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Rapport définitif - Rapport No. 254, Mars 1988

Cas no 1422 (Colombie) - Date de la plainte: 21-AOÛT -87 - Clos

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  1. 87. La plainte figure dans deux communications du Syndicat des travailleurs de la Société générale CEAT de Colombie, SA, en date des 21 août et 21 septembre 1987. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications des 21 octobre 1987 et 26 janvier 1988.
  2. 88. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Elle n'a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 89. Dans sa communication du 21 août 1987, le Syndicat des travailleurs de la Société générale CEAT de Colombie allègue des violations des droits syndicaux de la part de l'entreprise, à savoir le licenciement, le 11 août 1987, de Luis Antonio García et de Carlos Arturo Ceballos, respectivement président et secrétaire général du syndicat, sans respecter les dispositions légales relatives au licenciement de travailleurs bénéficiant du privilège syndical, et le refus de l'entreprise d'accorder des autorisations d'absence syndicales et de reconnaître la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), à laquelle le syndicat est affilié aux niveaux national et régional.
  2. 90. La communication signale que la Société générale CEAT de Colombie a commis ainsi des violations des droits syndicaux consacrés par le code du travail de Colombie à l'article 353 - qui garantit le droit des employeurs et des travailleurs de s'associer librement pour défendre leurs intérêts, de former des associations professionnelles ou des syndicats et reconnaît à ces derniers le droit de s'unir ou de se fédérer -, par l'article 405 concernant le privilège syndical - lequel énonce les garanties dont bénéficient certains travailleurs qui ne peuvent être congédiés sans un motif valable, préalablement admis comme tel par le juge du travail - et par l'article 406 qui énumère les travailleurs ayant droit aux garanties du privilège syndical.
  3. 91. Dans sa communication, le plaignant ajoute que l'entreprise a violé aussi, par ces licenciements, l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme sur la liberté d'opinion et d'expression, l'article 1 de la convention no 98 ainsi que la convention no 135. Le plaignant joint en annexe à sa communication les lettres de licenciement envoyées à Luis Antonio García et à Carlos Arturo Ceballos et la copie du compte rendu de la réunion de la commission paritaire d'arbitrage entre l'entreprise et le syndicat, tenue le 11 août 1987, réunion qui n'a pas permis d'arriver à un compromis entre les parties sur les licenciements susmentionnés.
  4. 92. Dans sa communication du 21 septembre, le plaignant indique qu'une enquête administrative a été demandée contre la Société générale CEAT de Colombie auprès de la Division du travail et de la sécurité sociale de Cali, mais qu'à la date de la communication il n'y avait pas eu de décision favorable à la réintégration de MM. Luis A. García G. et Carlos Arturo Ceballos.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 93. Dans sa communication du 21 octobre 1987, le gouvernement déclare que la Division du travail et de la sécurité sociale du département du Valle a fait savoir que la situation de MM. Luis Antonio García G. et Carlos Arturo Ceballos à l'égard de la Société générale CEAT de Colombie comportait deux aspects différents: le licenciement de travailleurs et la destitution postérieure de dirigeants syndicaux.
  2. 94. Premièrement, en ce qui concerne les licenciements prononcés par l'entreprise, il est indispensable de préciser que tout travailleur dispose d'un droit de recours en justice en vue de sa réintégration art. 118 du code de procédure du travail, modifié par l'article 6 du décret 204 de 1957) et que, s'il le juge bon, il peut déposer auprès de la juridiction pénale une plainte pour persécution syndicale ou violation du droit d'association. MM. García et Ceballos jouissent, comme tous les citoyens, de la protection absolue de la loi pour intenter une action en rétablissement de leurs droits, auprès des autorités du travail, s'ils estiment que ces droits ont été violés et s'ils le prouvent au juge du travail; en outre, la loi leur garantit la possibilité d'intenter un recours en justice pour que l'entreprise soit sanctionnée s'il est prouvé qu'elle a enfreint les règles pertinentes. Il convient de noter que, selon les dispositions législatives en vigueur, seuls les tribunaux du travail sont compétents pour connaître des actions concernant le privilège syndical et que, par conséquent, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne peut absolument pas se prononcer sur ces questions, car cela constituerait un abus de pouvoir et une ingérence contraire à la séparation des pouvoirs. De même, le ministère n'est pas habilité à décider si un sujet (l'entreprise) a commis le délit de violation de la liberté ou du droit d'association, car ces délits sont du ressort de la justice.
  3. 95. Le gouvernement fait observer dans sa communication qu'il appartient à la personne affectée d'engager une action en réintégration auprès du juge du travail et, éventuellement, une plainte auprès du juge pénal pour violation de l'article du code pénal qui interdit les atteintes au droit d'association, car les fonctionnaires de la justice ne peuvent pas engager ces actions d'office.
  4. 96. Deuxièmement, ajoute la communication du gouvernement, l'enquête menée par la Division du travail et de la sécurité sociale du département du Valle fait suite à la contestation de l'élection du nouveau comité directeur du Syndicat des travailleurs de la Société générale CEAT de Colombie, SA, qui a eu lieu lors de l'assemblée générale tenue le 16 août 1987. L'assemblée générale des membres du syndicat avait été convoquée pour cette date et, lors de ladite assemblée, l'un des syndiqués, au moment de l'examen de l'ordre du jour, a demandé que l'on y ajoute la question de l'élection d'un nouveau comité directeur, ce qui a été approuvé par l'assemblée générale. Au cours de la réunion, trois membres du comité directeur du syndicat, autres que MM. García et Ceballos, ont présenté leur démission et, de ce fait, il a fallu élire un nouveau comité directeur, comme il est indiqué dans le compte rendu de l'assemblée, ce qui a été fait selon une décision prise librement et unanimement par l'organe suprême de décision du syndicat.
  5. 97. Néanmoins, un ancien travailleur, M. Ceballos, a contesté auprès de la Division du travail et de la sécurité sociale du département du Valle l'élection du nouveau comité directeur. Ce recours en contestation a été tranché par la résolution no 1029 du 16 septembre 1987: la contestation a été rejetée parce qu'il a été établi que l'assemblée du syndicat et l'élection du nouveau comité directeur avaient été effectuées conformément à la loi et ne présentaient aucune irrégularité. Un recours en appel a été interjeté contre cette résolution et il a été tranché par la résolution no 1045 du 29 septembre 1987 qui a confirmé sur tous les points la résolution antérieure, laquelle se trouvait au stade exécutoire. Il est évident, ajoute la communication, qu'à aucun moment le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n'a fait preuve de négligence pour trancher la question qui lui a été présentée par M. Ceballos.
  6. 98. La communication du gouvernement ajoute que l'organisation plaignante peut difficilement affirmer que les droits syndicaux ne sont pas garantis; il convient de relever, en ce qui concerne le privilège syndical, que si MM. García et Ceballos ont été licenciés par la Société générale CEAT de Colombie sans l'autorisation requise du juge du travail, ils ont le droit d'engager auprès de la juridiction du travail l'action en réintégration prévue par l'article 118 du code de procédure du travail. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n'est pas habilité à ordonner à l'entreprise de réintégrer les travailleurs licenciés. Quant au droit d'association, si MM. García et Ceballos considèrent que l'entreprise a violé le droit d'association en les licenciant, ils ont la possibilité de déposer la plainte pénale correspondante auprès de l'organe judiciaire compétent, car le ministère n'est pas compétent pour adopter une décision à cet égard.
  7. 99. Pour ce qui est de l'appartenance au comité directeur du syndicat, ce comité peut comprendre, conformément aux dispositions du code du travail, tous les membres librement élus mais, parmi ces derniers, seuls cinq membres titulaires et cinq membres suppléants bénéficient du privilège syndical (art. 406). L'assemblée générale du syndicat est habilitée à élire les membres du comité directeur et à les révoquer lorsqu'elle le juge bon. S'il est vrai qu'ils n'avaient pas perdu leur qualité de syndicalistes en étant licenciés par l'entreprise, MM. García et Ceballos pouvaient néanmoins être révoqués de leurs fonctions de dirigeants syndicaux par un vote de l'assemblée générale de l'organisation syndicale. Comme M. Ceballos n'acceptait pas sa révocation en tant que dirigeant syndical, il a contesté l'élection du nouveau comité directeur auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, lequel a décidé de ne pas accepter la contestation car il n'y avait aucune irrégularité dans ladite élection.
  8. 100. Enfin, la communication du gouvernement indique qu'aucune plainte n'a été reçue concernant le refus d'autorisations d'absence syndicales, et qu'on ne voit pas comment on peut affirmer qu'il existe un refus de reconnaître la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), organisation syndicale ayant la personnalité juridique et dont la représentativité ne peut être mise en doute.
  9. 101. Dans sa communication du 26 janvier 1988, le gouvernement indique qu'il est nécessaire de souligner que la question de savoir si les licenciements de MM. García et Ceballos se sont produits conformément à la loi ou s'il y a eu violation de la loi appartient exclusivement aux tribunaux du travail. De même, il appartiendra à la justice pénale de statuer à la condition que les intéressés introduisent des recours sur l'éventuelle violation du droit d'association résultant de leurs licenciements.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 102. Le comité note que les allégations du plaignant portent en particulier sur le licenciement des dirigeants syndicaux du Syndicat des travailleurs de la Société générale CEAT de Colombie, MM. Luis Antonio García et Carlos Arturo Ceballos, et le refus d'accorder des autorisations d'absence syndicales et de reconnaître la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) à laquelle ce syndicat est affilié.
  2. 103. Le comité note que les dirigeants syndicaux, MM. García et Ceballos, ont été licenciés sans que l'entreprise ait tenu compte des garanties offertes par la loi art. 405 du code du travail) aux travailleurs bénéficiant du privilège syndical, comme c'est le cas des dirigeants susmentionnés. En effet, l'entreprise n'a pas demandé l'autorisation du juge du travail de procéder aux licenciements. Ceux-ci constituent donc une violation des libertés syndicales de ces travailleurs.
  3. 104. Le comité prend note aussi des informations fournies par le gouvernement, en particulier sur la protection que la loi accorde pour engager une action en réintégration lorsque le licenciement est considéré comme illégal ou injuste, étant entendu qu'il incombe aux personnes concernées d'engager cette action en réintégration auprès du juge du travail. Dans le présent cas, un tel recours n'a pas été mis à profit.
  4. 105. Par ailleurs, en ce qui concerne le renouvellement du comité directeur du syndicat par l'assemblée générale de ce dernier, et le fait que MM. García et Ceballos n'ont pas été élus après leur licenciement, le comité relève que la décision a été prise unanimement et librement par les membres de l'assemblée générale, que l'élection a été examinée par l'autorité administrative, à la suite d'un recours en contestation introduit par M. Ceballos, et que l'autorité a estimé que l'assemblée et l'élection avaient été effectuées conformément à la loi et n'avaient présenté aucune irrégularité. En tout état de cause, le comité note qu'apparemment, en vertu de la législation en vigeur, rien n'empêchait MM. García et Ceballos de continuer à faire état de leur qualité de dirigeants syndicaux, même après avoir été licenciés par l'entreprise.
  5. 106. Enfin, le comité note que le gouvernement n'a pas été saisi de plainte concernant des refus d'autorisations d'absence pour raisons syndicales ou des refus allégués de reconnaître la personnalité juridique de la CUT qui, selon le gouvernement, jouit de la personnalité juridique et des droits de représentativité.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 107. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider, compte tenu des éléments d'information dont il dispose, que ce cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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