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Rapport intérimaire - Rapport No. 270, Mars 1990

Cas no 1500 (Chine) - Date de la plainte: 19-JUIN -89 - Clos

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  1. 287. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de novembre 1989, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 268e rapport, paragr. 668 à 701, approuvé par le Conseil d'administration à sa 244e session, novembre 1989.)
  2. 288. Depuis lors, la CISL a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 24 novembre 1989 et le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 5 janvier 1990, parvenue au BIT le 23 janvier 1990.
  3. 289. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 290. Dans sa plainte déposée en juin 1989, la CISL se référait à l'arrestation massive de militants de la Fédération autonome des travailleurs (FAT), organisation syndicale indépendante créée en mai 1989 dans plusieurs régions de Chine. Parmi les principaux sujets de protestation de la FAT figuraient les grandes différences dans les conditions de vie et de travail des travailleurs et des directeurs d'entreprise, l'absence de démocratie sur les lieux de travail, l'absence de véritable représentation des travailleurs, les mauvaises conditions de travail et la détérioration du pouvoir d'achat des travailleurs. Le 28 mai 1989, la FAT a publié ses statuts, dont l'idée principale était que l'organisation devait être autonome, indépendante et démocratique et qu'elle devait servir les principes de représentation et de défense des intérêts des travailleurs. Elle cherchait les moyens de faire légaliser son organisation dans l'ordre constitutionnel de la République populaire de Chine.
  2. 291. Selon la CISL, beaucoup et probablement la plupart des représentants de la FAT ont été tués lors de l'assaut donné par l'armée à la place Tiananmen dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Les arrestations de militants syndicaux auraient cependant commencé avant cette attaque. Bai Dong Ping, dirigeant de la FAT, aurait été arrêté à la fin mai 1989, relâché le 1er juin, puis de nouveau arrêté le 20 juin, et il serait détenu dans la province de Szechuan. Des détenus portant des traces de fortes violences auraient été montrés à la télévision. Vingt-six travailleurs auraient été jugés publiquement à Changchun et condamnés pour avoir bloqué la circulation et appuyé une grève. Le 21 juin 1989, trois travailleurs de Shanghai auraient été exécutés après que le Tribunal populaire supérieur eut confirmé les sentences de mort prononcées trois jours auparavant. Ces travailleurs, Xu Guoming, Xie Hanwu et Yan Xuerong, auraient été déclarés coupables d'avoir mis le feu à un train qui avait heurté une manifestation pacifique à la gare de Shanghai et d'avoir gêné le travail des pompiers. La CISL indiquait également que trois dirigeants de la FAT étaient recherchés: Hang Dongfang, travailleur de la section d'entretien des locomotives de Fengtai, Ho Lili, lecteur à l'Université ouvrière de Beijing, et Liu Qiang, travailleur de l'usine no 3209. La CISL citait aussi le nom de certains des membres et dirigeants de la FAT de Shanghai arrêtés: Zhang Qiwang, Chen Shangfu, Wang Miaogen et Wang Hong, accusés de propagation des rumeurs, de constitution d'une organisation illégale et d'incitation au renversement du gouvernement. Shen Zhigao, travailleur d'une entreprise de jouets de Shanghai, arrêté le 11 juin, fut accusé de propagande contre-révolutionnaire et Li Zhiguo, arrêté le 10 juin, d'avoir prôné le renversement du gouvernement.
  3. 292. La CISL avait indiqué que le 26 mai le syndicat officiel, la Fédération des syndicats chinois, avait publié une déclaration appuyant les manifestations d'étudiants mais que, par la suite, elle avait qualifié la FAT d'illégale et avait demandé aux autorités de l'éliminer.
  4. 293. Par la suite, la CISL avait formulé de nouvelles allégations relatives à l'arrestation de Li Guiren, chargé des activités de publication de l'Etat dans la province de Shaanxi, arrêté pour avoir appelé à une grève de protestation; de Quian Yunin, militant de la FAT de Beijing, arrêté le soir du 29 mai, et de Chen Yinshan, l'un des dirigeants de la FAT, arrêté le 30 mai ou le 1er juin.
  5. 294. Dans sa réponse, le gouvernement déclarait que la plainte de la CISL en violation de la convention no 87 n'avait aucun fondement et qu'il s'agissait d'une pure intervention dans les affaires intérieures de la Chine, ce que le gouvernement ne saurait accepter. Selon le gouvernement, les événements qui s'étaient produits à Beijing à la fin du printemps et au début de l'été 1989 étaient des troubles politiques fomentés par une poignée d'individus, en collusion avec certaines forces étrangères antichinoises, et organisés selon un plan prémédité. Le but de cette rébellion était de renverser le gouvernement et le régime socialiste établi par la Constitution.
  6. 295. Le gouvernement ajoutait que la Fédération autonome des travailleurs était l'un des deux groupements qui avaient organisé ces troubles et qui y avaient participé. La FAT ne représentait pas les masses travailleuses et n'était qu'une organisation illégale improvisée à la hâte par quelques individus au nom des ouvriers. Elle avait incité la population à cesser le travail en faisant grève, bloqué les routes aux troupes chargées d'appliquer la loi martiale, frappé, saccagé, pillé, incendié et massacré avec frénésie, menaçant ainsi la sécurité de l'Etat et les intérêts du peuple. Le gouvernement avait donc été obligé de prendre des mesures catégoriques pour mettre fin à cette rébellion et de dissoudre la FAT afin de défendre l'ordre public et de préserver la vie et les biens de la population. Selon le gouvernement, aucun pays étranger, aucune organisation internationale ni aucune personne étrangère n'avait le droit d'intervenir dans cette affaire. Le gouvernement avait supprimé la FAT tout simplement parce qu'elle avait violé la Constitution et les lois du pays, et ceci, estimait le gouvernement, n'avait aucun rapport avec la convention no 87.
  7. 296. A sa session de novembre 1989, le comité, après avoir constaté que la plainte était parfaitement recevable et qu'elle portait sur des questions pouvant concerner directement l'exercice des droits syndicaux, avait relevé que la communication du gouvernement ne contenait que des déclarations générales qui ne répondaient pas spécifiquement aux allégations formulées. Le comité avait donc demandé au gouvernement de fournir des observations détaillées sur les allégations formulées et, en particulier, des informations précises sur:
  8. - les circonstances exactes des morts de dirigeants de la FAT qui seraient survenues dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 lors de l'attaque de la place Tiananmen;
  9. - la procédure suivie à l'encontre de Xu Guoming, Xie Hanwu et Yan Xuerong, travailleurs de Shanghai, et les motifs précis à l'origine de leur condamnation à mort et de leur exécution;
  10. - les résultats de la procédure suivie à l'encontre de 26 travailleurs de Changchun et les motifs précis à l'origine des condamnations qui auraient été prononcées;
  11. - les arrestations de dirigeants et membres de la FAT (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées) et, en particulier, de Bai Dong Ping, Liu Qiang, Quian Yunin, Chyen Yinshan, tous quatre de Beijing; de Zhang Qiwang, Chen Shangfu, Wang Miaogen, Wang Hong, Shen Zhigao, Li Zhiguo, de Shanghai; et de Li Guiren de la province de Shaanxi;
  12. - les motifs des recherches policières effectuées contre Hang Dongfang et Ho Lili et la situation actuelle de ces travailleurs;
  13. - les activités concrètes menées par la Fédération autonome des travailleurs que le gouvernement avait considérées comme contraires à la Constitution et à la législation nationales.
  14. Le comité avait également demandé à l'organisation plaignante de fournir toute information complémentaire dont elle pourrait disposer.
  15. B. Nouvelles allégations
  16. 297. Dans sa communication du 24 novembre 1989, la CISL déclare que la majorité des cas d'arrestation annoncés par la presse officielle concernent des travailleurs manuels. Des sources syndicales indépendantes affirment que les travailleurs ont en général subi des traitements plus durs que les étudiants et les intellectuels et qu'ils sont couramment battus et torturés. Les autorités chinoises auraient déclaré à plusieurs reprises que les étudiants ou intellectuels n'ont pas été tués ou exécutés ni sévèrement traités, ce qui, selon la CISL, entraîne comme conséquence logique que les travailleurs n'ont pas bénéficié d'une telle clémence. La CISL estime donc que cette différence de traitement constitue clairement une preuve de la détermination des autorités d'empêcher la formation d'organisations indépendantes de travailleurs et d'avoir recours aux plus extrêmes mesures répressives pour agir ainsi.
  17. 298. La CISL se déclare particulièrement préoccupée par les cas de Hang Dongfang et Liu Qiang. Hang Dongfang, âgé de 26 ans et employé des chemins de fer de Beijing, était un dirigeant de la FAT de Beijing. Il a été particulièrement visé par la répression en raison du fait qu'il avait obtenu la libération de trois syndicalistes qui avaient été détenus quelques jours par le Bureau de sécurité publique, à partir du 30 mai, puis libérés avant le 4 juin. Hang Dongfang était en tête de la liste des personnes recherchées et était accusé d'attaques contre le Bureau de sécurité publique. Selon la CISL, Hang Dongfang a été arrêté début juin. Son arrestation n'a pas été reconnue par les autorités, mais il serait détenu au secret depuis cette date. Toujours selon l'organisation plaignante, il aurait été torturé, de même que Liu Qiang.
  18. 299. Selon la CISL, tous ces faits se sont produits dans le cadre de la violence exercée par les forces militaires contre des manifestants pacifiques et désarmés, violence qui s'est traduite par des centaines de morts et de blessés. Les réactions limitées des victimes peuvent donc être perçues comme des actes d'autodéfense. Les personnes accusées d'actes criminels se sont vu dénier les éléments les plus élémentaires d'un procès équitable. En l'absence des protections fondamentales en matière d'administration de la justice, la culpabilité de ces personnes n'a pu être prouvée. Enfin, le fait que les travailleurs ont été plus sévèrement punis que les autres accusés implique que les sentences n'étaient pas fondées sur des critères judiciaires objectifs mais plutôt sur des considérations politiques. En particulier, certains ont été exécutés non en raison de la gravité de leurs supposés crimes mais parce qu'ils participaient à la formation d'organisations indépendantes. La CISL joint à sa communication une liste de syndicalistes et travailleurs exécutés ou détenus (voir annexe).
  19. C. Réponse du gouvernement
  20. 300. Dans sa communication du 5 janvier 1990, le gouvernement réaffirme que la plainte est totalement infondée et qu'elle constitue une intervention flagrante dans les affaires intérieures de la Chine. Le gouvernement a interdit une organisation illégale qui ne représentait pas les intérêts des travailleurs et dont le but était de renverser le gouvernement par la violence. Le gouvernement a traduit devant la justice, conformément à la loi, des criminels qui mettaient en danger la vie de la population et perturbaient l'ordre social. Ceci, affirme le gouvernement, n'a rien à voir avec la liberté syndicale. Le gouvernement déclare donc s'opposer à ce que cette affaire soit discutée lors de la présente session du Conseil d'administration. Cependant, en vue d'illustrer sa position et de clarifier les faits, le gouvernement souhaite fournir des informations.
  21. 301. Le gouvernement déclare que la création de la FAT a violé les règlements qu'il avait adoptés et qu'il s'agissait d'une organisation illégale. Il explique qu'à la mi-avril 1989 une petite poignée de gens a exploité l'agitation étudiante pour fomenter des troubles planifiés, organisés et prémédités, destinés à renverser le gouvernement et abolir le système socialiste. Le 13 mai, les organisateurs lancèrent un jeûne qui fut suivi par plus de 3.000 personnes. Ils occupèrent la place Tiananmen et exercèrent des pressions sur le gouvernement. Le 16 mai, au milieu de cette situation chaotique, une poignée de personnes créèrent la Fédération autonome des travailleurs de Pékin sur la place. C'était le signe de leur participation organisée dans les troubles et l'émeute.
  22. 302. Selon le gouvernement, la création de la FAT et l'occupation de la place Tiananmen étaient illégales. En vertu de l'article 3 de l'arrêté no 138 du Conseil municipal de Beijing de 1981, "toutes les activités ruinant le statut du pays, troublant l'ordre public, mettant en danger la sécurité publique et l'apparence de la ville sont interdites". Le fait de créer la FAT violait en lui-même directement l'arrêté. En vue de contrôler les troubles et maintenir l'ordre social, le gouvernement déclara, le 20 mai, la loi martiale dans une partie de Beijing sur la base de l'article 89.16 de la Constitution. Les manifestations, pétitions, grèves et toutes activités perturbant l'ordre social sont interdites sous la loi martiale. La constitution de la FAT, annoncée à une conférence de presse le 26 mai, constituait une violation directe de la loi martiale. Le Conseil d'Etat avait adopté en 1951 le Règlement provisoire sur l'enregistrement des organisations sociales, qui dispose que toutes les organisations sociales doivent présenter une demande d'enregistrement auprès des gouvernements. La FAT était considérée comme illégale pour ne pas avoir demandé son enregistrement. De même, les FAT créées à Shanghai, Guanzhou, Hangzhou et Xian n'étaient pas enregistrées et donc considérées comme illégales. Selon le gouvernement, la création de ces organisations allait à l'encontre des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale, selon lesquels le but de la liberté syndicale est d'améliorer les conditions de travail et de promouvoir la paix. La FAT ne respectait pas ce principe, bien au contraire, elle désorganisait le travail dans les usines, affectait la production normale et mettait en danger la stabilité sociale.
  23. 303. Contrairement aux affirmations de la CISL, il n'y a pas eu création d'une FAT à Changchun. Les vingt-six personnes soumises à procès public à Changchun le 10 juin étaient principalement des criminels libérés d'un camp de rééducation par le travail qui refusaient de changer de conduite. Elles avaient commis des crimes tels qu'assassinats, vols et viols. Quelques-unes avaient provoqué des grèves, bloqué des routes, paralysé la circulation, s'étaient engagées dans d'autres activités d'opposition au gouvernement et tentaient de se faire passer pour étudiants. Leurs actes criminels causèrent un grand tort à la vie de la population et à l'ordre social et provoquèrent une immense indignation. Dix-neuf d'entre elles furent arrêtées et sept furent envoyées dans des camps de rééducation par le travail. Selon le gouvernement, il est ridicule de considérer le châtiment de criminels conformément à la loi comme une violation de la liberté syndicale.
  24. 304. La FAT de Beijing a été créée à l'initiative de Bai Dongping, Liu Qiang et de sept autres personnes. Au commencement, elle regroupait environ 100 personnes et le recrutement fut très limité puisque l'effectif total s'éleva à quelques centaines de personnes. Les chiffres donnés par la CISL étaient donc délibérément exagérés. Il en allait de même pour la FAT de Shanghai et des autres villes.
  25. 305. Dans son mémorandum provisoire, il apparaissait que la FAT acceptait la Constitution et la loi interne du pays, mais ce n'était que des mots vides de sens. Les dirigeants de la FAT montrèrent explicitement à plusieurs reprises quels étaient leurs buts. A la conférence de presse du 26 mai, suivie par des journalistes chinois et étrangers, Hang Dongfang déclara que le programme et l'objectif de la FAT étaient de renverser le gouvernement.
  26. 306. Le programme de la FAT de Shanghaï disposait qu'elle organiserait une grève des travailleurs, lèverait sa propre force armée, renverserait le gouvernement et abolirait le système socialiste. Celui de la FAT de Hangzhou présentait une double face: ouvertement, elle proposait l'élimination de la corruption, la suppression de l'autocratie et la promotion des réformes sociales et démocratiques mais, inversement, elle déclarait vouloir renverser la dictature du prolétariat et abolir le rôle dirigeant du Parti communiste. Quant à la FAT de Xian, elle déclarait dans son programme vouloir renverser le gouvernement par la force armée.
  27. 307. Le gouvernement déclare à cet égard que deux principes fondamentaux de la Constitution nationale sont le rôle dirigeant du Parti communiste et le système socialiste. En son article 1, partie I, la Constitution dispose que le sabotage du système socialiste par toute organisation ou tout individu est interdit. La FAT agissait tout à fait à l'encontre de ces principes et était donc un groupe politique illégal. L'article 4 du Règlement provisoire sur l'enregistrement des organisations sociales énonce que toutes les organisations réactionnaires menaçant l'intérêt de l'Etat et du peuple sont interdites. L'enregistrement des organisations qui ont des comportements réactionnaires doit être annulé, et ces organisations doivent être interdites. Ainsi, selon le gouvernement, l'interdiction de la FAT était totalement légale et raisonnable.
  28. 308. Pour le gouvernement, la FAT était un des organisateurs des émeutes de Beijing et a ainsi sérieusement violé le droit pénal. Les activités illégales comprenaient:
  29. - la tenue de conférences de presse incitant à renverser le Parti communiste et le gouvernement (le 23 mai, elle a organisé deux conférences de presse auxquelles assistèrent des journalistes chinois et étrangers). Elle a également publié une lettre aux Chinois de l'outre-mer et au peuple, incitant à se plaindre du gouvernement et menaçant de le renverser;
  30. - la création d'une station de radio destinée à faire de la propagande antigouvernementale. A la veille de l'émeute du 3 juin, le manifeste sur la grève rédigé par la FAT et la Fédération autonome des étudiants fut diffusé à plusieurs reprises, incitant la ville entière à se mettre en grève et à s'opposer à la loi martiale. La FAT imprima aussi un grand nombre de tracts antigouvernementaux;
  31. - l'organisation de manifestations et la création de troubles. La FAT organisa deux manifestations illégales de large échelle sans demande d'autorisation. Le 25 mai, elle rassembla plus de 100 personnes qui défilèrent sur la rue Changan en criant des propos calomnieux et injurieux contre les dirigeants de l'Etat;
  32. - l'organisation d'assauts contre des locaux du gouvernement et des organes de la sécurité publique. Le 19 mai, des piquets commandés par des dirigeants de la FAT bloquèrent un bureau du gouvernement et y donnèrent l'assaut. Quelques-uns des dirigeants furent détenus du 30 mai au 1er juin dans le Bureau de la sécurité publique. Les agitateurs rassemblèrent alors des milliers de personnes pour cerner et attaquer les bureaux, à plusieurs reprises, à l'aide de pierres et de cocktails Molotov;
  33. - la participation active à la création d'une union du peuple des usines dans la capitale incitant à l'organisation de troubles et s'opposant à la loi martiale. Hang Dongfang, membre du comité permanent de la FAT, et d'autres personnes furent impliqués dans ces activités;
  34. - la participation active à la rébellion. Après la déclaration de la loi martiale, Liu Huanwen, membre du comité permanent de la FAT, participa à la réunion du 24 mai destinée à organiser la résistance à la loi martiale et fut nommé directeur adjoint. Le 3 juin, Hang Dongfang divisa ses piquets en quatre équipes et les envoya aux principaux carrefours en vue de bloquer les véhicules des troupes. Le soir du même jour, Hang Dongfang s'adressa à la FAT pour une "mobilisation urgente" avant de lancer la rébellion. Liu Qiang distribua les poignards volés sur les véhicules militaires à ses piquets et envoya ses partisans chercher des barres de fer sur les rails qui bordent la place. Il ordonna, en outre, la préparation de bombes au pétrole. Guo Yaxiong, un membre important de la FAT, organisa une "équipe d'assaut des descendants du dragon". Liu Qiang participa également à une réunion secrète avec les dirigeants de la Fédération autonome des étudiants et commanda des groupes de piquets pour commettre des violences et des pillages et provoquer des incendies à douze véhicules militaires et deux tanks.
  35. 309. Ceci apporte, selon le gouvernement, la preuve irréfutable que la FAT était coupable d'avoir été impliquée dans les troubles et dans la rébellion antigouvernementale à Beijing. Les FAT des autres villes étaient aussi impliquées dans l'organisation des troubles et avaient gravement mis en danger la sécurité nationale, l'ordre social et l'intérêt des travailleurs.
  36. 310. A cet égard, le gouvernement signale que l'article 90 du Code pénal dispose que toute activité qui met en danger la République populaire de Chine en vue de renverser la dictature du prolétariat et le système socialiste constitue des crimes contre-révolutionnaires. Plus spécifiquement, la FAT a violé les lois et dispositions suivantes:
  37. - aux termes de l'article 51 de la Constitution et des dispositions temporaires de la municipalité de Beijing sur les manifestations, il était interdit d'organiser des manifestations sans demander l'autorisation pendant la période de troubles;
  38. - aux termes des articles 24 et 26 des mesures provisoires de la municipalité de Beijing sur l'administration de l'environnement et du bruit et de l'article 25 du Règlement sur l'administration et les sanctions relatives à la sécurité publique, il était interdit de créer une station de radio sur la place Tiananmen et d'émettre avec des hauts-parleurs;
  39. - aux termes de l'arrêté no 136 du Conseil municipal de Beijing (1981), il était interdit d'occuper la place Tiananmen pendant une longue période pour mener des activités antigouvernementales;
  40. - aux termes des articles 92, 95 et 98 du Code pénal, les dirigeants de la FAT ont commis de graves crimes en organisant un groupe contre-révolutionnaire, en rassemblant des personnes en vue de lancer une rébellion armée et en projetant de renverser le gouvernement;
  41. - aux termes des articles 100 et 110 du Code pénal, la FAT a commis de graves crimes en détruisant, incendiant et sabotant des véhicules militaires, des cars de police et des autobus;
  42. - aux termes de l'article 102 du Code pénal et de l'article 19, alinéa 5, du Règlement sur l'administration et les sanctions relatives à la sécurité publique, la FAT était coupable de lancer toutes sortes de rumeurs et d'inciter la population à renverser le Parti communiste et le gouvernement;
  43. - aux termes de l'article 38 de la Constitution et de l'article 145 du Code pénal, la FAT a commis un crime d'insulte et de diffamation envers les dirigeants du pays et du gouvernement;
  44. - aux termes de l'article 158 du Code pénal, de l'article 19 du Règlement sur l'administration et les sanctions relatives à la sécurité publique et de l'arrêté no 1 du Conseil municipal de Beijing du 20 mai 1989, la FAT a commis un crime en assiégeant les organes du gouvernement et de la sécurité publique;
  45. - aux termes de l'article 159 du Code pénal et des articles 20 et 27 du Règlement sur l'administration et les sanctions relatives à la sécurité publique, la FAT a commis des crimes en sabotant les équipements de circulation aux carrefours, en bloquant la vie publique et en entravant la circulation des convois de troupes chargées d'appliquer la loi martiale;
  46. - aux termes de l'article 137 du Code pénal, la FAT a commis une série de crimes dans sa frénésie à utiliser la violence, à commettre des destructions, à saccager et à incendier.
  47. 311. Comme la FAT a enfreint gravement plusieurs lois et règlements, les mesures prises pour interdire cette organisation politique n'ont rien à voir, selon le gouvernement, avec un problème de liberté syndicale et ne concernent pas l'exercice des droits syndicaux. Le gouvernement a appliqué le devoir légal qui lui est attribué par la Constitution. Il s'agissait donc clairement d'une affaire intérieure.
  48. 312. Avant de prendre les dernières mesures destinées à mater la rébellion, le gouvernement a fait preuve d'une grande retenue et d'une grande tolérance en vue de mettre fin aux troubles par le dialogue. Le Conseil municipal de Beijing a même fourni une grande quantité de matériel de première urgence et des services médicaux pour les étudiants et les autres personnes qui étaient sur la place Tiananmen. Toutefois, les organisateurs des troubles, y compris les dirigeants de la FAT, prirent cette attitude pour de la faiblesse. Ils accentuèrent les désordres et mirent la ville en complète anarchie. C'est dans ces graves circonstances que le gouvernement proclama la loi martiale dans une partie de Beijing. Il s'agissait incontestablement d'une mesure nécessaire et appropriée pour contenir les troubles et maintenir l'ordre social ainsi que pour lancer un avertissement aux organisateurs. Ceux-ci, pourtant, ne cessèrent pas leurs agissements immédiatement et lancèrent une rébellion comme jamais la République populaire de Chine n'en avait connue depuis sa fondation. Le gouvernement n'avait pas d'autre alternative que de mater la rébellion en vue de maintenir la stabilité sociale du pays, de protéger les résultats de dix années de réforme et l'ouverture au monde extérieur.
  49. 313. Après la chute de la rébellion, l'Agence de sécurité publique procéda à l'arrestation de quelques personnes, mais il s'agissait de criminels ayant violé le Code pénal. Le gouvernement a traité le cas de ces personnes en se fondant sur des faits commis et sur le droit, les a traduites en justice et elles ont été punies en vertu de la loi. Le gouvernement a été clément envers ceux qui se sont livrés d'eux-mêmes à la police et ont reconnu les infractions commises, sur la base du principe "clémence envers ceux qui reconnaissent leurs crimes, mais châtiment sévère pour ceux qui, obstinément, refusent d'agir ainsi".
  50. 314. Le gouvernement fournit ensuite des exemples des agissements commis en violation de la loi.
  51. 315. Hang Dongfang, 26 ans, travailleur des chemins de fer de Beijing, a été le principal dirigeant de la FAT de Beijing pendant la dernière période. Les 18 et 19 avril, Hang Dongfang a prononcé des discours sur la place Tiananmen, incitant la population à s'opposer au gouvernement et à créer un syndicat de son choix. Le 26 mai, il a répondu à des questions des journalistes en sa capacité de responsable de la FAT. Il affirma que le programme et l'objectif de la FAT étaient de renverser le gouvernement. Le 30 mai, il incita la population à marcher sur le Bureau de la sécurité publique de Beijing. Le 31 mai, il rassembla plus de 200 personnes pour bloquer l'entrée de ce bureau, ce qui en perturba sérieusement le travail normal et provoqua un embouteillage de plus de six heures. Les membres de la FAT, dirigés par Hang Dongfang, rassemblèrent encore plus de 10.000 personnes pour manifester sur la place Tiananmen.
  52. 316. A Shanghaï, Xui Gouming, 25 ans, ancien travailleur à la Brasserie, Bian Hanwu, 21 ans, chômeur, et Yan Xuerong, 32 ans, ancien travailleur à l'usine de radio, ont activement participé à la grave émeute qui a eu lieu dans la nuit du 6 au 7 juin. Ils mirent le feu à des wagons de chemin de fer et à des véhicules de la police, frappèrent les pompiers pour les empêcher d'éteindre les incendies, ce qui entraîna de graves conséquences. Comme l'affaire et les crimes étaient très graves, la Cour intermédiaire de Shanghai condamna ces trois personnes à mort, conformément aux articles 53.1 et 110 du Code pénal. Après le verdict, les condamnés interjetèrent appel devant la Cour supérieure populaire de Shanghai, laquelle le rejeta. Le 21 juin, les trois criminels furent exécutés. Toute la procédure fut suivie dans le strict respect des procédures légales. Les faits étaient clairs, les preuves absolues, la qualification du crime et la sanction appropriées. Les assertions de la CISL selon lesquelles aucune preuve n'a pu être apportée à la culpabilité des condamnés est donc une absolue et malveillante calomnie.
  53. 317. Le gouvernement réaffirme qu'à part à l'encontre d'une minorité de criminels sa politique a été tolérante. Aucune enquête complémentaire ne sera effectuée sur les étudiants ou les simples membres de la FAT qui ont participé aux manifestations, protestations ou grèves de la faim. Le gouvernement déclare avoir même adopté une politique d'éducation pour les dirigeants de la FAT, pour autant qu'ils n'avaient pas violé la loi. Par exemple, Qian Yumin, secrétaire général de la FAT, a été arrêté le 29 mai pour avoir constitué illégalement la FAT en vue de se livrer à des activités antigouvernementales. Il a été relâché le jour suivant car il avait reconnu ses fautes. Il n'a plus été inquiété par la suite car il quitta la FAT et ne fut pas impliqué dans les émeutes.
  54. 318. Selon le gouvernement, les faits ainsi mentionnés démontrent clairement que la FAT n'était en aucune manière une organisation syndicale. Il s'agissait d'un groupe politique illégal qui complota et participa aux troubles et aux émeutes dans Beijing. La défaite de l'émeute, la suppression des organisations y ayant participé - dont la FAT - et le châtiment d'une petite poignée de criminels, conformément à la loi, ressortissaient à la compétence des droits souverains du gouvernement et n'avaient rien à voir avec l'exercice des droits syndicaux. Il est insoutenable que la CISL ait présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de la Chine fondée sur ses propres opinions et valeurs et sur des rumeurs et des faits déformés. Le gouvernement conclut en affirmant qu'il ne peut accepter une telle ingérence injustifiable dans les affaires intérieures de la Chine.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 319. Avant d'examiner la présente affaire quant au fond, le comité rappelle que la Chine, lorsqu'elle est devenue Membre de l'OIT, s'est engagée comme tous les Etats Membres à respecter les droits fondamentaux consacrés par la Constitution de l'OIT et la Déclaration de Philadelphie, y compris la liberté syndicale.
  2. 320. Les allégations présentées par la CISL trouvent leur origine dans les mesures prises par les autorités à l'encontre de la Fédération autonome des travailleurs (FAT), organisation créée dans plusieurs régions de Chine, de ses dirigeants et de travailleurs: interdiction du fonctionnement de l'organisation, mort de certains dirigeants lors d'une attaque par l'armée; condamnation à mort et exécution de travailleurs; arrestations. A l'appui de ces allégations, la CISL a fourni une longue liste de travailleurs qui auraient été arrêtés ou exécutés. Le comité note que le gouvernement a, cette fois, fourni une réponse sur le fond de l'affaire.
  3. 321. Le comité doit observer tout d'abord que les déclarations des plaignants, d'une part, et du gouvernement, d'autre part, sur la nature et les objectifs des FAT diffèrent considérablement. Pour la CISL, les FAT étaient des organisations syndicales indépendantes et démocratiques et cherchaient les moyens de faire légaliser leur organisation dans l'ordre constitutionnel, alors que, pour le gouvernement, il s'agissait d'organisations illégales qui n'ont jamais demandé leur enregistrement et dont l'objectif déclaré était de renverser le système socialiste et le gouvernement. Pour ce faire, elles ont, selon le gouvernement, fomenté des troubles et utilisé la violence, et elles ne peuvent donc être considérées comme des organisations syndicales.
  4. 322. A cet égard, le comité rappelle qu'au sens de l'OIT le terme "organisation" recouvre toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs. Dans le cas d'espèce, le comité remarque que, selon la CISL, les statuts de la FAT de Beijing avaient pour idée principale que l'organisation devait être autonome, indépendante et démocratique et qu'elle devait servir les principes de représentation et de défense des intérêts des travailleurs. Par ailleurs, les revendications formulées par les FAT portaient, selon les plaignants, sur l'absence de démocratie sur les lieux de travail, l'absence de véritable représentation des travailleurs, les mauvaises conditions de travail et la détérioration du pouvoir d'achat. Ces affirmations n'ont pas été démenties par le gouvernement qui reconnaît lui-même que le "mémorandum provisoire de la FAT de Beijing" acceptait la Constitution et la loi interne du pays, bien que ceci ait été, selon lui, démenti par la suite. De l'avis du comité, les revendications des FAT mentionnées par la CISL relèvent des activités normales d'organisations de travailleurs promouvant et défendant les intérêts de leurs membres. Les organisations de la FAT constituaient donc bien des organisations de travailleurs au sens où l'entend l'OIT.
  5. 323. Quant à l'argument selon lequel les organisations de la FAT n'auraient pas déposé de demande d'enregistrement, le comité est d'avis que l'absence d'une telle demande ne signifie pas nécessairement que des travailleurs n'aient pas souhaité créer des organisations, d'autant que la législation semble instituer un monopole syndical qui ne laisserait pas de place pour des organisations se situant en dehors de la structure syndicale existante. C'est ainsi que le règlement provisoire de 1987 sur le traitement des conflits de travail dans les entreprises de l'Etat ne fait référence qu'"au comité syndical", semblant ainsi exclure l'existence de plusieurs comités syndicaux. Dans le cas présent, le comité doit constater que le gouvernement a utilisé le fait que les FAT n'aient pas été enregistrées comme prétexte pour les déclarer illégales. A cet égard, le comité rappelle que, si les conditions apportées à l'octroi de l'enregistrement équivalent à exiger une autorisation préalable des autorités publiques, il y a là une incontestable atteinte portée aux principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 275.)
  6. 324. En outre, le comité exprime sa vive préoccupation quant au fait que les informations fournies par le gouvernement démontrent que les dispositions législatives en vigueur en Chine portent clairement atteinte au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier ainsi qu'au droit des syndicats d'organiser leur administration et leurs activités et de formuler leur programme d'action. En particulier, le comité relève que le gouvernement cite l'opposition supposée des FAT aux dispositions constitutionnelles relatives au rôle dirigeant du Parti communiste et à l'établissement du régime socialiste comme justification des mesures prises et qu'il explique que toutes les organisations réactionnaires qui menacent l'intérêt de l'Etat sont interdites. Le gouvernement mentionne également que l'un des dirigeants de la FAT de Beijing est accusé d'avoir incité la population à s'opposer au gouvernement et d'avoir créé un syndicat de son choix. Le comité doit rappeler que l'unité du mouvement syndical ne doit pas être imposée par une intervention de l'Etat par voie législative, car celle-ci irait à l'encontre des principes de la liberté syndicale. Le comité doit également signaler que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes tant de celles qui existent déjà que de tout parti politique. (Voir 197e rapport, cas no 905, paragr. 635.) Force est de constater que ces principes de base n'ont pas été respectés dans le cas d'espèce. En conséquence, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et les droits de libre fonctionnement de ces organisations soient assurés dans la législation et dans la pratique.
  7. 325. En ce qui concerne les violences qui auraient été commises par la FAT et ses dirigeants, le comité a pris note des informations fournies par le gouvernement. Il doit cependant constater que tous les exemples de violences fournis dans la réponse (incendies de véhicules militaires, blocage des routes et des bâtiments publics) ont trait à des actes commis alors que les FAT étaient réduites à exercer leur action dans l'illégalité.
  8. 326. A cet égard, le comité estime que, pour que la contribution des syndicats ait le degré voulu d'utilité et de crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats seraient fondés à demander la reconnaissance et l'exercice de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d'activités syndicales légitimes.
  9. 327. En ce qui concerne la mort, la détention et les mauvais traitements de dirigeants et militants des FAT, le comité exprime sa vive préoccupation devant la gravité des allégations auxquelles le gouvernement n'a pas encore fourni de réponses suffisamment détaillées.
  10. 328. A cet égard, le comité rappelle que, comme il l'a souligné dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux et les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles.
  11. 329. La plainte faisait état de la mort de dirigeants des FAT lors de l'assaut donné par l'armée à la place Tiananmen dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Le gouvernement n'a pas répondu à ces allégations. Le comité lui demande donc de fournir ses observations à cet égard et d'indiquer, notamment, les circonstances exactes des morts qui seraient ainsi survenues.
  12. 330. Le gouvernement a confirmé que trois travailleurs de Shanghai ont été condamnés à mort puis exécutés pour avoir incendié des wagons de chemin de fer, des véhicules de police et entravé le travail des pompiers lors d'incidents survenus dans la nuit du 6 au 7 juin 1989. Le comité déplore l'extrême rapidité avec laquelle les condamnations ont été prononcées et les sentences exécutées puisque les exécutions eurent lieu deux semaines après les incidents et que, entre-temps, l'affaire avait été jugée à deux reprises, une fois en première instance et une autre fois en appel. Cette rapidité implique que les condamnés n'ont pas pu bénéficier des garanties judiciaires normales. Le comité exprime le ferme espoir qu'il ne sera plus fait recours à de telles procédures expéditives.
  13. 331. Le gouvernement confirme également que neuf travailleurs de Changchun ont été arrêtés et que sept d'entre eux ont été envoyés dans des camps de rééducation par le travail. Pour expliquer ces mesures, le gouvernement indique que les personnes concernées avaient commis des assassinats, des vols et des viols. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations précises sur les faits à l'origine de ces accusations, et notamment les textes des jugements.
  14. 332. Le gouvernement indique cependant que quelques travailleurs avaient organisé des grèves, bloqué des routes et s'étaient engagés dans des activités d'opposition au gouvernement, sans plus de précision. Le comité doit donc rappeler que la grève est un moyen essentiel dont doivent disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1066, paragr. 122.) En outre, le comité estime que des arrestations de grévistes comportent de graves risques d'abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Les autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations peuvent avoir pour la liberté syndicale. (Voir, par exemple, 217e rapport, cas no 1034, paragr. 412.)
  15. 333. Au sujet des arrestations de dirigeants et militants des FAT, le comité relève que des personnes déclarées coupables ont été envoyées dans des camps de rééducation par le travail et qu'une politique de rééducation a été également adoptée pour les dirigeants des FAT qui n'avaient pas violé la loi. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les raisons, la nature et les objectifs de cette rééducation par le travail à laquelle sont astreints ces syndicalistes. Le comité note en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle la politique qu'il a menée a été tolérante et que seule une minorité de criminels ont été punis. Le gouvernement se réfère aux agissements d'un des dirigeants de la FAT de Beijing, Hang Dongfang, sans préciser s'il a été condamné. En revanche, il ne fournit pas d'informations sur les dirigeants et membres des FAT dont il était allégué qu'ils étaient recherchés ou arrêtés. Le comité demande donc au gouvernement de fournir ses observations à cet égard, ainsi que sur la situation de l'ensemble des autres travailleurs mentionnés dans la liste annexée par la CISL à sa dernière communication (voir annexe ci-jointe). Le comité demande également au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés à certains détenus, et notamment à Hang Dongfang et à Liu Qiang.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 334. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime sa vive préoccupation devant la gravité des allégations formulées dans le présent cas incluant la mort, la détention et les mauvais traitements de dirigeants et militants des FAT, allégations auxquelles le gouvernement n'a pas fourni de réponses suffisamment détaillées.
    • b) Le comité rappelle que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes tant de celles qui existent déjà que de tout parti politique. Le comité déplore que ce principe de base n'a pas été respecté dans le cas d'espèce. Le comité exprime sa vive préoccupation de ce que les dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur en Chine portent clairement atteinte au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et au droit de libre fonctionnement de ces organisations. Il prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces droits soient assurés dans la législation et dans la pratique.
    • c) Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel, si les conditions apportées à l'octroi de l'enregistrement d'un syndicat équivalent à exiger une autorisation préalable des autorités publiques, il y a là une incontestable atteinte portée aux principes de la liberté syndicale.
    • d) Le comité demande à nouveau au gouvernement d'indiquer les circonstances exactes des morts de dirigeants des FAT qui seraient survenues dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 lors de l'attaque de la place Tiananmen.
    • e) Le comité déplore la rapidité extrême avec laquelle les trois travailleurs de Shanghai ont été condamnés à mort puis exécutés, ce qui implique que les condamnés n'ont pas pu bénéficier des garanties judiciaires normales. Le comité exprime le ferme espoir qu'il ne sera plus fait recours à de telles procédures expéditives.
    • f) Concernant les condamnations de neuf travailleurs de Changchun, le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les faits précis à l'origine des condamnations pour assassinats, vols et viols dont il fait état dans sa réponse, et notamment les textes des jugements. En ce qui concerne les travailleurs accusés d'avoir organisé des grèves, le comité rappelle que la grève est un moyen essentiel dont doivent disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
    • g) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les raisons, la nature et les objectifs des mesures de rééducation par le travail auxquelles sont astreints des syndicalistes.
    • h) Le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir ses observations sur les arrestations de dirigeants et membres des FAT (motifs des arrestations, procédures éventuelles engagées et situation actuelle des personnes concernées) et, en particulier, de Bai Dong Ping, Liu Qiang, Quian Yunin, Chen Yinshan, Hang Dongfang, tous cinq de Beijing; de Zhang Qiwang, Chen Shangfu, Wang Miaogen, Wang Hong, Shen Zhigao, Li Zhiguo, de Shanghai; et de Li Guiren de la province de Shaanxi; ainsi que sur les motifs des recherches policières effectuées contre Ho Lili et la situation actuelle de ce travailleur. Il lui demande également de fournir des informations sur la situation de l'ensemble des autres travailleurs mentionnés dans la liste annexée par la CISL à sa dernière communication (voir annexe ci-jointe).

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • Liste de travailleurs et de syndicalistes indépendants qui, selon
  • la CISL,
  • seraient détenus ou auraient été exécutés
  • BEIJING
  • Détenus
    • - Yang Fuqiang, membre FAT, arrêté le 10 juin 1989;
    • - Xiao Bin, arrêté le 10 juin, accusé de propagande
  • contre-révolutionnaire et
  • condamné le 13 juillet à dix ans de prison;
    • - Guo Yaxiong, membre FAT, arrêté avec quatre autres
  • membres de la FAT non
  • identifiés;
    • - Zhang Jun et Yang Wei, arrêtés le 11 juin;
    • - Wang Fushun, Li Meihu et Yang Hengwu, accusés
  • d'entraves à la circulation,
  • se sont rendus le 10 juin;
    • - Li Jiang, membre FAT, s'est rendu le 11 juin;
    • - Liu Huanwen, dirigeant des piquets de la FAT, arrêté le 13
  • juin à
  • Shijiazhuang;
    • - You Dianqi, membre FAT;
    • - Bai Dongping, membre FAT, arrêté à deux reprises;
    • - Meng Duo, accusé du meurtre d'un soldat, arrêté le 15 juin;
    • - Tian Bomin;
    • - Zhao Yetang, Yang Shizeng et Li Weidong, accusés du
  • meurtre d'un policier;
    • - Jing Weidong et Sun Ruozhong, arrêtés le 17 juin;
    • - Lu Zhongshu, Wang Lianxi, Luan Jikui, Gong Chuangchang,
  • Lian Zenguo et Sun
  • Yancai, arrêtés le 10 juin, accusés d'avoir mis le feu à des
  • véhicules de
  • l'armée et d'assaut contre des soldats. Pourraient avoir été
  • exécutés;
    • - Liu Qiang, membre du comité de la FAT.
  • Exécutés
    • - Lin Zhaorong, accusé d'avoir mis le feu à un camion de
  • l'armée et volé sept
  • uniformes;
    • - Ban Huijie, accusé d'avoir battu un soldat, arrêté le 10 juin;
    • - Zhang Wenkui, Zhu Jianjun, Chen Jian, Wang Hanwu,
  • arrêtés le 10 juin,
  • accusés d'avoir mis le feu à des véhicules militaires, des
  • autobus et des
  • ambulances;
    • - Lue Hongjun, probablement le même cas que les précédents;
    • - Wang Hangwu, exécuté le 22 juin, peut-être le même cas
  • que les précédents;
    • - Wang Weilin, arrêté par le Bureau de la sécurité publique et
  • accusé
  • d'activités contre-révolutionnaires.
  • HANGZHOU
    • - Gao Jingtang, Zhu Guanghua, Li Xiaohu, dirigeants de la
  • FAT, arrêtés le 10
  • juin.
  • SHANGHAI
  • Détenus
    • - Zhang Qiwang, membre de la FAT, arrêté le 8 juin;
    • - Chen Shengfu, Wang Miaogen et Wang Hong, membres de
  • la FAT, arrêtés le 9
  • juin;
    • - Weng Zhengmin, arrêté le 10 juin;
    • - Sun Mahong, Peng Jiapin (ou Peng Jiamin), Wei Yinchen (ou
  • Wei Yinchong),
  • Zhao Jianming, Ai Qilong et Yuan Zhimin, accusés d'avoir mis
  • le feu à un
  • train;
    • - Yang Xiao, Dian Hanwu et Sun Jihong, arrêtés probablement
  • dans la même
  • affaire que les précédents;
    • - Huang Jianhua et Shan Guoguang, arrêtés les 9 et 10 juin en
  • compagnie de 130
  • autres personnes, dont:
    • - Song Ruiying, Zhu Genbao et Chang Qiyang;
    • - Tian Wei, arrêté le 12 juin;
    • - Zhou Shaowu, responsable de la liaison avec la Fédération
  • autonome des
  • étudiants;
    • - Xu Bingli, arrêté le 14 juin ou avant, membre de "l'Union des
  • droits
  • autonomes";
    • - Zhang Renfu, Zheng Liang, Dong Langjun, Jiang Deyin et
  • Zhong Quancheng,
  • membres de l'Association des travailleurs démocrates,
  • arrestation annoncée le
    1. 14 juin;
      • - Cai Chaojun, Gong Chencheng et Li Zhibo, membres de la
    2. FAT.
  • Exécutés
    • - Xu Guoming, Xie Hanwu et Yan Xuerong.
  • NANJING
    • - Zhu Huiming, Li Huling, membres de la FAT, et Rui Tonghu,
  • dirigeant des
  • piquets, et huit autres membres arrêtés le 10 juin ou avant.
  • TIANJIN
    • - Zhou Endong (alias Zhou Bo), membre de la FAT, arrêté le 9
  • juin.
  • GUANGXI
    • - Pan Haihong (alias Pan Haito), arrêté à Nanning le 15 juin ou
  • avant.
  • HUBEI
    • - Hu Liangbing, Yang Gechuang, Chen Wei, Jin Tao et 19
  • autres personnes non
  • identifiées, arrêtés le 7 juin;
    • - Peng Jing, arrêté à Wuban le 16 juin.
  • JIANGSU
    • - Du Weng et Yang Yongmin, dirigeants de la Fédération
  • autonome pour le salut
  • national, arrêtés le 11 juin ou avant en compagnie de 27
  • autres membres non
  • identifiés.
  • LIAONING
    • - Gao Yunming, arrêté le 19 juin à Shenyang en compagnie de
      1. 36 autres
    • personnes non identifiées;
    • - Zheng Chuanli et Jiao Zhijn, arrêtés à Dalian le 14 juin ou
  • avant;
    • - Zhu Wenli, arrêté le 12 juin à Shenyang;
    • - Li Mingxian, arrêté le 16 juin;
    • - Xiao Bin, accusé d'avoir fait circuler des rumeurs et d'avoir
  • organisé une
  • émeute, arrêté le 19 juin ou avant.
  • MONGOLIE INTERIEURE
    • - Zhang Lishan, Wen Lihua, Cai Shi, Bao Huilun et Yang
  • Xudon, membres de la
  • FAT arrêtés avec dix autres membres non identifiés le 14 juin
  • ou avant.
  • SHAANXI
    • - Liu Chongxi et 42 autres membres de la FAT non identifiés,
  • arrêtés le 11
  • juin à Xian;
    • - Yu Yungang, Xu Tao, Liu Xiaolong, Zhu Lin, Tang Zibin,
  • Wang Jianjun, Wei
  • Yongbin, Li Tao, Pang Xiaobin, arrêtés autour du 12 juin;
    • - Li Guiren, arrêté le 17 juin pour avoir appelé à la grève;
    • - An Baojin, Bao Hongjian, Chang Ximin, Liu Congshu, Ren
  • Xiying, Xu Ying et
  • Zhao Demin, membres de la FAT.
  • SHANDONG
    • - Xu Dianwei, Xu Xianglu, Ma Jianguo et Xu Jianlei, arrêtés le
      1. 30 mai et le 12
    • juin ou avant, accusés de vol;
    • - Liu Yubin, Che Honglian, Zhang Xinchao, Shao Liangchen et
  • Hao Jinguang,
  • membres de la Fédération des cercles autonomes de Jinan,
  • arrêtés le 15 juin.
  • ZHEIJANG
    • - Gao Jintang, Zhu Guanghua et Li Xiaohu, membres de la
  • FAT de Hangzhou,
  • arrêtés le 10 juin.
  • SZECHUAN
    • - Zhang You et Yan Quingzhong.
  • CHANGSHA
    • - He Zhaohui, Li Jian, Liu Xingqi, Lu Zhaixing, Yang Xiong,
  • Zhang Xudong et
  • Zhou Yong, membres de la FAT.
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