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Rapport définitif - Rapport No. 272, Juin 1990

Cas no 1491 (Trinité-et-Tobago) - Date de la plainte: 28-FÉVR.-89 - Clos

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  1. 40. Par une communication datée du 28 février 1989, la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Trinité-et-Tobago. Le 2 août 1989, la CMOPE a présenté de nouvelles allégations concernant cette plainte; le 9 janvier 1990, elle a présenté des informations complémentaires. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans des communications datées des 9 novembre 1989 et du 9 avril 1990.
  2. 41. La Trinité-et-Tobago a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; elle n'a pas ratifié la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de la confédération plaignante

A. Allégations de la confédération plaignante
  1. 42. Dans sa lettre du 28 février 1989, la CMOPE - agissant au nom de l'Association des enseignants unis de Trinité-et-Tobago (TTUTA) - signale que le gouvernement a décidé de réduire, dans le budget de 1989, les traitements des enseignants et des autres travailleurs du secteur public de 10 pour cent. Le budget de 1989 a été approuvé depuis par le Parlement.
  2. 43. Selon la confédération plaignante, la réduction a été décidée sans consultation ni accord préalables avec les syndicats représentant les travailleurs du secteur public, alors que la loi sur l'éducation (dont copie est fournie par la CMOPE) énonce aux articles 62 à 72 la procédure à suivre pour régler les conditions et modalités de service des membres de la profession enseignante. La confédération plaignante souligne que cette procédure n'a pas été suivie lorsque la décision de réduire les traitements a été prise.
  3. 44. La CMOPE estime que le gouvernement a ainsi enfreint l'article 4 de la convention no 98 et les articles 2 et 5 de la convention no 154 sur la négociation collective.
  4. 45. Dans sa lettre du 2 août 1989, la CMOPE ajoute qu'à la suite d'un rapport du Fonds monétaire international (FMI) (dont beaucoup de chiffres se sont révélés par la suite erronés) le gouvernement, sans consultation, a pris les deux décisions suivantes:
    • a) refus d'honorer son engagement de relever les traitements des enseignants au 1er janvier 1989;
    • b) réduction unilatérale desdits traitements de 10 pour cent.
      • La TTUTA a engagé une procédure devant la juridiction compétente. Malheureusement, l'instance inférieure a classé l'affaire et l'Association devra probablement verser 31.765 dollars E.-U. de dépens.
    • 46. Selon un avis juridique rendu récemment, la TTUTA aurait plus de chances d'obtenir satisfaction en se pourvoyant devant une juridiction d'appel. Malheureusement, si elle était à nouveau déboutée, cette petite organisation devrait payer environ 63.500 dollars E.-U. de dépens.
  5. 47. La CMOPE estime que le montant demandé par le tribunal par le premier jugement, ainsi que les frais qui pourraient être imposés si un second jugement négatif était rendu en appel, constitue un obstacle à l'exercice et à la pratique de la liberté syndicale. La TTUTA ne peut pas assumer actuellement une dette qui signerait son arrêt de mort.
  6. 48. Dans une communication datée du 9 janvier 1990, la confédération plaignante allègue que le gouvernement a reconduit, le 15 décembre 1989, les mesures d'austérité prises en 1989 jusqu'à la fin de 1990. Cette décision, affirme-t-elle, est une nouvelle manifestation du non-respect par le gouvernement du droit de négociation reconnu dans la convention no 98. La loi incriminée - loi sur la réduction des traitements dans le secteur public - non seulement réduit les traitements, mais aussi confère au gouvernement le pouvoir de passer outre à une décision de la Haute Cour ordonnant le rétablissement des indemnités de cherté de vie et à une sentence arbitrale (en date de juillet 1988) du tribunal spécial du tribunal du travail accordant une augmentation de 2 pour cent pour les traitements des salariés du secteur public.
  7. 49. Selon la confédération plaignante, la situation économique difficile des enseignants et de leurs familles sera aggravée par l'introduction en 1990 d'une taxe sur la valeur ajoutée d'environ 15 pour cent imposée sur la plupart des biens et des services. Elle ajoute qu'au cours des six dernières années, une pression économique considérable a pesé sur les enseignants et les autres fonctionnaires du fait que le gouvernement continue d'appliquer les politiques d'ajustement structurel du FMI. La confédération plaignante donne les exemples suivants: 1984 à 1986 - blocage des salaires; 1987 - suppression de l'indemnité de cherté de vie et des augmentations annuelles; 1988 - imposition d'une surtaxe de 5 pour cent; 1989 - les mesures exposées dans la présente plainte. En outre, la monnaie nationale a été dévaluée deux fois (en 1984 et 1988) et l'indice du coût de la vie est monté en flèche: par exemple, le poste "alimentation" a bondi de 160,2 points à 278,3 points entre septembre 1986 et octobre 1989.
  8. 50. La CMOPE affirme que les difficultés économiques des enseignants sont aggravées aussi par les conditions déplorables dans lesquelles ils doivent travailler - bâtiments scolaires plus ou moins délabrés, toilettes qui ne fonctionnent pas, effectifs de personnel insuffisants, manque de fournitures et de matériel scolaires, et même attaques physiques contre le personnel enseignant en raison de la montée spectaculaire de la criminalité, de la toxicomanie, du chômage et de la désunion des ménages. L'effet de ces maux sociaux se fait durement sentir dans les classes.
  9. 51. Selon la confédération plaignante, la TTUTA prépare actuellement ses adhérents à une lutte longue et acharnée avec les autorités pour recouvrer les sommes dues par le gouvernement qui, jusqu'à présent, a fait fi de la négociation collective et de la situation économique difficile des enseignants.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 52. Dans sa communication du 9 novembre 1989, le gouvernement affirme que la plainte est dénuée de tout fondement et reflète une méconnaissance ou une mauvaise compréhension des circonstances qui ont conduit à la réduction de 10 pour cent de la rémunération des travailleurs du secteur public. Selon le gouvernement, la décision de réduire les salaires de 10 pour cent a été prise par une loi (loi no 5 de 1989, dont copie est fournie) adoptée par le Parlement qui est l'organe législatif du pays selon la Constitution de la Trinité-et-Tobago. Cette loi a été adoptée en dernière lecture à la majorité des deux tiers des députés de la Chambre des représentants et du Sénat. Cette majorité qualifiée avait été demandée par le gouvernement, conscient du fait que les droits réels des personnes concernées - droits qui sont protégés par la Constitution - en seraient affectés.
  2. 53. Le gouvernement affirme qu'il reconnaît ses obligations en vertu de la Constitution de l'OIT concernant les conventions qu'il a ratifiées, y compris la convention no 98, dont il continue d'observer scrupuleusement les dispositions.
  3. 54. Le gouvernement indique qu'il a été obligé de prendre cette décision en raison de nécessités économiques. La mesure a été prise dans le cadre d'un ensemble de mesures visant à apporter des ajustements économiques et fiscaux essentiels pour corriger un déséquilibre excessif entre les recettes et les dépenses. Les diverses mesures n'ont été prises qu'après des consultations nombreuses et des débats intensifs entre le gouvernement, le mouvement syndical et les milieux d'affaires, ainsi que de très nombreux débats publics dans les médias. Le gouvernement souligne que l'Association des enseignants unis de Trinité-et-Tobago a participé à ces discussions. Après avoir décrit la situation économique qui a conduit aux réductions, le gouvernement indique que le secteur pétrolier est le principal moteur de l'économie de l'île, mais qu'il n'emploie qu'une petite partie de la main-d'oeuvre et a peu de liens avec le secteur non pétrolier; il appartient donc au gouvernement de transférer les bénéfices résultant du secteur pétrolier au reste de l'économie. Les fortes hausses du prix du pétrole à la fin des années soixante-dix ont apporté une prospérité sans précédent au pays. La production et le raffinage de pétrole brut dans le pays ont aussi augmenté sensiblement pendant cette période, de sorte que les revenus du gouvernement ont atteint des niveaux qui n'avaient jamais été envisagés. Mais cette brève prospérité a laissé dans son sillage des problèmes d'une ampleur inimaginable.
  4. 55. Se référant à la période de récession qui a suivi le boom pétrolier, avec la baisse du prix du pétrole et du volume de production et de raffinage, le gouvernement souligne que les recettes pétrolières ont diminué de 40 pour cent. En même temps, les dépenses publiques totales ont augmenté. En outre, en raison de la récession générale de l'économie, les recettes du secteur non pétrolier ont également baissé, diminuant de près de 50 pour cent entre 1982 et 1988 malgré une hausse des impôts. Selon le gouvernement, un grand nombre d'entreprises ont fermé ou ont été placées sous administration judiciaire, de sorte qu'une grande partie de la main-d'oeuvre a été mise en chômage. Le niveau du chômage en 1988 était estimé à 22 pour cent.
  5. 56. Le gouvernement décrit ensuite les efforts qui ont été déployés pour faire face à la baisse des recettes: par exemple, pendant les années 1982 à 1986, le gouvernement précédent a réduit les dépenses d'équipement; lorsqu'il a été élu en décembre 1986, le gouvernement actuel a immédiatement créé une équipe spéciale chargée de dresser un bilan exact des finances publiques; ensuite, deux autres mesures ont été prises pour éviter les licenciements qui auraient touché 15.000 à 17.000 salariés, selon les estimations: i) réduction de 5 pour cent des traitements des ministres du gouvernement; ii) suspension des indemnités de cherté de vie et des augmentations pour services méritoires dues aux agents publics. Il a été possible de diminuer aussi les dépenses grâce à une réduction des transferts et des subventions aux organismes publics et aux entreprises d'Etat, mais la masse salariale de l'administration centrale, en 1988, n'a pas subi de compression substantielle. En outre, les dépenses de personnel sont passées d'environ 41 et 43 pour cent des dépenses ordinaires en 1981 et 1983, respectivement, à 48 pour cent en 1988. Il est indispensable que le gouvernement cherche à freiner les dépenses globales en tenant compte des recettes actuelles d'autant que, outre les salaires et les traitements, d'importantes sommes doivent être allouées à d'autres engagements auxquels le gouvernement doit faire face (par exemple pensions aux agents publics retraités, pensions de vieillesse, assistance sociale, subventions alimentaires ainsi que subventions à l'Université des Indes occidentales). Vu la nature de ces engagements et l'impérieuse nécessité d'amener les dépenses ordinaires à un niveau plus conforme aux recettes courantes, le gouvernement a été obligé d'adopter ce qu'il considère comme un moindre mal, à savoir une réduction de 10 pour cent, à compter du 1er janvier 1989, des traitements et salaires du personnel de l'administration centrale, du Parlement de Tobago, des administrations locales et des organismes publics.
  6. 57. Le gouvernement indique que les problèmes ont été aggravés par l'existence d'une lourde dette extérieure due à plusieurs projets de prestige entrepris par le gouvernement précédent. La dette a grevé les réserves de devises du pays qui étaient déjà presque épuisées en raison de la baisse des recettes pétrolières. Au milieu de l'année 1988, la balance des paiements s'était détériorée au point que des mesures d'urgence s'imposaient, notamment: restrictions aux nouvelles nominations et à l'embauche de personnel temporaire; réduction des dépenses en biens et services; réduction des transferts et subventions aux organismes publics, notamment aux services publics de distribution et aux entreprises d'Etat; hausse des impôts sur le pétrole et les produits pétroliers; vente et cession à bail d'avions de la compagnie nationale d'aviation; dévaluation du dollar de Trinité-et-Tobago. A la fin de 1988, le gouvernement a demandé au FMI un arrangement de principe pour faciliter le rééchelonnement de la dette extérieure du pays et lui permettre d'obtenir des prêts d'institutions internationales de financement. Le Premier ministre (qui est aussi ministre des Finances et de l'Economie) a déclaré dans le discours du budget de 1989 que "l'objectif budgétaire global du gouvernement en 1989 doit être une réduction importante du déficit budgétaire". Il a souligné que "du côté des dépenses, il s'agit surtout de réduire les dépenses concernant les salaires et traitements, les transferts aux organismes publics et entreprises d'Etat et les dépenses d'équipement non prioritaires", et il a indiqué qu'un projet de loi était envisagé pour effectuer une réduction de 10 pour cent des traitements et salaires dans le secteur public.
  7. 58. Se référant aux procédures de consultation, le gouvernement décrit le Conseil consultatif paritaire (JCC) représentatif de divers intérêts et auquel le mouvement syndical est représenté. En 1987, ce conseil a publié un document suggérant une réduction des salaires et traitements dans le secteur public. Le Congrès du travail a répondu par un document qui a été envoyé au ministre des Finances et de l'Economie et qui rejetait toute suggestion de suppression d'emplois de fonctionnaires ou de réduction de leurs traitements. Les représentants des employeurs ont également présenté un document dans lequel ils recommandaient de combler en partie le déficit budgétaire par une réduction de la masse salariale allouée par le gouvernement au moyen, si nécessaire, d'une réduction générale de la rémunération personnelle. Ces documents ont été discutés et les opinions de leurs auteurs ont été développées au sein du Conseil consultatif paritaire à la fin de 1987; le 25 janvier 1989, le Premier ministre et d'autres ministres du Cabinet ont eu un entretien avec des représentants du mouvement syndical, y compris la TTUTA. Les dirigeants syndicaux présents (y compris le représentant des enseignants) ont exprimé leur opposition à la suggestion concernant une réduction éventuelle de 10 pour cent. Le Premier ministre a remercié les représentants de leurs contributions et souligné les difficultés auxquelles le pays devait faire face pour restructurer l'économie; il a accepté de maintenir le dialogue avec le mouvement syndical.
  8. 59. En ce qui concerne la législation relative à la négociation collective, le gouvernement note que les articles 62 à 72 de la loi sur l'éducation énoncent les procédures de consultation et de négociation sur les conditions et modalités d'emploi des membres de la profession enseignante. Cette loi confère à l'organe représentant les enseignants du secteur public (actuellement, l'Association des enseignants unis de Trinité-et-Tobago), le droit de mener la négociation collective avec l'organisme gouvernemental établi à cette fin (à savoir, le Département du personnel). La loi dispose que les sujets de désaccord doivent être renvoyés à un tribunal spécial d'arbitrage obligatoire. Des prescriptions similaires pour la négociation collective avec les salariés de l'Etat existent dans la loi sur la fonction publique, la loi sur le service dans la police, etc., et la loi sur les services publics. De l'avis du gouvernement, la question de la réduction de rémunération vise beaucoup plus de personnes que la législation sur la négociation collective mentionnée ci-dessus, car elle vise aussi les personnes qui, en raison de leurs fonctions (par exemple les titulaires de postes soumis à l'élection et d'autres personnes commises à l'administration de l'Etat), sont considérées comme étant hors du champ de la négociation collective. Il convient de souligner que la question de la réduction a toujours été considérée par le gouvernement comme étant une préoccupation nationale. Dans tous les textes législatifs régissant la négociation collective pour les salariés de l'Etat, le ministre des Finances est le membre du Cabinet autorisé pour diriger les activités de l'organisme représentant le gouvernement - le Département du personnel -, et il a eu des entretiens avec les représentants du mouvement syndical pour discuter la nécessité de ces réductions de rémunération et leurs conséquences. Cependant, devant les fermes objections de tous les représentants du mouvement syndical, le gouvernement a pris le seul parti qui s'offrait à lui, à savoir soumettre la question au Parlement. Le débat dans cette instance nationale suprême a été accompagné d'une libre discussion dans tout le pays, dans la presse et les médias en général.
  9. 60. Le gouvernement souligne que l'annexe de la loi no 5 de 1989 indique les catégories de postes dont les titulaires sont touchés par les réductions prévues dans la loi (y compris les députés et les membres des forces armées, les ambassadeurs et tous les fonctionnaires), et que l'article 4(1) énumère ceux qui ne sont pas touchés par la réduction (à savoir le président du Conseil d'appel fiscal et les membres du tribunal du travail, ainsi que les personnes protégées par la Constitution nationale, comme les juges de la Cour suprême).
  10. 61. En ce qui concerne la sentence arbitrale du tribunal spécial mentionnée dans la plainte, le gouvernement affirme qu'il fait grand cas du tribunal et de la sentence. Il cite, à cet égard, le discours du budget de 1989:
    • L'exécution de la sentence arbitrale augmentera les dépenses publiques ordinaires de 600 millions de dollars en 1989. Je tiens à affirmer catégoriquement que le gouvernement accepte la décision du tribunal spécial. Cependant, comme on le sait, le gouvernement n'a pas les moyens d'exécuter actuellement la sentence arbitrale concernant les salaires. A cet égard, une loi appropriée sera promulguée. Mon gouvernement s'engage à réexaminer périodiquement les deux mesures concernant les salaires et les traitements avec les associations représentatives lorsqu'un changement de la situation économique permettra de compenser en partie ou en totalité les pertes subies actuellement.
    • Le gouvernement ajoute que les articles 5, 6 et 7(2) de la loi no 5 reflètent cette position concernant la sentence, puisqu'ils indiquent que le paiement des hausses prévues dans la sentence n'est pas exigé avant la fin de la validité de la loi. L'article 7 de la loi prescrit le 31 décembre 1989 "ou une autre date qui ne peut être postérieure au 31 décembre 1990" comme date d'expiration de la loi.
  11. 62. Enfin, le gouvernement fournit un extrait de l'arrêt de la Haute Cour rendu le 7 juin 1989. Cet arrêt concerne une motion constitutionnelle déposée par la TTUTA et un enseignant occupé dans l'enseignement public, demandant que la loi no 5 soit déclarée nulle et non avenue pour excès de pouvoir, étant donné que ni l'organe exécutif ni l'organe législatif du gouvernement ne sont habilités à exercer le pouvoir conféré par le Parlement dans la loi sur l'éducation aux parties et au tribunal spécial de fixer les conditions et modalités d'emploi des enseignants. La motion soutient aussi que la loi est nulle et non avenue parce qu'elle suspend l'effet d'une sentence arbitrale du tribunal spécial, portant ainsi atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire "simplement parce qu'une décision particulière est considérée ... inopportune et/ou peu appropriée".
  12. 63. La motion a été rejetée et les demandeurs ont été condamnés à payer les dépens. Le gouvernement ajoute que le principe selon lequel les parties en litige qui sont déboutées doivent payer les dépens est communément accepté; il souligne que le montant des frais de justice est évalué par un membre indépendant de la Haute Cour et que le caractère raisonnable de ce montant est jugé lors d'une audience à laquelle les deux parties sont représentées. Le montant des frais concernant la motion en cause n'a pas encore été fixé et le chiffre cité par la confédération plaignante (31.765 dollars E.-U.) n'est qu'une pure spéculation. Le gouvernement indique qu'il en va de même du chiffre de 63. 500 dollars E.-U. avancé par le syndicat comme étant le montant total des frais de justice en cas de nouvel échec devant la juridiction supérieure. La TTUTA a fait appel de la décision de la Haute Cour (contrairement, semble-t-il, aux résultats d'un référendum tenu parmi les 9.000 membres cotisants de ce syndicat pour savoir s'il convenait de faire appel et, dans l'affirmative, si les membres devaient contribuer à ces frais supplémentaires). Selon le gouvernement, la TTUTA cherche une aide financière internationale pour défendre sa cause; il ajoute que l'état financier vérifié pour l'exercice prenant fin le 30 avril 1989 montre que le syndicat a un actif de plus de 143.000 dollars E.-U., de sorte que l'affirmation selon laquelle la poursuite de l'action judiciaire ruinerait l'organisation est sans fondement.
  13. 64. En conclusion, le gouvernement souligne que l'annexe à la loi montre que la décision prise a été de portée nationale, touchant toutes les catégories de travailleurs du secteur public. Le gouvernement s'est pleinement rendu compte du fait que les répercussions de cette décision se feraient sentir au-delà du secteur - déjà large - des personnes directement touchées. Reconnaissant la gravité de la question, le Premier ministre a accepté, avec les membres de son Cabinet et des conseillers principaux, de consulter les dirigeants du mouvement syndical pour tenter de parvenir à une position commune. Cette mesure a été prise selon les règles de la procédure et conformément aux prescriptions de la Constitution du pays, après un débat approfondi au Parlement et dans l'ensemble du pays. La majorité à laquelle le projet de loi a été adopté reflète le sentiment de la population sur la question.
  14. 65. Dans une communication datée du 9 avril 1990, le gouvernement indique que la loi de 1989 sur la réduction des traitements dans le secteur public a été prorogée par les deux Chambres du Parlement jusqu'au 31 décembre 1990. Il souligne qu'avant la prolongation de la loi, le Conseil des ministres a veillé à ce que les syndicats du secteur public concernés soient consultés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 66. Le comité note que le présent cas concerne des allégations selon lesquelles une intervention législative (soutenue par les tribunaux nationaux) pour imposer une réduction des salaires de 10 pour cent dans le secteur public en 1989 - prorogée par la suite jusqu'à la fin de 1990 - est contraire à l'article 4 de la convention no 98 et aux articles 2 et 5 de la convention no 154, qui visent à promouvoir la négociation collective volontaire sans ingérence du gouvernement. La confédération plaignante allègue aussi que cette mesure a été prise sans consultation des syndicats concernés.
  2. 67. Le comité note, d'après la réponse détaillée du gouvernement, que de l'avis du gouvernement ce dernier a été obligé pour des raisons de nécessités économiques de prendre cette mesure après qu'une série d'autres mesures de restrictions n'eurent pas réussi à redresser la grave situation financière du pays à la suite de l'effondrement du boom pétrolier. Le comité note, d'après l'explication du gouvernement, qu'il y a eu de nombreuses consultations tant au niveau du syndicat concerné qu'au niveau national en général (par les médias et les débats parlementaires) avant la décision de procéder à la réduction. En outre, le gouvernement fait valoir que la loi en question a été adoptée à une majorité des deux tiers au Parlement, et il souligne que la réduction dont il s'agit prendra fin au 31 décembre 1990, date à laquelle la hausse accordée aux salariés du secteur public par sentence arbitrale du tribunal spécial du tribunal du travail en juillet 1988 deviendra effective.
  3. 68. S'agissant des consultations, le comité prend note des réunions tenues au Conseil consultatif paritaire (auquel la TTUTA a pris part) ainsi que du large débat au cours duquel les deux parties ont exposé leurs vues sur la nécessité de mesures économiques et sur la loi en question en particulier. Il note aussi que les dispositions de la loi sur l'éducation concernant les consultations (l'article 64 en particulier) semblent avoir été respectées par la réunion tenue entre le Premier ministre (en janvier 1989) et les représentants du mouvement syndical, y compris la TTUTA. Le comité estime donc que sur cet aspect de la plainte il n'y a pas eu de violation des droits syndicaux.
  4. 69. Au sujet de l'intervention du gouvernement dans le processus de négociation collective - contournant les procédures de règlement des conflits en vigueur -, en invoquant des raisons impérieuses d'intérêt économique national, le comité rappelle qu'il examine ces mesures législatives à la lumière des principes fondamentaux de la liberté syndicale, à savoir le droit des organisations de travailleurs de négocier librement les salaires et les conditions d'emploi avec les employeurs et leurs organisations. Dans des cas précédents, il a toutefois accepté des restrictions à la libre fixation des taux de salaire, à condition que ces restrictions soient appliquées comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable et n'excédant pas une période raisonnable, et qu'elles soient accompagnées de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 641.)
  5. 70. En outre, le comité souligne que ce cas ayant trait à une réduction générale de la rémunération dans le secteur public, la convention no 98, ratifiée par la Trinité-et-Tobago, s'applique. L'article 6 de la convention no 98 autorise des dérogations au droit fondamental de négocier collectivement s'agissant des "fonctionnaires publics", expression que les organes de contrôle de l'OIT ont examinée à la lumière de la distinction à faire entre les fonctionnaires employés à des titres divers dans les ministères ou autres organismes gouvernementaux comparables et les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques ou par des institutions publiques autonomes. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1267 (Papouasie-Nouvelle-Guinée), paragr. 596.) Le comité a en particulier considéré que les enseignants devaient bénéficier du droit de négociation collective. (Voir, par exemple, 202e rapport, cas no 871 (Colombie), paragr. 99.) Dans le présent cas, par conséquent, le comité estime que la TTUTA, seul syndicat des enseignants, jouissait légitimement du droit de négocier les conditions et modalités d'emploi des enseignants employés par l'Etat, au moyen des conventions collectives.
  6. 71. Etant donné les faits exposés dans le présent cas, le comité est d'avis, pour les raisons indiquées ci-après, que l'intervention du gouvernement n'a pas respecté l'ensemble des critères énoncés dans les paragraphes qui précédent concernant les restrictions acceptables à la fixation volontaire des conditions d'emploi, et a donc enfreint la convention no 98.
  7. 72. En premier lieu, le comité observe que depuis 1982 un ensemble de mesures de restrictions fiscales ont été appliquées. En deuxième lieu, le comité note que ladite loi tient compte, mais seulement dans une faible mesure, de la nécessité de protéger le niveau de vie des travailleurs aux articles 5(2) et 6. Ces articles disposent que:
  8. 5(2) Aux fins de donner effet à la sentence arbitrale en question (qui prendra effet lorsque la loi arrivera à expiration), lorsqu'une personne a perçu un traitement au taux réduit ... le droit de cette personne à un traitement est réputé avoir été satisfait dans la même mesure que si la personne avait perçu un traitement au taux de 1988.
  9. 6 La pension et les autres prestations auxquelles une personne a droit lorsque cesse la relation de travail et qui sont basées sur le traitement seront calculées sur la base du traitement qui aurait été versé si la présente loi n'avait pas été promulguée.
  10. 73. Le comité n'a pas compétence pour décider des montants acceptables de restrictions financières, mais il a relevé, dans des cas antérieurs, que ces mesures ne devraient s'étendre, si possible, qu'aux secteurs réellement touchés par une situation d'urgence. La loi qui fait l'objet de la présente plainte ne vise que les agents publics, même si un grand nombre d'entre eux sont concernés, et ne s'étend pas au secteur privé.
  11. 74. Enfin, la réduction des salaires dans le présent cas n'excède pas une période raisonnable, puisqu'elle a été décidée initialement pour douze mois avec la possibilité, utilisée depuis, d'une prolongation de douze mois. Le comité relève à cet égard qu'une augmentation de salaire de 2 pour cent sera appliquée dès l'expiration de la loi. Sur ce point, toutefois, le comité aimerait attirer l'attention du gouvernement sur le fait que si une mesure de ce genre devait être prolongée (même après un large débat public et avec un vote du Parlement largement en faveur), le comité serait obligé de la critiquer parce qu'elle excéderait une période raisonnable. Dans des cas antérieurs (voir 230e rapport, cas no 1171 (Canada), paragr. 160), le comité a déclaré clairement que des restrictions à la négociation collective pendant trois ans avaient une durée excessive. Le comité veut donc croire que, comme il est prévu à l'article 7 de la loi no 5, l'intervention du gouvernement par le biais de cette loi, cessera au 31 décembre 1990.
  12. 75. Compte tenu de tous ces éléments, le comité tient à souligner de manière générale l'importance qu'il attache au principe de l'indépendance des parties à la négociation collective, principe qui a été généralement reconnu pendant les discussions préparatoires à l'adoption par la Conférence internationale du Travail de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981. Par conséquent, dans le présent cas, le comité exprime le ferme espoir qu'afin de rétablir un climat de relations professionnelles harmonieuses, le gouvernement continuera de s'efforcer de convaincre les parties à la négociation collective de tenir compte volontairement, dans leurs négociations, des raisons impérieuses de politique économique et sociale et de l'intérêt public auxquels le gouvernement s'est référé au sujet des employés touchés par la mesure de restriction en 1989-90. A cette fin, les raisons susmentionnées pourraient être discutées à nouveau au niveau national par toutes les parties au sein de l'organe consultatif mentionné par le gouvernement (le Conseil consultatif paritaire) et ces discussions devraient avoir lieu conformément aux principes de la compréhension et de la confiance mutuelles qui sont définis expressément dans la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960.
  13. 76. Le comité recommande donc au gouvernement de reprendre la négociation collective dans les secteurs concernés, afin de fixer les conditions de salaire de tous les travailleurs du secteur public - et non pas seulement des enseignants qui ont présenté la plainte dans le présent cas - dans un climat de confiance mutuelle.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 77. Au vu des conclusions qui précédent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Etant donné les faits exposés dans le présent cas, le comité considère qu'il n'y a pas eu violation des droits syndicaux en ce qui concerne la consultation des représentants des travailleurs touchés par la loi no 5 de 1989 sur la réduction des traitements dans le secteur public.
    • b) Cependant étant donné l'importance que le comité attache au principe de l'indépendance des parties à la négociation collective, il recommande au gouvernement d'abroger cette législation et de reprendre les négociations dans les secteurs concernés afin de fixer les salaires de tous les agents publics - et pas seulement des enseignants qui ont présenté la plainte dans le présent cas -, dans un climat de confiance mutuelle. Au cours de ces futures négociations, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera de s'efforcer de convaincre les parties de tenir compte volontairement des principales raisons économiques et sociales et de l'intérêt public qui, selon le gouvernement, ont été à la base de la réduction des salaires de 1989-90 qui fait l'objet du présent cas.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue du recours du syndicat des enseignants contre la décision de la Haute Cour du 7 juin 1989 confirmant la validité de la loi.
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