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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 259, Novembre 1988

Cas no 1449 (Mali) - Date de la plainte: 22-MARS -88 - Clos

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  1. 236. La plainte alléguant des violations de la liberté syndicale
    • au Mali a
    • été présentée dans des communications des 22 mars et 19
    • avril 1988 par la
    • section III du Syndicat national de l'éducation et de la culture
    • (SNEC). Le
    • gouvernement a envoyé ses observations et informations sur
    • cette affaire dans
    • une communication du 10 août 1988.
  2. 237. Le Mali a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
    • syndicale et la
    • protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no
  3. 98) sur le
    • droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 238. Dans leurs communications des 22 mars et 19 avril 1988
    • et dans la
    • documentation qu'ils ont jointe concernant cette affaire, le
    • secrétaire
    • général de la section III du SNEC du district de Bamako, M.
    • Modibo Diara, et
    • le secrétaire général adjoint de la section, M. Youssouf
    • Ganaba, se plaignent
    • de ce que le gouvernement aurait porté atteinte à leurs droits
    • syndicaux à la
    • suite d'une grève de leur section syndicale qui s'est déroulée
  2. du 15 au 20
    • février 1988.
  3. 239. Brossant un tableau de la législation syndicale au Mali,
    • ils expliquent
    • que la grève est autorisée aux termes de la Constitution et en
    • application de
    • la loi du 7 juillet 1987 (loi no 87-47/AN-RM). Or ils dénoncent
    • les
    • représailles dont ils ont été l'objet pour avoir manifesté leur
    • mécontentement
    • en recourant à la grève face à un retard d'au moins trois mois
    • dans le
    • versement de leurs salaires.
  4. 240. De manière plus détaillée, ils indiquent que, par une
    • décision du 9
    • décembre 1986, le ministre du Travail a muté, en pleine année
    • scolaire, 84
    • enseignants. Ils fournissent en annexe la décision no 25/60
      • MEN-DNEF qui
    • comprend les noms des enseignants mutés et leurs lieux
    • d'affectation. Parmi
    • ces enseignants figurent les deux signataires de la plainte. Les
    • plaignants
    • expliquent que les enseignants mutés étaient déjà confrontés
    • au dénuement
    • causé par un retard de trois mois dans le paiement de leurs
    • salaires et qu'ils
    • recevaient l'ordre de rejoindre des postes où leurs collègues
    • n'avaient pas
    • perçu de salaires depuis quatre ou cinq mois. Toujours d'après
    • les plaignants,
    • ces mutations auraient été arbitraires étant donné qu'elles
    • n'auraient pas
    • tenu compte des conditions sociales des personnes mutées
    • (séparation de corps,
    • perturbation dans les études des enfants, déplacement de
    • femmes enceintes). En
    • outre, les enseignants mutés n'auraient reçu aucune indemnité
    • ni avance sur
    • salaires pour leur permettre de rejoindre leurs postes, alors que
    • de telles
    • avances étaient prévues par la loi.
  5. 241. Par ailleurs, les deux signataires de la plainte ajoutent
    • qu'eux-mêmes
    • ont été licenciés pour un prétendu abandon de poste. Selon
    • eux, cependant, les
    • autorités nationales compétentes, à savoir le Service de
    • transit, auraient
    • estimé que la décision du 9 décembre 1986 les mutant dans
    • un autre poste était
    • caduque. Ce service aurait d'ailleurs demandé à ce que ladite
    • décision de
    • mutation soit réactualisée pour que les intéressés puissent
    • recevoir une
    • réquisition de transport leur permettant de rejoindre leurs
    • postes. Toutefois,
    • le ministre du Travail aurait refusé de réactualiser la décision
    • de mutation
    • et aurait insisté sur le fait que cette décision était toujours
    • valable. Les
    • deux signataires de la plainte admettent qu'ils n'ont pas rejoint
    • leurs postes
    • mais ils expliquent qu'ils ne pouvaient le faire puisqu'ils étaient
    • confrontés
    • au problème de la survie de leurs familles.
  6. 242. Les plaignants allèguent aussi le licenciement et la
    • disparition de M.
    • Issa N'Diaye, professeur de philosophie à l'Ecole normale
    • supérieure, ainsi
    • que la détention au camp no I de la gendarmerie de MM.
    • Charles Danioko et
    • Komakan Keita, respectivement professeur d'histoire et
    • géographie et
    • professeur de sociologie dans cette même école. Selon les
    • plaignants, ces
    • enseignants seraient accusés d'avoir été responsables de la
    • marche des
    • étudiants de leur établissement pour soutenir les professeurs.
  7. 243. Enfin, de la documentation jointe à la plainte il ressort
    • que le bureau
    • exécutif du Syndicat national de l'éducation et de la culture
    • n'aurait pas
    • apporté son appui aux syndicalistes grévistes dans leurs
    • revendications pour
    • obtenir le paiement de leurs arriérés de salaires mais qu'il
    • aurait, au
    • contraire, par décision du 10 mars 1988 communiquée le 14
    • mars par le
    • secrétaire général du SNEC, M. Simaga, suspendu l'un des
    • plaignants dans cette
    • affaire, à savoir M. Modibo Diara, secrétaire général de la
    • section III, de
    • toute activité syndicale et parasyndicale.
  8. 244. Dans une lettre ouverte adressée au secrétaire général
    • du SNEC et
    • jointe à la plainte, M. Modibo Diara, s'insurgeant contre sa
    • suspension de
    • "toute activité syndicale et parasyndicale" avec l'ordre formel
    • de "s'abstenir
    • de tout travail syndical du SNEC, et cela sur toute l'étendue du
    • pays jusqu'au
    • prochain congrès ordinaire de l'organisation", prononcée par le
    • bureau
    • exécutif du SNEC, indique que cette suspension est
    • intervenue contrairement à
    • la procédure qui découle des statuts et du règlement intérieur
    • du SNEC. En
    • effet, selon cette lettre ouverte, si le bureau exécutif ou toute
    • autre
    • instance peut suspendre un de ses membres, le bureau
    • national ne peut
    • suspendre individuellement le membre d'une autre instance
    • (section, division,
    • subdivision ou comité), car ce n'est pas lui qui a élu les
    • membres des autres
    • instances.
  9. 245. Revenant sur les faits dans cette lettre ouverte, le
    • plaignant indique
    • qu'alors qu'il était secrétaire général de la section III - SNEC,
    • district de
    • Bamako, sa section n'a eu pour tort que de rester fidèle à
    • l'aspiration
    • légitime de ses militants concernant le retard chronique dans le
    • paiement des
    • salaires et accessoires du salaire, avancements et
    • reclassements des
    • enseignants. Le plaignant cite à cet égard la résolution du
    • congrès qui
    • "engage le bureau exécutif national/du Syndicat national de
    • l'éducation et de
    • la culture à entreprendre, en collaboration avec les autres
    • syndicats
    • nationaux et l'Union nationale des travailleurs du Mali, la lutte
    • pour
    • l'obtention de nos droits atteints (salaires et accessoires,
    • avancements,
    • reclassements). A défaut, le congrès l'engage tout seul." Dans
    • ses actions de
    • lutte, poursuit le plaignant dans la lettre ouverte, la section III,
    • de
    • manière démocratique et légale, a entrepris en novembre
  10. 1986, après un retard
    • chronique de trois mois dans le paiement des salaires, des
    • démarches en vue de
    • décider le bureau exécutif à une action commune, étant
    • donné que la plupart
    • des divisions et des sections demandaient au bureau exécutif
    • de s'engager dans
    • autre chose que l'éternelle négociation stérile. Or l'action du
    • secrétaire
    • général et de certains membres du bureau exécutif a été de
    • tout faire pour
    • briser cette grève légitime, faisant pire que l'employeur et
    • agissant dans le
    • but d'isoler la section III des autres sections de Bamako qui,
    • pourtant,
    • avaient le même problème. La grève de novembre 1986 de la
    • section III a
    • pourtant réussi et les autres sections ont compris qu'il fallait
    • lutter; c'est
    • la raison pour laquelle la grève nationale de décembre 1986 a
    • eu lieu.
  11. 246. Toujours d'après cette lettre ouverte, en octobre 1987,
    • le même
    • problème des arriérés de salaires est à nouveau survenu et, en
    • décembre 1987,
    • la section III a voulu lancer un préavis de grève, lequel
    • échoua quand le
    • bureau exécutif du SNEC décida d'une action. En effet, après
    • maintes
    • hésitations, le bureau du SNEC avait décidé de déposer un
    • préavis de grève,
    • mais ce préavis fut levé moins de quarante-huit heures plus
    • tard. La section
    • III a été alors obligée de lever son propre préavis de grève.
  12. 247. Le plaignant indique encore qu'en février 1988 la
    • situation demeurait
    • la même; que la section III, fidèle aux aspirations de ses
    • militants, avait
    • déposé à nouveau un préavis pour une grève de cinq jours,
  13. du 15 au 20 février,
    • et que, le mercredi 10 février, l'ensemble des représentants
    • des comités de la
    • ville de Bamako, convoqués par le Comité de coordination du
    • district, avait
    • soutenu la section III pour l'exécution de la grève, bien que les
    • représentants des comités aient craint que le bureau exécutif
    • ne fasse marche
    • arrière. Cependant, d'après la lettre ouverte, la grève s'est
    • déroulée avec
    • succès puisque plus de 90 pour cent des enseignants y
    • participèrent. Les
    • conséquences immédiates de la grève ont été la mutation de
  14. 71 enseignants, de
    • trois travailleurs de l'Ecole nationale d'instituteurs ainsi que du
    • secrétaire
    • général et du secrétaire général adjoint de la section III. Pour
    • ces deux
    • derniers, leur mutation a été effectuée en vertu de l'ancienne
    • décision du 9
    • décembre 1986 à laquelle était joint un bordereau d'envoi pour
    • toute référence
    • d'actualisation. Ce document avait cependant été déclaré
    • illégal par le
    • Service de transit et il ne pouvait pas procurer aux intéressés
    • de réquisition
    • de transport.
  15. 248. Selon la lettre ouverte, les mutations intervenues à titre
    • de
    • représailles avaient pour but de décourager toute autre grève
    • et donc toute
    • lutte ou action de revendication de salariés. C'est la raison
    • pour laquelle la
    • section III avait demandé aux enseignants de rester sur place
    • non par bravade
    • mais par souci de l'importance de l'enjeu. Il fallait en effet
    • choisir entre
    • la fermeté pour qu'à l'avenir le droit et la loi puissent être
    • respectés ou le
    • désistement par rapport aux droits acquis et le fait de plier
    • devant
    • l'illégalité et l'arbitraire des employeurs avec les conséquences
    • très
    • négatives que cela aurait eu pour le syndicalisme. Le
    • désaccord était venu de
    • la différence de points de vue entre la section III, qui soutenait
    • la fermeté,
    • et le secrétaire général du SNEC qui, selon cette lettre, aurait
    • agi en
    • briseur de grève auprès des enseignants mutés, usant de
    • menaces,
    • d'intimidations et même de corruption, cela non pas dans
    • l'intérêt du
    • mouvement syndical mais dans un esprit de collaboration avec
    • l'employeur.
    • B. Réponse du gouvernement
  16. 249. Dans sa communication du 10 août 1988, le
    • gouvernement reconnaît à
    • propos de l'exercice de la liberté syndicale et du droit de grève
    • que les
    • textes applicables sont en effet la Constitution du 2 juin 1974
    • en son article
  17. 13, qui garantit à tous les citoyens dans le cadre de la loi la
    • liberté de se
    • grouper au sein d'organisations de leur choix pour la défense
    • de leurs
    • intérêts professionnels, et la loi no 87-47/AN-RM du 10 août
  18. 1987, qui fixe le
    • cadre juridique de l'exercice du droit de grève dans les
    • services publics,
    • ainsi que les conventions nos 87 et 98 ratifiées par le Mali. Le
    • gouvernement
    • observe toutefois que l'article 8 de la convention no 87, tout
    • en
    • reconnaissant l'exercice des droits syndicaux aux
    • organisations des
    • travailleurs et des employeurs, leur fait obligation de respecter
    • la légalité
    • à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées.
  19. 250. Or, explique le gouvernement, en matière de grève, la loi
    • no
  20. 87-47/AN-RM reste la loi fondamentale dans le pays. Ladite loi
    • détermine les
    • conditions d'exercice du droit de grève. Sous cet angle, elle
    • prescrit
    • l'obligation pour les grévistes d'évacuer les locaux et de ne
    • pas porter
    • atteinte à la liberté du travail (art. 11).
  21. 251. En l'espèce, poursuit le gouvernement, certains
    • grévistes, dont les
    • plaignants, se sont introduits dans les établissements scolaires
    • et ont
    • cherché manifestement à empêcher les fonctionnaires non
    • grévistes de
    • travailler. Les correspondances des directeurs des écoles en
    • font foi. En
    • agissant ainsi, les grévistes se sont placés hors des garanties
    • légales et
    • réglementaires auxquelles ils pouvaient prétendre en violant
    • non seulement les
    • dispositions de l'article 11 de la loi no 87-47/AN-RM mais aussi
    • celles de
    • l'article 8 de la convention no 87.
  22. 252. Le gouvernement explique, au sujet des 84 enseignants
    • mutés dont les
    • plaignants, qu'en application du Statut général des
    • fonctionnaires la mutation
    • d'un fonctionnaire peut intervenir à tout moment au cours de
    • sa carrière. Dans
    • le cas d'espèce, la mutation du personnel enseignant
    • effectuée par la décision
  23. no 2560/MEN-DNEF du 9 décembre 1986 relevait de la
    • volonté de redéploiement
    • des effectifs du département dans le but de combler le
    • manque d'enseignants à
    • l'intérieur du pays. Cependant, sur l'intervention de la centrale
    • syndicale,
    • les cas sociaux ont trouvé une solution heureuse.
  24. 253. Toutefois, ajoute le gouvernement, jusqu'à la grève du
  25. 15 au 20 février
  26. 1988, certains enseignants, dont précisément les plaignants,
    • n'ont pas rejoint
    • leurs postes d'affectation, malgré les différentes notifications
    • de mise en
    • demeure pendant toute la période précédant la grève. Dans
    • de tels cas, les
    • textes législatifs et réglementaires en vigueur sont clairs. Aux
    • termes de
    • l'article 12 de la loi no 84-45/AN-RM du 9 juillet 1984,
    • modifiant et
    • complétant l'ordonnance no 77-71/CMLN du 26 décembre
  27. 1977 portant Statut
    • général de la fonction publique, "le fonctionnaire a le devoir
    • d'occuper le
    • poste qui lui est confié". Il est tenu de respecter
    • ponctuellement l'horaire
    • de travail et d'accomplir personnellement et avec assiduité
    • toutes les
    • obligations que lui impose l'exercice de ses fonctions. La
    • même loi, dans son
    • article 2, ajoute à l'article 122 du Statut de la fonction publique
    • un alinéa
    • ainsi libellé: "est également licencié d'office le fonctionnaire qui
    • abandonne
    • son poste", en violation notamment des dispositions de l'article
  28. 12 ci-dessus.
    • Par ailleurs, la circulaire no 7/MT-FP-CAB du 28 juillet 1984
    • relative aux
    • modalités d'application du licenciement pour abandon de
    • poste, tel qu'il
    • résulte de la loi précitée, retient comme cas habituels
    • d'abandon de poste,
    • les cas du fonctionnaire ne rejoignant pas l'affectation qui lui a
    • été
    • assignée ou qui, à l'issue d'un congé, ne reprend pas son
    • service et, d'une
    • manière générale, le fonctionnaire qui se trouve en situation
    • irrégulière
    • d'absence pour autant qu'il n'apporte pas la justification de
    • cette absence
    • irrégulière.
  29. 254. Le gouvernement indique que le fonctionnaire qui se
    • trouve dans une des
    • situations énumérées par la circulaire est licencié d'office en
    • dehors de
    • toute procédure disciplinaire, sous réserve d'une mise en
    • demeure adressée à
    • l'agent pour lui permettre de donner ses raisons et l'informer
    • des sanctions
    • auxquelles il est exposé. La mise en demeure est un préalable
    • au licenciement
    • pour abandon de poste; elle a donc été adressée aux deux
    • plaignants ainsi que
    • des précisions sur les conséquences qui pourraient résulter du
      • non-respect des
    • prescriptions. Les plaignants, en refusant de déférer à la
    • mutation dont ils
    • étaient l'objet, se sont volontairement mis en porte-à-faux par
    • rapport aux
    • textes en vigueur.
  30. 255. De manière générale, le gouvernement souligne que les
    • décisions
    • exécutoires doivent s'appliquer immédiatement parce qu'elles
    • sont présumées
    • être conformes au droit et que, même si l'administré est
    • persuadé de leur
    • illégalité, il doit s'y conformer préalablement à toute vérification
    • par le
    • juge. Ce n'est qu'après avoir exécuté un ordre qu'il pourra
    • s'adresser au juge
    • s'il conteste les droits de l'autorité administrative.
  31. 256. En tout état de cause, le fait d'être en désaccord avec
    • leur mutation
    • ne pouvait justifier le refus des agents de rejoindre leurs postes
    • d'affectation, quitte par la suite à se pourvoir devant l'autorité
    • judiciaire
    • compétente, estime le gouvernement. De surcroît, ils se sont
    • évertués à
    • empêcher le déroulement normal de la scolarité lors d'une
    • grève qui a eu lieu
    • quinze mois après que leur décision de mutation leur ait été
    • notifiée. Le
    • gouvernement ajoute, à toutes fins utiles, que les deux
    • plaignants ont perçu
    • leurs salaires jusqu'à leur radiation des effectifs de la fonction
    • publique.
  32. 257. A propos de la validité du titre de transport, le
    • gouvernement précise
    • que la décision exécutoire a des effets dont la durée n'est pas
    • fixée et que
    • ces effets ne peuvent disparaître que par la volonté de
    • l'administration
    • abrogeant ou retirant la décision. En d'autres termes, la
    • décision de mutation
    • qui ouvrait droit à la délivrance du titre de transport par le
    • Service de
    • transit n'ayant pas été rapportée par le ministre de l'Education
    • nationale,
    • elle était demeurée valable tant que les personnes concernées
    • n'avaient pas
    • bénéficié du droit d'emprunter les moyens de l'Etat pour
    • rejoindre leurs
    • nouveaux postes. Selon le gouvernement, le Service de transit
    • administratif ne
    • pouvait, contrairement au dire des plaignants, s'opposer à
    • l'exécution d'un
    • tel acte. De fait, ce qui s'est passé c'est que les plaignants ne
    • se sont
    • adressés au Service de transit qu'une semaine après
    • l'expiration du délai de
    • mise en demeure, ce qui dénote de leur part une volonté non
    • équivoque de ne
    • pas s'exécuter.
  33. 258. A propos du cas de M. Issa N'Diaye, le gouvernement
    • rétorque que c'est
    • un cas particulier différent du cas des autres plaignants. En
    • effet, M.
    • N'Diaye a été muté d'un établissement scolaire dans un autre
    • établissement de
    • la même ville (Bamako). Préalablement consulté avant la prise
    • de la décision
    • de mutation, l'intéressé a refusé de rejoindre son nouveau
    • poste, à savoir la
    • Direction des études de l'Ecole nationale d'ingénieurs. Son
    • refus de rejoindre
    • son poste d'affectation, en dépit des mises en demeure qui lui
    • avaient été
    • adressées, constitue, au regard des textes relatifs à l'abandon
    • de poste, une
    • faute grave sanctionnée par le licenciement d'office. La
    • mutation de
    • l'intéressé opérée par la décision no 0084/MEN-DNESPS du
  34. 22 janvier 1988 est
    • antérieure à la grève du 15 au 20 février 1988 à laquelle les
    • plaignants
    • semblent lier toutes les décisions administratives.
  35. 259. A propos des cas de MM. Charles Danioko et Komakan
    • Keita, le
    • gouvernement admet que les intéressés ont été arrêtés par les
    • forces de
    • l'ordre au cours d'une manifestation estudiantine, mais il
    • explique qu'ils ont
    • été appréhendés pour avoir incité les étudiants à faire une
    • marche. Néanmoins,
    • après les investigations et les démarches de l'Union nationale
    • des
    • travailleurs maliens et du Syndicat national de l'éducation et de
    • la culture,
    • ils ont été purement et simplement libérés.
  36. 260. En conclusion, le gouvernement estime que, à la lumière
    • de tout ce qui
    • précède, les plaignants, en subordonnant les décisions
    • administratives à la
    • grève, ont fait preuve d'une mauvaise foi manifeste, surtout
    • que l'antériorité
    • des actes administratifs par rapport à la grève ressort de tous
    • les documents.
    • De surcroît, non contents de bafouer le droit de leur pays, ils
    • se sont
    • appliqués à semer le désordre dans des établissements
    • scolaires desquels ils
    • ne font partie à aucun titre. Or, le gouvernement estime que le
    • Mali est un
    • Etat de droit qui a toujours appliqué de façon correcte les
    • conventions qu'il
    • a ratifiées et que, dans ce cadre, l'arsenal juridique national qui
    • renferme
    • les principes de ces instruments garantit aux citoyens les droits
    • fondamentaux
    • de l'homme, conformément aux objectifs de l'OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 261. Le comité observe que la présente plainte porte sur des
    • mesures de
    • représailles à l'encontre de militants et de dirigeants syndicaux
    • qui auraient
    • été prises par le gouvernement à la suite de plusieurs
    • mouvements de grève
    • déclenchés par des enseignants du Mali motivés par des
    • revendications
    • économiques et sociales, à savoir des retards de plusieurs
    • mois dans le
    • paiement des salaires de ces enseignants en 1986, 1987 et
  2. 1988.
  3. 262. Le comité a pris note des explications détaillées fournies
    • tant par les
    • plaignants que par le gouvernement sur cette affaire. Il
    • observe en premier
    • lieu qu'aux termes de la législation du Mali la grève est
    • autorisée dans le
    • secteur de l'enseignement après le dépôt d'un préavis,
    • conformément aux
    • principes généralement admis en matière de liberté syndicale.
  4. 263. En second lieu cependant, il semble d'après les
    • plaignants que, si les
    • grévistes ont bien déposé un préavis de grève, le bureau
    • exécutif du SNEC
    • aurait cherché à briser la grève en faisant marche arrière et en
    • levant le
    • préavis. Toutefois, toujours d'après les plaignants, 90 pour
    • cent des
    • enseignants auraient participé au mouvement revendicatif.
  5. 264. En revanche, d'après le gouvernement, les grévistes ont
    • porté atteinte
    • à la liberté du travail des non-grévistes. Le gouvernement
    • admet que les deux
    • dirigeants syndicaux plaignants dans cette affaire ont été
    • mutés puis
    • licenciés après les mouvements de grève, mais il déclare que
    • les licenciements
    • sont intervenus parce que les intéressés avaient refusé de
    • rejoindre leur
    • poste. Il déclare aussi qu'un autre enseignant muté avant la
    • grève de février
  6. 1988 a aussi été licencié pour refus de rejoindre son poste.
    • Enfin, il
    • confirme l'arrestation de deux enseignants appréhendés au
    • cours d'une
    • manifestation estudiantine, mais il assure que les deux
    • intéressés ont été
    • libérés par la suite, après que les organisations syndicales
    • nationales
    • fussent intervenues en leur faveur.
  7. 265. Dans des cas analogues concernant des entraves à
    • l'exercice du droit de
    • grève, le comité a indiqué, à maintes reprises, que la grève est
    • un moyen
    • essentiel dont doivent pouvoir disposer les travailleurs, y
    • compris les
    • travailleurs de l'enseignement pour la promotion et la défense
    • de leurs
    • intérêts professionnels, et que l'interdiction des piquets de
    • grève ne se
    • justifie que si la grève perd son caractère pacifique. (Voir
    • notamment 211e
    • rapport, cas no 1089, Haute-Volta, paragr. 240.)
  8. 266. Le comité rappelle également l'importance qu'il attache
    • au principe
    • selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans
    • l'emploi en
    • raison de son affiliation ou de ses activités syndicales
    • légitimes, y compris
    • l'exercice du droit de grève pour la résolution de conflits
    • collectifs
    • concernant des revendications de nature économique et
    • sociale.
  9. 267. En effet, un des principes fondamentaux de la liberté
    • syndicale est que
    • les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate
    • contre tous
    • actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté
    • syndicale en
    • matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et
    • autres actes
    • préjudiciables -, et que cette protection est particulièrement
    • souhaitable en
    • ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que,
    • pour pouvoir remplir
    • leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci
    • doivent avoir la
    • garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du
    • mandat syndical
    • qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie d'une
    • semblable
    • protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre
    • nécessaire pour
    • assurer le respect du principe fondamental selon lequel les
    • organisations de
    • travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
  10. 268. Dans le cas d'espèce, le comité observe que, dans un
    • premier temps, le
    • gouvernement a procédé à de nombreuses mutations en cours
    • d'année scolaire, à
    • la suite d'une première grève en décembre 1986, puis à de
    • nouvelles mutations
    • et à des licenciements et arrestations, à la suite du mouvement
    • de grève de
    • février 1988. Dans ces conditions, le comité ne peut se
    • satisfaire des
    • indications du gouvernement selon lesquelles la grève portait
    • atteinte à la
    • liberté du travail des non-grévistes, d'autant que le
    • gouvernement ne nie pas
    • que les enseignants n'avaient pas perçu leurs salaires depuis
    • plusieurs mois.
  11. 269. Le comité estime que les mutations et les licenciements
    • intervenus dans
    • le présent cas constituent des atteintes à la liberté syndicale,
    • et il demande
    • au gouvernement d'obtenir la réintégration dans leur emploi
    • des enseignants
    • licenciés, y compris MM. Modibo Diara et Youssouf Ganaba.
  12. 270. Au sujet de l'arrestation de MM. Charles Danioko et
    • Komakan Keita
    • survenue alors qu'ils étaient responsables d'une marche des
    • étudiants de leur
    • établissement pour soutenir les professeurs, le comité, tout en
    • notant avec
    • préoccupation que le gouvernement lui-même admet que les
    • intéressés ont été
    • appréhendés par les forces de l'ordre pour avoir incité les
    • étudiants à faire
    • une marche, observe que ces deux enseignants ont été
    • libérés à la suite de
    • l'intervention d'organisations syndicales nationales.
  13. 271. De l'avis du comité, de même que le droit de grève,
    • celui d'organiser
    • des réunions syndicales ou, dans le cas d'espèce, des
    • marches de solidarité
    • est un élément essentiel du droit syndical, et les mesures prises
    • par les
    • autorités pour faire respecter la légalité ne devraient donc pas
    • avoir pour
    • effet d'empêcher les syndicalistes d'organiser des réunions à
    • l'occasion de
    • conflits du travail. (Voir 2e rapport, cas no 28, paragr. 68,
    • Royaume-Uni/Jamaïque; 22e rapport, cas no 148, paragr.
  14. 102, Pologne; et 71e
    • rapport, cas no 273, paragr. 75, Argentine, notamment.)
  15. 272. En effet, comme il est souligné dans la résolution
    • concernant les
    • droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles
    • adoptées par la
    • Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de
    • libertés civiles
    • enlève toute signification au concept des droits syndicaux, et
    • les droits
    • conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs
    • doivent se fonder
    • sur le respect des libertés civiles.
  16. 273. Dans le présent cas, le comité note que la marche des
    • étudiants et des
    • professeurs avait pour origine des revendications de nature
    • économique et
    • sociale, à savoir un retard important dans le paiement des
    • salaires des
    • enseignants. Dans ces conditions, le comité estime que
    • l'arrestation de
    • syndicalistes pour le seul fait d'avoir organisé une marche
    • pacifique de
    • revendications économiques et sociales constitue une
    • violation de la liberté
    • syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 274. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
    • Conseil
    • d'administration à approuver les recommandations suivantes:
      • a) Le comité rappelle que le droit de grève est un des
    • moyens essentiels
    • dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs
    • organisations, y
    • compris les travailleurs de l'enseignement, pour promouvoir et
    • défendre
    • leurs intérêts professionnels.
      • b) Le comité rappelle aussi que, de même que le droit de
    • grève, le droit
    • d'organiser des réunions syndicales ou des marches de
    • solidarité est un
    • élément essentiel du droit syndical.
      • c) Le comité estime que les mesures de représailles
    • antisyndicales, et en
    • particulier les mutations, licenciements et arrestations de
    • syndicalistes,
    • décidées par le gouvernement du Mali à la suite de
    • mouvements de grève des
    • enseignants motivés par des retards de plusieurs mois dans le
    • paiement des
    • salaires entre 1986 et 1988 constituent des atteintes à la
    • liberté syndicale
    • de ces enseignants.
      • d) Le comité demande au gouvernement d'assurer la
    • réintégration des
    • travailleurs licenciés à leur poste de travail, à la suite
    • d'activités
    • syndicales légitimes, y compris celles de MM. Modibo Diara et
    • Youssouf Ganaba,
    • dirigeants de la section III du SNEC du district de Bamako, et
    • de le tenir
    • informé des mesures prises à cet égard.
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