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- 90. Par une communication en date du 2 juin 1987, le Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers ainsi que le Syndicat des travailleurs des services publics et commerciaux de Gaza ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans la bande de Gaza, territoire occupé par Israël. Les plaignants ont fourni des informations complémentaires dans une lettre datée du 23 juillet 1987.
- 91. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication en date du 19 avril 1988.
- 92. Israël a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 93. Dans leur communication du 2 juin 1987, le Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers et le Syndicat des travailleurs des services publics et commerciaux de Gaza se plaignent d'avoir été empêchés de se réunir et d'élire de nouveaux comités directeurs. Il est allégué que le comité exécutif du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers a envoyé une lettre à l'officier chargé, dans la bande de Gaza, des questions de travail, pour lui faire part de son intention de tenir son assemblée générale le 21 février 1987 et de procéder, conformément aux statuts du syndicat et aux dispositions de la loi égyptienne sur le travail (loi no 331 de 1954 dont une version anglaise a été fournie), toujours en vigueur à Gaza, à l'élection de nouveaux dirigeants syndicaux. Le 18 février, le syndicat a été averti, par une lettre des autorités militaires, de l'interdiction qui lui était faite de se réunir et de procéder à de nouvelles élections. Les plaignants précisent qu'en dépit de cette interdiction les élections ont eu lieu, conformément à la loi susmentionnée. De la même façon, le Syndicat des travailleurs des services publics et commerciaux de Gaza a fait part aux autorités militaires de son intention de se réunir en assemblée générale et d'élire de nouveaux dirigeants syndicaux le 4 avril 1987, ce qui a également été interdit par les autorités. Le jour dit, les autorités militaires auraient, selon les plaignants, décrété le couvre-feu dans la zone entourant le bâtiment du syndicat et détenu, dès le matin, plusieurs dirigeants syndicaux. En dépit de ces dispositions visant à empêcher les syndicalistes de voter, les élections se sont déroulées avec succès dans un autre lieu.
- 94. A la suite des élections, et suivant en cela les statuts des syndicats, les nouveaux comités directeurs des deux syndicats ont choisi chacun deux membres parmi eux pour les représenter au conseil de la fédération. Les plaignants ajoutent que les autorités israéliennes ont également été informées, par écrit, des personnes nouvellement élues et de celles choisies pour les représenter auprès de la fédération.
- 95. Par une lettre du 17 mars 1987, les autorités militaires israéliennes ont fait savoir à la direction de la fédération qu'elles refusaient le choix par le Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers de M. Tawfiq Mabhouh et M. Aish Obeid, pour le représenter, au motif qu'elles n'étaient pas d'accord sur la tenue des élections. Le 26 mai 1987, les autorités ont réitéré leur refus à la fédération et lui ont demandé de ne pas procéder à d'autres modifications de la composition de son conseil sans leur agrément préalable (une traduction de la lettre en question se trouve en annexe à la plainte). Enfin, les autorités ont envoyé, les 26 et 27 mai 1987, des lettres aux huit membres des nouveaux comités exécutifs pour leur interdire toute activité syndicale. Les syndicalistes ont été avertis que, s'ils ne cessaient pas leurs activités syndicales, les autorités engageraient contre eux des actions judiciaires.
- 96. Les plaignants font valoir que l'interdiction faite aux syndicalistes d'appartenir à un syndicat va à l'encontre de l'article 2 de la convention no 87 et que l'interdiction des élections ainsi que le refus de reconnaître les nouveaux dirigeants élus représentent une ingérence du gouvernement dans les affaires syndicales.
- 97. Dans leurs allégations, les plaignants mentionnent, au sujet des huit dirigeants syndicaux qui se sont vu interdire toute activité syndicale par les autorités israéliennes, que ces mesures ont été prises en application de l'article 7 2) de la loi no 331 de 1954, qui dispose que toute personne ayant commis un crime n'a pas le droit d'être titulaire d'un mandat de dirigeant syndical dans un comité directeur ou dans une fédération de travailleurs, ni d'être membre d'un syndicat et que, dans leurs communications, les autorités ont précisé à ces personnes qu'elles avaient commis un crime. Il est indiqué, en outre, que cinq des syndicalistes ont été avertis dans la même lettre qu'ils n'exerçaient pas l'activité professionnelle représentée par leur syndicat et qu'en application de l'article 3 de la loi no 331 ils devaient aussi être interdits d'activité syndicale. (Le texte des deux types de lettre est fourni en annexe à la présente plainte.) Les plaignants allèguent le caractère arbitraire et illégal de l'extension, par les autorités, du champ d'application de l'article 7 à toute activité syndicale, alors que l'interdiction prévue par cette disposition se limite au mandat syndical dans le comité directeur d'un syndicat. Par ailleurs, les plaignants déclarent qu'aucun des huit syndicalistes interdits d'activité syndicale n'a été reconnu coupable de crime au sens de l'article 7 de la loi susmentionnée. Deux d'entre eux, M. Ziad Ashour et M. Ilias Al-Jeldeh, n'ont jamais été l'objet d'une condamnation quelconque, les six autres n'ayant été condamnés que pour "appartenance à une organisation illégale" du fait de leur prétendu soutien à l'Organisation de libération de la Palestine. La position des plaignants est que les syndicalistes ont été disqualifiés à cause de leur opposition politique à l'occupation israélienne et non pas du fait qu'ils représenteraient des risques pour l'exercice correct des droits syndicaux.
- 98. Comme les plaignants dénoncent l'interprétation de l'article 7 faite par les autorités israéliennes, de même ils dénoncent l'interprétation de l'article 3 de la loi no 331 en ce qui concerne le terme "travailleur" sur laquelle est fondée l'interdiction à certains syndicalistes d'appartenir à un syndicat. Selon les plaignants, l'article 3 de la loi susmentionnée contient une définition large du travailleur et exclut de son champ d'application les travailleurs des services publics (gouvernement, municipalité, armées) et ceux agissant comme représentant l'employeur pour leur interdire le droit d'association. Par conséquent, pour les plaignants, l'exclusion des syndicalistes de toute activité syndicale va à l'encontre de la loi, puisqu'une seule des huit personnes en cause, M. Mustafa Burbar, pourrait être considérée autrement que comme travailleur au sens de la loi, bien que, pour les plaignants, il soit un travailleur, mais indépendant; en outre, les plaignants précisent que les dirigeants syndicaux en place avant les dernières élections et reconnus par les autorités n'étaient pas, pour la plupart d'entre eux, de vrais travailleurs au sens de l'article 3 suit une énumération des fonctions syndicales et des activités professionnelles de quelques anciens dirigeants).
- 99. Les organisations plaignantes déclarent que la législation ne leur assure aucun recours contre les décisions des autorités et que le seul appel possible doit être interjeté devant la Haute Cour d'Israël, dont la compétence est non pas de statuer sur le fond mais de vérifier que les procédures légales ont été respectées lors d'une action des autorités.
- 100. En conclusion, les plaignants rappellent que les syndicats de Gaza sont inactifs depuis 1967 parce que les autorités restreignent constamment le champ de leur activité et que leur désir de reprendre leurs activités a été l'objet d'une répression sévère, contraire aux droits syndicaux fondamentaux.
- 101. La communication des plaignants en date du 23 juillet 1987 énumère d'autres formes d'ingérence dans les affaires des syndicats de Gaza qui sont reprochées aux forces d'occupation israéliennes: convocation des syndicalistes à plusieurs reprises pour interrogatoire, détention de dirigeants syndicaux (par exemple du secrétaire général du Syndicat des travailleurs des services publics et commerciaux (CPSWU)), menaces et autres formes de persécution.
- 102. Les plaignants décrivent en détail les événements survenus le 2 juin 1987: un officier connu du CPSWU sous le nom de "Colonel Rubin", accompagné d'un groupe d'officiers et de soldats ont investi le siège du syndicat, ordonnant aux membres présents de ne pas bouger et de présenter leur carte d'identité. Les noms de quatre travailleurs ont été consignés et l'un d'entre eux a reçu l'ordre, mais sans convocation écrite, de se présenter au bureau du Colonel. Celui-ci a mis en demeure les personnes présentes de rester à l'écart du syndicat, ajoutant à l'adresse du secrétaire exécutif du syndicat, M. Hussein al Jamal, qu'il ne devrait pas être là, les militaires lui ayant interdit toute activité syndicale. Le 8 juin, M. Hussein Abu-Nar, membre du CPSWU, a été convoqué au quartier général du gouvernement militaire, à Deir al-Balah, où il a dû attendre au soleil depuis les premières heures de la matinée jusqu'à 2 heures de l'après-midi, heure à laquelle un officier israélien est venu lui demander de revenir le lendemain. Le 9 juin, il s'est présenté à nouveau et a été détenu de 8 heures du matin à 4 heures de l'après-midi, heure à laquelle il a été conduit auprès du gouverneur militaire, qui lui a remis un ordre écrit lui interdisant toute activité syndicale en vertu de l'article 7 de la loi no 331.
- 103. Les plaignants précisent que les syndicalistes suivants ont également été détenus par les militaires ce même jour: Ayesh Obeid; Tawfiq al-Mabhouh et Mustafa al-Burbar. Ce n'est qu'après huit heures de détention, et avec l'ordre de mettre un terme à leurs activités syndicales, qu'ils ont été remis en liberté. Dans la même journée également, un groupe de soldats israéliens dirigés par un officier connu sous le nom de "Capitaine Abu-Salim", pénétrait dans la librairie où travaille Mustafa al-Burbar, membre du CPSWU. Ne le trouvant pas, ils se sont rendus chez lui où il était également absent. De retour dans la librairie, ils ont fouillé les lieux de fond en comble en menaçant de revenir. Les plaignants donnent des événements du 23 juin 1987 la description suivante: Ayesh Obeid, Tawfiq al-Mabhouh, Mustafa al-Burbar, ainsi que Suhail Abu-Ala, membre du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers, auraient été arrêtés une deuxième fois et détenus au centre d'Ansar 2, puis remis en liberté le 24 juin 1987 à 11 heures.
- 104. Selon les plaignants, Hussein al-Jamal aurait été convoqué le 25 juin 1987 au poste de police de Gaza pour interrogatoire. Il s'y est rendu le matin mais on lui a demandé de revenir l'après-midi. L'après-midi, il a subi un interrogatoire pour avoir violé l'ordre qui lui avait été intimé en participant à une réunion au siège du syndicat. Malgré ses dénégations, Al-Jamal a été inculpé puis libéré sous caution. Il attend d'être jugé. Ce même jour, Hussein Abu-Nar a été convoqué de nouveau pour interrogatoire, cette fois au poste de police de Gaza, où il a été détenu sans avoir été interrogé.
- 105. Enfin, les plaignants précisent que le 6 juillet 1987 Tawfiq al-Mabhouh a été convoqué au poste de police de Gaza, où son interrogatoire a été reporté jusqu'à nouvel ordre. Le même jour, Hussein Abu-Nar a été convoqué à nouveau au poste de police de Gaza, où il a été inculpé. On lui reprochait d'avoir violé l'ordre qui lui avait été intimé de cesser toute activité syndicale en participant à une réunion au siège du syndicat. Abu-Nar a rejeté ces accusations en faisant valoir que cet ordre était incorrect et ne se fondait sur aucune loi ou norme locale ou internationale du travail. Les plaignants craignent que ces pratiques se poursuivent. Ils espèrent que l'OIT les soutiendra face aux agissements des autorités militaires pour leur permettre de poursuivre leurs activités et de continuer à fournir à leurs travailleurs les services dont ils ont besoin.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 106. Dans sa communication datée du 19 avril 1988, le gouvernement israélien déclare qu'il reconnaît le principe de liberté syndicale et l'obligation qui lui est faite de respecter les conventions nos 87 et 98 dont il est une partie contractante, et que ces principes sont présents dans sa législation et les activités de ses différents secteurs pour tout ce qui se rapporte aux droits des travailleurs et des syndicats.
- 107. Le gouvernement fait valoir qu'en agissant en Judée et Samarie il est pleinement conscient des principes et valeurs sur lesquels se fondent les démocraties du monde libre dans leurs relations avec les travailleurs. Aucune interdiction ou restriction n'a été imposée aux syndicats de Judée et Samarie pour ce qui est des activités menées de bonne foi. Selon le gouvernement, toute mesure prise contre les syndicats ou leurs activités répondait à des actes terroristes, à des activités subversives ou à d'autres activités illégales qui n'ont absolument rien à (voir avec le mandat officiel des syndicats.
- 108. Pour mieux situer le cas en question, le gouvernement explique que la Fédération des travailleurs de Gaza, qui coordonne les activités de six syndicats, a été créée en 1965 sous l'égide de la loi égyptienne. Ces syndicats sont: le Syndicat des travailleurs des services publics et commerciaux; le Syndicat des chauffeurs; le Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers; le Syndicat des travailleurs de la couture; le Syndicat des travailleurs agricoles et le Syndicat des travailleurs de la métallurgie. La fédération a interrompu ses activités de 1967 à 1979, date à laquelle elle les a reprises conformément à la loi. Le 25 octobre 1984, un attentat a été commis sur la personne de son responsable par des membres de l'organisation terroriste El Fatah, qui cherchait ainsi à en contrôler les rouages. Après cet événement, la fédération est devenue la cible des différentes organisations terroristes et l'objet de rivalités entre elles pour en prendre le contrôle. Malgré cela, l'administration n'a pas cherché à tirer parti des infractions à la législation égyptienne concernant les activités syndicales à Gaza et n'a pas fait usage de son autorité légale pour démanteler l'Association des travailleurs ou les syndicats qui dépendent d'elle.
- 109. L'administration israélienne à Gaza agit à cet égard dans le cadre de la loi no 331 sur les syndicats promulguée par l'Egypte le 15 novembre 1954. Chaque syndicat de la région de Gaza doit se conformer à cette loi qui contient des dispositions claires sur la tenue et l'organisation des élections syndicales pour qu'il n'y ait aucune restriction au droit des travailleurs à des élections démocratiques, conformément aux conventions nos 87 et 98. Selon le gouvernement, les syndicats plaignants auraient violé: a) le paragraphe 8 a) qui exige des élections au scrutin secret et fondées sur l'égalité; et b) le paragraphe 7 2) qui interdit à toute personne reconnue coupable d'une infraction grave d'appartenir au comité directeur d'un syndicat.
- 110. Le gouvernement fait valoir que les dirigeants des deux syndicats plaignants ont été élus par la méthode du "Tazkiyeh", ou élection par consensus sur une liste de candidats convenue à l'avance, avec un seul candidat pour chaque poste. Il considère ce système comme contraire au concept sur lequel se fonde la méthode décrite au paragraphe 8 a), qui prévoit que les travailleurs élisent leurs candidats librement au lieu de simplement entériner une liste de personnes fixée à l'avance pour des fonctions déterminées. Il estime également que le principe du secret n'a pas été respecté pendant les élections organisées par les syndicats. Il prétend qu'il n'y a jamais eu de véritables élections, mais simplement des nominations par l'exercice de la force majeure. Selon le gouvernement, ces "élections" se sont tenues malgré l'interdiction expresse de l'administration, qui estime que certaines autres dispositions de la loi ne sont pas respectées, ainsi qu'il est dit plus loin.
- 111. Selon le gouvernement, au moins sept personnes reconnues coupables d'une infraction grave ont été élues au conseil exécutif des syndicats qui ont déposé la plainte. Il est évident que le caractère criminel d'un acte de droit commun ou portant atteinte à la sécurité est indépendant de tout motif idéologique ayant pu inciter l'accusé à le commettre. Le gouvernement explique que: - Ayesh Obeid a été élu au conseil exécutif du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers mais que, ayant été reconnu coupable d'appartenance à une organisation hostile et d'avoir posé des charges explosives, il a été condamné à dix ans d'emprisonnement (cas no 71/81 du Tribunal militaire); - Jamil Ahmed Said Jaras a été élu au conseil du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers mais, ayant été reconnu coupable d'avoir port atteinte à la sécurité de la région, il a été condamné à huit mois d'emprisonnement (cas no 1180/82 du Tribunal militaire); - Tawfiq al-Mabhouh a été élu au conseil du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers mais, ayant été reconnu coupable d'appartenance à une organisation hostile, il a été condamné à huit mois d'emprisonnement (cas no 775/73 du Tribunal militaire de Gaza); - Ziad Sabhi Abdallah Ashour a été élu au conseil du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers, mais il a été reconnu coupable de provocation (cas no 21/86 du Tribunal militaire); - Hussein Mahmad al-Jamal a été élu au conseil exécutif du CPSWU mais, ayant été reconnu coupable d'appartenance à une organisation hostile, il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement (cas no 678/75 du Tribunal militaire); - Yehia Dib Salam Obeid a été élu au conseil du CPSWU, mais il a été reconnu coupable d'avoir pris contact avec une organisation hostile et d'avoi exécuté certaines activités pour une organisation hostile (cas no 446/82 du Tribunal militaire); - Hussein Abu-Nar a été élu au conseil du CPSWU mais, ayant été reconnu coupable d'une tentative de meurtre et d'avoir posé des charges explosives, i a été condamné à dix ans d'emprisonnement (cas no 395/71 du Tribunal militaire).
- 112. Le gouvernement déclare que trois d'entre eux (Tawfiq al-Mabhouh, Hussein al-Jamal et Hussein Abu-Nar) ont fait l'objet d'une enquête policière parce qu'ils étaient suspectés d'avoir contrevenu à l'article 7 de la loi égyptienne (qui interdit à toute personne reconnue coupable d'un acte criminel de faire partie du conseil exécutif d'un syndicat). Une plainte a été déposée auprès de la police de Gaza après que ces trois personnes eurent été sommées de quitter le conseil exécutif du syndicat en raison des actes qu'elles avaient commis. Le gourvernement précise que, devant leur refus, des poursuites ont été intentées contre elles auprès d'une juridiction militaire (nos PA 1411/87 et 1676/87). Ces trois personnes ne sont pas encore inculpées.
- 113. Le gouvernement ajoute que l'élection de personnes qui, après avoir fait l'objet d'une incarcération, continuent à appartenir au conseil exécutif d'un syndicat a deux conséquences d'un point de vue juridique: premièrement, elles commettent, ce faisant, un acte criminel pour lequel elles encourent une peine (ce qui explique qu'une enquête policière ait été ouverte contre ces trois personnes); et, deuxièmement, en élisant une personne qui a déjà été condamnée pour crime, le syndicat viole les dispositions de l'article 7 de la loi, ce qui est un motif suffisant, au sens du paragraphe 14 c) de la loi, d'annulation de son enregistrement.
- 114. En outre, le gouvernement déclare que ces syndicats violent systématiquement les dispositions de la loi sur les syndicats dans les domaines suivants.
- 115. Le paragraphe 18 d) interdit aux syndicats toute activité politique ou religieuse. cette interdiction concernant les activités politiques étant à rapprocher de l'article 5 qui précise que le but de la création des syndicats est l'assistance mutuelle au service des intérêts professionnels de leurs membres et de leur bien-être matériel et social. La Fédération des travailleurs mentionnée plus haut n'en a pas moins adopté, le 23 juillet 1986, une résolution reconnaissant l'OLP comme le seul représentant du peuple palestinien et rejetant la résolution no 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
- 116. L'article 21 fait obligation à tous les syndicats de remettre au fonctionnaire chargé des affaires du travail un bilan annuel authentifié par un comptable pour chaque année budgétaire. A l'exception de celui des travailleurs des services publics et commerciaux, aucun syndicat n'établit ou ne remet de bilan. Par ailleurs, l'article 25 oblige tous les syndicats à informer ce fonctionnaire de toutes les sessions de l'Assemblée générale, et l'article 21 leur demande de lui remettre chaque année une copie du compte rendu de l'Assemblée générale, ce qu'ils ne font pas.
- 117. Selon l'article 5 de la loi sur les syndicats, ne peuvent être membres d'un syndicat que les "travailleurs" au sens de l'article 3, qui distingue les travailleurs des non-travailleurs en fonction du degré de contrôle auquel ils sont soumis de la part de leur employeur. Le CPSWU a violé l'article 5 en élisant au conseil exécutif deux personnes qui ne sont pas des "travailleurs": Ilias al-Jeldeh, bijoutier de profession, et Yedia Salem Obeid, qui possède un commerce de farine. L'Association des travailleurs agricoles (qui est membre de la Fédération des travailleurs) a également violé cet article en élisant Ahmed Atiah au conseil exécutif alors même qu'il n'exerçait pas cette profession.
- 118. Enfin, le gouvernement rappelle que l'article 14 de la loi dispose qu'un syndicat qui ne répond pas aux conditions prévues peut être dissous; par respect pour les principes figurant dans les conventions nos 87 et 98, le gouvernement s'est abstenu de prendre des mesures dans ce sens. Il affirme qu'il n'y a aucune objection à la tenue d'élections syndicales qui serait conforme à la législation et qu'il ne reconnaîtra que les résultats d'élections qui seraient menées dans le respect de la loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 119. Le comité note que ce cas présente en fait deux types d'allégations différentes: premièrement, la non-reconnaissance par les autorités des nouveaux comités directeurs des deux syndicats plaignants, élus en février et avril 1987, et l'interdiction qui leur a été faite de participer à des activités syndicales; et, deuxièmement, les persécutions dont sont victimes des syndicalistes et des dirigeants syndicaux et les arrestations survenues en juin 1987. Les plaignants rattachent ces différents incidents à la répression des syndicats de Gaza, qui s'efforcent de reprendre leurs activités au service de leurs membres après une longue période d'inactivité qui remonte à 1967.
- 120. La version donnée par le gouvernement diffère considérablement de celle des syndicats plaignants. Premièrement, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle non seulement les syndicats concernés, et d'autres à Gaza, ont violé la loi applicable par leur composition et leur fonctionnement, mais aussi que, non conformes aux dispositions législatives en la matière, les élections en question ne sont pas valables. Deuxièmement, le gouvernement explique que les enquêtes et les interrogatoires dont ont fait l'objet trois personnes (Tawfiq al-Mabhouh, Hussein Mahmad al-Jamal et Hussein Abu-Nar) étaient liés à des activités soupçonnées d'être illégales et ont abouti à l'ouverture de poursuites auprès d'une juridiction militaire, mais sans inculpation pour l'instant.
- 121. En ce qui concerne la principale disposition législative invoquée dans ce cas, le comité observe que l'article 7 de la loi sur les syndicats (loi no 331 de 1954) dispose que: 7. Aucune des personnes suivantes ne peut devenir membre du conseil exécutif d'un syndicat: ... 2) Les personnes reconnues coupables d'une infraction réputée crime impliquant le vol ou le recel d'objets volés, la fraude, la malhonnêteté, la corruption, une fausse déclaration de faillite, le faux et usage de faux, le faux témoignage ou la subornation de témoins, le trafic ou la possession de stupéfiants ou condamnées à ce titre ou pour attentat à la pudeur ou outrage aux bonnes moeurs. Il ressort de la traduction anglaise du texte dont dispose le comité que les délits qui interdisent à une personne l'exercice de fonctions syndicales sont liés au problème de savoir si les coupables peuvent être désignés à un poste de confiance comme celui de dirigeant syndical.
- 122. La position des organes de contrôle de l'OIT face à ce type de restrictions législatives concernant l'éligibilité au poste de dirigeant syndical a toujours été la suivante: la condamnation pour une activité qui, par sa nature, ne mettrait pas en cause l'intégrité de l'intéressé et ne saurait constituer un risque véritable pour l'exercice de fonctions syndicales ne doit pas constituer un motif de disqualification ... et que tout texte législatif interdisant ces fonctions aux personnes pour tout type de délit est incompatible avec les principes de la liberté syndicale. (Voir l'Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 164.)
- 123. Dans le cas présent, l'article 7 impose des restrictions acceptables aux personnes ayant des antécédents criminels, mais le comité est d'avis que les autorités militaires ont en fait appliqué le paragraphe 7 2) à un éventail beaucoup plus large de délits qui, selon les critères susmentionnés, n'ont que peu de rapports avec l'aptitude d'une personne condamnée à remplir les fonctions syndicales pour lesquelles elle a été élue. Par exemple, le comité relève sur la liste détaillée fournie par le gouvernement que quatre des sept membres des nouveaux comités directeurs ont été condamnés pour leur appartenance à une organisation hostile ou pour avoir eu des contacts avec elle, et les trois autres sous l'inculpation d'atteinte à la sécurité de l'Etat, de provocation, de tentative d'assassinat et de dépôt de charges explosives. En plus, le comité note que les jugements rendus par le Tribunal militaire auxquels se réfère le gouvernement remontent, dans certains cas, au début des années soixante-dix et qu'il ressort des informations disponbiles que, lorsqu'une peine d'emprisonnement accompagnait la condamnation, elle était toujours purgée. Il observe également que le gouvernement donne une description détaillée de la participation à des activités terroristes d'organisations membres de la Fédération des travailleurs de Gaza, dont le conseil comprend des membres des nouveaux comités directeurs. Etant donné les faits dont il est saisi, le comité souligne l'importance du principe qui assure aux organisations de travailleurs le droit d'élire leurs représentants en toute liberté. Il rappelle au gouvernement que la pratique qui consiste à donner une interprétation large de la législation sur les élections syndicales, de façon à priver certaines personnes du droit d'être élues à certains postes uniquement en raison de leurs convictions ou de leur affiliation politiques, n'est pas compatible avec ce droit.
- 124. Le comité relève que le gouvernement justifie par des violations récentes de l'article 7 2) l'enquête policière et les poursuites devant une juridiction militaire dont ont fait l'objet Tawfiq al-Mabhouh (élu au comité directeur du Syndicat des travailleurs du bâtiment et des charpentiers), Hussein al-Jamal et Jussein Abu-Nar (élus au comité directeur du CPSWU). Le comité veut donc croire que les principes susmentionnés recevront toute l'attention voulue des autorités chargées de l'instruction.
- 125. En ce qui concerne le deuxième vice de forme des élections, sur lequel le gouvernement fonde sa non-reconnaissance des nouveaux comités directeurs, à savoir le non-respect du principe des élections démocratiques au scrutin secret, le comité relève que l'article 8 a) de la loi est libellé comme suit: 8. a) Le comité directeur du syndicat est élu conformément aux modalités prévues par les articles concernant l'adhésion, qui devraient disposer que tous les membres sont égaux en droit et devraient pouvoir participer à égalit aux élections, dont le secret devrait être garanti par des moyens raisonnables et pratiques.
- 126. Dans des cas précédents concernant l'obligation faite par la loi de garantir le secret des élections syndicales, les organes de contrôle de l'OIT ont estimé qu'il n'y avait pas eu violation des principes de la liberté syndicale lorsque la législation contenait certaines règles destinées à promouvoir des principes démocratiques au sein des organisations syndicales o à garantir le déroulement normal de la procédure électorale dans le respect des droits des membres afin d'éviter tout conflit au sujet des résultats des élections. (Voir Etude d'ensemble, paragr. 169.) Dans le cas présent, le comité prend note des affirmations des plaignants selon lesquelles les élections ont eu lieu conformément aux statuts des deux syndicats, mais il aurait souhaité avoir des informations plus détaillées sur l'élection par consensus selon la procédure du "Tazkiyeh". Quoi qu'il en soit, le comité observe que les autorités militaires n'ont pas cherché à utiliser le prétendu vice de forme pour annuler l'enregistrement des deux syndicats plaignants ainsi que les y autorise l'article 14 de la loi no 331. Sur la base des informations disponibles, le comité n'est pas en mesure de déterminer si les élections syndicales de février et avril 1987 ont été menées en stricte conformité avec les dispositions législatives pertinentes.
- 127. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les autorités militaires auraient donné une interprétation erronée de l'article 3 de la loi afin de limiter le droit d'adhésion à des syndicats, le comité relève qu'elle est à rapprocher de la réponse du gouvernement selon lequel les syndicats plaignants auraient violé les dispositions de la loi no 331 concernant l'adhésion à un syndicat. D'après les données disponibles dans le cas d'espèce, cette prétendue violation de l'article 2 de la convention no 87 n'affecte que le statut de trois des nouveaux membres du comité directeur du CPSWU: M. Mustafa Burbar, M. Ilias al-Jeldeh et M. Jedia Salem Obeid. Le gouvernement déclare que ces personnes ne sont pas des "travailleurs" et les plaignants qualifient l'un d'eux, M. Burbar, de travailleur "indépendant". Là aussi, étant donné que cette prétendue violation de la législation en vigueur n'a pas donné lieu à la sanction prévue, à savoir l'annulation de l'enregistrement du syndicat, le comité se doit de conclure qu'il n'y a pas eu violation de la convention no 87 en ce qui concerne cet aspect de l'affaire.
- 128. Ayant examiné la loi no 331 et les données qui lui ont été présentées dans ce cas, le comité estime de façon générale que l'interdiction de participer à toute activité syndicale faite à huit nouveaux membres des comités directeurs syndicaux devrait être réexaminée à la lumière des principes mentionnés plus haut.
- 129. Le comité prend note avec préoccupation des allégations de persécutions et de menaces dont auraient fait l'objet six syndicalistes, en particulier en juin 1987: le double interrogatoire de Hussein al-Jamal et son inculpation, puis sa remise en liberté sous caution; les deux arrestations suivies de huit heures et d'une journée entière de détention dont ont fait l'objet Ayesh Obeid, Tawfiq al-Mabhouh, qui ont été convoqués une troisième fois en juillet, et Mustafa al-Burbar; l'arrestation et la détention de Suhail Abu-Ala pendant une journée; la triple convocation et la détention de Hussein Abu-Nar pendant une journée ainsi que son inculpation. Le comité note que, selon le gouvernement, des enquêtes policières auraient été ouvertes contre trois de ces personnes (Hussein al-Jamal, Tawfiq al-Mabhouh et Hussein abu-Nar) mais sans inculpation jusqu'ici. Il note également que le gouvernement évoque les antécédents criminels de M. Ayesh Obeid mais passe sous silence les interrogatoires qu'il aurait subis récemment, de même que Suhail Abu-Ala et Mustafa al-Burbar). Comme dans les cas précédents concernant des convocations répétées par les autorités (voir, par exemple le 226e rapport, cas no 1153 (Uruguay), paragr. 178), le comité signale à l'attention du gouvernement le principe selon lequel les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires par la police des dirigeants et des militants syndicaux contiennent un risque d'abus et peuvent constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 130. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle qu'une pratique qui consiste à donner une interprétation large de la législation sur les élections syndicales afin de priver certaines personnes du droit d'être élues à certains postes n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- b) Le comité est d'avis que les allégations et les réponses concernant le paragraphe 8 a) et l'article 3 de la loi no 331 de 1954 sur les syndicats en vigueur à Gaza n'appellent pas un examen plus approfondi.
- c) Au sujet de l'interdiction de participer à toute activité syndicale faite à huit nouveaux membres des comités directeurs de syndicats, le comité demande au gouvernement de réexaminer la situation à la lumière des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale.
- d) Le comité rappelle le principe selon lequel les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires de dirigeants syndicaux par la police contiennent un risque d'abus.