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- 46. Dans une communication datée du 25 avril 1988, le Congrès du travail du Canada (CTC) et l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones (IPTT) ont présenté conjointement, au nom du Syndicat des postiers du Canada (SPC), une plainte contre le gouvernement du Canada, soutenant que celui-ci a commis une violation des normes du BIT sur la liberté syndicale et les droits de négociation collective. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une lettre datée du 11 octobre 1989.
- 47. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais pas la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 48. Les plaignants soutiennent que le gouvernement a contrevenu aux principes fondamentaux de l'OIT, notamment ceux qui sont consacrés par la convention no 98, en adoptant le projet de loi C-86 (loi de 1987 sur le maintien des services postaux) afin de mettre un terme à une grève légale des postiers, même s'il n'y avait pas urgence. Les événements ayant abouti à l'adoption du projet de loi C-86 peuvent être résumés ainsi.
- 49. En juin 1986, une majorité écrasante de membres du SPC a ratifié un "programme de demandes", élaboré par leur syndicat, portant essentiellement sur la sécurité d'emploi, la création de postes et la sous-traitance; le syndicat s'opposait également aux concessions importantes que demandait la Société canadienne des postes (SCP), qui s'était engagée dans un programme d'élimination du déficit des postes par le biais de diverses mesures: réductions de personnel, amélioration de la productivité, contrats de sous-traitance et franchisage de certains services postaux.
- 50. Le processus juridique qui aboutit au renouvellement des conventions collectives est fixé par la partie V du Code canadien du travail. Dans les trois mois qui précèdent l'expiration d'une convention, l'une ou l'autre partie peut faire savoir qu'elle souhaite entamer des négociations collectives. Après une période de négociations directes, l'une ou l'autre partie peut aviser par écrit le ministre du Travail que les parties n'ont pu s'entendre. Le ministre a alors le choix entre plusieurs solutions mais désigne généralement un conciliateur chargé d'aider les parties. Si aucun accord n'est conclu à ce stade, le ministre peut soit prolonger la phase de conciliation en nommant un arbitre ou un conseil d'arbitrage, soit y mettre fin, ce qui place les parties en position de grève ou de lock-out légaux. Autrement dit, sept jours après la fin de cette phase, les parties ont le droit de faire la grève ou de déclencher un lock-out. Le ministre peut également nommer un médiateur à tout moment pour aider les parties, ce qu'il fait en principe lorsque celles-ci lui font savoir qu'une médiation les aiderait dans leurs négociations.
- 51. Dans la présente affaire, les parties ont négocié durant quinze mois mais n'ont pu conclure une convention collective. Le commissaire-conciliateur a publié son rapport le 22 septembre 1987. Le SPC pouvait donc légalement déclencher un arrêt de travail le 29 septembre 1987, ce qu'il a fait sous forme de grèves tournantes. Entre-temps, la Société canadienne des postes avait fait appel à des "remplaçants" pour le traitement du courrier; selon ses propres données, la plus grande partie du courrier était distribuée. Par conséquent, il ne s'agissait manifestement pas d'une situation d'urgence justifiant l'adoption d'une loi de retour au travail. Néanmoins, dès le troisième jour des grèves tournantes, le ministre du Travail a menacé d'adopter une telle loi, la SCP n'ayant alors plus aucune incitation à conclure une entente avec le syndicat.
- 52. Le septième jour de la grève, le ministre du Travail a annoncé que le gouvernement était prêt à présenter au Parlement un projet de loi "pour résoudre le différend". Le SPC a répondu en demandant officiellement au ministre du Travail de nommer un médiateur "afin d'aider les parties à résoudre l'impasse dans laquelle se trouvaient alors les négociations". Au lieu de se rendre à cette demande, le gouvernement a déposé, le lendemain, le projet de loi C-86 à la Chambre des communes. La plupart des médias canadiens ont condamné ce geste du gouvernement et, ce qui ne s'était jamais vu, les deux partis d'opposition ont refusé d'autoriser le gouvernement à tenir un débat d'urgence sur la législation.
- 53. En ce qui concerne le projet de loi C-86 lui-même, les articles 3 et 7 du projet mettaient fin à une grève légale régie par les règles prévues au Code canadien du travail. En guise de contrepartie à l'ordonnance de retour au travail, l'article 7 prévoyait que le ministre du Travail nommerait un médiateur-arbitre. L'alinéa 7 2 b) prévoyait de plus que, si la médiation échouait et qu'un règlement était imposé aux parties par voie d'arbitrage, le médiateur-arbitre était tenu de "... prendre connaissance du rapport du commissaire-conciliateur ... remis le 22 septembre 1987". Le SPC se voyait ainsi privé de la protection de la loi, dont tous les justiciables doivent également bénéficier. Le droit de grève a été nié aux employés durant les grèves tournantes, alors que la Société canadienne des postes avait déclaré que l'exploitation normale se poursuivait et que le gouvernement avait refusé de donner suite à la demande de nomination d'un médiateur. Dans des cas semblables par le passé, le gouvernement n'a pas adopté de loi ordonnant la reprise du travail pour d'autres syndicats. Le gouvernement a enlevé aux membres du SPC le droit de libre négociation collective ainsi que le droit de grève afin de promouvoir l'avancement de leur bien-être économique; par ailleurs, le gouvernement y a substitué un processus d'arbitrage qui contrevient aux principes de justice fondamentaux, puisqu'il en dicte d'avance le résultat en prévoyant que le rapport du commissaire-conciliateur devrait être pris en compte.
- 54. L'alinéa 4 1) viole la liberté syndicale en ce qu'il ordonne aux syndicats "... et à ses dirigeants et représentants" d'informer les employés qu'ils doivent reprendre le travail sous peine des sanctions prévues aux articles 10 et 11. Etant donné que les dirigeants et représentants syndicaux estimaient que la législation était inéquitable et sévère à l'excès en les obligeant à l'aider à mettre sa loi en oeuvre, le gouvernement les forçait à agir contre leurs convictions. Par ailleurs, la liberté d'expression comprend le droit de ne pas parler, droit bafoué par cette législation. Enfin, en se servant des dirigeants syndicaux et du SPC pour mettre fin à la grève et en les obligeant "... à prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir le respect de ... l'alinéa 3 b), et à ... s'abstenir de toute conduite pouvant encourager les employés à désobéir à l'alinéa 3 b)" (l'alinéa 3 b) étant la disposition obligeant les employés à poursuivre ou à reprendre le travail), le gouvernement se servait du syndicat, alors légalement en grève, comme d'un simple pion dans le but de mettre fin à la grève. Ces mesures sont incompatibles avec les principes les plus élémentaires de la liberté syndicale.
- 55. L'article 6 interdit toute grève pendant la durée du règlement imposé par la législation, reléguant ainsi au second plan le Code canadien du travail, qui s'applique aux autres employés visés par ledit Code. Par conséquent, le SPC se voit nier une protection égale devant la loi puisque le Code donne aux travailleurs le droit de faire la grève au sujet des changements technologiques pendant la durée d'application d'une convention collective (art. 153).
- 56. L'article 10 prévoit des sanctions financières différentes et plus sévères que celles instituées par le Code canadien du travail pour des infractions semblables ou identiques; de plus, l'autorisation du Conseil canadien des relations du travail n'est pas nécessaire pour l'institution de poursuites, contrairement à la situation qui prévaut aux termes du Code. Par conséquent, le SPC et ses membres sont traités de façon discriminatoire et inégale puisqu'ils n'encourent pas les mêmes sanctions pour un comportement semblable.
- 57. L'article 11 constitue sans aucun doute la disposition la plus répressive et la plus répréhensible du projet de loi C-86, en ce qu'il constitue une ingérence caractérisée dans les activités internes du syndicat. L'article 11 est une clause pénale visant les représentants syndicaux qui, s'ils sont reconnus coupables d'infraction au projet de loi C-86, perdent le droit d'être élus à un poste syndical ou d'être employés à quelque titre que ce soit par le syndicat durant une période de cinq ans. Cette disposition viole les fondements mêmes de la liberté syndicale puisqu'elle nie aux postiers le droit de choisir librement et démocratiquement leurs dirigeants syndicaux. Elle entrave la liberté des individus de détenir un mandat électif démocratique et les prive de toute sécurité économique au mépris des règles fondamentales de justice. La sanction est automatique et générale, aucune circonstance atténuante ne pouvant être invoquée. Les sanctions prévues aux articles 10 et 11 sont non seulement iniques en tant que telles, mais, considérées globalement, ces dispositions imposent de multiples sanctions aux syndicats, à ses dirigeants et représentants pour la même infraction. Une fois de plus, les membres du SPC sont les seuls travailleurs canadiens passibles de telles sanctions, aux termes des articles 10 et 11.
- 58. Le CTC et l'IPTT demandent au Comité de la liberté syndicale et au Conseil d'administration:
- a) de déclarer que le projet de loi C-86 est incompatible avec les normes fondamentales de l'OIT et qu'en l'adoptant le gouvernement a violé les principes relatifs à la liberté syndicale et au droit de négociation collective garantis par les conventions applicables de l'OIT;
- b) d'exhorter le gouvernement du Canada à s'abstenir dorénavant d'intervenir de la sorte dans les différends de travail, en violation des normes de l'OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 59. Le gouvernement explique que la Société canadienne des postes a été créée par une loi du Parlement et a commencé ses opérations le 16 octobre 1981. Les relations professionnelles entre la nouvelle société et les syndicats représentant les employés des postes sont désormais régies par le Code canadien du travail, partie V. Auparavant, les postes étaient un ministère et ses employés étaient des fonctionnaires fédéraux.
- 60. Dans le cadre du Code canadien du travail, le gouvernement du Canada appuie le droit des travailleurs de se syndiquer et de négocier collectivement. Le préambule du Code contient un exposé des principes du gouvernement à cet égard:
- Considérant qu'il est depuis longtemps dans la tradition canadienne que la législation et la politique du travail soient conçues de façon à favoriser le bien-être de tous par l'encouragement de la pratique des libres négociations collectives et du règlement positif des différends;
- Considérant que les travailleurs, syndicats et employeurs du Canada reconnaissent et soutiennent que la liberté syndicale et la pratique des libres négociations collectives sont les fondements de relations industrielles fructueuses permettant d'établir de bonnes conditions de travail et de saines relations du travail;
- Considérant que le gouvernement du Canada a ratifié la convention no 87 de l'Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et qu'il s'est engagé à cet égard à présenter des rapports à cette organisation;
- Et considérant que le Parlement du Canada désire continuer et accentuer son appui aux efforts conjugués des travailleurs et du patronat pour établir de bonnes relations et des méthodes de règlement positif des différends, et qu'il estime que l'établissement de bonnes relations industrielles sert l'intérêt véritable du Canada en assurant à tous une juste part des fruits du progrès: ...
- 61. Les dispositions du Code canadien du travail donnent effet à certains principes fondamentaux:
- - le droit des travailleurs de se syndiquer et d'être représentés par un syndicat;
- - l'accréditation des agents négociateurs par l'autorité compétente (le Conseil canadien des relations du travail) et l'octroi de droits de négociation exclusifs;
- - l'interdiction des grèves au sujet des questions de reconnaissance;
- - l'obligation faite aux employeurs et aux syndicats de négocier de bonne foi;
- - les mesures de conciliation et de médiation qui pourraient aider les parties à résoudre les différends dans les négociations;
- - l'obligation d'inclure dans les conventions collectives une procédure de règlement des griefs survenant pendant la durée d'une convention collective, sans arrêt de travail;
- - liste de pratiques interdites ("pratiques de travail déloyales").
- 62. L'ensemble des dispositions du Code canadien du travail est conçu de façon à établir un cadre stable de négociation collective et à encourager les parties patronale et syndicale à résoudre leurs conflits et leurs différends au moyen de ce processus. Le système fédéral de négociation collective fonctionne bien en pratique. Chaque année, de 350 à 500 conventions collectives sont négociées ou renouvelées, 95 pour cent d'entre elles sans arrêt de travail. Par conséquent, les grèves ne sont pas fréquentes dans le champ de juridiction fédérale mais l'expérience démontre que, une fois décrétés, les grèves et les lock-out sont généralement plus longs au Canada qu'en Europe. Ainsi, durant l'exercice financier 1987-88, il y a eu 33 grèves d'une durée moyenne de 28 jours ouvrables.
- 63. Le gouvernement est relativement rarement appelé à intervenir dans le processus de négociation pour imposer un règlement. C'est seulement lorsque toutes les possibilités de règlement d'un différend ont été épuisées et que la poursuite d'un conflit donné aurait de graves conséquences pour l'intérêt national que le Parlement envisage l'adoption d'une législation d'urgence ponctuelle. Lorsqu'une situation de ce genre se présente, la législation n'a pas seulement pour objet de mettre fin à l'arrêt de travail; elle établit également un mécanisme prévoyant le règlement final de tous les points encore en litige.
- 64. Le gouvernement expose ensuite l'historique des négociations collectives entre Postes Canada et le SPC, soulignant que, de 1975 à 1987, le SPC a déclenché trois grèves (1975: 43 jours; 1978: 2 jours, à laquelle le gouvernement a mis fin au moyen d'une loi de retour au travail; 1981: 42 jours) et que les parties ont conclu une convention collective sans arrêt de travail en 1980 et 1985.
- 65. Durant les années soixante-dix, la population canadienne a ressenti une frustration croissante à l'égard du système postal, des conflits de travail toujours plus nombreux et des interruptions du service postal. Plusieurs études ont été entreprises afin de tenter de trouver une solution aux problèmes des postes; l'un des rapports les plus complets fut rédigé par trois hauts fonctionnaires qui ont examiné les répercussions qu'entraînerait le fait de donner aux postes le statut de Société de la Couronne. Cette étude consacrait de longs chapitres aux implications d'un tel changement de statut sur les relations professionnelles, et tant le Syndicat des postiers du Canada que l'Union des facteurs du Canada ont pu présenter leurs observations aux auteurs de l'étude. La Société canadienne des postes a été créée par loi du Parlement et a commencé son exploitation le 16 octobre 1981, succédant au ministère des Postes. La mission de la nouvelle société, énoncée dans la loi sur la Société canadienne des postes était notamment "... de créer et d'exploiter un service postal comportant le relevage, la transmission et la distribution des messages, renseignements, fonds ou marchandises, dans le régime intérieur et dans le régime international;" (article 5 (1)).
- 66. L'article 5 de la loi prévoyait également que la Société, outre qu'elle devait assurer l'essentiel du service postal habituel, devait notamment veiller "... à l'autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance ...". Le conseil d'administration établi aux termes de la loi a interprété ses objectifs fondamentaux comme signifiant l'amélioration du service, la création d'un meilleur climat des relations humaines au sein de l'organisation et la réalisation de l'autonomie financière au terme de la cinquième année d'exploitation de la Société.
- 67. Précisant le cadre législatif et constitutionnel commun à toute législation, le gouvernement ajoute que le Parlement canadien a adopté en 1981 la Loi constitutionnelle, dont un élément essentiel est la Charte canadienne des droits et libertés. Les droits et libertés prévus dans la Charte sont garantis et ne peuvent être restreints que par une règle de droit, "dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique". Une des libertés fondamentales énumérées dans la Charte est la liberté d'association.
- 68. Depuis l'entrée en vigueur de la Charte, toutes les lois adoptées par le Parlement doivent tenir compte de ces garanties. Toutes les restrictions apportées à ces droits pour protéger ceux d'autres justiciables doivent être raisonnables et aussi limitées que possible pour atteindre l'objectif recherché. Toutefois, la Cour suprême du Canada a majoritairement statué en avril 1987 que la loi constitutionnelle de 1981 ne garantit pas le droit de grève et que la liberté d'association garantie par la Charte n'emporte pas le droit de grève.
- 69. Le gouvernement explique l'impact des arrêts de travail dans le secteur des postes en soulignant que Postes Canada exploite l'un des réseaux de levée et de distribution du courrier les plus étendus au monde, avec plus de 700.000 points de dépôt et plus de 10 millions de points de remise dans l'ensemble du pays. Le service postal a un caractère public et possède le monopole de la distribution du courrier au Canada en vertu de la législation. La Société a pour mission de créer et d'exploiter un service postal au Canada, et entre le Canada et les autres administrations postales, et d'assurer un service fiable et efficace aux Canadiens à un coût raisonnable.
- 70. Les personnes qui reçoivent l'aide du gouvernement, par exemple les prestataires du bien-être social, d'allocations familiales, de l'assurance chômage et de pensions de vieillesse, reçoivent leurs chèques par la poste. Toute interruption dans le revenu de ces prestataires risque de leur créer de graves problèmes; ils auront notamment des difficultés à pourvoir à leurs besoins essentiels, le logement et la nourriture par exemple, ce qui nuit à leur santé et à leur bien-être.
- 71. Les industries tertiaires qui facturent par courrier voient leurs revenus se tarir pendant une grève des postes. Les entreprises d'imprimerie et d'édition ne peuvent plus assurer leur distribution, ce qui crée des problèmes aux abonnés et aux publicitaires; ces entreprises et les autres organisations de vente par correspondance, qui sont tributaires des services postaux, doivent licencier de nombreux employés.
- 72. Diverses organisations ont fait des sondages lors des grèves précédentes pour évaluer les conséquences des grèves postales. Par exemple, la Canadian Direct Marketing Association, qui regroupe principalement des entreprises de l'industrie de la vente par correspondance, a effectué une étude démontrant que la grève postale de 1975 avait causé quelque 25 millions de dollars de pertes aux 64 entreprises qui avaient répondu au questionnaire, pertes jugées pour la plupart irrécupérables; deux tiers des entreprises sondées ont fait état d'une perte permanente de clients, dépassant 10 pour cent dans la majorité des cas, et environ 60 pour cent des entreprises avaient dû licencier des employés. Lors de la grève postale de 42 jours en 1981, un porte-parole de la Fédération canadienne des entrepreneurs indépendants a indiqué que, selon une étude entreprise par cette fédération, les entreprises canadiennes avaient perdu environ 3 milliards de dollars à cause de l'arrêt de travail. De toute évidence, les grèves du service postal canadien entraînent d'importantes pertes de revenus et d'emplois dans divers secteurs, mais particulièrement dans ceux de la vente par correspondance, de l'imprimerie et de l'édition.
- 73. En ce qui concerne les négociations de 1986-87 dans le secteur postal, le gouvernement explique que le SPC a signifié un avis de négociation à l'employeur le 2 juillet 1986, et que les parties ont tenu de nombreuses séances de négociations directes durant les trois mois et demi suivants. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, le syndicat a déposé un avis de différend au ministre du Travail le 21 octobre 1986, conformément au Code canadien du travail.
- 74. Le 30 octobre 1986, le ministre du Travail a nommé un conciliateur du Service fédéral de médiation et de conciliation de Travail Canada afin d'aider les parties à résoudre le différend. Le conciliateur a tenu à partir du 24 novembre des réunions mixtes et séparées avec les parties mais, malgré ses efforts, elles n'ont pu arriver à une entente. L'impasse ayant été constatée dans une réunion le 11 février 1987, le conciliateur a présenté son rapport au ministre du Travail qui, le 23 février 1987, a nommé un commissaire- conciliateur.
- 75. Le commissaire-conciliateur a commencé à tenir des réunions avec les parties le 2 mars 1987, et les réunions se sont poursuivies durant les cinq mois suivants, la dernière ayant lieu le 12 août 1987. Le commissaire-conciliateur a déposé son rapport final au ministre du Travail le 21 septembre 1987, y joignant ses recommandations en vue du règlement de la majorité des questions en litige. Dans son rapport, le commissaire-conciliateur faisait état de la méfiance réciproque, profondément enracinée chez les parties, et de son effet négatif sur les négociations. A son avis, les parties n'avaient fait qu'effleurer les problèmes d'application pratique résultant des modifications proposées à d'importantes questions tels la sécurité d'emploi, le recours aux employés à temps partiel et aux aides occasionnels, le franchisage, les bureaux de poste auxiliaires, la procédure de griefs et d'arbitrage et les problèmes de sécurité et d'hygiène au travail.
- 76. Suite à la publication du rapport du commissaire- conciliateur, les parties ont repris les négociations directes, mais sans progrès notable. Le 29 septembre, le ministre du Travail a chargé le sous-ministre adjoint de rencontrer les parties et d'évaluer les chances d'un règlement négocié, sans arrêt de travail prolongé. Les membres du SPC ont déclenché des grèves tournantes le 30 septembre, et les parties ont rompu le dialogue le 1er octobre.
- 77. Le vendredi 2 octobre 1987, le ministre a indiqué que le gouvernement n'était pas disposé à tolérer une longue grève des services postaux et a suggéré aux parties de revenir à la table de négociation. Elles ont tenu une réunion de deux heures le 5 octobre, suite à laquelle l'employeur a annoncé que leurs positions étaient "si éloignées" au sujet des principaux points en litige qu'aucune négociation n'était possible.
- 78. Le mardi 6 octobre 1987, le ministre a envoyé un télégramme à Postes Canada et au SPC, répétant que le gouvernement ne tolérerait pas une grève prolongée et les avisant qu'il déposerait au Feuilleton de la Chambre un projet de loi mettant fin à l'arrêt de travail et ordonnant la reprise du service postal. La décision de présenter ou non le projet de loi en question dépendrait de la volonté manifestée par les parties de renouveler leur convention collective par le biais de négociations volontaires. Malheureusement, les parties n'ont pas relevé le défi et, le 8 octobre 1987, la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux a été déposée à la Chambre des communes.
- 79. Le projet de loi C-86, Loi de 1987 sur le maintien des services postaux, enjoignait la poursuite ou la reprise des opérations postales touchées par l'arrêt de travail, et obligeait tous les employés à poursuivre ou à reprendre le travail lorsqu'ils en recevraient l'ordre. La législation imposait au syndicat le fardeau d'aviser les employés qu'ils devaient observer la loi, et l'obligeait à prendre des mesures raisonnables pour faire en sorte que les employés obtempèrent, et à s'abstenir de tout acte susceptible d'encourager les employés à ne pas respecter la loi. La même disposition énonçait également les infractions pour lesquelles des sanctions applicables au syndicat, à ses responsables et représentants, sont prévues dans un autre article. La loi imposait une obligation semblable à l'employeur qui devait faciliter une reprise ordonnée du travail. L'employeur, ses responsables et ses représentants ne devaient pas entraver le retour au travail, ni imposer de sanction disciplinaire ou de congédiement aux employés qui avaient participé à la grève légale.
- 80. La loi prévoyait l'extension de la convention collective échue, pour une période allant du 1er octobre 1986 à une date qui serait fixée par le médiateur-arbitre nommé dans le cadre du différend. Cette disposition prévoyait également que la convention collective lierait l'employeur, le syndicat et les employés pendant la durée prorogée de la convention, selon les mêmes modalités qu'une convention collective négociée. Afin de prévenir les arrêts de travail pendant la durée de la convention collective prorogée, la loi reprenait la disposition du Code canadien du travail interdisant les grèves et les lock-out pendant la durée d'une convention collective.
- 81. La loi confiait à un médiateur-arbitre, qui devait être nommé par le ministre du Travail, le mandat de résoudre les questions en litige entre les parties, ce qu'il devait faire en 90 jours, sous réserve d'une extension accordée par le ministre. La personne choisie était censée essayer d'abord de résoudre les points en litige par la voie de la médiation mais, si elle n'y parvenait pas, elle devait rendre une décision d'arbitrage couvrant tous les points en litige. Le médiateur-arbitre devait donner aux parties l'occasion de présenter leurs observations, et prendre connaissance du rapport du commissaire-conciliateur. En outre, la loi obligeait le médiateur-arbitre à déterminer la date d'expiration de la convention collective prorogée, et à faire rapport au ministre au sujet de la date d'expiration déterminée et du règlement des questions en litige.
- 82. La législation prévoyait que, dans le cadre des efforts de médiation, le médiateur-arbitre disposait de pouvoirs équivalant à ceux d'un commissaire-conciliateur et, si un arbitrage devenait nécessaire, à ceux d'un arbitre aux termes du Code canadien du travail. Par ailleurs, la loi stipulait que le médiateur-arbitre devait rédiger ses décisions de façon à permettre leur incorporation à la convention collective.
- 83. La législation prévoyait que, dès le rapport du médiateur-arbitre déposé auprès du ministre du Travail, la convention collective prorogée était censée être modifiée par l'incorporation des modifications convenues par les parties durant la phase de la médiation, de toutes les décisions rendues par le médiateur-arbitre durant la phase d'arbitrage et de la date d'expiration qu'il aurait fixée. La législation contenait également une clause permettant aux parties de modifier consensuellement toute disposition de la convention collective prorogée, à l'exception de sa date d'expiration.
- 84. Outre les pénalités financières pour infraction à la loi, le projet établissait également des sanctions supplémentaires pour les responsables ou les représentants du syndicat ou de l'employeur reconnus coupables d'infraction à la loi. Un responsable ou un représentant syndical reconnu coupable serait immédiatement privé du droit d'être élu ou nommé à un poste de responsabilité syndicale durant cinq ans; corollairement, tout responsable ou représentant de l'employeur reconnu coupable d'infraction à la loi serait privé du droit de travailler pour Postes Canada durant une période de cinq ans.
- 85. Le gouvernement soutient en conclusion que le Comité de la liberté syndicale a reconnu par le passé qu'il existe des circonstances où les restrictions, voire l'interdiction des grèves, sont justifiables. En l'espèce, il s'agit d'un cas où le Parlement du Canada a suspendu le droit de grève dans le secteur postal, en guise de mesure de dernier ressort dans des circonstances où l'intérêt public l'exigeait. De longues et difficiles négociations entre la Société canadienne des postes et le Syndicat des postiers du Canada, qui s'étaient prolongées durant plus d'un an, avaient abouti à une grève d'environ 24.000 manieurs de dépêches et commis des postes.
- 86. Le gouvernement a offert aux parties toute l'aide possible, aux termes de la partie V du Code du travail, pour contribuer à un règlement des questions en litige. Les parties n'ayant pu s'entendre par des négociations directes, le ministre du Travail a nommé un conciliateur, qui a tenu plusieurs réunions avec les parties mais n'a pu réaliser que des progrès minimes sur les principaux points en litige.
- 87. Le ministre a ensuite nommé un commissaire-conciliateur qui a tenu une série de réunions avec les parties durant une période d'environ cinq mois, et a reçu plusieurs mémoires et documents des deux parties en litige. Son rapport complet, traitant du contexte du différend et des principales questions en litige, a été remis aux parties le 23 septembre 1987. Avec ce rapport, les parties étaient en possession d'un document réfléchi et rationnel qui aurait dû leur permettre de négocier un règlement. Bien au contraire, les négociations se sont détériorées.
- 88. Le 29 septembre, le ministre a demandé au sous-ministre adjoint de rencontrer les parties, de faire le point sur les progrès éventuellement réalisés depuis la publication du rapport du commissaire-conciliateur et de déterminer si, à son avis, le différend pouvait se régler par la voie de la négociation collective, sans une grève prolongée. Le sous-ministre adjoint a rencontré les deux parties et a conclu qu'elles n'avaient fait que des progrès minimes sur les questions en litige. Il a également déclaré au ministre qu'à son avis le différend ne pourrait être réglé par la voie de la négociation collective sans un recours prolongé à des moyens de pressions économiques. Nanti de cette évaluation du sous-ministre adjoint, le ministre a exhorté les parties à retourner à la table de négociation, tout en leur indiquant que le gouvernement ne tolérerait pas un arrêt de travail prolongé, aux conséquences néfastes. Une fois de plus, les parties se sont montrées réticentes à accepter des compromis et à conclure une entente, et les discussions ont pris fin après une brève réunion de deux heures. Aucun accord n'étant en vue, et la population canadienne faisant face à une interruption des services postaux pour la deuxième fois en quatre mois (l'Union des facteurs du Canada avait déclenché une série de grèves du 16 juin au 4 juillet 1989), le gouvernement a décidé d'agir et a présenté la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux.
- 89. Cette loi, qui ordonnait la reprise des services postaux, prévoyait la nomination d'un médiateur-arbitre, plutôt qu'un arbitrage pur et simple. Ce faisant, le gouvernement entendait expressément donner aux parties une dernière chance de régler leur différend, tout en leur ôtant la possibilité de poursuivre leurs stratégies de diversion respectives. Le médiateur-arbitre a tenu de nombreuses réunions avec les parties et a visité plusieurs établissements postaux, afin de se rendre compte par lui-même des nombreux sujets de préoccupation exprimés par les parties. Grâce à ces efforts de médiation intensifs, les parties ont pu parapher plusieurs clauses avant la publication du rapport du médiateur-arbitre, le 5 juillet 1988.
- 90. En résumé, la loi de retour au travail a été adoptée après plus d'un an de négociations infructueuses entre les parties. Outre la phase de négociations directes, les parties ont bénéficié de l'éventail complet des mécanismes de conciliation prévus aux termes du Code canadien du travail, notamment par la nomination d'un conciliateur et d'un commissaire- conciliateur. Par ailleurs, la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux a donné aux parties une occasion supplémentaire de résoudre leur différend avec l'aide d'un médiateur. Les parties ont pu intervenir sans aucune restriction à toutes les étapes de ces procédures, par ailleurs ouvertes et impartiales.
- 91. Les dispositions pénales prévues dans la législation et conçues pour assurer l'observance de la loi s'appliquaient également aux parties syndicale et patronale, contrairement à ce que suggère la plainte présentée conjointement à l'Organisation internationale du Travail par le Congrès du travail du Canada et l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones.
- 92. S'agissant de l'impact sur le public, outre les pertes causées aux entreprises tributaires d'un acheminement régulier du courrier, toute interruption des revenus des prestataires d'allocations familiales et sociales risquait d'entraîner de graves difficultés à ces personnes en matière de nourriture, de logement et d'autres nécessités de la vie, ce qui portait atteinte à la santé et au bien-être des Canadiens concernés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 93. Les plaignants soutiennent que le gouvernement a porté atteinte aux principes de la liberté syndicale en adoptant la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux, qui obligeait les commis des postes à reprendre le travail. Le gouvernement soutient pour sa part qu'il a mis à la disposition des parties tous les moyens existants de médiation et de conciliation, sans obtenir le moindre résultat, et qu'il a agi dans l'intérêt public puisqu'il ne pouvait tolérer un arrêt de travail prolongé qui entraînerait de graves perturbations.
- 94. Le comité prend note de la réponse élaborée présentée par le gouvernement, et relève en particulier que les parties avaient négocié durant plus d'un an et qu'il s'agissait de la deuxième grève importante dans le secteur postal en quatre mois; le comité tient également compte des considérations relatives aux pertes financières causées aux entreprises et des graves difficultés que risqueraient de subir les bénéficiaires de prestations de bien-être social et d'allocations familiales, qui sont tributaires du courrier pour percevoir leurs revenus.
- 95. Toutefois, le comité ne peut que constater que la question se résume à ceci: les postiers étaient en grève légale et le gouvernement, au moyen d'une loi spéciale, leur a ordonné de reprendre le travail après sept jours de grève.
- 96. Le gouvernement souligne, à juste titre, que le comité a reconnu par le passé qu'il existe des circonstances dans lesquelles les restrictions, voire les interdictions des grèves, sont justifiables. Le comité s'empresse toutefois d'ajouter qu'il s'agit là d'exceptions à la règle générale voulant que le droit de grève constitue l'un des moyens légitimes et essentiels permettant aux travailleurs et à leurs organisations de défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, troisième édition, 1985, paragr. 362-363 et cas cités.)
- 97. Il s'ensuit que les restrictions ou les interdictions du droit de grève ne sont justifiées que dans un nombre de cas limité: fonctionnaires ou autres travailleurs des services essentiels au sens strict du terme - à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population (Recueil, loc. cit., paragr. 387), à condition que les travailleurs aient accès à des procédures appropriées, tels la conciliation et l'arbitrage, aux diverses étapes desquelles les intéressés puissent participer, que les décisions arbitrales soient obligatoires pour les deux parties et qu'elles soient exécutées rapidement et intégralement.
- 98. Le comité a fait très récemment des commentaires assez élaborés sur le concept des services essentiels dans une affaire concernant le gouvernement fédéral du Canada (265e rapport, cas no 1438, paragr. 24, mai 1989) et n'alourdira pas inutilement ces conclusions en répétant ces observations. Toutefois, s'inspirant des mêmes critères, le comité ne peut voir comment l'on pourrait affirmer que les services postaux constituent véritablement des services essentiels au sens strict du terme. Certes, des entreprises éprouveront des problèmes et subiront des pertes durant une grève postale et devront même à l'occasion licencier des employés. Particulièrement touchées par ce genre d'arrêt de travail sont les sociétés, telles les entreprises de vente par correspondance, qui dépendent étroitement, voire exclusivement, du courrier. De la même façon, certaines personnes qui reçoivent leurs chèques d'assurance chômage, de pension de vieillesse, d'allocations familiales ou de prestations sociales, subiront sans aucun doute des inconvénients. Quoi qu'il en soit, pour aussi regrettables que soient ces conséquences, elles ne sauraient justifier une limitation des droits fondamentaux garantis par les conventions nos 87 et 98, à moins qu'elles n'atteignent une telle gravité qu'elles mettent en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. De l'avis du comité, tel n'était pas le cas en l'espèce, surtout si l'on tient compte de l'allégation non contredite voulant que, selon les dires mêmes du gouvernement, la grande majorité du courrier était acheminée. En outre, les commentaires faits par le comité au sujet de la mise en oeuvre d'un service minimum (265e rapport, cas no 1438, paragr. 27) trouveraient parfaitement application dans la présente affaire.
- 99. Le gouvernement souligne que les postes constituent un service public, et affirme qu'il a agi dans l'intérêt public en adoptant la loi sur le maintien des services postaux; cette loi constituait une mesure de dernier ressort, tout donnant à penser que les positions des parties étaient si éloignées qu'elles ne pourraient conclure une convention collective. Le gouvernement ajoute qu'il ne s'est pas contenté de mettre fin à la grève et d'établir strictement un mécanisme d'arbitrage en adoptant cette loi, mais souligne qu'il a nommé un médiateur-arbitre dans le but avoué de donner aux parties une dernière chance d'aplanir leur différend. Le comité fait observer que le gouvernement a soumis des arguments identiques, dans un cas semblable, mettant en cause le même syndicat, qui avait dû mettre fin à sa grève de trois jours en 1978 suite à l'adoption d'une loi spéciale (202e rapport, cas no 931, paragr. 203 et 205), et qu'il les avait rejetés.
- 100. Par ailleurs, le comité a réaffirmé sans équivoque cette position dans la récente affaire mentionnée ci-dessus concernant la loi sur le maintien des services ferroviaires également adoptée en 1987 par le gouvernement canadien afin d'ordonner le retour au travail des employés de sociétés ferroviaires, après une grève de cinq jours (265e rapport, cas no 1438). Par conséquent, le comité ne peut que déclarer, mutatis mutandis, que, dans la présente affaire, les travailleurs étaient en grève depuis sept jours seulement lorsque le gouvernement a décidé d'adopter cette loi qui avait pour effet, avec application immédiate à une grève déclenchée conformément à la loi, de restreindre le droit de grève accordé aux travailleurs des postes par la législation fédérale. Etant donné l'ensemble des circonstances, et malgré les longues négociations qui n'ont pas permis aux parties de trouver un terrain d'entente, la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux ne paraît pas propice au développement de relations professionnelles saines, celles-ci devant s'appuyer sur un cadre législatif prévisible et stable conforme aux principes de la liberté syndicale.
- 101. Même si le gouvernement affirme que les législations de retour au travail sont relativement rares dans ce pays et ne sont adoptées que lorsque la poursuite d'un conflit de travail aurait de graves répercussions pour l'intérêt national, la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux constituait la deuxième législation presque identique adoptée en moins de deux mois, et qui touchait un grand nombre de travailleurs.
- 102. Il va sans dire que des dispositions telles que l'article 11 1) de la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux, qui rend inéligibles à tout mandat syndical durant cinq ans les délégués ou représentants syndicaux reconnus coupables d'une infraction à la loi (qui est elle-même contraire aux principes de la liberté syndicale), portaient également atteinte au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, garanti par l'article 3 de la convention no 87, et constituaient une ingérence dans le libre fonctionnement des organisations syndicales.
- 103. Le comité relève enfin que la Cour suprême du Canada a statué en 1987 que la loi constitutionnelle ne garantit pas le droit de grève, et que la liberté d'association garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie intégrante de la Constitution, n'englobe pas le droit de grève. Le comité a le plus grand respect pour les jugements du plus haut tribunal du Canada, mais souligne qu'il s'agit ici d'un forum différent, et qu'il a pour mandat d'évaluer, dans le but de faire une recommandation au Conseil d'administration, si certaines situations de fait ou des lois sont conformes aux principes de la liberté syndicale établis par les conventions internationales.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 104. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que les dispositions de la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux, qui contraignaient les travailleurs des postes à reprendre leur travail sept jours après le début de la grève et imposaient un arbitrage obligatoire dans des circonstances qui ne mettaient pas en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l'ensemble de la population, ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale.
- b) Le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que l'article 11 1) de la Loi de 1987 sur le maintien des services postaux constituait une ingérence dans le libre fonctionnement des organisations syndicales et portait atteinte au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants, garanti par l'article 3 de la convention no 87.
- c) Le comité invite le gouvernement à tenir compte de l'ensemble de ces considérations à l'avenir.