- est observée par l'opinion internationale. De l'avis du vice-ministre, la
- politisation des activités syndicales ne poserait pas de problèmes si les lois
- étaient respectées. Il a ajouté qu'après les événements de Nandaime (voir les
- paragraphes suivants) et vu le contexte politique dans lequel ils ont eu lieu,
- les autorités hésitent à accorder des autorisations. Il a réaffirmé aussi, par
- écrit, qu'en ce qui concerne l'attaque du local de la CUS à Managua la
- Direction générale de la sécurité de l'Etat et de la police sandiniste n'a
- nullement été impliquée.
- e) Arrestation de syndicalistes pendant une manifestation tenue à
- Nandaime
- La communication de la CMT du 19 août 1988 allègue que, le 10 juillet
- 1988, les autorités ont procédé à l'arrestation de 45 personnes qui
- participaient à une manifestation à Nandaime, parmi lesquelles se trouvait le
- secrétaire général de la Centrale des travailleurs de Nicaragua (CTN), M.
- Carlos Huembes. La CMT affirme être convaincue que la véritable raison de la
- condamnation de ce dernier est son travail syndical. Elle précise que la
- manifestation avait été autorisée par les autorités et que, quelques jours
- plus tard, les détenus ont été montrés à la télévision tandis qu'on annonçait
- que 45 personnes avaient été condamnées à six mois de prison. La communication
- allègue aussi que le ministère de l'Intérieur avait rapporté la peine de 39
- d'entre eux mais, selon la CMT, à ce jour ils n'avaient pas été libérés. Parmi
- les détenus figuraient aussi Evaristo López Martínez et Francisco José
- Rodriguez Ganvoa, Félix Antonio Hernández Murillo, Alfredo Hernández Lara,
- Pablo Mendoza Guevara et Julio César López Reyes.
- En ce qui concerne l'arrestation, le 10 juillet 1988, du secrétaire
- général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN), M. Carlos Humberto
- Huembes, et d'autres personnes qui participaient à une manifestation à
- Nandaime qui avait été autorisée par les autorités, le Procureur général de
- justice, le Dr Omar Cortés, a expliqué que cette manifestation n'était pas de
- nature syndicale mais politique car M. Huembes a une double fonction, comme
- dirigeant syndical et comme président de la Coordination démocratique
- nicaraguayenne qui regroupe des organisations syndicales, des organisations
- d'employeurs et 14 partis politiques d'opposition. Le défilé, selon le
- procureur, n'a pas suivi l'itinéraire prescrit autorisé par les autorités, et
- la police a exigé que les manifestants suivent le parcours fixé, ce qui a
- provoqué un désordre sur la voie publique à la suite duquel 14 à 16 policiers
- ont été blessés et des dommages ont été causés à des maisons voisines et à des
- véhicules de police. Quant aux poursuites judiciaires engagées dans ce cas, le
- procureur a expliqué que le juge d'instruction de police détermine si les
- faits constituent une infraction de police ou s'ils sont du ressort des
- tribunaux pénaux ordinaires parce qu'il s'agit d'un délit, et sa décision est
- provisoire et sujette à confirmation. La décision du juge de police dans ce
- cas a été révisée et le cas a été transmis aux tribunaux pénaux ordinaires qui
- étaient compétents en l'occurrence, car les faits ont révélé que des délits
- avaient été commis tels que des atteintes à la sécurité de l'Etat et à l'ordre
- public, des insultes au ministère de l'Intérieur et des lésions et dommages à
- la propriété. Le Procureur général a indiqué que la justice dispose de
- vidéocassettes et de photographies de la manifestation sinsi que de
- témoignanges de témois oculaires prouvant la présence de personnel de
- l'ambassade des Etats-Unis dans le défilé organisé à Nandaime. Il a exprimé
- l'avis que des incidents comme ceux de Nandaime sont dus au manque de maturité
- politique de l'opposition qui fait un mauvais usage de ses droits, et que
- l'état de droit existant au Nicaragua autorise une opposition saine dans le
- cadre légal existant mais non les attentats contre l'ordre public ni les
- agressions contre l'autorité. A Nandaime se sont produits des faits concret
- prouvés, mais les avocats de la défense ont adopté une attitude belligérante,
- adressant des écrits diffamatoires aux juges chargés du procès, sans faire
- usage de la procédure légale existante pour réfuter les juges s'ils les
- considèrent incompétents. La défense a été ainsi plus politique que juridique
- et elle pratique des tactiques dilatoires; par exemple, elle tarde à présenter
- une demande de transfert. Le Procureur général a réaffirmé que M. Huembes
- avait participé au défilé en qualité de président de la Coordination
- démocratique nicaraguayenne et que les consignes données au cours de la
- manifestation étaient de caractère purement politique. Il a signalé, en outre,
- qu'un défilé organisé par le CPT (CUS, CTN (a), CAUS, CGT (i)) le 1er mai 1988
- s'était déroulé, au contraire, sans incident car les organisateurs avaient
- respecté les prescriptions légales. Le cas de Nandaime ne peut s'analyser en
- dehors du contexte national actuel, et le procureur considère comme un élément
- clé la présence de personnel de l'ambassade des Etats-Unis à cette
- manifestation.
- Au cours de l'entrevue que la mission a eue avec le vice-ministre de
- l'Intérieur, ce dernier l'a informée, au sujet du cas de M. Huembes, que ce
- dernier est détenu pour avoir dirigé une manifestation politique qui ne s'est
- pas conformée à la loi et non en raison de son statut de syndicaliste. Il a
- indiqué aussi que cette manifestation a eu lieu au moment où le Congrès
- nord-américain discutait l'aide économique à la contre-révolution, et où on
- avait découvert un plan de déstabilisation du pays qui a été dénoncé récemment
- par le membre du Congrès nord-américain Jim Wright. La manifestation de
- Nandaime faisait partie de ces plans pour créer une provocation politique, qui
- a eu aussi comme conséquence logique la fermeture temporaire du journal La
- Prensa et de Radio católica et l'expulsion du pays de l'ambassadeur des
- Etats-Unis et de sept fonctionnaires de cette ambassade. En outre, le
- vice-ministre a indiqué que des personnes portant des armes blanches et des
- bâtons se trouvaient parmi les manifestants et que, de ce fait, une quinzaine
- de policiers avaient été blessés. A la même époque, d'autres manifestations de
- l'opposition politique ont eu lieu sans problèmes avec les autorités. Le
- jugement de M. Huembes a reçu une large publicité et, actuellement, il se
- trouve devant la juridiction pénale ordinaire. Quant aux personnes qui
- auraient été arrêtées lors de la même manifestation, selon la communication de
- la CMT, le vice-ministre a indiqué que le ministère de l'Intérieur n'avait pas
- ordonné leur mise en liberté et que leurs procès sont en cours devant la
- juridiction pénale ordinaire.
- J'ai exprimé au gouvernement notre profond désir de rencontrer M. Carlos
- Huembes dans son lieu de détention, la prison de la région IV (La Granja):
- cette autorisation lui a été donnée et des facilités lui ont été accordées
- pour effectuer cette visite. La mission a put s'entretenir seule à seul, en
- toute indépendance, comme elle l'avait demandé, avec M. Huembes qui a indiqué,
- au sujet du défilé organisé à Nandaime, que le parcours du défilé avait été
- conforme à celui fixé par le ministère de l'Intérieur et que les troubles se
- sont produits à la fin du défilé, avant les discours car la police a attaqué
- les manifestants. Il a indiqué aussi que le défilé avait été organisé par la
- Coordination démocratique nicaraguayenne, organisation dont il est président;
- c'était une manifestation de caractère politique, ayant pour objectif
- d'expliquer à la population les accords de paix d'Esquipulas (accords signés
- par les présidents de la région). La CTN, organisation syndicale dont M.
- Huembes est secrétaire général, est membre de la Coordination démocratique
- nicaraguayenne, mais il a signalé qu'il avait participé à la manifestation en
- sa qualité de président de la coordination et non de secrétaire de son
- organisation syndicale. Il a déclaré que le "plan de déstabilisation" du
- gouvernement sandiniste est une invention du gouvernement pour reprimer
- l'opposition; il a confirmé la présence de personnel de l'ambassade
- nord-américaine sur le lieu de la manifestation, mais il a ajouté que c'était
- quelque chose qu'il ne pouvait empêcher car, effectivement, il s'agissait
- d'une manifestation publique. En ce qui concerne les affiches insultantes pour
- les autorités, M. Huembes a déclaré que ces dernières utilisent aussi un
- langage grossier contre les opposants. Par ailleurs, il a fait savoir qu'il
- n'avait pas eu de problèmes avec les autorités pour le défilé organisé afin de
- commémorer le 1er mai. Quant à l'état d'avancement des poursuites judiciaires,
- il a fait savoir que le procès se trouve devant les tribunaux ordinaires mais
- que les avocats chargés de sa défense avaient fait appel contre la
- qualification du délit. Cependant, il a ajouté que le juge chargé de l'affaire
- est un ancien militaire sandiniste qui reçoit des ordres du gouvernement. Il a
- indiqué en outre qu'il n'avait pas subi de mauvais traitements physiques, mais
- qu'il se trouve enfermé à côté de 45 autres personnes dans une cellule où les
- services sanitaires ne sont pas suffisants et les soins médicaux non plus. Il
- a signalé que 38 personnes arrêtées lors du défilé du Nandaime sont détenues
- avec lui.
- S'agissant de ces arrestations, la directrice de la CNPPDH a estimé que le
- gouvernement avait agi conformément au droit en décidant de soumettre
- l'affaire aux tribunaux ordinaire et que la cour d'appel va connaître du cas
- pour examiner la qualification du délit. A son avis, M. Huembes n'a pas
- participé à la manifestation en sa qualité de syndicaliste mais en tant que
- dirigeant politique. Elle a déclaré, en outre, que la commission a veillé à la
- santé et aux conditions de détention des détenus et à ce que le procès se
- déroule selon les règles. Elle a affirmé que beaucoup d'avocats préfèrents
- argumenter dans les journaux pour des raisons politiques, ce qui retarde la
- justice. Le directeur de la Commission permanente pour les droits de l'homme
- (CPDH), indépendante du gouvernement, a confirmé que M. Huembes avait agi dans
- ce cas comme homme politique et non en tant que dirigeant syndical.
- En ce qui concerne les allégations de la CISL relatives à la fermeture de
- Radio católica le 11 juillet pour une période indéterminée et à la fermeture,
- pour quinze jours, du journal La Prensa, la communication écrite qui a été
- remise à la mission par le ministère de l'Intérieur signale que le 11 juillet
- 1988 Radio católica a transmis des informations en déformant de manière mal
- intentionnée les faits survenus à Nandaime; ce qu'elle a continué de faire en
- violation de la loi sur les communications, malgré des avertissements au
- téléphone. Il a donc été décidé de suspendre les émissions de Radio católica
- en se fondant sur la loi. De même, le 11 juillet 1988, la parution du journal
- quotidien La Prensa a été suspendue pour quinze jours parce que ce journal
- continuait sa campagne d'information déformée qui attentait à la sécurité
- interne, à la défense nationale, calomniait les dirigeants, apppelait à la
- subversion, incitant à la violence et à la désobéissance civile.
- B. Plaintes présentées par des organisations d'employeurs
- Cas no 1344
- L'OIE avait formulé les allégations suivantes dans le cas présent:
- confiscation des biens, terres ou entreprises de divers dirigeants du Conseil
- supérieur de l'entreprise privée (COSEP), notamment ceux de son président
- d'alors, M. Enrique Bolaños, en 1985; de plus, la Direction des moyens de
- communication avait interdit la publication dans le journal La Prensa d'une
- lettre ouverte du COSEP, ainsi que des réponses de M. Bolaños au sujet de la
- confiscation de ses terres et également au sujet de la confiscation en 1983 de
- terres appartenant à M. Ramiro Gurdián, dirigeant du COSEP, ce qui
- constituait, selon l'organisation plaignante, une forme de persécution contre
- les dirigeants de cette organisation.
- Dans ses conclusions sur ce cas, le comité avait pris note des
- explications du gouvernement selon lesquelles les mesures de confiscation de
- terres répondaient aux impératifs de la réforme agraire, et il avait exprimé
- sa préoccupation du fait que de telles mesures auraient atteint de façon
- discriminatoire un nombre important de dirigeants du COSEP; il avait de plus
- exprimé l'espoir que les personnes touchées seraient équitablement indemnisées
- ainsi que le prévoyait la loi.
- En ce qui concerne les allégations relatives à la confiscation de terres
- en application de la loi de réforme agraire, la mission a eu l'occasion de
- recueillir les opinions de M. Ramiro Gurdián, actuel premier vice-président du
- COSEP et président de l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua (UPANIC),
- une des personnes touchées par les mesures de confiscation, et de dirigeants
- du COSEP à l'encontre desquels ces mesures étaient appliquées de manière
- discriminatoire et inique; de même, M. Gurdián a déclaré que la confiscation
- de ses terres avait été opérée en vertu du décret-loi no 1265 et qu'elles
- n'avaient pas été, comme le gouvernement l'avait affirmé, occupées par les
- paysans de la région. Il a ajouté qu'il n'était pas exact qu'on lui eut offert
- des possibilites d'indemnisation, pas plus qu'à M. Bolaños. Il a déclaré en
- coutre que le pourcentage de membres du COSEP touchés par les mesures
- d'exporpriation était très élevé et qu'il n'existait pas en pratique de droit
- d'appel de telles décisions devant le Tribunal agricole.
- Lors de l'entrevue que la mission a eue avec les dirigeants de l'Union
- nationale des agriculteurs et éleveurs (UNAG), il a été porté à sa
- connaissance que cette organisation représentait les petits et moyens
- propriétaires ruraux et qu'elle était constituée par des coopératives et par
- des producteurs indépendants qui assuraient 80 pour cent de la production de
- céréales (sorgho, maïs, etc.), 34 pour cent de la production de café, 32 pour
- cent de la production de coton et 73 pour cent de l'élévage. S'agissant de la
- confiscation de terres en application de la loi de réforme agraire, ils ont
- déclaré qu'elle correspondait à une politique de transformation structurelle
- jugée nécessaire. Les dirigeants de l'UNAG estiment que leur organisation
- constitue le contrepoids le plus sérieux et le plus réaliste aux abus ou actes
- arbitraires de la réforme agraire qui se sont certainement produits. Ils ont
- déclaré que les mesures de confiscation n'ont pas touché seulement mais
- également de nombreux membres de l'UNAG; le service juridique de leur
- organisation porte actuellement devant la justice 13 cas considérés par eux
- comme étant des cas d'expropriation injuste; huit de ces cas concernent des
- membres de leur organisation et cinq des membres du convenues, mais non pas
- dans tous les cas et ce pour diverses raisons, et ils ont cité en exemple le
- cas de la VIe région où plus de 40 cas d'indemnisation après affectation des
- terres avaient été résolus de façon satisfaisante. Les membres de l'UNAG ont
- exprimé l'opinion que, pour eux, en tant qu'associaiton de producteurs, il
- était préférable de négocier plutôt que de s'opposer à la réforme agraire, car
- celle-ci répondait à des besoins réels tels qu'une meilleure répartition des
- terres productives, le retour des familles de paysans qui avaient été évacuées
- des zones de guerre, et la transformation des structures agraires, mais ils
- estiment toutefois que l'Etat devrait donner l'exemple en appliquant la
- réforme agraire sur ses propres terres. Les membres de l'UNAG considèrent que
- la démocratisation de l'économie est nécessaire et ils ont fait observer qu'au
- Nicaragua 12 pour cent seulement des terres sont exploités convenablement; ils
- ont déclaré que les producteurs privés doivent apporter la preuve que leur
- façon d'exploiter leurs terres est plus efficace que les méthodes de l'Etat
- pour que le modèle d'économie mixte du gouvernement ne soit pas dénaturé.
- Lors de l'entrevue que la mission a eue avec le vice-ministre du
- Développement agricole et de la Réforme agraire, le commandant Alonso Porras,
- celui-ci a expliqué que, avant 1979, seulement 2 pour cent des propriétaires
- possédaient 40 pour cent des terres productives du Nicaragua et que plus de
- 150.000 familles paysannes étaient dépourvues de terres (si l'on compte en
- moyenne cinq personnes par famille, cela représentait 750.000 personnes), ce
- qui démontre qu'au Nicaragua, dont la population est de 3.600.000 personnes,
- la réforme agraire était une nécessité sociale et humaine.
- Le vice-ministre a fait un exposé détaillé sur l'application de la loi de
- réforme agraire, expliquant que cette loi ne concerne pas les terres
- elles-mêmes, mais les modes d'exploitation inefficaces, tant sur le plan
- social que sur le plan économique; au lieu de chercher à réaliser l'égalité
- dans la propriété des terres, la réforme agraire vise un autre objectif, à
- savoir que les terres puissent remplir une fonction sociale et que
- l'exploitation soit rendue plus efficace, notion qu'il n'a pas été facile de
- définir. La loi de réforme agraire promulguée en 1981 a permis de redistribuer
- 720.000 manzanas (une manzana est une unité de superficie équivalant à 0,8
- hectare ou à 7.056 m2), au bénéfice de quelque 112.000 familles paysannes. La
- loi de réforme agraire a dû être révisée en 1985 car elle ne permettait pas de
- résoudre le nouveau problème posé par le déplacement massif de paysans du fait
- des opérations militaires, à la suite de quoi 400.000 manzanas productives
- sont demeurées inexploitées. La loi de réforme agraire de 1981 prévoyait que
- le régime foncier des terres susceptibles d'être affectées par la réforme
- comporterait cinq modalités: a) les propriétés vacantes; b) les propriétés
- inexploitées; c) les propriétés mal exploitées; d) les terres affermées ou
- concédées selon d'autres modalités; et e) les terres qui ne sont pas
- travaillées par le propriétaire lui-même mais par des paysans sous le régime
- de métayage, du colonat ou sous d'autres formes plus ou moins précaires
- d'exploitation. La révision de 1985 de la loi de réforme agraire a introduit
- comme élément déterminant "l'utilité publique et l'intérêt social" pour
- essayer de résoudre le problème du déplacement des paysans; de même, alors que
- la loi de 1981 fixait à 500 manzanas la superficie minimale pour qu'une terre
- soit soumise à la réforme agraire, cette norme a été supprimée en 1985 pour
- résoudre le problème des paysans déplacés. Le vice-ministre a déclaré que les
- expropriations étaient opérées en toute légalité et qu'il était de l'intérêt
- du gouvernement et de la société dans son ensemble de ne pas favoriser
- l'anarchie qui découlerait de l'occupation illégale des terres; la politique
- du ministère est d'ailleurs de ne pas négocier avec les agriculteurs qui
- occupent des terres illégalement. Il a ajouté que, dans les premiers temps du
- gouvernement, le risque d'anarchie et de chaos était grand en raison,
- notamment, du chômage généralisé parmi les travailleurs agricoles temporaires.
- Lors d'une deuxième entrevue avec les dirigeants du COSEP, ceux-ci ont
- déclaré que les négociations, en cas d'expropriation pour raison d'utilité
- publique et d'intérêt soical, se déroulaient dans les conditions imposées par
- le gouvernement; ils ont déclaré qu'il était très difficile d'exploiter une
- propriété de façon efficace dans la situation présente étant donné que le
- gouvernement contrôle les intrants nécessaires à toute exploitation efficace,
- et que ce prétexte (exploitation inefficace) est utilisé pour procéder aux
- expropriations. Ils ont affirmé que le domaine dont M. Bolaños avait été
- exproprié était aux mains de l'Etat et que cette expropriation était injuste,
- étant donné que M. Bolaños était l'un des producteurs les plus effficaces du
- pays. Ils ont ajouté que les entreprises de M. Bolaños, dont les terres en
- question faisaient partie, avaient été occupées manu militari et que le
- propriétaire avait eu l'intention d'intenter un procès en raison de
- l'expropriation d'avions destinés à la fumigation des cultures de plusieurs
- producteurs, mais que la justice, au bout d'un an, ne s'était pas prononcée,
- raison pour laquelle il avait abandonné l'action en justice. Les personnes
- interrogées ont déclaré de plus que les tribunaux étaient politisés et
- favorisaient les intérêts du gouvernement; ils ont cité comme exemple le cas
- de M. Alegría (voir plus loin le cas no 1454); au Nicaragua, il n'existe pas
- de sécurité juridique et ce n'est que récemment que le gouvernement a présenté
- un avant-projet de loi protectrice (amparo).
- S'agissant des déclarations des dirigeants de l'UNAG, les responsables du
- COSEP ont déclaré qu'il était certain que les membres de l'UNAG avaient aussi
- été touchés par la réforme agraire, mais que cette organisation ainsi que
- l'Association des travailleurs de l'agriculture (ATC) étaient mêlées en
- pratique à l'occupation des terres. Ils ont signalé que les producteurs privés
- membres de l'UNAG étaient opposés au gouvernement, mais non leurs dirigeants,
- ce qui explique que cette association jouisse toujours de privilèges, comme
- ceux qui découlent de l'accord entre le gouvernement suédois et le
- gouvernement nicaraguayen, pour l'obtention d'intrants.
- En ce qui concerne le cas de M. Ramiro Gurdián, ils ont déclaré que les
- secteurs sandinistes poussent à l'accaparement des terres et des usines,
- tandis que le gouvernement joue ensuite un rôle de conciliateur et crée des
- coopératives rurales mal organisées et inefficaces, ce qui les empêche de
- rembourser les dettes contractées auprès des banques; après un certain délai,
- elles sont déclarées en cessation de paiement et les terres passent à l'Etat.
- M. Gurdián a déclaré qu'il avait porté son cas devant la Cour suprême de
- justice, laquelle avait rendu un arrêt selon lequel il était loisible au
- gouvernement de déclarer ses terres d'utilité publique. De même, il a été
- affirmé, par les dirigeants du COSEP, qu'une grande partie des meilleures
- terres était aux mains de l'Etat et que celui-ci pourrait y appliquer la
- réforme agraire sans avoir à exproprier des terres du secteur privé. Le
- vice-ministre avait déclaré antérieurement qu'il en était ainsi, précisant que
- les terres de l'Etat, qui en 1979 représentaient 22 pour cent du total, n'en
- représentaient plus que 12 pour cent.
- Les dirigeants du COSEP ont remis à la mission une étude réalisée par le
- service juridique de l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua (UPANIC)
- intitulée "Notice juridique décrivant les innombrables saisies de propriétés
- du secteur privé au Nicaragua, effectuées par le gouvernement sandiniste
- (1979-1988), par le biais de décrets et de lois en violation des principes
- juridiques universels les plus élémentaires". Cette étude signale "qu'il n'est
- pas fait appel aux tribunaux et aux autorités rurales car les personnes lésées
- n'ont aucune garantie qu'elles seront jugées dans le cadre d'une procédure
- juste sous contrôle ultime de l'autorité judiciaire compétente, en cas de
- recours, qu'il s'agisse d'amparo, d'appel ou de cassation"; de même, il est
- dit dans la notice que l'indemnisation pour confiscation est calculée sur la
- base de critères fiscaux - lesquels sont rejetés par les lois de nombreux pays
- etpar des auteurs illustres - et qu'elle est généralement versée sous forme de
- bons à long terme ( de quinze à vingt-cinq ans), ce qui fait que, en raison de
- l'inflation galopante, le propriétaire ne reçoit en définitive qu'une somme,
- en córdobas, représentant un pouvoir d'achat dramatiquement inférieur et que
- la prétendue expropriation est une véritable confiscation non assortie d'une
- juste indemnisation. En toute justice, il faudrait: que l'indemnisation soit
- conforme à la valeur réelle de l'objet exproprié, qu'elle soit versée en
- espèces, et que le versement soit effectué avant l'exporopriation. C'est le
- critère qui est le plus proche de l'équité, car c'est dans ces conditions
- seulement que la personne lésée pourra acquérir un bien comparable à celui qui
- a été exproprié ou disposer du produit de son ingéniosité et de son travail.
- Le sort de l'exproprié serait ainsi quelque peu amélioré.
- Par ailleurs, l'étude susmentionnée signale que "depuis 1983 le Nicaragua
- reconnaît le recours d'amparo, qui avait toujours été reconnu par le pouvoir
- judiciaire. Ce recours a été utilisé contre des lois et des actes, arrêtés,
- dispositions, mandats, etc. de l'administration, mais dans la législation
- spéciale concernant les locataires, etc., ce qui fait qu'il est illusoire de
- prétendre qu'il existe un contrôle et une application des garanties prévues
- par les textes fondamentaux du Nicaragua." L'étude poursuit en signalant que
- les cours d'appel (devant lesquelles est porté le recours d'amparo) et la Cour
- suprême de justice (qui statue au fond) ont refusé d'admettre le recours
- d'amparo en matière agricole, ce qui fait qu'il n'est pas possible de recourir
- contre la loi de réforme agraire, avec toutes les irrégularités qui en
- découlent en violation des statuts fondamentaux (y compris les traités et
- accords internationaux), ni contre les résolutions des autorités agraires.
- L'étude signale également, après diverses considérations juridiques, que "la
- promulgation de la Constitution politique de janvier 1987 octroie au citoyen
- le droit inviolable de recours d'amparo; par conséquent, la disposition de la
- loi de réforme agraire "ne permettant pas d'appel devant la Cour suprême" est
- dépourvue de toute validité".
- L'étude communiquée par le COSEP affirme que le ministre du Développement
- agricole et de la Réforme agraire agit en tant que juge et partie puisqu'il a
- procédé à des affectations sur la base de critères techniques définis par
- lui-même sans permettre aux personnes lésées de désigner leurs propres experts
- en vue de parvenir à une décision juste et équitable, et que l'objectif du
- présent gouvernement a toujours été, d'une manière ou d'une autre, d'en finir
- avec la propriété privée et d'annihiler définitivement l'entreprise privée.
- La notice conclut par les considérations suivantes:
- 1) Dans l'article 2, a) et d), de l'ancienne loi portant réforme agraire, les
- terres non exploitées, mal exploitées et abandonnées donnaient lieu à
- indemnisation; désormais, avec la nouvelle loi, il n'existe plus aucune
- indemnisation pour cette catégorie de terres, ce qui constitue une véritable
- confiscation ou usurpation. Cette disposition est en contradiction avec le
- principe universel et accepté par le Nicaragua, selon lequel "nul ne peut être
- dépouillé de ses biens sans juste compensation".
- 2) Le paragraphe a) de l'article 2 de la loi portant réforme agraire
- n'affectait que les propriétés non exploitées ou mal exploitées appartenant à
- des propriétaires de plus de 500 manzanas figurant dans la zone A, ou de plus
- de 1.000 manzanas dans la zone B; désormais, dans la nouvelle loi et
- conformément à l'article 1, paragraphe e), seront affectés les propriétaires
- possédant plus de 100 manzanas dans le reste du pays.
- 3) Selon l'ancienne loi de réforme agraire, seule l'application de ladite
- réforme pouvait donner lieu à expropriation; le nouveau texte autorise le
- ministre du Développement agricole et de la Réforme agriare à exproprier quel
- que soit le type de propriété lorsqu'il estime que l'expropriation est
- d'utilité publique ou d'intérêt social, mécanisme qui permet au ministre de
- décider à sa guise quelle propriété peut être affectée à la réforme agraire et
- susceptible d'expropriation.
- 4) Les expropriations pour cause de réforme agraire ou pour toute autre raison
- sont nulles et non avenues; en effet, les bons n'ont jamais été émis, pas plus
- que n'ont été précisées les modalités d'émission, de rachat et autres, ce qui
- constitue une spoliation de plus des personnes visées, lesquelles subissent
- ainsi un préjudice total, tandis que l'administration sandiniste s'enrichit de
- façon injustifiée et illicite.
- 5) Le règlement portant modification de la réforme agraire ou pour ce qui
- touche à l'indemnisation et au mode de paiement ne respecte pas les
- dispositions de la loi (article 2) qui est ainsi conçue: "...dont le montant,
- la forme, les intérêts et les conditions seront fixés par le règlement
- d'application de la présente loi". Au contraire, le règlement s'écarte de la
- loi, puisqu'il prévoit ce qui suit en son article 17: "L'émission, les délais
- de rachat, les taux d'intérêt et les autres aspects relatifs aux bons de
- réforme agraire seront fixés conformément aux normes et règlements fiscaux
- établis à cette fin." Il en résulte donc que le règlement d'application est
- nul et que la loi est inapplicable.
- 6) L'article 32 de la nouvelle loi de réforme agraire annule le droit de
- propriété du propriétaire de la terre et prescrit ce qui suit: "L'autorisation
- expresse du ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire sera
- nécessaire pour accomplir des actes ou conclure des contrats portant sur la
- propriété de domaines agricoles..." Il faut en déduire que le ministère de la
- Réforme agraire est, en cette qualité, le maître absolue de toutes les terres
- des Nicaraguayens et que, pour quelque transaction que ce soit, ce n'est pas
- la volonté du légitime propriétaire qui compte mais celle du tout-puissant
- ministère de la Réforme agraire.
- 7) L'article 2, paragrpahe d), prévoit que "les terres affermées ou concédées
- selon d'autres modalités" pourront être affectées à la réforme agraire;
- l'article 4 prévoit que le fermier pourra proroger indéfiniment son contrat de
- fermage sur les terres non touchées par la loi agraire. Si le propriétaire ne
- s'acquitte pas de ses obligations ou s'il désire exploiter ses propres terres,
- le ministère de la Réforme agraire décidera de l'affectation des terres, ce
- qui implique que le propriétaire, à partir du moment où il a loué ses terres
- ou les a cédées à un tiers selon d'autres modalités, se trouve déjà
- pratiquement exproprié; seul le fermier ou le ministère (par voie
- d'affectation des terres) pourra disposer de l'usage des terres. Ce qui est
- intéressant dans ce cas, c'est que les terres une fois affectées il n'y a plus
- d'obligation de continuer à les céder au fermier.
- 8) L'article 12 fixe à priori "la date à laquelle aura lieu la prise de
- possession du domaine en cause", ce qui implique l'inanité de toute procédure
- légale destinée à établir l'utilité publique ou l'intérêt social des terres
- dont il s'agit, puisque la personne visée se trouve sans moyen de défense et
- qu'on peut tenir pour établi qu'il existera, au préalable, de multiples
- raisons d'affectation des terres, alors que cette affectation et
- l'expropriation devraient faire l'objet d'une procédure à laquelle les deux
- parties participeraient sur un pied d'égalité.
- L'étude signale enfin que la loi de réforme agraire telle que révisée
- autorise désormais le ministre du Développement agricole et de la Réforme
- agraire à exproprier, sous prétexte d'utilité publiquer et d'intérêt social,
- ce qui renforce les arguments selon lesquels, avant cette date, il n'avait ni
- le droit ni les moyens de procéder à des expropriations. Par conséquent, les
- mesures prises par le ministère pour cause d'utilité publique ou d'intérêt ou
- d'intérêt social avant la réforme constituent un abus d'autorité et de
- pouvoir, ce qui justifie un recours en annulation, la restitution des biens
- expropriés, la reconnaissance des dommages et préjudices subis et la prise de
- sanctions contre le fonctionnaire responsable.
- En ce qui concerne l'indemnisation des propriétaires dont les terres ont
- été affectées à la réforme agraire, le vice-ministre a expliqué que, selon la
- loi de réforme agraire, dans les cas d'expropriation pour cause d'exploitation
- inefficace ou de non-exploitation, l'indemnisation est assurée au moyen de
- bons de l'Etat qui portent intérêt en fonction de l'inflation et qui peuvent
- être utilisés pour rembourser des dettes bancaires; lorsque les terres sont
- abandonnées et laissées en friche, aucune indemnisation n'est prévue. En cas
- d'expropriation pour cause d'utilité publique ou d'intérêt social,
- l'indemnisation est directe ou consiste en échange de terres, sans qu'il soit
- tenu compte du critère d'efficacité ou de la productivité de la terre. Depuis
- 1985, des domaines de toutes dimensions sont expropriés, y compris de petites
- propriétés, en vue de résoudre le problème d'installation des agriculteurs. De
- même, le ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire peut, en
- vertu de l'article 21 de la loi, convenir d'autres modalités d'indemnisation.
- Le montant de l'indemnisation est fixé selon expertise du ministère sur la
- base de la moyenne de la valeur fiscale déclarée des trois dernières années.
- Ladite loi dispose également que les terres devenant ou étant devenues
- propriété de l'Etat peuvent être affectés à la réforme. A cet égard, il a été
- déclaré que la superficie des terres de l'Etat, les premières terres qui ont
- été affectées à la réforme. A cet égard, il a été déclaré que la superficie
- des terres de l'Etat, les premières terres qui ont été affectées, a été
- réduite de 22 à 12 pour cent et que la grande propriété (plus de 500 manzanas)
- a été réduite de 36 à 9 pour cent du total. Le vice-ministre a également
- communiqué que, en ce qui concerne l'indemnisation pour confiscation des
- terres de M. Enrique Bolaños, plusieurs propositions de négociation ont été
- présentées à ce dernier, tant par voie publique que par voie privée et qu'il
- ne les a pas acceptées; selon le vice-ministre, l'expropopriation du domaine
- de M. Bolaños constituait un impératif social car il était situé dans une zone
- de petites parcelles (ce que la mission a pu constater en se rendant sur
- place); de plus, le vice-ministre a déclaré que les possibilités de
- négociation avec M. Bolaños demeurent ouvertes de la part du gouvernement et
- qu'il dépend de lui de négocier mais que, jusqu'ici, M. Bolaños n'a fait que
- politiser cette affaire.
- Le vice-ministre a offert toutes facilités à la mission pour qu'elle
- puisse visiter l'ancien domaine de M. Bolaños, et celle-ci a pu constater que
- 90 familles d'agriculteurs étaient installées sur les lieux, organisées en
- trois coopératives de crédit et de services consacrées à la culture de
- produits de base (maïs, haricots, riz et manioc). Sur le domaine, la mission
- s'est entretenue avec des représentants des coopératives, qui ont déclaré que
- les terres leur avaient été remises en 1985 après qu'elles eurent été
- déclarées d'utilité publique et d'intérêt social. Tous les agriculteurs
- installés sur ce domaine sont originaires de la région, et ils ont déclaré que
- la majorité d'entre eux cultivaient déjà les terres pour le compte de M.
- Bolaños dans des conditions très précaires. Ils travaillent maintenant pour
- leur compte, avec le soutien financier et technique de l'Etat et ils ont droit
- à une parcelle.
- Le vice-ministre a souligné en outre que l'expropriation des terres n'a
- pas affecté dans la majorité des cas un secteur productif ou une tendance
- politique déterminée, la politique du gouvernement ayant toujours été de
- réaliser la réforme agraire dans le cadre de la légalité. Il a reconnu
- cependant que des injustices avaient pu être commises compte tenu des
- bouleversements sociaux que connaît le Nicaragua; en tout état de cause, s'il
- y avait des abus, il était possible de faire appel devant le Tribunal
- agricole, organisme juridictionnel administratif, et, depuis la promulgation
- de la nouvelle Constitution, il est également possible de porter les litiges
- devant les tribunaux ordinaires, jusqu'à la Cour suprême de justice, par la
- procédure administrative de protection (amparo). Il a également communiqué que
- la politique du ministère était de réviser ses propres décisions d'affectation
- et que, dans divers cas, lorsqu'une erreur de décision était apparue après
- réexamen, ladite décision était annulée directement avant de parvenir au
- Tribunal agricole. En ce qui concerne l'expropriation de M. Gurdián, il a
- déclaré qu'en effet les terres avaient été occupées par des paysans et que la
- situation avait ensuit été légalisée par affectation des terres en vue de la
- réforme agraire. En ce qui concerne l'indemnisation, elle devait être assurée
- en l'occurrence au moyen de bons que M. Gurdián n'a pas voulu accepter. Le
- gouvernement, plus que tout autre, a-t-il ajouté, avait intérêt à ce que ces
- cas soient réglés, car ils sont exploités politiquement.
- Enfin, le vice-ministre a déclaré que le processus de transformation
- fondamentale du régime foncier était considéré comme pratiquement terminé et
- qu'il s'agissait dorénavant d'encourager la production des terres expropriées
- grâce aux coopératives agricoles, aux investissements et à l'assistance
- technique. Il a communiqué une série de tableaux qui permettent de voir que
- les affectations de terres, dans la période d'octobre 1981 à décembre 1982,
- ont porté sur 200 propriétaires qui possédaient 279 domaines d'une superficie
- totale de 264.448 manzanas et que, pendant la période de janvier à mai 1988,
- seuls 14 domaines appartenant à 17 propriétaires et représentant une
- superficie de 9.000 manzanas avaient été affectés.
- En outre, en ce qui concerne les recours administratifs de protection
- (amparo) portés devant la Cour suprême de justice en appel des décisions du
- Tribunal agricole, la mission a été informée par le président de la Cour
- suprême que 12 cas de cette nature s'étaient présentés entre 1979 et 1988,
- dont quatre avaient fait l'objet d'un jugement, six étaient en instance, un en
- cours de procédure et le dernier en instance de notification. Il a expliqué à
- la mission que ce recours administratif d'amparo existait avant la
- promulgation de la nouvelle Constitution, selon la jurisprudence de ladite
- cour, mais qu'il avait été peu utilisé. Au cours de la même période, selon les
- statistiques fournies par le vice-ministre de la réforme agraire, il a eu
- 1.139 expropriations, touchant 971 propriétaires et portant sur une superficie
- totale de 720.376 manzanas.
- Cas no 1454
- Les allégations sur ce cas ont été présentées par l'Organisation
- internationale des employeurs (OIE) et par le Conseil supérieur de
- l'entreprise privée du Nicaragua (COSEP), et elles se réfèrent à l'arrestation
- et à l'emprisonnement, le 31 mai 1988, en un lieu inconnu, de M. Mario José
- Alegría Castillo, directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et
- sociales (INIESEP), organe annexe du COSEP, pour le compte duquel il effectue
- et publie des analyses de la situation économique du pays. M. Alegría est
- accusé d'être un agent
- ..................................................................
- d'un service étranger de renseignements, de s'être procuré frauduleusement des
- documents de l'Etat et d'avoir organisé un réseau d'informateurs infiltrés
- dans certaines institutions gouvernementales. La communication de l'OIE et du
- COSEP nie les faits sur lesquels se fonde l'accusation contre M. Alegría et
- ajoute que la police secrète a confisqué des documents au siège de l'INIESEP
- et a empêché les dirigeants du COSEP de dresser l'inventaire des documents
- confisqués. D'une manière plus générale, la communication allègue que le
- décret no 888 de 1982, en son article 7, b) et c), qui réserve à l'Institut
- nicaraguayen de statistique et de recensement (NEC) le monopole de la
- publication de données économiques, ainsi que le décret no 512 de 1980 (moyens
- de communication) enfreignent le droit pour le COSEP et l'INIESEP de publier
- les résultats et les conclusions de leurs enquêtes sur les problèmes et la
- situation économique du Nicaragua.
- Dans une autre communication, l'OIE et le COSEP ont fourni des
- informations complémentaires sur le cas, et notamment un résumé de la défense
- présentée par M. Alegría devant le juge de district, telle qu'elle a été
- publiée dans La Prensa, invoquant le droit garanti par la Constitution de
- "rechercher, recevoir et diffuser l'information", une liste des documents
- confisqués, une déclaration du président du COSEP, M. E. Bolaños, sur le
- violations des droits de la défense garantis par l'article 34 de la
- Constitution, lors de la présentation,par le gouvernement, de M. Alegría et de
- Mme Nora Aldana, impliquée dans la même affaire, à la télévision officielle
- pour qu'ils fassent des déclarations risquant de nuire à leurs intérêts en
- tant qu'accusés et sur le caractère prétendument secret d'une série de
- documents qui sont largement diffusés parmi les milieux de l'opposition au
- Nicaragua.
- En outre, dans une autre communication, l'OIE et le COSEP font état de la
- condamnation à seize ans de prison de M. Alegría et de la protestation du
- COSEP à la suite de cette condamnation. La communication allègue le
- non-respect des droits de la défense, l'absence de textes légaux pouvant
- justifier la décision du tribunal et la violation de certains droits établis
- par la Constitution, comme celui de rechercher, de recevoir et de diffuser
- l'information.
- Les organisations plaignantes allèguent également la fermeture, sur ordre du
- gouvernement, le 3 mai 1988, de Radio Corporación, Radio Católica, Radio
- Noticias et Radio Mundial, et la menace de fermeture provisoire ou définitive
- adressée le 13 juin à huit stations de radio indépendantes par la Direction
- des moyens de communication du ministère de l'Intérieur si ces stations
- continuaient à diffuser des informations sur la crise économique du Nicaragua.
- Par ailleurs, la communication signale que le quotidien La Prensa a été fermé
- pendant deux semaines et que le 11 juillet la station Radio Católica a été
- fermée pour une durée illimitée.
- Le procureur général de justice a informé la mission que le procès intenté à
- M. Alegría reposait sur des preuves recueillies par les services de sécurité
- de l'Etat et établissant en particulier sa responsabilité pénale pour délits
- contre l'Etat. Il a expliqué que M. Alegría achetait des informations,
- notamment à Mme Nora Aldana, une autre des personnes accusées dans cette
- affaire, laquelle travaillait pour le gouvernement et avait accès à des
- informations confidentielles. Il avait eu ainsi connaissance du plan
- économique pour 1988-1990, lequel représente au Nicaragua une information
- secrète dans la mesure où il définit la stratégie économique du gouvernement
- dans une situation de guerre. Ces informations permettraient à l'ennemi de
- finir de déstabiliser le pays car il connaîtrait les sources de financement et
- d'approvisionnement. Le procureur a ajouté que M. Alegría avait aussi acheté
- des informations de ce type à des fonctionnaires de la Banque centrale et de
- la Direction du commerce extérieur et qu'il les transmettait à un
- fonctionnaire de l'ambassade des Etats-Unis qui a été expulsé par la suite. Le
- procureur a déclaré qu'au Nicaragua la liberté d'effectuer des enquêtes
- économiques existe à condition de s'adresser à des sources officielles et de
- ne pas violer la loi. Il a indiqué que M. Alegría s'était rendu coupable de
- subornation pour commettre des des infractions graves contre la sécurité de
- l'Etat et c'est pourqoui il avait été jugé. Le jugement est en appel devant
- les tribunaux de Managua et son dossier contient des attestations du ministère
- de l'Economie certifiant que les informations recueillies par l'accusé de
- façon illégale étaient secrètes, point non contesté par les avocats de
- l'accusé.
- En ce qui concerne le cas de M. Alegría, la communication fournie par le
- ministère de l'Intérieur précise qu'il a été arrêté le 31 mai 1988 et pacé à
- la disposition du troisième juge du district pénal de Managua qui l'a condamné
- à la peine de seize ans de prison sous les chefs d'inculpation suivants:
- violation de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics et
- divulgation de secrets, et divulgation d'informations officielles à caractère
- confidentiel. A l'heure actuelle, le cas est soumis à la Cour d'appel de
- Managua.
- Lors de l'entrevue que la mission a eue avec la directrice de la
- Commission nationale de promotion et de protection des droits de l'homme
- (CNPPDH), il a été porté à sa connaissance que, dans le cas de M. Alegría, il
- avait été démontré qu'il s'agissait d'un délit de droit commun. L'accusé était
- détenu en un lieu de détention provisoire dans la zone franche de Managua ou
- il était autorisé à travailler; de plus, elle a ajouté qu'au Nicaragua le
- secret de l'instruction n'existait pas et que les avocats de M. Alegría, ainsi
- que lui-même, avaient accés à tout moment au dossier d'instruction.
- Le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme (CPDH),
- organisme indépendant du gouvernement, a indiqué que le cas de M. Alegría
- avait une évidente connotation politique. Il ne savait pas s'il y avait eu ou
- non délit de corruption mais il savait que les documents prétendument secrets
- circulaient dans l'opposition. Il pensait que la preuve retenue par le juge
- consistait en un aveu, selon une cassette vidéo enregistrée dans les locaux de
- la sécurité de l'Etat. Il a déclaré en outre qu'une procédure sommaire durant
- seulement treize jours avait été suivie. Le juge, en l'occurrence, avait
- présidé un tribunal populaire antisomoziste et, lorsque ces tribunaux
- disparurent, devint juge du district pénal de Managua pour un resso judiciaire
- récemment créé ayant à connaître en majorité des affaires politiques. M.
- Alegría était le directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et
- sociales (INIESEP), mais il n'était pas membre du conseil de direction du
- COSEP; ledit institut fonctionne toujours.
- Le ministère du Travail a communiqué une copie certifiée conforme du jugement
- de condamnation prononcé à l'encontre de M. Alegría et à l'encontre des autres
- personnes impliquées. Cette sentence est explicite et elle contient les
- éléments de fait et de droit sur lesquels elle se base. Les faits les plus
- saillants sont le suivants: le dispositif de la sentence fournit des détails
- sur les éléments de preuve qui ont permis d'établir la culpabilité de Mme Nora
- Aldana Centeno, fonctionnaire du Programme alimentaire nicaraguayen, laquelle,
- selon la sentence, a fourni des renseignements sur des plans secrets et
- économiques à des fonctionnaires de l'ambassade d'Amérique du Nord (désignés
- notamment) et à M. Mario José Alegría Castillo en échange de sommes en espèces
- et d'avantages personnels en faveur de son fils qui avait été expulsé des
- Etats-Unis. Selon le dispositif de la sentence, Mme Aldana a vendu à M.
- Alegría des documents relatifs aux statistiques du plan économique 1986-87
- pour la somme de 3.500 córdobas, puis de 100.000 córdobas. La sentence affirme
- également que M. Alegría a eu connaissance des documents secrets suivants:
- plan économique 1988-90, évaluation et perspectives 1987 intitulé "Les
- finances internes, bilans matériels 1988, programme économique 1987 du
- ministère du Commerce intérieur (MICOIN); plan directeur du MICOIN pour 1988;
- documents sur les entreprises, situation du ravitaillement, juin 1987; rapport
- d'évaluation du plan de ravitaillement 1987; documents sur la procédure
- d'émission et de renouvellement des licences commerciales; évaluation de
- ravitaillement en 1988; politiques des prix et des marges commerciales". De
- plus, il est affirmé dans la sentence que M. Alegría a obtenu de M. Pedro Su
- Olivas, fonctionnaire de la Banque centrale du Nicaragua, des documents sur
- les statistiques, les questions financières et le bilan monétaire qu'il a
- transmis su conseiller économique de l'ambassade d'Amérique du Nord (désigné
- nommément). De plus, par l'intermédiaire de M. Adrían Espinales Rodríguez,
- analyste financier du ministère du Commerce intérieur, M. Alegría a obtenu les
- statistiques du commerce intérieur de 1987, pour lesquelles il a payé la somme
- de 50.000 córdobas, les statistiques de la production annuelle et de
- consommation du commerce intérieur, pour lesquelles il a payé 200.000 córdobas
- au moyen d'un chèque. Il est dit dans la sentence que M. Alegría a effectué
- une analyse de la production et du ravitaillement au niveau national, analyse
- qu'il a remise au fonctionnaire susmentionné de l'ambassade d'Amérique du
- Nord. La sentence poursuit en indiquant qu'au mois de février 1988 M. Alegría
- a demandé a Mme Aldana de lui fournir le rapport sur les statistiques de la
- demande et de la consommation de produits de base et sur les statistiques du
- bilan national de 1988, renseignements pour lesquels il a payé la somme de
- 3.500 nouveaux córdobas et qu'il a ensuite remis au fonctionnaire susmentionné
- de l'ambassade des Etats-Unis. Ces documents, selon la sentence, avaient, de
- même que les autres, un caractère secret. Le dispositif de la sentence signale
- en outre que M. Alegría a obtenu, par l'intermédiaire de M. Su Olivas, qui
- occupait le poste de directeur générale de la comptabilité internationale à la
- Banque centrale du Nicaragua, les statistiques monétaires des mois d'octobre
- et novembre, les bilans généraux et l'état des profits et pertes, l'état des
- changes et dépôts extérieurs, renseignements qui étaient réservés au seul
- usage des directeurs. En échange de ces informations qui, selon la sentence,
- furent remises au conseiller économique de l'Ambassade d'Amérique du Nord, M.
- Alegría a fait obtenir un visa à M. Su Olivas pour qu'il puisse se rendre aux
- Etats- Unis, visa qu'il n'aurait pas pu obtenir autrement. Par ailleurs, le
- jugement mentionne que M. Alegría a demandé à M. Adrian Espinales une copie
- des statisques de production annuelle et de consommation du commerce
- intérieur, renseignements pour lesquels il a payé la somme de 200.000 cordobas
- au moyen d'un chèque. Par la suite, l'INIESEP a procédé à une analyse de la
- production et de l'approvisionnement à l'échelon national, et ces données ont
- été remises au conseiller économique susmentionné. M. Espinales a également
- remis à M. Alegría un document intitulé "Statistiques du commerce pour les
- années 1987 et 1988 ", informations confidentielles et secrètes. Après un
- exposé détaillé des faits commis en violation de l'ordre légal et des
- dispositions légales enfreintes, le dispositif explique que le juge s'est
- transporté dans les locaux de la sécurité de l'Etat afin de contrôler de visu
- les cassettes vidéo qui, selon le ministère public, contenaient les
- déclarations de Mme Aldana et de M. Alegría. Il est également indiqué que le
- juge a recueilli une déclaration officielle du vice-président de le Banque
- centrale du Nicaragua sur le caractère des documents trouvés en la possession
- de M. Alegría. Le jugement fait état du caractère confidentiel desdits
- documents à l'époque actuelle que traverse le Nicaragua et de leurs incidences
- sur la défense nationale. Rejetant les arguments présentés par les avocats de
- la défense selon lesquels les documents soustraits par Mme Aldana, M. Su
- Olivas et M. Espinales puis remis à M. Alegría étaient connus dans le public,
- le dispositif du jugement déclare qu'il est certain que les citoyens peuvent
- s'adresser , par des voies appropriées, aux institutions publiques pour
- obtenir des informations sur des données susceptibles d'être publiées mais que
- les fonctionnaires mentionnés ont révélé des informations confidentielles et
- secrètes sans autorisation, et cela en échange de sommes d'argent, de cadeaux
- et de faveurs. Le jugement condamne Mme Nora Aldana à la peine de treize ans
- de prison pour violation de l'article 1, paragraphe b), du décrêt no 1074 (loi
- sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics) et à la peine de trois
- ans pour violation des articles 538, alinéa a), 540, paragraphe 3, et 542 du
- code pénal; M. Mario Alegría est condamné à la peine de treize ans pour
- violation de l'article 1, paragraphe b), du décrêt no 1074 et à la peine de
- trois ans de prison pour violation des articles 538, alinéa c), 540,
- paragraphe 3, et 542 du code pénal. Le jugement condamne MM. Adrian Espinales
- Rodriguez et Pablo Su Olivas à la peine de trois ans de prison pour violation
- de l'article 1, alinéa b) et g), du décrêt no 1074.
- VI. Remarques finales
- Même s'il ne m'appartient pas de présenter des conclusions sur la
- situation syndicale et professionnelle au Nicaragua puisque ma visite
- revêtissait le caractère d'une mission d'étude, je crois utile cependant de
- présenter certaines remarques générales qui seraient susceptibles de
- d'éclairer le Comité de la liberté syndicale et le Conseil d'administration
- dans l'élaboration de leurs conclusions et recommendations.
- Je tiens tout d'abord à souligner que la mission, en rencontrant un nombre
- considérable des milieux gouvernementaux, employeurs et travailleurs, a pu se
- faire une idée complète de la situation syndicale et professionnelle dans le
- pays, et ce d'autant que les interlocuteurs de la mission ont de toute
- évidence exposé leurs points de vue avec sincérité et sans apparemment
- manifester de craintes quant aux conséquences de leurs réclamations.
- J'ai pu observer tout au long de la mission que la situation particulière
- dans laquelle se trouve le Nicaragua depuis 1979, date de la Révolution
- sandiniste, sa position conflictelle actuelle sur la scène internationale et
- les graves difficultés économiques - en particulier une hyperinflation
- manifeste et continue - que le pays traverse entraînent logiquement un climat
- de dure confrontation. J'ai pu ainsi constater concrètement qu'il est
- difficile pour beaucoup de Nicaraguayens de faire preuve d'un objectivité
- totale dans une conjoncture historique si complexe. Selon le Procureur général
- de justice, le situation de guerre a obligé le gouvernement à adopter une
- stratégie tendant tout simplement à la survie plutôt qu'au développement.
- Malgré cette situation difficile à tous points de vue, il est
- incontestable qu'une vie syndicale et associative pluraliste existe au
- Nicaragua. J'ai ainsi rencontré les dirigeants de sept centrales syndicales
- interprofessionnelles différentes, de toutes tendances politiques, ainsi que
- ceux de quatre organisations nationales d'employeurs. Certes, certaines
- organisations syndicales et professionnelles se heurtent à des difficultés
- dans leur fonctionnement mais elles mènent tout de même à bien un certain
- nombre d'activités, notamment en matière de négociation collective.
- Je dois remarquer cependant que le Nicaragua se trouve aujourd'hui dans
- une situation anachronique du point de vue législatif et ceci notamment en
- matière de travail, comme l'a reconnu lui-même le ministre du Travail. Les
- principales lois qui régissent les relations professionnelles, telles que le
- Code du travail et le règlement des associations syndicales, sont héritées du
- régime précédent et ne correspondent évidemment plus à la situation actuelle.
- Le gouvernement s'est engagé à préparer un nouveau Code du travail en
- consultaion avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et en
- coopération avec le Bureau international du Travail. Cet engagement correspond
- d'ailleurs aux souhaits de l'ensemble des organisations qui appelent toutes de
- leurs voeux l'adoption d'une nouvelle législation, Le ministre de Travail a
- souligné à cet égard que le processus d'adoption de la législation demande
- beaucoup d'attention et qu'il convient de prendre en considération que le
- Parlement procéde à un travail législatif gigantesque pour instraurer un
- nouvel ordre juridique et ceci dans tous les domaines. Tout en étant conscient
- de l'immensité de travail que représente la nécessité de reformuler l'ensemble
- de la législation qui existait sous le régime précédent, j'estime pour ma part
- que le gouvernement devrait donner une toute première priorité au domaine des
- relations professionnelles et du travail. La situation actuelle entraîne en
- effet des sources de conflits extrêmement tendus accentués par le
- "bouillonnement" politique qui caractérise aujourd'hui la vie du pays. Il est
- donc, à mon sens, très urgent de régulariser les relations de travail sur une
- base solide et conforme aux normes internationales.
- Il ne me semble pas cependant que ce processus de révision de la
- législation du travail, même s'il est mené à terme rapidement, soit à lui seul
- suffisant pour rétablir un climat d'harmonie dans les relations entre le
- gouvernement et l'ensemble des interlocuteurs sociaux. Le processus de paix au
- Nicaragua a commencé à se concrétiser. Le gouvernement devrait sans aucun
- doute en profiter pour adopter une législation garantissant pleinement
- l'exercice des libertés publiques et l'approfondissement des garanties
- judiciaires, élargir sa politique d'amnistie et tempérer l'adoption de mesures
- à l'encontre d'opposants qui risquent de faire règner un climat de crainte,
- non pas tant parmi les dirigeants nationaux des organisations d'opposition
- qui, forts de leurs convictions, s'expriment publiquement et largement, que
- parmi les dirigeants locaux et syndicalistes de base. C'est à mon avis
- seulement à ces conditions que les relations professionnelles pourront
- reprendre un cours normal et que le gouvernement pourra compter sur la
- participation de tous pour la reconstruction nationale.
- Je dois en outre signaler que le ministre du travail a manifesté des
- craintes de ce que l'OIT, née et ayant son siège en Europe, ne comprenne pas
- réelment la situation de l'Amérique latine en général et encore moins celle du
- Nicaragua, en particulier. J'ai rappelé à cet égard au ministre l'action menée
- par l'OIT dans le tiers monde, son grand intérêt pour des concepts tels que le
- nouvel ordre économique international et sa vocation d'universalité. Le
- ministre a également souligné la situation particulière du Nicaragua qui
- s'efforce de créer un nouveau droit différent du droit traditionnel. Ceci m'a
- permis de rappeler également le dynamisme du droit international et la valeur
- universelle des principes contenus dans les conventions de l'OIT sur le droit
- d'association et la liberté syndicale. Le ministre a répondu que le
- gouvernement du Nicaragua était convaincu du sérieux et de l'efficacité de
- l'Organisation avec laquelle il souhaitait maintenir d'excellentes relations.
- Enfin, je tiens à remercier le Directeur général de la confiance qu'il m'a
- accordée en me désignant pour mener à bien cette mission et j'espère que le
- présent rapport pourra être d'une certaine utilité, par rapport aux objectifs
- qui étaient fixés.
- ANNEXE
- Personnes rencontrées
- Gouvernement
- 1. Dr Benedicto Meneses Fonseca - Ministre du Travail
- 2. Dr Fernando Cuadra - Vice-ministre du Travail,
- ministère du Travail
- 3. Dr Rodrigo Reyes - Président de la Cour suprême
- de justice
- 4. Dr Omar Cortés - Procureur général de justice
- 5. Dr Orlando Corrales - Vice-président de la Cour suprême
- de justice
- 6. Commandant René Vivas Lugo - Vice-ministre de l'Intérieur
- 7. Commandant Alonso Porras - Vice-ministre du Développement
- agricole et de la Réforme agraire
- 8. Adrián Meza Soza - Secrétaire général, ministère du
- Travail
- 9. Lombardo Gabuardi Ibarra - Directeur des relations
- internationales et de la
- coopération technique,
- ministère du Travail
- 10. Donald Aleman - Direction des relations
- nationales et internationales,
- ministère du Travail
- 11. Dr René Cruz - Secrétaire général, bureau du
- Procureur général de justice
- ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS
- Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP)
- 12. Dr Gilberto Cuadra - Président du COSEP
- 13. Dr Carlos Quiñones - Président du CONAPRO
- 14. Ramiro Gurdián - Président de l'Union des
- producteurs agricoles
- du Nicaragua - UPANIC
- - Premier vice-président COSEP
- 15. Mario Garache Castellón - Secrétaire exécutif COSEP
- 16. Antonio Leiva Pérez - Directeur de la Chambre de
- commerce, membre du Conseil
- supérieur du COSEP
- Union nationale des agriculteurs et éleveurs de bétail (UNAG)
- 17. Ariel Bucordo - Vice-président UNAG
- 18. Marco Antonio Gonzales - Comité directeur national UNAG
- 19. Juan Tijerino - Membre du Conseil national UNAG
- 20. Daniel Núñez R. - Président du Comité directeur
- national UNAG
- 21. Juan Ramón Aragón - Membre Comité directeur UNAG
- Association des entreprises du Nicaragua (AENI)
- 22. Eduardo Mora - Secrétaire général AENI (Fabrique
- nationale de textiles
- 23. Max Kreimann - Entreprise nationale de
- l'habillement (ENAVES)
- 24. Ricardo Obregón - Produits sanitaires
- 25. Hernán García - Métaux et structures SA
- 26. Carlos Vega - Coca Cola
- Conseil national de la petite industrie (CONAPI)
- 27. Gustavo Hernández - Sous-directeur CONAPI, président
- des entrepreneurs de
- l'habillement
- 28. Fernando Lara - Délégué de la région I (CONAPI)
- 29. Francisco Cortez - Membre CONAPI
- 30. Néstor Napal - Membre CONAPI
- ORGANISATIONS DE TRAVAILLEURS
- Congrès permanent des trvailleurs (CPT)
- (Centrale des travailleurs du Nicaragua (autonome),
- Confédération d'unité syndicale, Confédération générale
- des travailleurs (indépendante) et
- Centrale action et unité syndicales)
- 31. Manuel Ernesto Castillo Fletes - Département de formation et
- information CTN (a)
- 32. Heriberto Rayo Ordoñez - Secrétaire général adjoint
- CTN (a)
- 33. Roberto Moreno Cajina - Secrétaire général CAUS
- 34. Alvin Guthrie Rivers - Secrétaire général CUS
- 35. José Espinoza Navas - Secrétaire politique CUS
- 36. Ramón Luna Castro - Finances- CUS
- 37. Héctor Sandoval Aleman - CUS
- 38. Santos Tijerino Jiménez - CUS
- 39. Alejandro Solorzano - Relations nationales et
- internationales CGT (i)
- 40. Carlos Salgaaado Membreño - Secrétaire générale CGT (i)
- 41. Carlos Castillo Fletes - Avocat CTN (a)
- Centrale des travailleurs du Nicaragua
- 42. Sergio Roa Gutiérrez - Secrétaire général ad interim CTN
- 43. Miguel Salgado Baéz - Secrétaire exécutif, responsable
- du département juridique CTN
- 44. Carlos Huembes - Secrétaire exécutif CTN et
- président de la Coordination
- démocratique nicaraguayenne
- (actuellement en prison
- au système pénitentiaire de la
- IVe région (La Granja))
- Association des travailleurs paysans
- 45. Edgardo García - Secrétaire général, Association
- des travailleurs paysans - ATC
- 46. Francisco Cano Torres - Secrétaire international ATC
- Front ouvrier (FO)
- 47. Fernando Malespín Martínez - Secrétaire général, Front
- ouvrier (FO)
- Union des journalistes du Nicaragua (UPN)
- 48. Michele Castellón Hernández - Secrétaire général à l'Education
- et à la Presse (UPN)
- 49. Juan Alberto Henríquez - UPN
- Fédération des travailleurs de la santé (FEDSALUD)
- 50. Alberto Sequeira Ramírez - Secrétaire à l'Organisation de
- la FEDSALUD
- Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN)
- 51. Guillermo Martínez José - Secrétaire général ANDEN
- 52. Mercedes Cerda - Fonctionnaire de la filiale de
- l'enseignement supérieur
- ATD-ANDEN
- 53. Denis Fernández - Secrétaire général filiale
- ANDEN-MED, membre CEN-ANDEN
- 54. Miriam Díaz - Secrétaire à l'Education
- politique et pédagogique du
- Comité exécutif national ANDEN
- Centrale sandiniste des travailleurs (CST)
- 55. Lucio Jiménez - Secrétaire général CST
- 56. Luciano Torres G. - Secrétaire aux relations
- internationales CST
- 57. José Benito González - Secrétaire général de la
- Construction CST
- 58. Denis Parrales - Secrétaire général du syndicat de
- l'entreprise MACEN (CST)
- Union nationale des employés (UNE)
- 59. Alberto Raúl Medina Mendoza - Secrétaire général SINDIAP-UNE
- 60. Gerardo Aburto Cruz - Secrétaire général UNE-INTESCA
- 61. Roberto Gonzales Bermúdez - Secrétaire général BANCA
- 62. José Angel Bermúdez - Secrétaire général SEN
- ORGANISATIONS DE DROITS DE L'HOMME
- Commission nationale de promotion de protection
- des droits de l'homme (CNPPDH)
- 63. Dr Vilma Núñez de Escorcia - Directrice
- Commission permanente des droits de l'homme
- 64. Dr Lino Hernández - Directeur
- _____________
- 65. Dirigents des trois coopératives de paysans de l'ancienne propriété de
- M. Enrique Bolaños.