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Rapport intérimaire - Rapport No. 272, Juin 1990

Cas no 1483 (Costa Rica) - Date de la plainte: 21-DÉC. -88 - Clos

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  1. 389. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en date du 21 décembre 1988. Le gouvernement a répondu par une communication du 27 mars 1989. A sa session de mai 1989, le comité a chargé le Bureau d'obtenir des informations complémentaires des plaignants et des gouvernements en vue de procéder à l'examen de cette affaire en pleine connaissance de cause. (Voir 265e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de mai-juin 1989, paragr. 5.) Depuis lors, la CISL a envoyé des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une communication du 11 septembre 1989. Le gouvernement a fait parvenir ses commentaires et observations en réponse à ces informations complémentaires dans une communication du 30 janvier 1990.
  2. 390. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 391. Dans sa communication du 21 décembre 1988, la CISL allègue que la loi sur les associations solidaristes institutionnalise une série de pratiques antisyndicales en violation des conventions nos 87 et 98. Elle ajoute que ce type d'associations, leurs structures et leurs mécanismes ne sont pas conformes aux principes des organisations de travailleurs indépendantes, du fait de la présence des employeurs en leur sein et du contrôle qu'ils exercent sur elles, qu'elles empêchent le développement et le fonctionnement des véritables organisations de travailleurs, qu'il s'agisse de syndicats ou de coopératives, et qu'elles ont eu pour résultat l'affaiblissement du mouvement syndical et la destruction de nombreuses organisations syndicales, objectif que visaient déjà les idéologues et les fondateurs du mouvement solidariste. La CISL signale que, lorsque la commission législative a discuté de la loi précitée, les représentants syndicaux n'ont pas été autorisés à assister aux séances, bien qu'ils en eussent fait la demande, et les autorités ont seulement accepté que les centrales syndicales donnent leur avis par écrit, mais en leur impartissant pour cela un délai maximum de deux jours, de sorte qu'il n'était pas possible que leur réponse parvînt à temps.
  2. 392. La loi sur les associations solidaristes représente un retour en arrière dans le domaine du travail. Elle prévoit qu'une telle association peut être constituée avec un minimum de 12 personnes, disposition qui est manifestement injuste puisque, pour créer un syndicat, il en faut au moins 20 (article 273 du code du travail). En outre, alors que les activités commerciales à but lucratif sont interdites aux syndicats, les associations solidaristes sont légalement autorisées à exercer des activités économiques très diverses. La CISL indique qu'elle a pu constater en pratique qu'à partir de l'adoption de la loi sur les associations solidaristes il s'est produit une dégradation sensible des droits syndicaux et une augmentation des pratiques antisyndicales. Les associations solidaristes se sont transformées en un simple mécanisme de manipulation de la part de secteurs sociaux extérieurs à la classe des travailleurs. Il est évident, à cet égard, que le secteur patronal capitaliste exerce sur ce mécanisme un contrôle social et idéologique qui correspond à des caractéristiques inhérentes à la pensée, à l'idéologie, au mode d'organisation et à l'action du mouvement solidariste. En pratique, par exemple, pour ce qui est de la gestion des associations solidaristes, qui est censée être assumée par les travailleurs de l'entreprise, il a été établi, pour 50 associations prises au hasard en 1981, que les postes les plus importants du conseil de direction étaient occupés par des personnes exerçant les professions d'administrateurs ou de gérants, de cadres, de techniciens ou de vendeurs (c'est-à-dire appartenant au personnel administratif de confiance). La proportion de travailleurs exerçant des métiers simples (ouvriers, artisans, personnel de service) parmi les responsables de ces associations se situait entre 5 et 12 pour cent pour les postes importants et atteignait 20 pour cent pour les moins importants. La CISL a également signalé la dégradation subie par la négociation collective débouchant sur des conventions collectives, qui est remplacée par des accords directs conclus entre des groupes de travailleurs et d'employeurs.
  3. 393. Selon la CISL, la progression des associations solidaristes s'accompagne irrémédiablement d'une tendance à la disparition des syndicats. Cela s'est vérifié de façon spectaculaire dans la zone atlantique du Costa Rica et dans d'autres zones géographiques précédemment contrôlées par le syndicalisme costa-ricien. Les associations solidaristes ont réussi à évincer, au cours de la présente décennie, la majorité des syndicats de l'industrie et du secteur de la banane. Selon des informations provenant du ministère du Travail, il existait en janvier 1987, dans le secteur de l'industrie, 19 syndicats, comptant 4.313 membres, et 343 associations solidaristes,groupant 16.229 travailleurs. Dans le secteur de la banane, ancien bastion de l'organisation syndicale du pays, les syndicats ont été décimés et des associations solidaristes ont été constituées à leur place. La persécution des syndicats et le développement d'associations solidaristes dans le secteur privé ont eu notamment pour conséquence une importante dégradation de la négociation collective. Les patrons, s'appuyant sur le solidarisme, ont imposé aux travailleurs l'accord direct en guise de "négociation collective", afin de supprimer les conventions collectives et les conflits socio-économiques. Ainsi, en 1980, les conventions collectives et les conflits de caractère socio-économique ont compté, respectivement, pour 29 pour cent et 64 pour cent dans les négociations collectives, et il n'y a eu que 7 pour cent d'accords directs. En 1986, la porportion n'était plus que de 28 pour cent pour les conflits et de 21 pour cent pour les conventions. En revanche, elle était passée à 51 pour cent pour les accords directs. Cette évolution est liée à la disparition des syndicats.
  4. 394. Vu la gravité de la situation, une délégation de la CISL s'est rendue au Costa Rica, où ses membres se sont entretenus avec des représentants des organisations affiliées à la confédération et avec diverses autorités du pays. Le thème central de ces entretiens a été le danger que représentent les associations solidaristes et leur utilisation pour des pratiques antisyndicales. Lors d'une réunion avec M. Oscar Arias, Président de la République, il a été décidé de s'adresser à l'OIT afin qu'elle envoie des experts en législation du travail en vue d'assurer la compatibilité des modifications qui seraient apportées au code du travail avec les conventions internationales du travail. Quatre ans se sont, hélas, écoulés depuis que l'on a soulevé le problème du danger que les associations solidaristes représentent pour le libre développement du mouvement syndical, et le problème subsiste, avec cette circonstance aggravante que la destruction des syndicats se poursuit systématiquement.
  5. 395. La CISL rappelle aussi les conclusions et recommandations que le Comité de la liberté syndicale a formulées lorsqu'il a examiné, à propos du cas no 1304, le projet relatif aux associations solidaristes au Costa Rica (qui depuis a été adopté) et la suggestion qu'il a faite au gouvernement d'envisager la possibilité d'accepter l'offre d'une assistance technique du BIT en rapport avec la réforme du code du travail. La CISL envoie également un rapport de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs (ORIT) sur le problème solidariste et relate en détail l'"offensive solidariste" menée depuis 1981 dans les zones productrices de bananes. Concrètement, la CISL signale un ensemble de mesures prises par le secteur patronal dans la province de Limón, parmi lesquelles il convient de relever en particulier le licenciement d'un grand nombre de travailleurs membres des organismes de base du syndicat, la formation immédiate d'associations solidaristes dans les plantations et l'obligation virtuelle faite à tout nouveau travailleur engagé d'y adhérer, la méconnaissance de la convention collective signée par le syndicat et son remplacement par le mécanisme de l'accord direct. Sur les 1.015 associations solidaristes actives dans le pays et qui comptent en tout 160.000 membres, 100 exercent leurs activités dans les zones bananières. Leur capital social global se chiffre à 200 millions de colons, et elles ont négocié 50 accords directs.
  6. 396. Selon la CISL, il est évident que le gouvernement, les chambres patronales et les entreprises transnationales s'intéressent de plus en plus aux associations solidaristes et y voient - dans la période actuelle de crise - une issue possible aux problèmes propres aux relations professionnelles. Dans ce contexte, le mouvement syndical est présenté comme un obstacle aux propositions tendant à résoudre la crise économique.
  7. 397. Enfin, la CISL se dit préoccupée de constater que le mouvement solidariste est en train de se répandre dans d'autres pays d'Amérique latine.
  8. B. Réponse du gouvernement
  9. 398. Le gouvernement déclare, dans sa communication du 27 mars 1989, que le droit d'association est consacré par la Constitution qui, dans son article 60, dispose que "les patrons comme les travailleurs pourront constituer librement des syndicats dans le but exclusif d'obtenir ou de conserver les avantages économiques, sociaux ou professionnels ...". En outre, en vertu de l'article 291 du code du travail, il incombe au ministère du Travail et de la Sécurité sociale de promouvoir l'activité syndicale. Le Costa Rica se conforme à ces dispositions légales et, à cet égard, il s'en remet au Comité de la liberté syndicale pour le cas où il serait nécessaire de procéder à une évaluation du respect accordé au mouvement syndical. En effet, dans la plupart des cas qui ont été soumis au comité, le pays ne s'est pas vu adresser de recommandations qui auraient impliqué ou signifié qu'il existât une politique systématique de persécution contre les organisations syndicales. En ce qui concerne la plainte présentée par diverses confédérations syndicales qui alléguait l'inexécution de certaines conventions (cas no 1304), le gouvernement s'est engagé à mettre en pratique les recommandations qui ont été formulées, en particulier celles qui concernaient l'assistance technique du Bureau international du Travail, en vue de la rédaction du texte portant réforme du code du travail. C'est ainsi que, grâce aux recommandations techniques formulées par les experts du BIT, le projet initial a été substantiellement amélioré, en particulier en ce qui concerne le droit collectif.
  10. 399. Au début du mois de janvier 1988, un fonctionnaire du BIT s'est rendu dans le pays. Au mois de mai de la même année, l'assistance technique demandée a été fournie par l'intermédiaire de M. Geraldo von Potobsky, représentant du Directeur général, qui a donné des conseils au Comité de rédaction. Conformément aux corrections suggérées par le BIT, les dispositions prévoyant la coexistence du syndicat et du Comité permanent des travailleurs comme représentants des salariés dans l'entreprise ont été éliminées du projet, de sorte que ledit comité ne peut exister qu'en l'absence de syndicat, et des dispositions prévoyant la réintégration des travailleurs licenciés pour avoir participé à des activités syndicales ont été introduites. Des corrections au projet modifiant dans le sens indiqué par le BIT de nombreuses dispositions des chapitres traitant du droit collectif du travail et, en particulier, de l'enregistrement des syndicats, de la réglementation des grèves, du quorum de l'assemblée syndicale, de la réélection des dirigeants, etc., ont été apportées
  11. 400. En ce qui concerne les allégations relatives au "solidarisme", le gouvernement déclare que, si le mouvement syndical est en recul tandis que le solidarisme se développe, ainsi que l'indique la CISL, cela est dû dans bien des cas à des facteurs d'ordre essentiellement interne intéressant les directions syndicales, qui échappent à sa compétence. Certes, le droit à l'activité syndicale est protégé, mais, ainsi que le prescrit la loi, il n'y a pas ingérence dans le fonctionnement interne des organisations en question. Il s'agit en effet de personnes de droit privé, et le gouvernement n'intervient pas dans leur organisation ni dans le cours de leurs activités. Cette position est conforme aux dispositions des conventions de l'Organisation internationale du Travail sur la liberté syndicale et les activités qui s'y rapportent. Les causes du plus ou moins grand développement des organisations syndicales sont donc imputables à ces organisations elles-mêmes, qui connaissent leurs propres activités et sont responsables des divers phénomènes pouvant avoir une incidence sur celles-ci, ainsi que sur leur développement et leur organisation.
  12. 401. Le gouvernement ajoute que le mouvement solidariste, créé par la loi no 6970 du 7 novembre 1984, est le corollaire du droit de s'associer librement qui appartient à tous les habitants de la République, droit consacré par le chapitre 4 de la Constitution politique de la République. L'article 25 de la Constitution dispose à cet égard que: "les habitants de la République ont le droit de s'associer à des fins licites. Nul ne pourra être obligé de faire partie d'une quelconque association." Cette disposition constitutionnelle doit s'interpréter comme posant en principe le droit d'association au sens large, qui s'applique aussi bien aux sociétés commerciales et ordres professionnels qu'à un grand nombre d'organisations à but non lucratif, telles que fondations, associations de développement communautaire, etc. Le gouvernement réfute l'allégation des centrales syndicales selon laquelle les organisations solidaristes auraient été instituées juridiquement comme un mécanisme de manipulation de la part de secteurs sociaux étrangers à la classe des travailleurs. La loi elle-même, dans son article 10, dispose que la direction et l'administration de ces associations incombent exclusivement aux travailleurs qui leur sont affiliés. En outre, puisque l'article 25 précité de la Constitution dispose que nul ne pourra être obligé de faire partie d'une quelconque association, l'allégation des centrales syndicales plaignantes est dénuée de fondement car il n'est pas vrai que les travailleurs soient légalement obligés d'appartenir à ces associations. Au cas où une telle situation viendrait à se présenter dans la réalité, les intéressés pourraient engager une action devant les autorités administratives ou judiciaires. Il n'est pas vrai non plus qu'il existe une connivence entre le gouvernement et les associations solidaristes, ainsi que le prétendent les confédérations syndicales. L'article 8 de la loi no 6970 sur les associations solidaristes est clair et net lorsqu'il interdit à ces associations, à leurs organes de direction et d'administration et à leurs représentants légaux toute activité tendant à combattre ou à entraver la formation et le fonctionnement des organisations syndicales et coopératives. Le non-respect de cette disposition entraînerait la dissolution de l'association en question. Elle implique qu'à tout moment l'attitude du gouvernement est de respecter la législation en vigueur en matière syndicale.
  13. 402. Le gouvernement déclare également que le projet de loi portant création des associations solidaristes a bénéficié en temps opportun d'une large publicité, tant au sein de la Commission des affaires juridiques qu'à l'occasion des séances plénières de l'assemblée législative, et que les représentants syndicaux ont eu le temps et l'occasion de formuler leurs observations.
  14. 403. En conclusion, le gouvernement rejette les accusations d'infraction aux dispositions des conventions nos 87 et 98 formulées contre lui par la CISL et demande que la plainte soit déclarée sans fondement.
  15. C. Développements ultérieurs
  16. 404. A sa session de mai 1989, le gouvernement a chargé le Bureau d'obtenir des parties des informations complémentaires en vue de procéder à l'examen de cette affaire en pleine connaissance de cause.
  17. 1. Informations complémentaires fournies par la CISL
  18. 405. La CISL a envoyé des informations complémentaires dans une communication en date du 11 septembre 1989.
  19. 406. Selon la CISL, le gouvernement et les employeurs ont favorisé les associations solidaristes au détriment des organisations syndicales avec la promulgation de la loi no 6970 d'octobre 1984, laquelle a doté le mouvement solidariste d'un cadre juridique propre, ce qui désavantage le syndicalisme puisque son cadre légal date de 1943 et lui interdit de mener des activités de caractère lucratif. La loi sur les associations solidaristes permet au contraire au mouvement solidariste, d'une part, d'exercer toute une gamme d'activités qui étaient traditionnellement assumées par les organisations syndicales et, d'autre part, elle autorise le solidarisme à contrôler et administrer les fonds destinés aux indemnités de licenciement, en les utilisant pour financer ses propres activités. Le Plan national de développement 1986-1990 de l'Administration gouvernementale 1986-1990 prévoit d'augmenter la productivité du travail en renforçant les nouvelles formes d'organisation sociale, comme les coopératives et les associations solidaristes, ce qui est conforme aux dispositions de l'article 6 de la loi solidariste concernant l'appui que l'Etat prête au solidarisme. A propos de la démocratie économique, le plan vise, entre autres objectifs, à canaliser l'épargne vers les coopératives et les associations solidaristes. Dans cette démarche, on omet la participation du syndicalisme.
  20. 407. En qui concerne l'appui économique prêté au solidarisme, le gouvernement, de 1982 à 1990, a utilisé à cette fin les ressources institutionnelles suivantes:
  21. a) Don de la Coalition costa-ricienne pour les initiatives en faveur du développement (CINDE), institution créée en vue d'encourager les investissements étrangers dans le secteur privé et qui s'inscrit dans le cadre des incitations prévues par le Programme du bassin des Caraïbes, promu par le gouvernement des Etats-Unis et financé par l'Agence pour le développement international (AID). Elle a fait un don de 5,5 millions de colons à l'Ecole sociale Jean XXIII, organisme supérieur du solidarisme rattaché à la hiérarchie de l'Eglise catholique, pour mettre sur pied des cours de formation solidariste.
  22. b) Don du ministère de la Planification et de la Politique économique à l'Ecole sociale Jean XXIII, d'un montant de 5 millions de colons, pour des programmes de formation solidariste.
  23. 408. En outre, la promulgation de la loi sur la modernisation du système financier de la République, en octobre 1988, a eu pour objectif d'assimiler les fonctions de la banque privée à celles de la banque d'Etat. L'article 28 de cette loi autorise la création de banques solidaristes. Cette nouvelle mesure fait ressortir l'appui institutionnel que l'Etat accorde au solidarisme en favorisant, sur le plan politique et juridique, des conditions propices qui lui permettent en matière tant politique qu'économique, de concurrencer le coopératisme et le syndicalisme dans leurs programmes et leurs domaines d'action.
  24. 409. Toujours selon la CISL, la politique syndicale menée par les derniers gouvernements qui ont été aux affaires de 1978 à 1989 se caractérise par le souci de limiter l'exercice de la négociation collective des syndicats du secteur public. Cela a été rendu possible par la promulgation de la loi générale sur l'administration publique de 1978, entrée en vigueur le 26 avril 1979. Cette loi prévoit, en son article 112, que "... le droit administratif sera applicable aux relations de service entre l'Etat et les agents publics". Le bureau du Procureur général de la République a interprété cette disposition comme signifiant qu'il ne serait plus possible désormais de signer des conventions collectives de travail dans le secteur public car, en vertu de la nouvelle réglementation, les relations professionnelles seraient régies par le droit administratif, et non par le droit du travail.
  25. 410. Les mesures de réduction et de contrôle des dépenses publiques prévues dans le cadre de la négociation d'accords avec le Fonds monétaire international sont à l'origine de l'adoption de la loi sur l'autorité budgétaire de 1982 et de la loi sur l'équilibre financier du secteur public de 1984. Dans les deux cas, la marge de liberté des institutions autonomes en ce qui concerne leur propre budget a été réduite, soit en leur ôtant des ressources, soit en créant de nouveaux contrôles, soit en leur imposant de suivre les directives de l'autorité budgétaire en matière salariale. Les arguments précités ont amené à fixer des limites à la négociation des conventions collectives. Ce facteur, s'ajoutant au refus de l'entreprise privée nationale et transnationale de signer des conventions collectives, circonscrit étroitement pour le syndicalisme les possibilités de participer à des négociations collectives.
  26. 411. En ce qui concerne l'appui que les chefs d'entreprise prêtent au mouvement solidariste, la CISL signale que, dans un discours prononcé à l'occasion de la cinquième Journée solidariste, en mai 1989, M. Edmundo Gerli G, représentant des employeurs, a déclaré:
  27. "Récemment, la Chambre des industries s'est à juste titre préoccupée d'une accumulation de symptômes, rumeurs, faits et révélations qui indiquent que le solidarisme est en danger. Nous tous qui sommes ici présents - et je suis très heureux d'avoir à le dire - devons féliciter vivement la Chambre d'avoir pris l'initiative d'organiser une rencontre entre sa direction et les représentants de l'union solidariste et de l'Ecole sociale Jean XXIII. Il en est résulté des révélations très préoccupantes, car nous sommes arrivés à la conclusion irréfutable que le solidarisme soutient un siège organisé, bien dirigé et financé, une guerre soigneusement étudiée et planifiée dans ses aspects stratégiques, aux incalculables effets d'affaiblissement. Et le pire est encore de réaliser que la plus grande vulnérabilité de notre relation employeur-travailleurs, jusqu'ici harmonieuse, est, chose incroyable, imputable à ceux qui en ont le plus bénéficié, à savoir nous-mêmes, les chefs d'entreprise."
  28. Après quoi, l'orateur a appelé les chefs d'entreprise et la Chambre des industries à appuyer la création du Conseil supérieur du solidarisme. La CISL signale ensuite que, le même jour, M. Samuel Hidalgo a déclaré:
  29. "Nous avons souvent entendu à la radio ou lu dans les journaux - si même nous n'avons pas été directement visés - que des syndicalistes nous attaquaient devant l'OIT et lors de réunions de caractère international où nous n'avons pas la possibilité de nous défendre en nous accusant de servir d'écran de fumée aux chefs d'entreprise. Ces accusations n'émanent que de personnes étrangères au solidarisme qui méconnaissent nos idéaux nobles et élevés. Le problème du solidarisme est précisément que, dans bien des cas, les chefs d'entreprise constituent une association solidariste dans leur établissement puis l'abandonnent sans prêter aucune attention ni fournir aucun appui aux programmes qu'elle s'efforce de mettre en oeuvre. Cette attitude de nonchalance et de désintérêt de la part des chefs d'entreprise et de leurs représentants est le talon d'Achille du solidarisme."
  30. M. Rodrigo Jiménez, directeur exécutif de l'Union solidariste costa-ricienne, a quant à lui déclaré, au cours de ladite journée solidariste:
  31. "Il incombe à tous les solidaristes - chefs d'entreprise, dirigeants et travailleurs - de faire en sorte que, à tous les niveaux du mouvement solidariste, on retourne en faveur de celui-ci les situations qui pourraient contribuer à miner la confiance que la population met en lui et à alimenter la campagne de discrédit, de persécution, d'infiltration et de désinformation qui est menée contre le solidarisme. Chacun d'entre nous doit se transformer en un gardien vigilant, un critique objectif et un militant enthousiaste à l'avant-garde de notre mouvement."
  32. 412. La CISL souligne aussi que des coupures de presse, qu'elle fournit, mettent en évidence les objectifs du secteur patronal en ce qui concerne le solidarisme et l'appui qu'il lui fournit. (Un article paru dans La Prensa Libre du 5 août 1989 relève que l'Union solidariste costa-ricienne s'intéresse aux possibilités de dispenser aux chefs d'entreprise une formation concernant les principes, les objectifs et les buts du solidarisme.) De même, M. Jack Loeb, président des entreprises transnationales BANDECO et PINDECO, s'est engagé, en janvier 1987, à consacrer chaque année 1,5 million de colones à la formation de dirigeants solidaristes et, lors d'entrevues organisées en mai 1989, des travailleurs et des dirigeants syndicaux du secteur de la banane ont expliqué la forme que revêt l'appui de l'entreprise au solidarisme.
  33. 413. La CISL annexe à sa communication les extraits de témoignages suivants:
  34. Extraits du témoignage de Mario Mendoza Morava, responsable du SITAGAH:
  35. "Le solidarisme à Río Frío ... a acquis une certaine force, en se fondant ou s'appuyant directement sur l'ensemble de l'appareil administratif de l'entreprise qui, vous le savez, est très puissant. Dans chaque plantation, on compte au moins cinq personnes de l'administration qui se consacrent directement au travail de prosélytisme dans certains cas et, le plus souvent, font pression sur les travailleurs pour qu'ils abandonnent le syndicalisme et adhèrent au solidarisme, qui est ce qui convient à l'entreprise."
  36. Extraits du témoignage d'Eduardo Vargas, secrétaire général du Syndicat unifié des travailleurs agricoles des plantations (SUTAP):
  37. "Les comités de direction des associations solidaristes ... entretiennent de très bons rapports avec l'entreprise, elles se réunissent avec les représentants de celle-ci et même, elles en reçoivent des instructions. La preuve en est que les responsables de l'Ecole sociale Jean XXIII ont leurs locaux au Bureau des ressources humaines ... que l'entreprise leur a fournis dès qu'ils sont arrivés."
  38. L'intéressé poursuit:
  39. "... l'apparition du mouvement solidariste est la conséquence d'une politique très élaborée du patronat qui vise à l'opposer aux syndicats en vue de remplacer une organisation de classe des travailleurs par une organisation qui, au début, promettait beaucoup".
  40. Puis il déclare:
  41. "Dans une plantation, on vous disait, vous voulez une maison, adhérez au solidarisme, quittez le syndicat. Vous voulez travailler dans des conditions qui ne soient pas difficiles, quittez le syndicat, adhérez au solidarisme. Enfin, vous voulez garder votre travail, restez avec le solidarisme."
  42. 414. La CISL donne aussi des indications sur le nombre d'accords directs conclus ces dernières années. Selon elle, la prolifération des accords directs, instruments juridiques collectifs utilisés par les chefs d'entreprise, est un sur-indice de ce que le développement du solidarisme est lié à sa fonction antisyndicale. On relève une tendance à un très net recul de la convention collective et à une progression accélérée de l'accord direct. En 1980, il y a eu 41 conventions collectives, 92 conflits collectifs et 10 accords directs, tandis qu'en 1988 on a relevé 18 conventions collectives, 54 conflits collectifs et 34 accords directs. Ces données concordent avec l'essor du solidarisme puisque, en 1980, il existait 215 associations solidaristes et, en 1988, 1.400 environ (données provenant du recensement solidariste, selon l'Union solidariste costa-ricienne).
  43. 415. Les principaux secteurs productifs dans lesquels des accords directs ont été conclus sont l'agriculture, essentiellement les plantations de bananes de l'Atlantique, et l'industrie. Pour ce qui est de l'agriculture, en 1980, un seul accord direct avait été signé, alors qu'en 1987 et 1988 il y en a eu, respectivement, 36 et 30. Cette progression rapide est due au fait que ce mécanisme de négociation a remplacé la négociation collective. Les données montrent que, si l'on a signé 36 accords directs dans l'agriculture en 1987 et 30 en 1988, trois conventions collectives seulement ont été conclues chacune de ces années, alors qu'il y en avait eu environ 47 en 1980. Selon le Syndicat des travailleurs de l'agriculture et des plantations (SITRAP), c'est par le biais du solidarisme que les conventions collectives ont ainsi été remplacées par des accords directs. Quant à l'industrie, second secteur important en ce qui concerne la signature d'accords directs, si l'on y relève un moins grand nombre de ces accords que dans l'agriculture, c'est parce que le taux de syndicalisation y est très faible. Aussi le solidarisme ne pousse-t-il pas à la négociation d'accords directs pour remplacer l'organisation syndicale, car cela n'est pas nécessaire comme dans le secteur de la banane. Les syndicats du secteur industriel représentent 7,7 pour cent de l'ensemble des syndicats et leurs membres 5 pour cent des effectifs syndicaux totaux, tandis que les associations solidaristes représentent 36,0 pour cent de l'ensemble de ces associations et leurs membres 42,0 pour cent des effectifs. Cela confirme que le secteur industriel est contrôlé par le solidarisme, comme l'indiquent les données du ministère du Travail et de la Sécurité sociale de 1988 citées par la CISL.
  44. 416. La CISL examine aussi la question des accords directs conclus dans des entreprises ou des branches d'activité où opéraient des syndicats. Selon elle, parmi les cas de syndicats qui ont été évincés par le biais d'accords directs, on peut citer les suivants:
  45. STPPS Syndicat des travailleurs des plantations de Pococí et Guácimo, en 1979.
  46. SITRAP Syndicat des travailleurs de l'agriculture et des plantations, en 1985.
  47. UTRAL Union des travailleurs agricoles de Limón, en 1987.
  48. SITAGAH Syndicat de branche des travailleurs de l'agriculture et de l'élevage de Heredia, en 1987.
  49. Dans la vallée de La Estrella, zone atlantique du Costa Rica productrice de bananes, l'entreprise Standard Fruit Co. a signé avec ses travailleurs divers accords directs qui ont été approuvés par le solidarisme en juin 1987. Les années antérieures, les relations professionnelles dans la plantation de bananes de la vallée de La Estrella dépendaient de l'Union des travailleurs agricoles de Limón (UTRAL), qui a signé avec l'entreprise le 25 juin 1984 sa dernière convention collective, qui est restée en vigueur jusqu'à 1986. De même, dans la zone de Río Frío, productrice de bananes, la Standard Fruit Co. a signé divers accords directs avec ses travailleurs (plantation 6, plantation 3, plantation 9, plantation 8 et usine de Río Frío). Dans cette zone, les relations professionnelles dépendaient du Syndicat de branche des travailleurs de l'agriculture, de l'élevage et assimilés de Heredia (SITAGAH) qui, comme l'UTRAL, a signé avec l'entreprise le 25 juin 1984 sa dernière convention collective, qui est restée en vigueur jusqu'à 1986. Bien que, légalement, les deux syndicats mentionnés existent encore, leur effectif, conjointement, ne dépasse pas actuellement 50 membres, précise la CISL.
  50. 417. Le développement des accords directs dans la zone de la banane s'est le plus souvent accompagné d'une forte campagne antisyndicale par divers moyens de communication, qui démontre l'intention du solidarisme et de l'entreprise d'évincer les conventions collectives et les syndicats. Parmi les autres entreprises où il existait des conventions collectives et où aujourd'hui se négocient des accords directs, on peut citer les suivantes:
  51. 1. Compañía Bananera El Carmen SA, Siquirres 2. Compañía Bananera Monte Líbano, SA Bataán 3. Compañía Bananera La Perla SA, Bataán 4. Compañía Internacional del Banano SA, Siquirres 5. Compañía Bananita SA, Matina 6. Compañía Bananera La Peña, Estrada 7. Compañía Bananera Margarita, Bataán 8. Finca Prado, Guápiles 9. Finca La Perdiz, La Rita, Pococí 10. Finca Guajira, Guápiles 11. Compañía Productora Tropical SA, Guápiles 12. Compañía Bananera Rosana Farns., Guápiles 13. Finca Bananos Oro, Cariari 14. Finca Río Jiménez, Guácimo 15. Finca Coopecariari, Cariari 16. Finca El Jardín, Cariari 17. Finca Frehold, Siquirres 18. Finca Freeman, 28 millas 19. Finca San Rafael, Guápiles 20. Finca Santa Clara, Guápiles 21. Finca Tortuguero, Guápiles 22. Finca Caribe, Cariari 23. Finca Parismina, Guácimo 24. Finca San Peter, San José et San Pedro, Cariari 25. Manufacturera Aurind SA, Alajuela 26. Atlantis Costarricense SA, San José 27. Calzado ECCO SA, Cartago
  52. La CISL conclut qu'en 1989 trois conventions collectives seulement étaient en vigueur dans le secteur de la banane, alors qu'en 1980 on en comptait en moyenne 47.
  53. 418. La CISL signale aussi que divers dirigeants syndicaux ou syndicalistes des entreprises où opèrent des associations solidaristes ont été licenciés. Selon elle, non seulement des dirigeants syndicaux et syndicalistes se sont trouvés dans cette situation, mais aussi des personnes qui, tout en étant solidaristes, entretenaient des rapports avec des syndicalistes, et qui, à cause de cela, ont été congédiées. Elle cite à l'appui de ses dires quelques témoignages de travailleurs:
  54. a) "... on m'a congédié parce que j'étais un de ceux qui s'occupaient le plus des travailleurs, et aussi parce qu'on approchait de la conclusion d'un accord direct (signé le 15 août de cette année) et que le patron ne voulait pas que je participe à cette négociation. Il est évident que c'est le chef d'enteprise Fabio Campos qui détient les fonds des membres de l'association, lui seul signe les chèques, s'il le fait, et l'on ne peut disposer d'argent." (Casimiro Cortéz, travailleur de Bananera Modelo.)
  55. b) "Il y a six mois, j'ai été congédié parce que j'étais membre du syndicat et que je ne voulais pas adhérer au solidarisme, j'ai fait l'objet de mesures d'intimidation et de persécution." (Plantation de la Standard.)
  56. c) "J'ai été renvoyé avec 15 camarades au cours du processus d'incorporation dans la plantation." (José Francisco Silva Silva, ancien travailleur de la Standard.)
  57. d) "La répression syndicale qui a eu lieu dans les plantations Carmen 1, 2 et 3 a donné lieu à des licenciements massifs et sélectifs qui ont visé les travailleurs syndiqués et les travailleurs âgés et fichés." (Roger Hernández Cortés.)
  58. e) "Ils m'ont licencié parce que je ne voulais pas adhérer au solidarisme." (Pánfilo Gutiérrez, travailleur de la plantation 6, vallée de La Estrella.)
  59. f) "... une travailleuse a été licenciée parce qu'ils l'ont vue parler à Eduardo Vargas, le dirigeant syndical, si bien qu'ils l'ont soupçonnée de s'être affiliée au syndicat". (Eduardo Vargas, SUTAP.)
  60. La CISL explique que les témoignages qu'elle cite à propos de cette affaire ont été recueillis dans le cadre de l'enquête menée par ASEPROLA à partir de 1985 dans le secteur de la banane du Costa Rica. Elle fait observer qu'il est difficile de trouver des témoins, car les travailleurs ont peur de parler.
  61. 419. En second lieu, la CISL fournit une liste de dirigeants des syndicats du secteur de la banane du Costa Rica qui ont été congédiés par leur entreprise parce qu'ils exerçaient des fonctions syndicales et refusaient d'adhérer au solidarisme.
  62. Nom du dirigeant Syndicat
  63. 1. Fernando Mayorga Caravaca, SITRAP* 2. Wenceslao Porras Casanova, SITRAP 3. Porfirio López Ruiz, SITRAP 4. Rafael Chávez Calderón, SITRAP 5. Genaro Villegas Vindas, SITRAP 6. Luis Madrigal Alvarez, SITRAP 7. Rodolfo Mendoza Bustos, SITRAP 8. Otilio Méndez Ramírez, SITRAP 9. Olman Mora Bogantes, SITRAP 10. Godofredo Araya Vargas, SITRAP 11. Minor Cordero León, SITRAP 12. Oscar Torres Hernández, SITRAP 13. Hernán Zúñiga Martínez, SITRAP 14. Erneliton Montes Alvarez, SITRAP 15. Víctor Manuel Mata Mata, SITRAP 16. Santos Torres Baltodano, SITRAP 17. Danilo Angulo Solís, SITRAP 18. Ramón Gómez Alvarado, SITRAP 19. Rigoberto Torres Hernández, SITRAP 20. William Espinoza González, SITRAP 21. Gerardo Vega Varela, SITRAP 22. Anastasio Carrillo Carrillo, SITRAP 23. José Santos Flores Duarte, SITRAP 24. Carlos Salazar Villegas, SITRAP 25. Emiliano Obando Arias, SITRAP 26. José Matarrita Matarrita, SITRAP 27. Leopoldo Torres Torres, SITRAP 28. José Raúl González Espinoza, SITRAP 29. Luis Obando Montes, UTRAL** 30. Juan Rafael Obando Arrieta, UTRAL 31. Manuel Ramírez Rojas, UTRAL 32. Manuel Varela Blanco, UTRAL 33. Francisco Fallas Rojas, UTRAL 34. Gilbert Monge Pérez, UTRAL 35. Gerónimo Hernández Sánchez, UTRAL 36. José Miguel Jiménez Jiménez, UTRAL 37. Pedro Pablo Pérez Castillo, UTRAL 38. Alfonso Hernández Hernández, UTRAL 39. Víctor Manuel Rosales Rosales, UTRAL 40. Juan Manuel Rodríguez Dinarte, UTRAL 41. José de la Cruz López Obando, UTRAL 42. Abel Rojas Villalobos, UTRAL 43. José Leandro Fajardo Fajardo, UTRAL 44. Bernardo Bonilla González, UTRAL 45. José Francisco Silva Silva, UTRAL 46. Javier Sánchez Rodríguez, UTRAL 47. William Rodríguez Morales, UTRAL 48. Juan Luis Chávez Vega, UTRAL 49. Manuel Araya Rodríguez, UTRAL 50. Carlos Petoy Alvarez, UTRAL 51. Roberto Gutiérrez, UTRAL 52. Marcedonio León Arias, UTRAL 53. Evaristo Pérez Moreno, UTRASIMA*** 54. Eliécer Matarrita Mejía, UTRASIMA 55. José Espinoza Ortega, UTRASIMA 56. José Manuel Calderón Rojas, UTRASIMA 57. Bernardo Chavarría Chavarría, UTRASIMA 58. Víctor Rodríguez R., UTRASIMA 59. Elías Villaseti Sancho, UTRASIMA 60. Jorge Luis Hernández Coronado, UTRASIMA 61. Félix Figueroa Rosales, UTRASIMA 62. Rafael Chávez, UTRASIMA 63. Macedonio Chávez Díaz, UTRASIMA 64. Miguel Alemán Dinarte, UTRASIMA 65. Vicente Castellón Ramos, UTRASIMA 66. Gerardo Porras Obando, UTRASIMA 67. Benito Salazar Gómez, UTRASIMA 68. Jorge Badilla Hernández, SITAGAH**** 69. Gerardo Jiménez Patiño, SITAGAH 70. Jorge Alfaro Quirós, SITAGAH 71. Juan Luis Rodríguez Gómez, SITAGAH 72. Rolando Gaitán Gamboa, SITAGAH 73. Edwin Pérez Aguirre, SITAGAH 74. Jorge Ugalde Varela, SITAGAH
  64. * Syndicat des travailleurs des plantations agricoles.
  65. ** Union des travailleurs agricoles de Limón.
  66. *** Union des travailleurs agricoles de Siquirres et Matina.
  67. **** Syndicat de branche des travailleurs de l'agriculture, de l'élevage et assimilés de Heredia.
  68. 420. La CISL a aussi examiné la question des cas concrets où l'on a contraint ou obligé un travailleur à adhérer à une association solidariste ou à démissionner d'une organisation syndicale et le point de savoir si des décisions judiciaires ont été rendues à ce sujet. Elle indique que la sécurité de l'emploi dans les entreprises solidaristes dépend de l'adhésion (forcée) du travailleur au solidarisme, et l'intéressé lui-même comprend fort bien que, s'il ne se fait pas solidariste, il perd son travail. Du fait de la peur du chômage et de la répression psychologique, le syndicalisme costa-ricien est dans l'impossibilité de trouver des travailleurs, dans les usines et les plantations de bananes, qui soient disposés à témoigner de la contrainte exercée par le solidarisme et de la persécution syndicale. Cela explique, selon la CISL, le fait que les tribunaux du travail ne soient actuellement saisis d'aucune plainte émanant de travailleurs mécontents et que les syndicats n'aient pu jusqu'ici présenter aucune demande de dissolution d'une association solidariste auprès du ministère du Travail, conformément aux dispositions de l'article 8 de la loi solidariste. Néanmoins, les centrales syndicales affiliées à la CISL-ORIT au Costa Rica et d'autres centrales syndicales costa-riciennes ont pu réunir dans leurs dossiers des cas concrets de témoignages de travailleurs qui dénoncent cette situation. On dispose d'un dossier de 13 témoignages de travailleurs de l'industrie et de 20 témoignages de travailleurs du secteur de la banane, qu'il reste à convaincre en définitive, bien qu'ils aient fait une première déposition écrite, d'accepter que leur déclaration soit enregistrée devant notaire dans les formes voulues, de façon à pouvoir être versée au dossier du débat final de la commission de l'OIT.
  69. 421. La CISL joint à sa communication des extraits du texte original de quelques-unes des déclarations de ces travailleurs de l'industrie et du secteur de la banane:
  70. a) "Deux années avant de me licencier, on m'a puni en me confiant les tâches les plus ingrates, dans les endroits les plus pénibles. On se moquait de moi et, comme j'avais une parcelle, on me l'a retirée .... Tout cela, ils le faisaient pour voir si je me retirerais (du syndicat). Par ailleurs, ils essayaient de m'intimider en faisant du tort à mes enfants. Par exemple, comme je n'ai pas voulu adhérer à l'association, pendant deux mois et demi ils n'ont pas donné de travail à mes fils; les chefs essayaient de manquer de respect aux filles et aux femmes des travailleurs et, ainsi, ils ont envoyé Marchena (le contremaître) porter des messages à ma fille ..." (Pánfilo Gutiérrez Gutiérrez, travailleur, plantation 6, vallée de La Estrella, Limón).
  71. b) "... on m'a persécuté et harcelé parce que j'étais affilié au syndicat, et deux mois avant que je sois congédié, César Pajuelo, administrateur de l'entreprise, a commencé à me dire que je devais adhérer au solidarisme, que je pouvais quitter le syndicat, que je devais devenir membre de l'association parce que j'en tirerais des avantages". (Roger Hernández Cortés, travailleur de la plantation Carmen 2, Siquirres, Limón.)
  72. c) "On m'a persécuté parce que j'étais affilié au syndicat et harcelé pour me faire adhérer au solidarisme. Marcos m'a demandé pourquoi je n'adhérais pas; si je ne le faisais pas, je risquais d'être mis à la porte." (Herminio Castro Picado, travailleur, plantation Imperio, Siquirres, Limón.)
  73. d) "Avant d'être congédié, j'ai été harcelé par des solidaristes, qui me disaient de quitter le syndicat, que je n'étais pas si bête, que j'étais un homme intelligent, que si je le faisais (quitter le syndicat) ils me donneraient de l'avancement (un poste de contremaître), si je le voulais ils se chargeraient d'écrire ma lettre de démission du syndicat." (José Francisco Silva Silva, ancien travailleur de la plantation Concepción, vallée de La Estrella.)
  74. e) On recourt à toute une série de mécanismes d'intimidation et de répression à l'encontre de toutes formes d'organisation différentes du solidarisme, par exemple:
  75. - on organise des affaires malhonnêtes pour compromettre les travailleurs dont on ne veut pas;
  76. - un autre moyen consiste à réduire les heures supplémentaires, de sorte que le travailleur gagne moins.
  77. f) "Lorsque la décision a été prise de constituer un syndicat en raison même des mauvais procédés de l'association, la répression a été très dure; ils ont d'abord parlé de procéder à des licenciements, puis ils ont dû y recourir; ils ont licencié de nombreuses personnes sans indemnités en alléguant qu'il y avait eu une baisse de la production, mais en réalité nous savions tous que c'était à cause de la création du syndicat." (Juana Herrera Muñoz, travailleuse de Interfashion Industries.)
  78. 422. D'autre part, poursuit la CISL, le Syndicat des travailleurs des plantations agricoles (SITRAP) et le Syndicat unitaire des travailleurs de l'agriculture et des plantations (SUTAP), tous deux affiliés à la Fédération bananière (FESITRAP), elle-même affiliée à la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), ont déposé une plainte devant le ministère du Travail et de la Sécurité sociale du Costa Rica, le 31 août 1987, plainte dans laquelle ils relèvent une série d'irrégularités concernant la sécurité de l'emploi du travailleur du secteur de la banane dans de nombreuses entreprises et signalent les moyens de pression que celles-ci utilisent contre les travailleurs. Les syndicats en question exigent une enquête immédiate sur les faits et des mesures correctives dans l'intérêt de la sécurité de l'emploi, affaire dont le ministère compétent ne s'est pas occupé avec des résultats concrets et efficaces. Cette plainte est importante parce que, tout en apportant des éléments sur les conditions actuelles de travail dans les entreprises bananières transnationales en période d'essor et de développement massif des associations solidaristes dans ces entreprises, elle explique le problème de fond: l'impossibilité dans laquelle les travailleurs du secteur de la banane se trouvent de s'organiser en syndicats, ce qui les prive de toute possibilité de lutter pour leur dignité. Par ailleurs, l'organisation solidariste ne tient aucun compte de cette réalité, ou n'intervient que pour favoriser ses affiliés et conditionner les non-affiliés, ce qui est à l'origine d'une inégalité entre les travailleurs "privilégiés" en tant que militants solidaristes (aristocratie ouvrière) et les travailleurs "marginalisés" parce qu'ils ne sont pas des militants solidaristes.
  79. 423. Selon la CISL, il n'y a pas de protection légale contre de tels actes, comme a pu le vérifier la commission de haut niveau de la CISL qui s'est rendue au Costa Rica en 1988, avec un représentant du secrétaire général adjoint de la confédération, M. Enzo Frizo. En ce qui concerne la "contrainte" exercée sur les travailleurs pour les forcer à adhérer au solidarisme, la CISL indique que, conformément à l'article 7 de la loi no 6970 sur les associations solidaristes, l'adhésion au solidarisme relève totalement de la décision du travailleur, dans le respect formel du principe de la libre affiliation, puisque cette article dispose que: "les associations régies par la présente loi devront garantir la liberté d'adhésion et de démission de leurs membres". Or il est manifeste, en premier lieu, que les faits mentionnés dans l'échantillon de témoignages de travailleurs précités démontrent une violation tangible de la loi solidariste dans la vie quotidienne pratique des associations et entreprises solidaristes. En second lieu, il faut relever que l'article en question pose un principe légal qui ne trouve à s'appuyer sur aucune autre disposition de la loi puisque celle-ci ne prévoit pas de sanctions en cas de violation de ce principe (que ce soit par les dirigeants de l'association ou par ceux de l'entreprise). Troisièmement, le chapitre V de la loi (en particulier l'article 56), qui indique les causes de dissolution et de liquidation d'une association, ne précise pas que la violation de l'article 7 (la contrainte exercée sur un travailleur pour qu'il s'affilie) soit une cause de dissolution. Il est clair que la loi et ses règlements d'application n'établissent pas de mécanisme préventif de protection légale du travailleur contre de tels actes, ni contre tous autres actes qui pourraient le viser. En dehors de la législation interne du solidarisme, le travailleur n'aurait qu'une unique voie légale de recours: présenter devant un tribunal civil (et non un tribunal du travail) une demande d'habeas corpus, en alléguant qu'il a été illégitimement privé de sa liberté. Mais cette procédure judiciaire est trop coûteuse, lente et complexe pour que les travailleurs y recourent et, en outre, si l'on considère l'état actuel de la jurisprudence, les demandeurs ont été déboutés dans la majorité des cas. La CISL reconnaît que la protection légale face à la "persécution" ou à l'"intimidation" du travailleur en raison de son appartenance à un syndicat existe dans le code du travail du Costa Rica en vigueur, en particulier aux termes de l'article 70, qui dispose: "il est absolument interdit à l'employeur ... d'obliger les travailleurs, par quelque moyen que ce soit, à se retirer des syndicats ou groupes légalement constitués auxquels ils appartiennent". Mais la vie quotidienne dans les entreprises costa-riciennes témoigne, eu égard à la violation tacite de la liberté syndicale, de l'inobservation de cette interdiction de la part des employeurs. Selon la CISL, la raison en est non seulement que la législation du travail ne fait pas l'objet d'un contrôle institutionnel suffisant de la part de l'Etat costa-ricien, mais aussi que, conformément au code du travail, l'employeur accusé d'avoir enfreint cette disposition est passible d'une amende d'un montant infime: de 300 à 1.000 colons, c'est-à-dire de 3,60 à 12,12 dollars E.-U. au taux de change de 1989. Aussi l'employeur ne se gêne-t-il pas pour enfreindre cet article qui représente la protection légale la plus explicite prévue dans le code du travail. Si l'accusation est prouvée, il n'a qu'à payer une amende symbolique. A ce sujet, la CISL joint à sa communication un mémorandum soumis par le Syndicat national des travailleurs de l'habillement, de la confection, du textile et du cuir au président de la Chambre des industries et au ministre du Travail du Costa Rica, qui allègue des violations de la liberté syndicale dans 39 entreprises du secteur industriel à San José, Costa Rica.
  80. 424. Pour conclure, la CISL indique que le développement des associations solidaristes a pour cause l'existence, au sein de la société costa-ricienne, d'une large alliance en faveur du solidarisme, composée de partenaires puissants: un secteur conservateur de l'Eglise catholique, l'ensemble des moyens de communication de masse, des secteurs de partis politiques majoritaires, les chambres patronales et le gouvernement. Selon la CISL, le gouvernement, par l'intermédiaire des autorités publiques chargées des relations professionnelles (le ministère et les tribunaux du Travail), a apporté un soutien important au solidarisme en de nombreux endroits du pays en entérinant des plébiscites en faveur de l'association solidariste dans les entreprises, en acceptant les accords directs malgré les plaintes des syndicats et en ne réagissant pas face au refus des entreprises de l'industrie et du secteur de la banane de signer des conventions collectives ou des accords collectifs de travail. La présence de l'Eglise, par l'intermédiaire de l'Ecole sociale Jean XXIII, organisme officiel catholique, implique que cette institution joue un rôle de promotion, de conseil et d'éducation des solidaristes dans les plantations de bananes et en de nombreux endroits du pays. De fait, on s'est servi du prestige moral et religieux de l'Eglise catholique pour mener une campagne patronale de persécution du syndicalisme et d'expansion du solidarisme. Les moyens de communication (presse écrite et radio) ont intensifié une manipulation de l'opinion publique tendant à donner à la population une image négative du syndicalisme et à parer le solidarisme de tous les mérites. L'existence d'un cadre juridique spécial au service du mouvement solidariste (loi no 6970 sur les associations solidaristes) a permis aux chefs d'entreprise de tourner la législation du travail (code du travail, droit à la protection syndicale, paiement d'indemnités de licenciement, etc.) et aux associations solidaristes de mener leurs programmes économiques et sociaux et de s'organiser en bénéficiant de nets avantages, au détriment du syndicalisme. L'existence, aux niveaux national et international, d'un climat favorable aux postulats anticrises du secteur patronal néolibéral a permis que le solidarisme s'implante progressivement dans le secteur social qui appuie et développe les thèses inspirées par le Fonds monétaire sur la privatisation et la réactivation de l'économie entre les mains du secteur privé, avec l'appui d'organismes financiers internationaux. Cela étant, la reconnaissance des banques solidaristes, en tant qu'organismes privés poursuivant un but d'utilité sociale, par la promulgation de la loi de 1988 sur la modernisation du système financier de la République, dont l'article 28 autorise la création de banques solidaristes, a permis au solidarisme d'accéder à la banque privée pour capter l'épargne intérieure des solidaristes ainsi que les crédits du système financier international accordés à des conditions de faveur. Avec ces banques, le solidarisme joue un rôle en faveur de la privatisation du pays, et le fait en lui-même implique une aggravation de l'inégalité économique entre le mouvement solidariste et le mouvement syndical dans le secteur privé.
  81. 425. La CISL rappelle que les facteurs qui favorisent le développement du solidarisme au niveau interne sont la création d'une base économique à partir de l'administration des fonds destinés aux indemnités de licenciement que le patron verse à l'association et dont celle-ci fait un emploi lucratif, autorisé par la loi sur les associations solidaristes (on notera qu'il s'agit de fonds "sociaux" que l'employeur présente comme un "apport patronal", ce qui constitue une tromperie), l'appui logistique que l'entreprise fournit à l'association solidariste (frais administratifs, temps libre accordé aux responsables et dirigeants, rémunération des responsables, cours de formation, subventions économiques), une organisation très fonctionnelle avec d'abondantes ressources humaines et matérielles telles que personnel, véhicules, locaux, moyens financiers, dons en nature et en espèces, etc.
  82. 426. En second lieu, la CISL signale que les principales causes de la discrimination et de l'affaiblissement dont les organisations syndicales sont victimes au niveau national sont la répression antisyndicale et la violation du principe de la liberté syndicale, qui revêtent des formes telles que licenciements de dirigeants, intimidation, chantage et corruption des travailleurs par l'administration de l'entreprise; le recours à des méthodes de contrôle des dirigeants, le recrutement à titre occasionnel, les listes noires, la suspicion et la crainte de l'insécurité de l'emploi constituent pour les employeurs des instruments de pouvoir et de persuasion qui pénalisent le syndicat et favorisent l'expansion du solidarisme. La CISL ajoute que les conditions (juridiques et organisationnelles) du fonctionnement du syndicalisme dans le secteur public et privé empêchent les syndicats de s'acquitter de leurs fonctions et d'atteindre leurs objectifs. Elle rappelle la constante répression dont les dirigeants syndicaux sont victimes de la part des patrons et la menace de licenciement qui pèse sur le travailleur qui songe à s'affilier au syndicat.
  83. 427. Selon la CISL, le problème "légal" au niveau national a pour résultat l'absence de protection des syndicats ou de privilège syndical, ainsi que des entraves à la constitution, à l'organisation et au fonctionnement des syndicats en raison d'un code du travail dépassé; l'adoption récente de lois et de règlements intéressant le secteur public qui ont un caractère restrictif pour les syndicalistes (autorité budgétaire et loi sur l'équilibre financier) place carrément le syndicalisme dans une situation de faiblesse et de désavantage par rapport au solidarisme. Ces récentes lois spéciales empêchent actuellement de signer des conventions collectives dans le secteur public au Costa Rica. A cela vient s'ajouter, toujours selon la CISL, l'inobservation par le secteur gouvernemental de la législation du travail en vigueur et des conventions de l'OIT - par partialité ou négligence dans le contrôle - qui laisse le syndicalisme sans défense et avec moins de protections de caractère juridique, et ternit son image et réduit son efficacité et sa capacité d'action à l'échelle nationale. En outre, la crise économique provoque un durcissement de la position patronale et, par conséquent, une réduction de la capacité de revendication et de mobilisation des travailleurs. La tâche du syndicat est entravée par des obstacles et des difficultés car les travailleurs, à cause du spectre du chômage et de la répression manifeste, ont peur de s'organiser et de participer.
  84. 428. Pour ce qui est de l'affaiblissement du syndicalisme en raison de facteurs internes, la CISL estime que le recul des conventions et des contrats collectifs de travail s'est aussi soldé pour les syndicats par la perte de leur qualité d'interlocuteur pour la défense des droits des travailleurs. De nombreux syndicats ont disparu parce que, la convention n'ayant pas été signée et le syndicat reconnu comme interlocuteur, il s'est produit un phénomène de désaffiliation qui a sensiblement réduit leurs moyens financiers et les a affaiblis. Il est évident que cet état de choses est la conséquence de la création de l'association solidariste et du fait que les employeurs ont imposé l'accord direct, sous le contrôle des solidaristes. La situation économique des syndicats se dégrade également lorsqu'ils n'ont pas accès à l'administration des fonds destinés aux indemnités de licenciement. Alors que les solidaristes, en vertu de leur loi (article 18), peuvent administrer ces fonds, les syndicats restent soumis à l'article 29 du code du travail - en vertu duquel le licenciement outre la "perspective d'un droit" et non un droit réel - ce qui a une incidence sur leurs moyens financiers et leur capacité d'offrir des services économiques et sociaux dans l'intérêt des travailleurs, comme le fait le solidarisme.
  85. 429. L'affaiblissement du syndicalisme costa-ricien s'explique aussi par une série d'autres facteurs inhérents à son profil. Ainsi, le manque d'unité du mouvement syndical et l'extension de ses divisions internes au cours des années de crise ont une incidence sur ses forces actuelles; les faibles moyens financiers du syndicalisme, auxquels vient s'ajouter l'agression solidariste, signifient que les syndicats, avec les minces cotisations qu'ils encaissent, ne peuvent relever les défis de mobilisation et de lutte auxquels ils sont confrontés en période de crise et d'agression patronale; l'accent mis sur la revendication a fait passer au second plan et négliger les domaines d'action et programmes sociaux, culturels et économiques, qui satisfont pourtant des besoins réels des travailleurs. (Aujourd'hui, le solidarisme a tiré parti de ce vide ou de cette faiblesse syndicale et se sert de ces programmes pour "racoler" la classe ouvrière); la faible capacité de convocation, de mobilisation et de planification des centrales syndicales existantes - qui résulte comme on l'a vu de multiples facteurs - réduit l'impact du syndicalisme dans la société et donne l'idée qu'il est trop faible pour relever les défis sociaux, car il a beaucoup perdu de sa puissance et du respect dont il jouissait dans le pays; enfin, la faiblesse, l'inconsistance et le manque d'intégration des programmes de formation syndicale se sont traduits par une diminution de la conscience syndicale des travailleurs, déjà insuffisante, face aux qualités du concurrent solidariste, ce qui encore affaiblit le syndicalisme et a fait ressortir son peu de capacité de réaction.
  86. 2. Nouvelle réponse du gouvernement
  87. 430. Le gouvernement a envoyé sa réponse au sujet de ces allégations dans une communication du 30 janvier 1990. Selon lui, le recul du mouvement syndical par rapport au mouvement solidariste est dû à des facteurs d'ordre éminemment interne intéressant la direction des organisations syndicales et qui échappent à sa compétence. Il ne lui incombe donc pas de se prononcer au nom des employeurs ou à leur place, car son rôle se limite fondamentalement à veiller au respect de la loi no 6970 du 7 novembre 1984 (loi sur les associations solidaristes) en ce qui concerne l'enregistrement de toutes les organisations de cette nature créées dans le pays. Observer les dispositions de cette loi ne peut s'interpréter comme favoriser un type d'organisation au détriment d'un autre. En résumé, le gouvernement réaffirme qu'il n'a pas favorisé les organisations solidaristes aux dépens des organisations syndicales.
  88. 431. En ce qui concerne l'article 6 de la loi précitée qui dispose que l'Etat veillera au renforcement et au développement des associations solidaristes, le gouvernement déclare qu'il n'a pas été possible d'en assurer l'application effective, pour diverses raisons, de sorte que, là non plus, il n'y a pas discrimination syndicale ou traitement de faveur du solidarisme, comme l'indiquent les allégations. Au contraire, souligne-t-il, l'article 291 du code du travail dispose, en ce qui concerne le syndicalisme, que: "Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale sera chargé d'encourager le développement du mouvement syndical, sous une forme harmonieuse et ordonnée, par tous les moyens légaux qu'il jugera convenables. A cet effet, il prendra, par voie de décret exécutif, toutes les dispositions qui sont nécessaires dans chaque cas, pour garantir l'exercice du droit syndical". Comme on peut le voir, l'Etat costa-ricien a l'obligation légale d'encourager le syndicalisme, de sorte que les dispositions de l'article 6 de la loi sur les associations solidaristes ont leur pendant, pour les syndicats, dans le code du travail, ce qui implique que légalement les deux types d'organisations (syndicats et associations solidaristes) sont traités de façon égale.
  89. 432. En ce qui concerne les allégations relatives à l'évolution des accords directs ces dernières années, le gouvernement donne les renseignements suivants:
  90. Année 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989
  91. Nombre d'accords 16 34 18 24 32 35 34 52
  92. La conclusion de ces accords directs et leur soumission au Département des organisations sociales en vue de leur enregistrement ont été effectuées, conformément à la législation en vigueur. Dans tous les cas, ces instruments ont reçu un large appui des travailleurs intéressés. Autrement dit, les travailleurs ont préféré cette formule de négociation à la convention collective; certains accords directs ont d'ailleurs été le premier mécanisme de négociation dont ils ont pu disposer. L'augmentation du nombre des accords directs conclus est due, entre autres raisons, au fait que de grandes entreprises du secteur de la banane, comme Bandeco et Standard Fruit Co., qui, précédemment, n'avaient qu'une seule convention collective pour tous les travailleurs, ont ensuite remplacé cet instrument par des accords directs pour chacune de leurs plantations. D'autre part, le gouvernement précise qu'il faut tenir compte du fait que les accords directs ont une durée de validité allant de un à trois ans, encore qu'ils s'appliquent en majorité pendant une période de deux ans. A leur expiration, ils doivent être renégociés, et le nombre total d'accords directs conclus inclut, avec les accords nouveaux, les accords ainsi renouvelés. Selon le gouvernement, le nombre d'accords directs a beaucoup augmenté en 1989 parce que 15 de ces instruments ont été "renégociés" à la Standard Fruit Co.; en outre, d'autres entreprises de plus petite taille ont été lancées dans la zone atlantique dans le cadre des programmes de développement et de promotion du secteur de la banane.
  93. 433. Le gouvernement ajoute que c'est dans le secteur agricole que les accords directs ont été le plus nombreux, encore qu'ils aient aussi tenu une place importante dans le secteur des services. Ainsi, en 1989, il en a été conclu 42 (nouveaux ou renégociés) dans l'agriculture, deux dans l'industrie et huit dans le secteur des services. Les causes de cette progression des accords directs dans les activités agricoles sont très complexes, mais on peut noter, entre autres, les suivantes: a) la préférence des travailleurs pour l'organisation solidariste par rapport au syndicat, étant donné les objectifs immédiats - de consommation, si l'on veut - qui sont ceux des salariés et que le mouvement solidariste leur permet de satisfaire; b) l'incapacité du mouvement syndical de se doter de politiques qui concordent avec le sentiment majoritaire de ses affiliés et des travailleurs non syndiqués: politisation excessive de ses dirigeants, manque de démocratie interne, recherche d'avantages individuels, au détriment de l'intérêt général, de la part de certains dirigeants syndicaux; c) meilleure acceptation du mouvement solidariste par les employeurs, qui favorisent et encouragent ce mouvement.
  94. 434. Le gouvernement admet qu'il y a eu des cas où des accords directs ont été conclus dans des entreprises ou des branches d'activité où opéraient précédemment des syndicats pour les raisons indiquées dans le paragraphe précédent, mais souligne que la majorité de ces syndicats n'avait pas d'existence réelle, faute de représentativité; ils existaient de façon purement formelle, par l'enregistrement. En pareil cas, on a pu prouver par voie de plébiscite que les travailleurs préféraient l'accord direct à la négociation d'une convention collective.
  95. 435. En ce qui concerne le secteur privé, on en reste aux procédures et formalités de négociation collective prévues par la législation du travail du Costa Rica (articles 54 et suivants et 497 et suivants du code du travail). Le projet de réforme du code du travail vise à adapter la négociation collective aux exigences sociales et économiques de l'époque, dans l'intérêt des deux secteurs de la production: travailleurs et employeurs. Dans tous les cas, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale met à la disposition des parties des fonctionnaires spécialisés qui s'efforcent de proposer des formules de négociation satisfaisantes pour les travailleurs comme pour les patrons; au besoin, il leur offre aussi ses locaux pour y tenir les négociations collectives. En outre, en cas de plainte alléguant que les patrons persécutent les travailleurs ou leurs représentants syndicaux ou leur font des difficultés, la direction nationale et l'Inspection générale du travail interviennent pour sauvegarder les droits des salariés.
  96. 436. Pour ce qui est du secteur public, le gouvernement affirme qu'il a déjà réglementé de façon appropriée les possibilités de négociation avec les institutions de l'Etat (session du Conseil de gouvernement no 25, article 6, accord 4, du 22 octobre 1986).
  97. 437. Le gouvernement admet que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a reçu des plaintes concernant des licenciements prétendument injustifiés et constituant une persécution syndicale. Toutefois, il précise que, après examen, il n'a pas été possible de constater que la loi eût été violée à cet égard. Selon le gouvernement, on ne sait pas si des actions ont été engagées devant les tribunaux du travail dans des cas de ce genre ni quel en a été le résultat. En effet, en vertu de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, il incombe au pouvoir judiciaire de se prononcer au sujet des licenciements qui peuvent avoir lieu dans n'importe quel centre de travail. Il est vrai cependant que certains dirigeants syndicaux se sont plaints devant le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, parfois par les moyens de communication de masse, d'une prétendue contrainte qui aurait été exercée sur les travailleurs pour les amener à adhérer aux associations solidaristes. Néanmoins, des enquêtes menées par les fonctionnaires de ce ministère n'ont pas permis de constater qu'une telle contrainte eût été exercée, au moins contre les travailleurs encore employés dans l'entreprise. Ce qui se passe est que, quand un travailleur est licencié pour d'autres motifs, il se plaint d'avoir fait l'objet d'une prétendue persécution syndicale pendant qu'il était encore au service de l'entreprise.
  98. 438. Le gouvernement déclare qu'il existe deux formes de protection pour les travailleurs qui seraient victimes d'une forme de contrainte quelconque tendant à les amener à adhérer aux associations solidaristes: a) la Direction nationale et l'Inspection générale du travail peuvent saisir la justice pour faire condamner les auteurs des infractions aux amendes prévues par la loi; b) le travailleur ou les travailleurs intéressés peuvent demander le versement d'indemnités de licenciement. Les conventions collectives prévoient souvent une troisième garantie pour les travailleurs: la réintégration, avec paiement des arriérés de salaire, du travailleur injustement licencié. Cette troisième modalité, ajoute le gouvernement, n'est cependant pas inscrite dans la législation; aussi le projet de réforme du code du travail prévoit-il une procédure particulière en vue de remédier à cette situation.
  99. 439. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il n'existe, de sa part, aucun type de discrimination syndicale et qu'il agit dans le strict respect du droit et de la liberté et souveraineté de décision des travailleurs. Si ceux-ci décident d'opter pour un type déterminé d'organisation sociale (syndicat ou association solidariste), les autorités publiques se bornent à donner pleinement effet à cette décision. Le gouvernement réaffirme, en ce qui concerne les causes de l'affaiblissement des organisations syndicales et du développement des associations solidaristes, qu'aucune d'entre elles ne lui est imputable, par action ou par omission.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 440. En premier lieu, le comité prend note avec intérêt des informations complémentaires concrètes que tant l'organisation plaignante que le gouvernement ont soumises dans ce cas. L'organisation plaignante a soulevé les questions que l'existence et le développement des associations dites "solidaristes" et leur réglementation légale posent du point de vue de la conformité de ces associations avec les conventions nos 87 et 98. L'organisation plaignante allègue en particulier que les associations solidaristes sont contrôlées par les employeurs, qu'elles ont pour objectif la destruction du mouvement syndical et qu'elles ont donné lieu à de nombreuses pratiques antisyndicales, le mouvement syndical s'étant nettement affaibli ces dernières années et de nombreuses organisations syndicales ayant disparu, et elle a soumis une volumineuse documentation à ce sujet. Le gouvernement rétorque que le mouvement solidariste est une manifestation du droit constitutionnel d'association et que, si le mouvement syndical est en recul tandis que le solidarisme se développe, cela est dû dans bien des cas à des facteurs d'ordre essentiellement interne intéressant la direction syndicale, qui échappent à sa compétence. Il nie que les associations solidaristes aient été instituées juridiquement comme un mécanisme de manipulation de la part de secteurs étrangers à la classe des travailleurs et que ces derniers soient légalement obligés d'y adhérer. Enfin, il insiste sur le fait que l'article 8 de la loi sur les associations solidaristes interdit à ces associations, à leurs organes de direction et d'administration et à leurs représentants légaux toute activité tendant à combattre ou à entraver, de quelque façon que ce soit, la formation et le fonctionnement des organisations syndicales et coopératives, le non-respect de cette disposition entraînant la dissolution de l'association en question.
  2. 441. Le comité observe que, aux termes de la loi de 1984 sur les associations solidaristes, ces associations peuvent être constituées avec 12 travailleurs ou plus, et que l'article 4 de la loi les définit comme suit:
    • "Les associations solidaristes sont des entités de durée indéterminée dotées de la personnalité juridique qui, pour la poursuite de leurs objectifs (instaurer la justice et la paix sociale, faire régner l'harmonie entre travailleurs et employeurs et assurer le plein développement de leurs membres), pourront acquérir toutes catégories de biens, passer des contrats de toute nature et réaliser toutes espèces d'opérations licites visant à améliorer la situation socio-économique de leurs membres en vue de leur assurer une existence plus digne et un niveau de vie plus élevé. Elles pourront, à cette fin, effectuer des opérations d'épargne, de crédit et de placement ainsi que toutes autres opérations rentables. Elles pourront aussi mettre en oeuvre des programmes en matière de logement ou dans les domaines scientifique, sportif, artistique, éducatif et récréatif, culturel, spirituel, social et économique, ainsi que tout autre programme encourageant de façon licite les liens et la coopération entre les travailleurs et entre ceux-ci et leurs employeurs."
    • L'article 8 de la loi énumère comme suit les ressources des associations solidaristes:
      • "a) L'épargne mensuelle minimale des associés, dont le taux sera fixé par l'assemblée générale. En aucun cas ce taux ne pourra être inférieur à 3 pour cent ni supérieur à 5 pour cent du salaire ... Les associés pourront épargner volontairement une somme ou un pourcentage supérieur ... L'associé autorisera le patron à déduire de son salaire le montant correspondant, qui sera remis à l'association ...".
      • "b) L'apport mensuel du patron en faveur de ses travailleurs, qui sera fixé en commun accord par les deux parties, conformément aux principes solidaristes ...".
    • 442. Le comité exprime la grave préoccupation que lui causent l'affaiblissement du mouvement syndical costa-ricien et la forte diminution du nombre des organisations syndicales ces dernières années. Il semble d'après les éléments dont il dispose actuellement que ces phénomènes sont en rapport avec le développement des associations solidaristes. Le comité souligne à cet égard l'importance fondamentale du principe du tripartisme prôné par l'OIT, qui suppose l'existence d'organisations indépendantes (les unes des autres, et des autorités publiques) de travailleurs, d'une part, et d'employeurs, d'autre part. Compte tenu de l'importance de ce principe, le comité exprime l'espoir que le gouvernement prendra des mesures en concertation avec les centrales syndicales en vue de créer les conditions nécessaires au renforcement du mouvement syndical indépendant et au développement de ses activités en matière d'oeuvres sociales.
  3. 443. Afin d'examiner de façon plus approfondie les questions importantes soulevées dans le présent cas, le comité demande au gouvernement de fournir des informations précises sur les points pour lesquels il n'a pas encore fourni de réponses exhaustives, à savoir: les cas concrets de discrimination antisyndicale et de pressions pour l'affiliation des travailleurs aux associations solidaristes mentionnées par la CISL; la portée de la protection juridique dont peuvent bénéficier les travailleurs et les dirigeants syndicaux qui seraient victimes de tels agissements; l'existence du soutien financier des employeurs dans les associations solidaristes et la forme d'un tel soutien; le montant de l'appui financier du gouvernement aux associations solidaristes, d'une part, et le cas échéant aux organisations syndicales, d'autre part; les cas de plébiscites organisés au sein des entreprises et les motifs de l'organisation de ces prébiscites; la nature juridique et le contenu des accords directs et circonstances dans lesquelles ils peuvent être conclus; les cas où des accords directs ont été conclus alors qu'il existait un syndicat et une convention collective; la participation des syndicats à des activités économiques en comparaison avec le rôle joué dans ce domaine par les associations solidaristes; les fonctions qui peuvent être ou qui, en fait, sont exercées par les associations solidaristes dans le domaine des relations du travail et les fonctions qui peuvent être exercées ou qui, en fait, sont exercées par les syndicats dans le domaine de la gestion des oeuvres sociales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 444. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime la grave préoccupation que lui causent l'affaiblissement du mouvement syndical costa-ricien et la forte diminution du nombre des organisations syndicales ces dernières années. Il semble d'après les éléments dont il dispose actuellement que ces phénomènes sont en rapport avec le développement des associations solidaristes.
    • b) Le comité souligne à cet égard l'importance fondamentale du principe du tripartisme prôné par l'OIT, qui suppose l'existence d'organisations indépendantes (les unes des autres, et des autorités publiques) de travailleurs, d'une part, et d'employeurs, d'autre part.
    • c) Compte tenu de l'importance de ce principe, le comité exprime l'espoir que le gouvernement prendra des mesures, en concertation avec les centrales syndicales, en vue de créer les conditions nécessaires au renforcement du mouvement syndical indépendant et au développement de ses activités en matière d'oeuvre sociales.
    • d) Afin d'examiner de façon plus approfondie les questions importantes soulevées dans le présent cas, le comité demande au gouvernement de fournir des informations précises sur les points pour lesquels il n'a pas encore fourni de réponses exhaustives, à savoir:
      • - les cas concrets de discrimination antisyndicale et de pressions pour l'affiliation des travailleurs aux associations solidaristes mentionnées par la CISL;
      • - la portée de la protection juridique dont peuvent bénéficier les travailleurs et les dirigeants syndicaux qui seraient victimes de tels agissements;
      • - l'existence du soutien financier des employeurs dans les associations solidaristes et la forme d'un tel soutien;
      • - le montant de l'appui financier du gouvernement aux associations solidaristes, d'une part, et le cas échéant aux organisations syndicales, d'autre part;
      • - les cas de plébiscites organisés au sein des entreprises et les motifs de l'organisation de ces prébiscites;
      • - la nature juridique et le contenu des accords directs et circonstances dans lesquelles ils peuvent être conclus;
      • - les cas où des accords directs ont été conclus alors qu'il existait un syndicat et une convention collective;
      • - la participation des syndicats à des activités économiques en comparaison avec le rôle joué dans ce domaine par les associations solidaristes;
      • - les fonctions qui peuvent être ou qui, en fait, sont exercées par les associations solidaristes dans le domaine des relations du travail;
      • - les fonctions qui peuvent être exercées ou qui, en fait, sont exercées par les syndicats dans le domaine de la gestion des oeuvres sociales.
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