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Rapport définitif - Rapport No. 268, Novembre 1989

Cas no 1462 (Burkina Faso) - Date de la plainte: 16-JUIN -88 - Clos

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  1. 105. Une plainte en violation de la liberté syndicale a été présentée par M. Soumane Touré au nom du Bureau national confédéral de la Confédération syndicale burkinabé dans une lettre du 16 juin 1988, complétée par une communication du 15 septembre 1988. M. Hyacinthe Ouedraogo, également au nom du Bureau national confédéral de la Confédération syndicale burkinabé, a formulé des commentaires dans une lettre du 20 juillet 1988 sur le caractère non fondé de la plainte. Dans des lettres des 13 septembre et 8 décembre 1988 (reçue au BIT le 5 juin 1989), le gouvernement a fait part de ses observations sur cette affaire.
  2. 106. Le Burkina Faso a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 107. M. Soumane Touré, au nom du Bureau national confédéral de la Confédération syndicale burkinabé, se prétendant secrétaire général de cette confédération, a allégué dans sa plainte du 16 juin 1988 des ingérences du gouvernement dans les affaires syndicales.
  2. 108. Selon lui, les faits seraient les suivants: le 31 juillet 1987, son bureau confédéral a déposé une plainte contre les organisateurs du Congrès irrégulier de la Confédération syndicale burkinabé du 30 juin 1987 devant l'inspection du travail et de la sécurité sociale de Ouagadougou. Or, avant que l'inspection du travail n'ait statué sur cette affaire, le coup d'Etat du 15 octobre 1987 est intervenu au Burkina Faso.
  3. 109. Le 26 janvier 1988, le ministre de l'Administration territoriale du gouvernement du Front populaire a délivré des récépissés de reconnaissance à des bureaux syndicaux, qualifiés de "fantoches" par le plaignant. Or, selon lui, ces bureaux syndicaux auraient été mis en place par le Conseil national de la révolution (CNR), et le ministre aurait ainsi tranché le problème des directions syndicales en lieu et place des institutions syndicales et des travailleurs.
  4. 110. Par ailleurs, toujours d'après le plaignant, le ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique aurait reconnu par décision administrative du 1er mai 1988 que la convocation du "Congrès" du 30 juin 1987 était contraire à l'esprit de la convention no 87, confirmant ainsi le bien-fondé de sa plainte initiale.
  5. 111. Contrairement à ce constat, dénonce le plaignant, le ministre aurait déclaré qu'il ne pouvait travailler qu'avec les dirigeants syndicaux qui avaient reçu des récépissés de reconnaissance, alors que le CNR lui-même, qui avait mis en place ces bureaux syndicaux dits "fantoches" par le plaignant, n'avait pas osé les légaliser en leur délivrant des récépissés de reconnaissance. Le plaignant ajoute qu'il a demandé audience au ministre de l'Administration territoriale et au président du Front populaire pour discuter de ces questions, mais qu'il n'a pas été reçu par les autorités en question.
  6. 112. Pour conclure, le plaignant avertit le Comité de la liberté syndicale que des individus tel Hyacinthe Ouedraogo, secrétaire général du bureau, que le plaignant qualifie de "fantoche", vont certainement s'adresser à lui pour prétendre à tort représenter la Confédération syndicale burkinabé et tenter de lui faire retirer sa plainte.
  7. 113. Le plaignant, dans une communication du 15 septembre 1988, prétend que le congrès des 27, 28 et 29 avril 1988 a été organisé par le gouvernement en violation des statuts de la confédération et que, malgré le rejet de l'ensemble des syndicats, le gouvernement a demandé à Hyacinthe Ouedraogo de représenter les travailleurs à la Conférence internationale du Travail de juin 1988. Le gouvernement aurait aussi fait obstruction à la tenue du Congrès des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) qui avait été prévu du 12 au 14 août 1988.

B. Communication de M. Ouedraogo au nom de la Confédération syndicale burkinabé

B. Communication de M. Ouedraogo au nom de la Confédération syndicale burkinabé
  1. 114. Dans une lettre du 20 juillet 1988, M. Hyacinthe Ouedraogo, au nom de cette même Confédération syndicale burkinabé, se prétendant son secrétaire général, dénonce la plainte de M. Soumane Touré qu'il estime injustifiée.
  2. 115. Il explique que le Ve Congrès ordinaire statutaire de la confédération s'est tenu du 27 au 30 avril 1988 et que ce congrès a apprécié positivement les rapports qui se sont instaurés au lendemain des événements du 15 octobre 1987 entre les syndicats et l'Etat, à savoir 1) l'invitation des syndicats aux assises sur le bilan des quatre années de révolution, tenues à Ouagadougou du 8 au 10 janvier 1988; 2) la rencontre syndicats/Front populaire d'avril 1988; et 3) la volonté manifestée par le gouvernement de respecter l'exercice de la liberté syndicale.
  3. 116. De plus, ajoute-t-il, lors de la 75e session de la Conférence internationale du Travail (1988), il a, au nom du Bureau national confédéral, à la tête duquel il se trouve, remis au BIT copie du procès-verbal du Ve Congrès ordinaire qui l'a élu.

C. Réponses du gouvernement

C. Réponses du gouvernement
  1. 117. Dans sa lettre du 13 septembre 1988, le gouvernement indique qu'au-delà du congrès du 30 juin 1987 la nouvelle direction de la Confédération syndicale burkinabé a été confirmée par le Ve Congrès ordinaire de l'organisation, qui s'est tenu du 27 au 30 avril 1988 à Ouagadougou. D'après le gouvernement, ce congrès, qui se voulait être celui de la réconciliation, a été ouvert à tous les adhérents à la centrale syndicale. De surcroît, les membres de l'ancien bureau confédéral n'ont, lors de la tenue de ce congrès, formulé aucune contestation ni plainte.
  2. 118. Selon le gouvernement, dans la mesure où le dernier Congrès ordinaire s'est déroulé sans ingérence de sa part et où les membres du nouveau bureau ont été élus démocratiquement, les autorités publiques ne pouvaient que respecter les structures issues de ce congrès qui a reconduit, en effet, Hyacinthe Ouedraogo comme secrétaire général de la Confédération syndicale burkinabé.
  3. 119. Le gouvernement confirme que ce nouveau secrétaire général a participé à la 75e session de la Conférence internationale du Travail en juin 1988 sans qu'aucun problème de pouvoir n'ait été soulevé devant la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence internationale du Travail.
  4. 120. Le gouvernement admet avoir délivré les récépissés de reconnaissance à la nouvelle direction de la Confédération syndicale burkinabé en application de la loi no 18/AL du 31 août 1959 sur les associations. Il explique qu'étant soucieux d'adopter à l'égard des syndicats une attitude de neutralité il a laissé les dirigeants contestés de la confédération à la sanction de leurs militants et des organisations de base.
  5. 121. Dans une communication du 8 décembre 1988, reçue au BIT le 5 juin 1989, le gouvernement indique, à propos des travaux du Ve Congrès de la Confédération syndicale burkinabé, que les centrales syndicales qui ont une longue tradition de luttes syndicales, à savoir la Confédération nationale des travailleurs burkinabé (CNTB) et l'Union syndicale des travailleurs burkinabé (USTB), y ont participé, ce qu'elles n'auraient pas fait si les libertés syndicales avaient été violées. Il indique, au sujet de la crise que traverse le SYNTSHA, que la liberté syndicale est intimement liée au respect de la légalité et de l'ordre public, et il conclut en affirmant que la crise des syndicats burkinabé en général et de la CSB en particulier, dont il n'est pas l'auteur, doit être résolue par les militants de base, seuls habilités à régler les conflits internes.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 122. Le comité observe que la présente affaire a trait à une rivalité qui s'est développée au sein d'une des confédérations syndicales burkinabé.
  2. 123. A cet égard, le comité ne peut que rappeler la position qui a toujours été la sienne face à des problèmes de conflits à l'intérieur du mouvement syndical, à savoir qu'il n'appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fontionnement normal d'une organisation. (Voir notamment 172e rapport, cas no 865 (Equateur), paragr. 74; 217e rapport, cas no 1086 (Grèce), paragr. 93; 265e rapport, cas no 1463 (Libéria), paragr. 150.)
  3. 124. De l'avis du comité, dans le cas de dissensions intérieures au sein d'une même fédération syndicale, un gouvernement n'est lié, en vertu de l'article 3 de la convention no 87, que par l'obligation de s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations professionnelles d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, ou de toute intervention de nature à entraver l'exercice légal de ce droit.
  4. 125. Dans le cas d'espèce, il s'avère que, selon le gouvernement, le Ve Congrès ordinaire statutaire de la Confédération syndicale burkinabé s'est tenu à Ouagadougou, qu'il était ouvert à tous les adhérents, qu'il a élu M. Hyacinthe Ouedraogo en tant que secrétaire général de cette confédération, et que le plaignant n'a pas, à l'époque, formulé de contestations ou de plaintes sur cette élection. Le gouvernement s'est, semble-t-il, contenté de délivrer des récépissés de reconnaissance à la nouvelle direction, conformément à la loi. Les allégations relatives au fonctionnement de la Fédération des travailleurs de la santé humaine et animale, organisation affiliée à la CSB, se situent dans le même contexte de rivalité intersyndicale.
  5. 126. Dans ces conditions, le comité estime qu'il ne lui appartient pas de déterminer quel groupe devrait représenter les membres de la CSB mais simplement de déterminer s'il y avait eu une quelconque interférence du gouvernement dans le libre choix des responsables syndicaux par les travailleurs. Il apparaît que le plaignant n'a pas apporté de preuves décisives d'interférences de cette nature.
  6. 127. Toutefois, comme il l'a souligné dans un cas récent (voir 265e rapport, cas no 1463 (Libéria), paragr. 152), le comité ne saurait trop insister sur le fait que, dans les cas de rivalité intersyndicale, ceux qui ont le plus à perdre sont les travailleurs et qu'il importe de remédier au plus tôt aux incertitudes découlant de ces conflits de pouvoir, dans l'intérêt même des parties en cause, et en particulier des travailleurs. Le comité réaffirme fermement le principe selon lequel les représentants des travailleurs doivent être librement choisis. Il souhaite donc que, si nécessaire, des procédures impartiales soient assurées pour garantir le plein exercice de cette liberté.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 128. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité rappelle qu'il ne lui appartient pas de déterminer quel groupe devrait représenter une organisation syndicale.
    • b) Le comité réaffirme fermement le principe selon lequel les représentants des travailleurs doivent être librement choisis. Il souhaite que, si nécessaire, des précédures impartiales soient assurées pour garantir le plein exercice de cette liberté.
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