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Rapport intérimaire - Rapport No. 270, Mars 1990

Cas no 1501 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 02-JUIN -89 - Clos

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  1. 335. La Fédération nationale des travailleurs de la Banque internationale SA (FETRABIN) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Venezuela dans une communication datée du 2 juin 1989. Par la suite, elle a envoyé une documentation complémentaire sur cette affaire dans une communication du 17 juillet 1989. Le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations dans une communication du 18 janvier 1990.
  2. 336. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégation de la fédération plaignante

A. Allégation de la fédération plaignante
  1. 337. Dans leur plainte, les membres du comité directeur de la FETRABIN dénoncent les représailles antisyndicales dont ont été l'objet plusieurs dirigeants de la fédération et membres de ce comité directeur. Ils déclarent s'exprimer en leur nom et au nom des 1.000 travailleurs employés par la Banque internationale qu'ils représentent et accusent cette même banque et les autorités compétentes du ministère du Travail, en l'occurrence l'inspection du travail du district fédéral Municipio Libertador, d'avoir violé la liberté syndicale.
  2. 338. Les plaignants expliquent que le 30 novembre 1988, entre 11 h 30 et 14 h 20, la fédération, par le truchement de son comité directeur composé de quatre dirigeants syndicaux nommément désignés, à savoir le président de la FETRABIN, Luis Albert Perez, le secrétaire général, Ignacio Abello, la secrétaire chargée des finances, Maritza Torrealba, et le secrétaire chargé du contrôle et de la discipline, Manuel Capote Avarado, a engagé une action pacifique de revendications syndicales en coordination avec d'autres représentants d'organisations syndicales du secteur bancaire contre le fait que l'employeur, de manière unilatérale et illégale, a imposé un horaire continu aux travailleurs en contact avec le public, et en particulier aux caissiers. Or, selon les plaignants, les conditions minimales de rémunération des heures relatives à l'horaire continu, prime de panier, etc., auraient dû être définies en consultation avec eux puisque ledit horaire n'était pas légalement autorisé par l'inspection du travail. Les plaignants ajoutent que la manifestation de revendication pacifique a eu lieu devant les portes et à l'extérieur de la Banque internationale SA.
  3. 339. Par la suite, expliquent-ils, la Banque internationale a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement des dirigeants syndicaux. C'est la seule banque qui ait fait cette demande alors que des actions de revendication analogues s'étaient produites devant d'autres banques où les employeurs n'ont engagé aucun recours contre les organisations syndicales ou les travailleurs. En outre, ce qui est plus grave, c'est qu'un organe dépendant du ministère du Travail ait décidé d'octroyer les autorisations de licenciement en se basant sur des faits inexacts imputés aux membres du comité directeur de la fédération.
  4. 340. Les plaignants indiquent en effet que la demande d'autorisation de licenciement s'est appuyée sur les articles 31 e), f) et h) du Code du travail qui se réfèrent aux manquements graves aux obligations imposées par le contrat de travail, aux manquements graves au respect et à la considération dus à l'employeur ou aux représentants de l'employeur et à l'abandon de travail. Ils envoient en annexe à leur plainte la copie du dossier adressé par l'employeur à l'inspecteur du travail pour solliciter l'autorisation de licenciement, étant donné que les quatre dirigeants licenciés bénéficiaient du privilège syndical prévu par l'article 204 du code et que le licenciement de ces dirigeants n'était possible qu'après avoir obtenu ladite autorisation de l'inspecteur du travail (article 342 du règlement d'application du Code du travail), ainsi que la copie du mémoire en défense présenté par leur propre avocat.
  5. 341. D'après les plaignants, la demande d'autorisation de licenciement était fondée sur des motifs erronés, voire graves, puisque l'employeur y prétendait que "des portes de coffres-forts avaient été cassées" ou que "les membres du comité directeur de la fédération avaient offensé par des paroles obscènes et grossières les deux vice-présidents de ladite banque". Les plaignants ajoutent qu'il a été prouvé par les témoins, tant de la partie patronale que des travailleurs, que les faits imputés aux dirigeants syndicaux n'étaient pas fondés. En conséquence, la demande d'autorisation de licenciement n'était pas conforme au droit puisqu'il a été démontré qu'il n'y avait pas eu de la part des dirigants syndicaux en question manquement aux obligations imposées par le contrat, manquement grave au respect dû à l'employeur et encore moins abandon de travail.
  6. 342. En fait, des autorisations d'absence pour raison syndicale avaient été demandées verbalement par les travailleurs étant donné que la convention collective signée entre la fédération nationale et la Banque internationale n'exigeait pas que les demandes fussent rédigées par écrit. La clause no 3 de la convention collective en vigueur relative aux autorisations d'absence pour raison syndicale prévoyait seulement qu'elles devaient être présentées deux heures à l'avance et qu'elles devaient avoir pour objet de traiter des problèmes des travailleurs avec la banque ou avec les autorités du travail compétentes.
  7. 343. Les plaignants demandent au comité d'analyser la procédure suivie devant l'inspection qui, selon eux, est illégale pour vice de forme et fondée sur des faits erronés allégués à l'encontre des dirigeants syndicaux. La procédure administrative a constitué un véritable déni de justice, elle a été contraire au droit et elle constitue un mauvais coup contre le syndicalisme violant la Constitution, le Code du travail et son règlement d'application et les conventions internationales du travail en vigueur au Venezuela.
  8. 344. Pour conclure, les plaignants demandent l'intervention du BIT pour qu'il soit mis fin à ces mesures arbitraires illégales et inconstitutionnelles qui ont causé un dommage qui pourrait être irréparable, dans les faits, à l'action syndicale.
  9. 345. Dans leur communication ultérieure du 17 juillet 1989, les plaignants fournissent une abondante documentation concernant l'évolution de cette affaire, notamment la demande de recours en annulation de l'acte d'autorisation de licenciement, la décision interlocutoire de réintégration des dirigeants syndicaux licenciés, la copie de l'inspection judiciaire pratiquée sur le lieu de travail des travailleurs réintégrés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 346. Le gouvernement, dans sa communication du 18 janvier 1990, reconnaît que le 12 mai 1989, à la demande de la Banque internationale SA en cause dans cette affaire, l'inspecteur du travail du district fédéral - Département Libertador - a qualifié de fautive la conduite de Luis Perez, Ignacio Abello, Maritza Torrealba et Manual Capote, membres du comité directeur de la FETRABIN.
  2. 347. Le gouvernement explique que la FETRABIN a alors introduit un recours en annulation de ladite décision administrative devant le tribunal de première instance du contentieux administratif compétent.
  3. 348. En même temps, la FETRABIN a introduit un recours en amparo judiciaire devant le tribunal de première instance du travail du district fédéral et du district de Sucre de l'Etat de Miranda afin d'obtenir la suspension des effets juridiques de l'acte de l'inspecteur du travail déclarant les dirigeants syndicaux fautifs. Cette suspension a été admise et accompagnée d'un ordre de réintégration des dirigeants syndicaux jusqu'au jugement définitif de la Cour sur le fond de l'affaire. La Banque internationale SA avait, entre-temps, interjeté appel contre la décision de suspension de l'acte administratif, mais elle avait été déboutée de son appel en première et en seconde instance, d'abord par le juge le 30 juin 1989, puis par le ministère public le 4 juillet 1989.
  4. 349. Par ailleurs, le 20 juillet 1989, FETRABIN a porté plainte au ministère du Travail sur le fait que la réintégration des syndicalistes s'était déroulée dans des conditions contraires aux normes élémentaires en matière d'hygiène et de sécurité du travail. Le 28 juillet 1989, le directeur général du travail a donc demandé à la direction générale de la prévoyance et de la sécurité sociale de procéder à une visite d'inspection dans les locaux de la banque pour vérifier le bien-fondé de la plainte. Les plaignants avaient dénoncé en particulier le fait que, depuis qu'ils avaient été réintégrés à la suite de la décision de justice, ils avaient été assignés dans le soubassement de l'immeuble en un lieu insalubre où ils ne pouvaient pas travailler. Les plaignants demandaient que le vice-président de la banque chargé des ressources humaines qui, en faisant droit de mauvais gré à l'ordre de réintégration du tribunal de première instance le 15 juillet 1989, avait assigné les intéressés dans ce lieu insalubre soit sanctionné.
  5. 350. La visite d'inspection, en présence des signataires de la plainte, a été effectuée le 4 août 1989. L'inspecteur a constaté que les installations étaient telles que les syndicalistes réintégrés dans l'entreprise se trouvaient dans des lieux isolés du reste des installations de l'entreprise et de leurs compagnons, et considérablement gênés par le bruit et la poussière provenant du système de ventilation de l'immeuble. Ces conditions les empêchaient d'accomplir un travail intellectuel. En outre, les exctincteurs et les installations électriques dans les locaux où ils se trouvaient n'étaient pas conformes aux normes, et la signalisation de la sortie en cas d'évacuation n'était pas correcte.
  6. 351. Pour conclure, le gouvernement estime que l'examen de ce cas ne mérite pas d'être poursuivi par le comité. En effet, selon lui, la Cour du contentieux administratif va rendre son arrêt définitif sur cette affaire avec la garantie du respect d'une procédure équitable. En outre, la décision interlocutoire de suspension des effets de la décision administrative d'autorisation de licenciement, ordonnée par les tribunaux du travail d'instance en application de la loi organique sur les droits et garanties constitutionnels, a permis d'éviter aux travailleurs des dommages qui auraient été, par la suite, irréparables jusqu'à ce que soit rendu l'arrêt de la Cour.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 352. Le comité observe dans cette affaire que les allégations portent sur des mesures de représailles antisyndicales qui ont frappé quatre dirigeants syndicaux de la Fédération nationale des travailleurs de la Banque internationale (FETRABIN) à la suite d'une manifestation d'une durée de deux heures, qui avait pour objet de protester contre l'imposition unilatérale par la Banque d'un horaire continu. L'employeur, considérant que cette manifestation équivalait à une grève illégale accompagnée d'actes de violence, a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier les dirigeants en cause. De la très vaste documentation mise à la disposition du comité tant par les plaignants que par le gouvernement, il ressort que, dans un premier temps, le licenciement des dirigeants syndicaux a été accepté par l'inspection du travail. Dans un second temps, après que les intéressés eurent intenté un recours en annulation de la décision administrative, la justice a prononcé la suspension des mesures de licenciement et ordonné la réintégration des dirigeants syndicaux jusqu'à ce que la Cour du contentieux administratif se prononce. Toutefois, cette mesure suspensive a été acceptée de mauvais gré par l'employeur qui, en réintégrant les dirigeants syndicaux en question, leur a infligé de mauvaises conditions de travail, ce qui a été confirmé par une mission d'inspection.
  2. 353. Face à ces différents éléments, le comité doit rappeler d'une manière générale 1) que la grève est un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs revendications professionnelles; 2) que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison d'activités syndicales légitimes; 3) que la garantie du libre exercice des droits syndicaux doit être assortie de mesures comportant la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en matière d'emploi; et 4) que les travailleurs devraient pouvoir participer à la détermination de leurs conditions d'emploi avec leur employeur.
  3. 354. Le comité note qu'un recours en annulation a été introduit par les dirigeants syndicaux contre la décision administrative de l'inspecteur du travail qui a permis leur licenciement. Le comité demande au gouvernement de communiquer, lorsqu'il sera rendu, l'arrêt définitif de la Cour avec ses attendus.
  4. 355. Par ailleurs, le comité relève que, de l'avis même du gouvernement, la réintégration des dirigeants syndicaux, ordonnée à titre interlocutoire par les tribunaux d'instance, a été acceptée par l'employeur mais que ce dernier a imposé de mauvaises conditions de travail aux intéressés. Sur ce point, le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs, et en particulier les dirigeants syndicaux, doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes préjudiciables de discrimination tendant à porter atteinte à leur liberté syndicale en matière d'emploi. Le comité, tout en notant qu'une visite d'inspection a eu lieu, demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
  5. 356. Enfin, en ce qui concerne la modification unilatérale de l'horaire de travail à la Banque internationale SA, le comité appelle l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au droit des travailleurs de participer à la détermination de leurs conditions d'emploi par la négociation collective. Il demande en conséquence au gouvernement de le tenir informé des mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de ce principe dans la présente affaire.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 357. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Au sujet des mesures de licenciement prises contre les dirigeants syndicaux à la suite d'une manifestation syndicale, le comité, notant qu'un recours a été introduit devant la Cour du contentieux administratif, demande au gouvernement de communiquer, lorsqu'il sera rendu, l'arrêt définitif de la Cour avec ses attendus.
    • b) Au sujet des mauvaises conditions de travail imposées par l'employeur dans le cadre de la réintégration des dirigeants syndicaux constatées par une visite d'inspection, le comité rappelle que les travailleurs, et en particulier les dirigeants syndicaux, doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes préjudiciables de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
    • c) Au sujet de la modification unilatérale de l'horaire de travail à la Banque internationale SA, le comité rappelle l'importance qu'il attache au droit des travailleurs de participer à la détermination de leurs conditions d'emploi par la négociation collective. Le comité demande en conséquence au gouvernement de le tenir informé des mesures prises ou envisagées pour assurer le respect de ce principe dans la présente affaire.
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