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- 151. Dans des communications datées des 2 et 27 octobre 1989 et du 24 janvier 1990, la Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Australie. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans des communications datées des 23 janvier, 23 avril et 4 octobre 1990.
- 152. A sa session de mai 1990, le comité a décidé d'ajourner l'examen du cas à sa prochaine session et, en attendant, il a demandé au gouvernement de lui fournir des informations supplémentaires sur certaines questions (272e rapport du comité, adopté par le Conseil d'administration à sa 246e session, mai-juin 1990, paragr. 8). A sa session de novembre 1990, le comité a encore une fois décidé d'en ajourner l'examen et a demandé à son président de s'adresser au gouvernement et à la fédération plaignante afin qu'ils lui fournissent toute information complémentaire qu'ils souhaiteraient soumettre dans ce cas (275e rapport du comité, adopté par le Conseil d'administration à sa 248e session, Genève, novembre 1990, paragr. 6).
- 153. Dans une communication datée du 11 décembre 1990, l'organisation plaignante a déposé de nouvelles allégations concernant ce cas. Le gouvernement a envoyé ses observations sur les allégations par une communication datée du 15 janvier 1991.
- 154. L'Australie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la fédération plaignante
A. Allégations de la fédération plaignante
- 155. La plainte est présentée par l'IFALPA pour le compte d'une organisation australienne qui lui est affiliée, la Fédération australienne des pilotes de ligne (AFAP). Elle a pour origine un différend dans les transports aériens intérieurs et concerne deux questions essentielles: premièrement, la capacité des pilotes de négocier collectivement avec leurs employeurs par l'intermédiaire de l'AFAP, sans intervention du gouvernement et, deuxièmement, leur droit d'exercer des moyens de pression à l'appui de leurs revendications sans que le gouvernement y mette obstacle ou use contre eux de représailles.
- 156. L'AFAP est enregistrée conformément aux dispositions de la loi fédérale de 1988 sur les relations professionnelles et, au moment où le différend a commencé, elle représentait tous les pilotes employés par les quatre principales compagnies aériennes assurant les vols intérieurs en Australie (Ansett Airlines, Australian Airlines, East-West Airlines et IPEC).
- 157. Le 26 juillet 1989, l'AFAP a réclamé aux quatre compagnies aériennes une augmentation salariale de 29,47 pour cent. Le 7 août, la Commission australienne des relations professionnelles (AIRC) a rendu sa décision dans un "cas salarial national" qui lui avait été soumis, pour le compte du mouvement syndical, par le Conseil australien des syndicats (auquel l'AFAP n'est pas affiliée). Cette décision énonçait une série de "Principes salariaux nationaux" qui devaient régir les augmentations salariales dans le cadre du système fédéral de relations professionnelles jusqu'à leur révision par l'AIRC. Entre autres choses, la décision prévoyait des augmentations générales des salaires fixés par sentence arbitrale allant jusqu'à 6 pour cent, sous réserve de certaines améliorations de la productivité et de l'efficacité. Les demandes d'augmentation dépassant ce pourcentage devaient être examinées par la commission en assemblée plénière en tant que "cas spécial". L'obtention de l'augmentation de 6 pour cent était soumise à la condition que le syndicat en cause s'engage à ne pas "présenter de revendications supplémentaires ou à réclamer de nouvelle sentence arbitrale ou majoration par rapport à la sentence arbitrale en vigueur" si ce n'est en conformité avec les principes définis par l'AIRC (engagement qui serait inscrit dans une "sentence arbitrale" juridiquement exécutoire). L'AFAP a refusé de souscrire un tel engagement et a fait savoir qu'elle souhaitait présenter ses revendications en dehors du cadre des Principes salariaux nationaux, par la voie de négociations directes avec les employeurs de ce secteur. Les compagnies aériennes ont répondu qu'elles n'étaient disposées à négocier que dans le cadre des Principes salariaux nationaux énoncés par l'AIRC.
- 158. Du 11 au 14 août 1989, l'AFAP a convoqué ses membres à des réunions au cours desquelles elle a été autorisée à exercer des moyens de pression pour appuyer ses revendications salariales. La fédération a alors donné pour consigne à ses membres de ne travailler que de 9 heures à 17 heures tous les jours (la "campagne des 9h-17h"). Cette consigne est entrée en vigueur le 18 août 1989, ce qui a eu pour effet de désorganiser gravement les activités des quatre compagnies aériennes.
- 159. Le 18 août 1989, les compagnies aériennes ont demandé à l'AIRC d'annuler les sentences arbitrales en vigueur auxquelles l'AFAP était partie. La commission a donné à la fédération jusqu'au 21 août pour accepter la reprise du travail aux conditions prévues par les sentences arbitrales; sinon, celles-ci seraient annulées. L'AFAP a refusé de prendre cet engagement. Les sentences arbitrales ont été annulées le 21 août 1989, à la suite de quoi les compagnies aériennes ont demandé individuellement à chaque pilote d'accepter de travailler conformément aux dispositions d'un nouveau contrat de travail, ce qu'ils ont refusé de faire.
- 160. A peu près au même moment, la fédération a commencé à se préoccuper du fait que les compagnies aériennes étaient sur le point d'engager une action en vertu de la common law contre elle-même et contre les pilotes à titre individuel. Elle craignait aussi d'éventuelles poursuites pénales (dont la nature n'est pas précisée). Afin d'esquiver ces risques, tous les pilotes (quelque 1.647) ont démissionné le 24 août 1989. Ces démissions étaient parfaitement conformes aux dispositions de leurs contrats de travail.
- 161. A la suite de cette décision, les pilotes ont fait l'objet d'une campagne délibérée d'intimidation et de dénigrement de la part de leurs anciens employeurs et du gouvernement australien. Le gouvernement avait aussi, paraît-il, l'appui du Conseil australien des syndicats (ACTU) dans sa campagne contre l'AFAP. Le 24 août 1989 environ, une action civile a été engagée contre la fédération, ses principaux dirigeants et de "nombreux pilotes à titre individuel". Les intéressés craignaient toujours d'éventuelles poursuites pénales, même si ces poursuites n'avaient pas été engagées. En outre, de nombreux pilotes ont été menacés de ne pas recevoir l'intégralité des indemnités de retraite qui leur étaient dues.
- 162. La démission des membres de l'AFAP avait pratiquement paralysé les vols sur les lignes intérieures. Pour parer à cette situation, le gouvernement a: i) autorisé les compagnies internationales à transporter les passagers sur les lignes intérieures; ii) renoncé à certaines taxes d'aéroport à titre de contrepartie pour que les compagnies aériennes continuent de verser l'intégralité de leurs salaires à toutes les catégories de personnel autres que les pilotes; iii) mis des avions et des équipages de la Royal Australian Air Force (RAAF) à la disposition des compagnies pour assurer des vols civils; iv) modifié la réglementation concernant la formation et les diplômes des pilotes afin de faciliter l'emploi de pilotes étrangers sur les vols jusque-là assurés par les membres de l'AFAP, affaiblissant ainsi la position de la fédération dans le différend; v) fait des déclarations publiques soutenant les compagnies aériennes et dénigrant l'AFAP et ses membres et dirigeants. Selon l'organisation plaignante, les modifications apportées aux règles concernant les brevets des pilotes compromettaient la sécurité dans les transports aériens en Australie, cela pour servir des objectifs économiques et politiques liés au différend entre l'AFAP, d'une part, et le gouvernement et les compagnies aériennes, d'autre part.
- 163. En octobre 1989, l'AIRC a rendu plusieurs sentences arbitrales contraignant les compagnies aériennes à observer certaines conditions d'emploi des pilotes qu'elles emploient, pris individuellement. Dès le 27 octobre 1989, l'AFAP n'était plus partie à ces sentences arbitrales. Toutefois, elle est de nouveau partie à ces sentences arbitrales depuis qu'en mai 1990 elle a donné à la commission des assurances quant à sa conduite future.
- 164. Dans sa communication du 24 janvier 1990, la fédération plaignante déclare que, le 23 novembre 1989, la Cour suprême de l'Etat de Victoria a rendu un arrêt dans l'action de common law engagée par les compagnies aériennes contre l'AFAP et six de ses dirigeants (quatre membres du conseil exécutif et deux gérants des fonds de la fédération). La Cour a estimé que la fédération ainsi que ses six dirigeants devaient verser des dommages et intérêts pour incitation à rupture de contrat, ingérence illicite dans les activités ou les affaires des compagnies aériennes et conspiration par des moyens illicites. Après de nouvelles audiences, au début de l'année 1990, les dommages et intérêts ont été fixés à 6,48 millions de dollars australiens. Les défendeurs ont également été condamnés à payer les dépens des compagnies aériennes.
- 165. La fédération plaignante considère que ces décisions constituent des "représailles" simplement fondées sur son activité syndicale. Si elles se généralisaient, il deviendrait impossible à toute organisation représentative d'engager une action directe, ou à tout salarié d'envisager de participer à une telle action, sans risquer de voir l'employeur les poursuivre en dommages et intérêts devant la justice. Dans les relations entre employeurs et salariés, cela ferait nettement pencher la balance en faveur de l'employeur, ce qui constituerait un retour à l'époque précédant la reconnaissance des droits syndicaux, que l'OIT s'est donné tant de mal pour définir.
- 166. La fédération plaignante déclare que, à la fin de 1989, le gouvernement, pour des raisons "électorales", a modifié son attitude jusque-là très agressive vis-à-vis de l'AFAP. Par exemple, il a recommandé aux compagnies aériennes de ne pas chercher à toucher les dommages et intérêts accordés par la Cour suprême de l'Etat de Victoria. La fédération plaignante considère que ce genre d'attitude, à un stade antérieur du différend, aurait permis d'éviter la situation actuelle.
- Nouvelles communications de l'IFALPA
- 167. Dans une communication ultérieure datée du 11 décembre 1990, la fédération plaignante fournit de nouvelles informations concernant: i) les raisons du différend; ii) l'immigration des pilotes étrangers; iii) les représailles à l'encontre du syndicat et de ses membres; et iv) la reconnaissance de l'AFAP par les compagnies aériennes.
- 168. La fédération plaignante affirme que, si l'on en croit le gouvernement, la question essentielle que pose ce conflit est celle des conséquences qu'auraient pu entraîner les revendications salariales des pilotes sur le fonctionnement de "l'Accord intervenu entre le gouvernement et l'ACTU. En fait, selon elle, des développements récents viennent appuyer l'affirmation de l'AFAP selon laquelle le rejet de ses revendications salariales n'était qu'un prétexte pour la détruire avant la mise en oeuvre de la déréglementation du transport aérien intérieur. Pour appuyer cette thèse, elle indique que: i) seuls l'ACTU et le gouvernement sont parties à l'Accord; ii) la demande d'augmentation salariale de 29,47 pour cent n'a jamais été discutée ou examinée "pour déterminer si elle respectait les directives de l'Accord"; iii) les pilotes employés par Qantas (transporteur international australien) ont bénéficié d'une augmentation de salaires de 18 pour cent, au moment même où l'AFAP réclamait une augmentation de 29,47 pour cent. A cette même époque, les contrôleurs du trafic aérien ont bénéficié d'une augmentation de 20 pour cent, tandis que les juges et les politiciens bénéficiaient d'une augmentation de 30 pour cent; iv) dans les nouvelles sentences arbitrales qui s'appliquent aux pilotes employés par les compagnies aériennes figure un tableau des gains de productivité prévoyant des salaires de 30 à 100 pour cent plus élevés que ceux qui prévalaient avant le différend; et v) l'AFAP a toujours été disposée à discuter d'éventuelles améliorations de la productivité avec les compagnies aériennes et elle a d'ailleurs examiné, en juillet 1989, avec Australian Airlines la possibilité de réduire le nombre de pilotes.
- 169. La fédération plaignante, se référant à ses allégations antérieures selon lesquelles les règles relatives à la formation et à l'obtention du brevet de pilote avaient été modifiées pour faciliter le recrutement de pilotes étrangers, indique que, toujours dans la même optique, l'AFAP s'est également inquiétée de possibles abus en matière de procédure d'immigration. En effet, elle a obtenu une ordonnance des tribunaux en juin 1990, interdisant la délivrance de visas supplémentaires ou l'extension des visas des pilotes étrangers déjà employés en Australie. Or, malgré cette ordonnance, les compagnies aériennes tentent encore de recruter des pilotes étrangers plutôt que de réengager les quelque 700 pilotes australiens qui sont toujours sans emploi après avoir dû démissionner au début du conflit pour éviter de payer des amendes et des dommages et intérêts au titre de l'action engagée en common law. Enfin, la fédération plaignante cite plusieurs lettres et déclarations comme preuve de la participation active du gouvernement aux côtés des compagnies aériennes à leur politique de recrutement à l'étranger.
- 170. La fédération plaignante prétend en outre qu'il existe de plus en plus de preuves que le gouvernement exerce des représailles à l'encontre de l'AFAP "en tentant de persuader des compagnies aériennes étrangères de ne pas recruter ses anciens membres". Cette "persuasion", dans certains cas, a consisté en menaces de retrait des autorisations d'atterrissage en Australie adressées aux compagnies aériennes internationales qui recruteraient des membres de l'AFAP. C'est pourquoi l'AFAP et les pilotes à titre individuel vont intenter des poursuites contre les compagnies aériennes en cause, puisque le non-réengagement des pilotes australiens précédemment impliqués dans le différend est discriminatoire.
- 171. La fédération plaignante affirme également que les médias ont poursuivi leur campagne d'intimidation et de dénigrement à l'encontre de l'AFAP et des pilotes à titre individuel. C'est ainsi que la presse a fait état de menaces de violence non prouvées de membres de l'AFAP contre les équipages étrangers et a accusé les pilotes qui participaient au conflit d'utiliser leurs familles pour attaquer le gouvernement et les compagnies aériennes.
- 172. La fédération plaignante décrit le processus au terme duquel, en mai 1990, l'AFAP est devenue partie aux nouvelles sentences arbitrales relatives à ce secteur. Elle affirme qu'en dépit du fait que la fédération s'est engagée à respecter les décisions de l'AIRC le gouvernement refuse d'admettre que, selon la loi sur les relations professionnelles, la fédération demeure le seul organe représentant les pilotes qui assurent les vols intérieurs en Australie. Les compagnies aériennes ont également refusé de reconnaître la fédération ou de négocier avec elle. En fait, juste avant la décision de la commission de mai 1990, acceptant que l'AFAP soit partie aux nouvelles sentences arbitrales, les compagnies aériennes avaient déposé une requête visant à la priver de sa capacité de représenter les intérêts professionnels des pilotes qu'elles emploient. Cette requête est toujours en instance.
- 173. Les compagnies aériennes, toujours soutenues par le gouvernement, ont encouragé les pilotes à adhérer à des associations du personnel maison ou à la Fédération australienne des personnels du transport (ATOF) (même si ses statuts lui permettent de représenter plutôt le personnel de bureau et le personnel administratif subalterne que les pilotes). Cette attitude constitue un refus flagrant du droit fondamental des pilotes de choisir eux-mêmes l'organe qui les représente. Elle va également à l'encontre de la politique du gouvernement et de l'ACTU qui vise à rationaliser les structures syndicales.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 174. Dans sa communication du 23 janvier 1990, le gouvernement fournit des réponses détaillées aux allégations initiales de la fédération plaignante, à savoir: i) des informations générales sur le système fédéral de relations professionnelles dans le cadre duquel l'AFAP a volontairement décidé de se placer; ii) l'historique de la campagne qui a soulevé les questions sur lesquelles porte la plainte, en rappelant notamment les décisions et constatations de juridictions et de tribunaux indépendants en ce qui concerne les actes de l'AFAP et de ses membres; et iii) des réponses aux allégations spécifiques de la fédération plaignante. Dans sa communication ultérieure du 23 avril 1990, le gouvernement: a) rend compte de l'évolution du différend depuis sa réponse du 23 janvier 1990; b) répond aux nouvelles allégations que l'IFALPA a formulées dans sa communication du 24 janvier 1990; c) fournit des informations supplémentaires au sujet des possibilités que les syndicats non enregistrés ont d'agir en dehors du cadre du système fédéral des relations professionnelles en Australie. Dans sa communication du 4 octobre 1990, le gouvernement fournit des renseignements sur les faits nouveaux qui sont intervenus entre la mi-avril et fin septembre 1990. Ce faisant, il répond aussi aux demandes que le comité lui avait adressées à sa session de mai-juin 1990 (272e rapport, paragr. 8). Dans sa communication la plus récente, le gouvernement fournit des commentaires sur les nouvelles observations de la fédération plaignante et des informations à jour sur les poursuites engagées devant les tribunaux et impliquant l'AFAP et ses membres.
- 175. Le gouvernement explique qu'en Australie la compétence législative en ce qui concerne les relations professionnelles est partagée entre le Commonwealth et les Etats. Le système fédéral a principalement pour base la loi de 1988 sur les relations professionnelles qui, à compter du 1er mars 1989, a remplacé la loi de 1904 sur la conciliation et l'arbitrage, qui était semblable pour l'essentiel. Chaque Etat a aussi adopté sa propre réglementation en la matière. Sur des points de détail, les divers systèmes varient beaucoup mais, en général, ils prévoient tous le recours à la conciliation et à l'arbitrage pour prévenir et régler les différends du travail, et ils attribuent tous un rôle important aux organisations d'employeurs et de travailleurs (le plus souvent, à la condition qu'elles se soient fait enregistrer à titre volontaire).
- 176. Le gouvernement déclare que les chiffres du Bureau australien de statistique montrent que, au 30 juin 1989, il y avait en Australie 299 syndicats, dont 140 (47 pour cent) étaient enregistrés conformément aux dispositions de la loi fédérale. Quant aux autres, ils étaient pour la plupart soit enregistrés, soit (dans l'Etat de Victoria) "reconnus" dans le cadre du système d'un ou plusieurs Etats. Un syndicat peut toutefois exister et représenter effectivement les intérêts professionnels de ses membres même s'il n'est pas enregistré ou "reconnu" conformément aux dispositions de la législation fédérale ou de la législation d'un Etat. De fait, l'AFAP s'est précisément trouvée dans cette situation entre 1959 (année où elle a été créée) et 1986 (année où elle a été enregistrée pour la première fois conformément à la législation fédérale, sa demande d'enregistrement ayant été initialement présentée en 1980). Quant au champ d'application des sentences arbitrales, les chiffres du Bureau de statistique montrent que, pour ce qui est de leurs conditions d'emploi de base, 32,6 pour cent de l'ensemble des salariés d'Australie relèvent de sentences arbitrales fédérales, 49,8 pour cent de sentences de tribunaux d'Etat et 2,6 pour cent de conventions collectives non enregistrées, tandis que 15 pour cent sont couverts par d'"autres moyens" (y compris la négociation individuelle). On voit donc que la participation au système fédéral (ou d'Etat) est réellement volontaire. L'AFAP avait choisi de se faire enregistrer conformément à la législation fédérale et ne fonctionnait que dans cette sphère (le gouvernement souligne aussi que, pour des raisons historiques, il existait, de 1967 à 1989, un tribunal du travail fédéral distinct pour le personnel navigant. Il était constitué d'un membre de l'ancienne Commission australienne de conciliation et d'arbitrage et fonctionnait à peu près de la même façon que cet organisme. Le Tribunal du travail du personnel navigant a été supprimé en 1989 et ses fonctions ont été fusionnées avec celles de l'AIRC, tout cela avant les événements qui font l'objet de la présente plainte).
- 177. L'enregistrement au titre de la loi sur les relations professionnelles confère des avantages substantiels à l'organisation en question, en particulier du point de vue de son statut juridique, de sa sécurité en tant qu'organisation, de l'accès à l'AIRC et de la capacité d'obtenir des sentences arbitrales pour le compte de ses membres et de les faire appliquer. L'enregistrement implique aussi un certain nombre d'obligations, notamment: respecter diverses prescriptions légales visant à assurer le contrôle démocratique des organisations par leurs membres et à protéger les autres intérêts de ceux-ci; notifier à l'AIRC les différends du travail auxquels l'organisation est partie et participer aux procédures de la commission se rapportant à ces différends; et enfin accepter, sous réserve du droit d'introduire des recours en appel, les décisions rendues par l'AIRC au sujet des questions intéressant l'organisation et ses membres. L'organisation qui ne respecte pas les règles de ce système de règlement des différends peut se voir refuser le bénéfice des avantages du système et, en dernier ressort, en être exclue (par l'annulation de son enregistrement).
- 178. Au fil des ans, l'AIRC (et son prédécesseur, la Commission australienne de conciliation et d'arbitrage) a mis au point des procédures très perfectionnées de règlement des différends du travail relevant de sa compétence. Les "sentences arbitrales" sont le résultat de ces procédures. Elles peuvent être rendues à l'issue d'un arbitrage, ou être intégralement ou principalement le produit d'un accord entre les parties au différend. La sentence arbitrale peut énoncer la totalité ou une partie des conditions d'emploi des personnes travaillant pour les employeurs qui y sont partie. Elle peut aussi traiter de toute une gamme de questions de procédure ou de fond, par exemple prévoir l'obligation pour les employeurs de consulter les syndicats qui sont partie à la sentence arbitrale avant d'introduire des progrès technologiques, ou les normes de santé et de sécurité à appliquer sur les lieux de travail. Les sentences arbitrales sont juridiquement obligatoires pour les parties; les infractions à leurs dispositions peuvent entraîner des sanctions et, le cas échéant, la condamnation de l'employeur à verser aux salariés couverts par la sentence arbitrale la rémunération prévue par celle-ci.
- 179. L'AIRC joue aussi un rôle très important dans la vie sociale et économique de la communauté, par l'intermédiaire des "Cas salariaux nationaux" périodiques. A l'occasion de ces cas (qui, d'ordinaire, sont présentés de deux à quatre fois par an), la commission reçoit les conclusions des principales organisations d'employeurs et de travailleurs, des autorités fédérales et des autorités des Etats et des territoires, ainsi que des autres parties en cause. Pour prendre sa décision, l'AIRC doit tenir compte de l'intérêt des employeurs, des travailleurs, de la communauté en général et des bonnes relations professionnelles. Elle est saisie de ces cas par suite de la présentation de demandes d'augmentation des salaires et d'amélioration des conditions d'emploi en vigueur dans un certain nombre de branches qui mettent en cause les sentences applicables dans ces branches. Les parties à d'autres sentences arbitrales peuvent ensuite demander que celles-ci soient modifiées pour tenir compte de la décision de la commission. Normalement, ce réajustement est accordé presque automatiquement mais, ces dernières années, il a été soumis à la condition que le syndicat demandeur s'engage à respecter les Principes salariaux nationaux (qui sont eux-mêmes le résultat de débats tenus dans le cadre du Système salarial national). Il est très inhabituel que les syndicats refusent de prendre l'engagement demandé. S'ils s'y refusent, ils ne peuvent bénéficier des avantages découlant de la décision obtenue dans le cadre du mécanisme des sentences arbitrales. Ils peuvent toutefois chercher à obtenir des avantages similaires (ou supérieurs) par la négociation directe avec les employeurs. D'ordinaire, les employeurs répugnent quelque peu à accorder des augmentations salariales ou d'autres améliorations des conditions d'emploi par cette voie, mais ils ont le droit de le faire s'ils en décident ainsi.
- Différend avec les compagnies aériennes
- 180. Le gouvernement présente des informations qui, selon lui, démontrent que, depuis longtemps déjà, l'AFAP était profondément mécontente du fonctionnement du système fédéral de conciliation et d'arbitrage. Ainsi, le directeur exécutif de la fédération aurait déclaré, en février 1989, dans une des publications de celle-ci (intitulée Deadline 89):
- Nous en sommes maintenant à un stade où il nous faut décider si ce système pourra nous assurer un jour un réel maintien des salaires. Une des principales raisons des arrêts de travail décrétés (pour tenir des réunions entre les responsables syndicaux et les syndicalistes) était de vous informer de la bataille majeure qui s'annonce au cas où le système actuel ne deviendrait pas assez souple et pragmatique pour remédier au glissement de vos salaires réels. Si nous en arrivons là, ce sera un véritable combat, car nous aurons à lutter contre le gouvernement, le système d'arbitrage, les compagnies et tous les intérêts acquis. En nous unissant, nous les pilotes, nous l'avons déjà fait et nous pouvons le faire encore.
- En juillet, une autre publication de la fédération avait affirmé que "le système de relations professionnelles archaïque qui est actuellement celui de notre pays doit être aboli".
- 181. Ce mécontentement à l'égard du système explique ce que le gouvernement considère comme un refus prémédité d'adhérer aux principes énoncés dans la décision nationale sur les salaires du 7 août 1989.
- 182. Quant à l'annulation des sentences arbitrales auxquelles l'AFAP était partie, le gouvernement signale que l'article 187 de la loi de 1988 sur les relations professionnelles permet à l'AIRC, en assemblée plénière, d'annuler ou suspendre une sentence arbitrale lorsqu'elle a constaté:
- - qu'une organisation a enfreint ladite loi, ou une sentence arbitrale ou une ordonnance de l'AIRC; ou
- - qu'un nombre substantiel de membres d'une organisation refuse d'accepter un emploi purement et simplement, ou refuse d'accepter un emploi conforme aux sentences arbitrales et ordonnances en vigueur; ou
- - qu'il existe une autre raison pour laquelle une sentence arbitrale de la commission devrait être annulée intégralement ou en partie.
- 183. Dans sa décision du 19 août 1989, l'assemblée plénière a constaté: i) que l'AFAP encourageait ses membres à refuser d'accepter un emploi conforme aux sentences arbitrales et aux ordonnances alors en vigueur; ii) que, par suite de la consigne donnée par l'AFAP à ses membres, le public subissait un grave préjudice; iii) que l'AFAP appuyait sa campagne par des moyens de pression, contrairement aux instructions données par l'AIRC; et iv) que l'AFAP avait refusé de renoncer aux moyens de pression décidés et de lever les interdictions qu'elle avait prononcées, ou de faire valoir ses revendications conformément aux procédures de conciliation et d'arbitrage prévues par la loi. Ces constatations ont amené la commission à conclure ce qui suit:
- La fédération n'est manifestement pas disposée à accepter ses responsabilités aux termes de la loi et des sentences arbitrales; cela étant, nous n'estimons pas qu'elle doive continuer à bénéficier des avantages qui sont accordés à ses membres du fait qu'elle est partie auxdites sentences arbitrales de la commission.
- 184. Le gouvernement souligne que l'annulation d'une sentence arbitrale ou sa suspension n'a pas d'effets défavorables sur les conditions d'emploi des travailleurs auxquels elle s'appliquait. Ils continuent d'être employés au titre de contrats de travail dont la teneur reste identique aux dispositions pertinentes de la sentence arbitrale annulée. L'annulation n'a d'effet que sur la situation de la fédération, et notamment sur la possibilité pour elle d'obtenir des améliorations des conditions d'emploi par le mécanisme des sentences arbitrales et de faire appliquer les dispositions de la sentence arbitrale en question par les procédures que prévoit la loi sur les relations professionnelles.
- 185. Le gouvernement confirme que, à partir du 23 août 1989, les compagnies aériennes ont refusé d'accepter l'exécution partielle de leurs contrats par les pilotes qu'impliquait leur refus de travailler en dehors de la tranche comprise entre 9 heures et 17 heures. Le 24 août 1989, elles ont commencé à assigner en justice la fédération et certains de ses membres et dirigeants. Le même jour, les pilotes ont démissionné en masse. Ils l'ont fait conformément aux dispositions de leurs contrats de travail. Le gouvernement indique aussi que, toujours en réponse à la "campagne des 9h-17h", les compagnies aériennes envisageaient de licencier les pilotes. Elles en ont bien entendu été empêchées par les démissions en masse du 24 août.
- 186. Ces démissions ont entraîné, pratiquement, l'effondrement des services assurés par les compagnies aériennes, ce qui pouvait avoir de très graves conséquences pour les travailleurs dans d'autres secteurs des transports aériens et pour l'économie nationale. Si elle se prolongeait, l'absence de services aériens risquait de compromettre gravement le bien-être matériel et personnel du public et, dans certains cas, de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé des populations, en particulier dans les régions reculées. C'est ce qui a amené le gouvernement à prendre les mesures mentionnées par la fédération plaignante afin de maintenir les services aériens. Le gouvernement souligne toutefois que: i) la participation des services de la défense a pris fin le 15 décembre 1989; ii) le transport de passagers sur les lignes intérieures par des transporteurs internationaux a pris fin le 31 décembre 1989; iii) la renonciation aux taxes d'aéroport a pris fin, pour l'IPEC, le 8 novembre 1989, et pour les autres compagnies aériennes, le 12 janvier 1990.
- 187. La démission en masse des pilotes a aussi amené les compagnies aériennes à affréter des avions et à engager des équipages en dehors de l'Australie et à publier des avis de vacance de poste pour recruter des pilotes en Australie et à l'étranger. La fédération a réagi en faisant paraître, dans les journaux australiens et dans les revues spécialisées à l'étranger, des avertissements faisant savoir aux pilotes que, s'ils acceptaient un emploi auprès des compagnies aériennes en question, ils se comporteraient en briseurs de grève, et que le règlement du conflit qui interviendrait entre l'AFAP et les compagnies impliquerait leur congédiement. Néanmoins, en mars 1990, les compagnies ont réussi à recruter assez de pilotes pour satisfaire la demande de transport de passagers (qui représentait alors 80 à 88 pour cent de ce qu'elle était l'année précédente). Elles ont aussi réussi à réduire leur dépendance vis-à-vis des avions loués et des équipages engagés à l'étranger. Cela explique qu'il ait été mis fin aux arrangements spéciaux mentionnés au paragraphe précédent.
- 188. Les compagnies aériennes non seulement ont publié des avis pour recruter de nouveaux pilotes, mais elles ont aussi pris contact avec leurs anciens pilotes, individuellement, et ont offert de discuter de leur réengagement sur la base de contrats individuels. Elles ont aussi fait savoir publiquement que, pour autant qu'il existe des vacances de poste appropriées, les anciens pilotes seraient réengagés à des niveaux d'ancienneté équivalant à leur ancien poste, à condition qu'ils en aient fait la demande au plus tard le 22 septembre 1989. Dans sa communication du 4 octobre 1990, le gouvernement indique que la "normalisation" est maintenant pratiquement achevée. Le nombre de passagers et le trafic passagers-kilomètres pour le trimestre se terminant au 30 juin 1990 se sont situés à environ 97 pour cent de leur niveau au trimestre correspondant de 1989. Le dernier appareil affrété à l'étranger a quitté l'Australie vers la fin avril 1990. Au 15 mai 1990, Ansett Airlines et East-West Airlines employaient ensemble 553 pilotes, dont 502 étaient citoyens australiens et 51 citoyens des Etats-Unis. Au 6 août 1990, la compagnie Australian Airlines employait 280 pilotes, dont 51 étrangers et 229 australiens. Dans leur ensemble, les compagnies aériennes emploient quelque 900 pilotes, contre plus de 1.600 avant le début du conflit. Cette diminution du nombre total des pilotes employés par les compagnies résulte d'améliorations qui ont été apportées à la productivité à la suite du différend. Le gouvernement ne peut donner d'informations précises sur la situation professionnelle des 1.647 pilotes qui ont démissionné le 24 août 1989. Cependant, il indique qu'environ 50 pour cent des pilotes actuellement employés par Australian Airlines sont des personnes qui ont été réengagées après leur démission d'août 1989. Le chiffre équivalent pour Ansett Airlines est de 60 pour cent. Il semble que quelque 500 pilotes aient été recrutés par des compagnies internationales; pour les autres, on peut présumer soit qu'ils ont trouvé un autre emploi en Australie, soit qu'ils sont au chômage.
- 189. En octobre 1989, l'AIRC a rendu une série de nouvelles sentences arbitrales prescrivant à chacune des compagnies aériennes d'observer des conditions d'emploi déterminées vis-à-vis des pilotes qu'elles employaient. Ces nouvelles sentences arbitrales différaient de celles qui avaient été annulées en août principalement en ce qu'elles prévoyaient des augmentations de salaire en contrepartie de certaines améliorations de la productivité, avec notamment la suppression d'un système (fondé sur l'ancienneté) d'offres par les pilotes pour l'établissement du tableau de service, et une augmentation du nombre moyen d'heures de vol. Elles en différaient aussi par le fait que l'AFAP n'y était pas partie. La fédération avait participé aux procédures ayant abouti au prononcé des nouvelles sentences arbitrales, mais les compagnies aériennes avaient demandé que, vu les circonstances, elle n'y soit pas partie. L'assemblée plénière de l'AIRC avait fait droit à cette demande mais elle avait toutefois indiqué que la fédération pourrait demander à devenir partie aux sentences arbitrales lorsqu'elle serait disposée à prendre les engagements requis quant à sa conduite à l'avenir.
- 190. Le 12 février 1990, l'AFAP a de nouveau invité l'AIRC à devenir partie aux sentences arbitrales concernant les pilotes. Au cours de la procédure devant la commission, la fédération a indiqué qu'elle acceptait les conditions posées par l'assemblée plénière en octobre 1989. Elle a aussi déclaré qu'elle souhaitait que l'AIRC continue de s'occuper de régler le réengagement des membres de l'AFAP par les compagnies aériennes et le rétablissement des relations avec celles-ci. A la demande de la commission, la fédération a formellement déclaré que, s'il était fait droit à sa demande, elle: i) accepterait toute décision ultérieure de la commission relative à des sentences arbitrales concernant le recrutement des pilotes; ii) renoncerait à toute action, autre que par l'intermédiaire de la commission, visant à empêcher ou décourager les pilotes de prendre un emploi auprès des compagnies; iii) renoncerait à tout harcèlement ou intimidation des pilotes actuellement employés; iv) renoncerait à toute activité de piquet de grève concernant les questions en litige depuis août 1989; et v) ferait connaître largement son changement d'attitude, y compris à l'étranger.
- 191. Les compagnies aériennes s'opposaient à la demande de la fédération. Cependant, la commission a considéré que c'était en permettant à l'AFAP d'être partie aux sentences arbitrales pertinentes que celle-ci "aurait la meilleure chance de restaurer et de préserver des relations harmonieuses dans la branche, de façon équitable tant pour les employeurs que pour les salariés". Toutefois, elle a aussi estimé qu'il y avait "suffisamment de raisons de douter" de la bonne foi de la fédération pour justifier l'adoption de "garanties" permettant de surveiller son comportement. En conséquence, la commission a décrété un moratoire sur la question de la participation à la sentence arbitrale jusqu'au 15 mai 1990. A cette date, la commission a fait droit à la demande de l'AFAP, après avoir constaté que la fédération: i) n'avait pas empêché ses membres de postuler auprès des compagnies aériennes; ii) avait fait des "efforts acceptables" pour empêcher le harcèlement des pilotes qui travaillaient; iii) s'était engagée à demander aux associations existant à l'étranger de lever tous les obstacles qu'elles avaient mis au recrutement des pilotes par les compagnies aériennes.
- 192. Depuis mai 1990, l'AFAP est partie à diverses procédures devant l'AIRC. Il s'agit de demandes tendant à faire modifier les sentences arbitrales qui régissent l'emploi des pilotes, et qui ont été présentées par la fédération et par les compagnies aériennes, et d'une action des compagnies tendant à obtenir que des ordonnances soient rendues au titre de l'article 118 de la loi de 1988 sur les relations professionnelles pour interdire à l'AFAP de représenter les intérêts professionnels des pilotes qu'elles emploient. La fédération a formé un recours devant la Haute Cour de l'Australie contestant la compétence de l'AIRC pour connaître de cette dernière demande. Ce recours n'a pas abouti et la question est encore en instance devant l'AIRC. La fédération a aussi engagé diverses autres procédures judiciaires au lendemain du conflit, y compris une tentative infructueuse de poursuite contre les compagnies aériennes pour "obstruction" à l'encontre de ses responsables, aux termes de l'article 306 de la loi de 1988, et une série complexe de procédures par lesquelles elle a essayé d'empêcher les services de l'immigration d'accorder des visas d'entrée aux pilotes étrangers. Selon le gouvernement, le fait que l'AFAP a pu engager toutes ces procédures ou y participer montre qu'elle n'était en aucun cas privée de la possibilité de représenter les intérêts professionnels de ses membres dans des procédures devant les juridictions appropriées. Si ces procédures ont parfois abouti à des résultats défavorables à la fédération, c'est parce que les arguments invoqués devant les tribunaux n'étaient pas fondés, et non à cause d'un quelconque préjugé intrinsèque contre elle ou de restrictions à ses droits qui auraient été imposées par la loi.
- 193. En ce qui concerne les actions en vertu de la common law intentées contre la fédération et contre certains de ses dirigeants, le gouvernement confirme que la Cour suprême de l'Etat de Victoria a jugé, le 23 novembre 1989, que les défendeurs avaient agi illégalement à divers égards lorsqu'ils avaient lancé la "campagne des 9h-17h" en août 1989. Toutefois, elle a aussi considéré que les intéressés n'avaient pas agi illégalement en organisant la démission en masse des pilotes ou en publiant "l'avertissement aux briseurs de grève" potentiels. Elle a aussi refusé de rendre une ordonnance interdisant à la fédération de publier de tels avis à l'avenir. Après de nouvelles audiences, en février 1990, la Cour suprême a accordé aux compagnies aériennes des dommages et intérêts d'un montant de 6,48 millions de dollars australiens, plus les dépens. Immédiatement après cette décision, les compagnies aériennes ont publié une déclaration indiquant: i) qu'elles ne chercheraient pas à toucher les dommages et intérêts dus à titre individuel par les dirigeants de l'AFAP; ii) qu'elles réservaient leur position quant au paiement effectif des dommages et intérêts auxquels la fédération avait été condamnée; et iii) qu'elles demanderaient le recouvrement intégral de leurs dépens auprès de la fédération. De nouveau, le gouvernement a demandé aux compagnies aériennes de ne pas réclamer l'exécution de la condamnation à des dommages et intérêts. Le 14 mars 1990, l'AFAP a formé un recours contre la décision de la Cour suprême de l'Etat de Victoria. En novembre 1990, elle a présenté les documents nécessaires pour une audition devant l'assemblée plénière de la Cour suprême de l'Etat de Victoria. Toutefois, il n'est pas certain que l'AFAP maintiendra son recours en appel. Si c'est le cas, l'affaire ne sera pas examinée avant le milieu de l'année 1991. En attendant, les compagnies aériennes n'avaient toujours pas pris de mesures pour faire exécuter l'arrêt de la Cour leur accordant des dommages et intérêts ni l'ordonnance les condamnant aux dépens.
- 194. Le gouvernement déclare avoir eu quelque difficulté à comprendre la nature précise des allégations contenues dans les communications de la fédération plaignante d'octobre 1989 et janvier 1990. Il a répondu en partant de l'idée que la plainte concernait: i) le recours aux voies de droit civil et de prétendues menaces de recours aux voies de droit pénal dans le contexte d'un différend du travail; ii) le fait que des pilotes, ayant démissionné, auraient été menacés de se voir privés de certains droits en matière de retraite et autres; iii) le refus des compagnies aériennes de reconnaître l'AFAP comme représentant les pilotes des lignes aériennes intérieures; et iv) le rôle joué par le gouvernement dans le différend. En ce qui concerne ce dernier point, il serait reproché au gouvernement d'avoir: a) soutenu les compagnies aériennes de façon excessive; b) cherché à empêcher les pilotes d'exercer des moyens de pression et usé de représailles vis-à-vis de ceux qui l'ont fait; c) cherché à intimider et avoir dénigré les pilotes et leurs chefs de file; et d) cherché à empêcher l'AFAP de représenter les pilotes et d'engager des négociations collectives pour leur compte (par exemple en intervenant comme il l'a fait dans la procédure devant l'AIRC). Le gouvernement note aussi que la fédération plaignante allègue que l'appel qu'il a adressé aux compagnies aériennes afin qu'elles s'abstiennent de demander le versement des dommages et intérêts qui leur ont été accordés représenterait "un changement d'attitude motivé uniquement par des préoccupations électorales".
- 195. Dans sa réponse à ces allégations, le gouvernement, à titre liminaire, souligne que: i) la demande d'augmentation des salaires présentée par l'AFAP en juillet 1989 a été délibérément faite en dehors du cadre des prescriptions des Principes salariaux nationaux; or ceux-ci s'appliquent à toutes les organisations enregistrées dans le cadre du système fédéral, ils ont été approuvés par une conférence spéciale des syndicats convoquée par l'ACTU et ils ont été formulés par l'AIRC en tenant compte de la situation de l'économie, de l'intérêt général et de l'intérêt respectif des employeurs et des travailleurs. S'il avait été fait droit à cette demande, il est probable que le fonctionnement des Principes salariaux nationaux aurait été en danger, non pas seulement dans les transports aériens, mais aussi dans l'ensemble de l'économie. A l'appui de cette affirmation, le gouvernement mentionne une lettre que l'ACTU a adressée aux compagnies aériennes le 11 août 1989 et dans laquelle elle indique que, si la revendication des pilotes aboutit à un accord en dehors des Principes, il lui faudra s'employer "avec la plus grande énergie à obtenir, pour tous les autres travailleurs des compagnies aériennes, des augmentations égales à celles qui auront été accordées aux pilotes"; ii) le gouvernement juge inacceptable qu'une organisation enregistrée volontairement dans le cadre du système fédéral de relations professionnelles répudie ses obligations au titre de ce système, comme l'AFAP l'a fait en l'occurrence; et iii) le gouvernement estime que la campagne lancée par l'AFAP et ses membres a causé un grave préjudice à la collectivité et à l'économie nationale.
- 196. En ce qui concerne son rôle dans le différend, le gouvernement refuse d'admettre que, dans une situation conflictuelle aussi lourde de conséquences, il ait été en quoi que ce soit inique ou injustifié de sa part de faire des déclarations publiques prônant le recours aux procédures de conciliation et d'arbitrage, soutenant les compagnies aériennes dans leur refus d'accéder aux exigences de la fédération et critiquant l'AFAP et ses membres pour avoir présenté les revendications en question et s'être engagés dans une campagne de désorganisation des relations professionnelles. Le gouvernement refuse également d'admettre que ces actes soient contraires aux principes de la liberté syndicale.
- 197. En ce qui concerne son intervention dans la procédure auprès de l'AIRC, le gouvernement souligne qu'il peut légalement demander l'autorisation d'intervenir dans toute procédure devant la commission et qu'il a aussi le droit d'intervenir sans autorisation, dans l'intérêt public, dans la procédure en assemblée plénière de la commission. En tant qu'intervenant, toutefois, sa situation ne diffère en rien de celle de toute autre partie qui a demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir. La commission est entièrement libre de décider du poids qu'elle accordera aux conclusions ou aux preuves présentées par un intervenant. Dans le cas présent, le gouvernement a jugé nécessaire d'intervenir étant donné l'importance des questions en cause.
- 198. De même, le gouvernement considère que les mesures qu'il a prises pour assurer le fonctionnement des lignes aériennes intérieures étaient justifiées par l'importance que ces services revêtent pour le bien-être social et économique de la collectivité, étant donné surtout que l'Australie est un pays très vaste et à faible densité de population.
- 199. Le gouvernement rejette totalement l'allégation selon laquelle la sécurité aurait été compromise par les mesures qui ont été prises pour faire venir de l'étranger des pilotes, des avions et des équipages. A l'appui de son assertion, il mentionne le rapport d'une commission d'enquête parlementaire indépendante qui a conclu, en décembre 1989, que la sécurité des transports aériens n'avait pas été compromise par les modifications qui avaient été apportées aux méthodes d'exploitation en raison du conflit.
- 200. La location aux compagnies aériennes d'avions et de personnel navigant des forces de défense était justifiée par la nécessité de desservir des régions géographiques éloignées qui ne pouvaient l'être de façon adéquate, ou ne pouvaient pas l'être du tout, par d'autres moyens.
- 201. Le gouvernement nie avoir essayé d'empêcher les pilotes d'engager une action ou avoir usé de représailles contre ceux qui l'avaient fait. Il considère s'être comporté de façon responsable en exhortant l'AFAP et ses membres à agir conformément aux principes et procédures du système dans le cadre duquel la fédération est enregistrée. La situation dans laquelle la fédération et ses membres se sont trouvés par la suite est uniquement la conséquence de leurs actes.
- 202. Le gouvernement refuse également d'admettre qu'il ait essayé d'intimider les pilotes ou qu'il les ait dénigrés. Il ne comprend pas qu'on puisse l'accuser d'avoir agi ainsi. Il est exact qu'il a fait des déclarations publiques et soumis à l'AIRC des conclusions qui critiquaient les revendications de l'AFAP et de ses membres, ainsi que la campagne menée par eux, et qu'il a rejeté publiquement la position de l'AFAP selon laquelle les qualifications professionnelles des pilotes et la nature de leur travail justifieraient qu'ils bénéficient d'un traitement d'exception par rapport aux autres travailleurs. Le gouvernement souligne que l'AIRC a formulé des conclusions allant dans le même sens. En conséquence, il estime que sa conduite à cet égard ne peut raisonnablement être considérée comme visant à intimider les pilotes ou à les dénigrer.
- 203. Le gouvernement nie aussi avoir cherché à empêcher l'AFAP de participer à des négociations collectives pour le compte de ses membres. A l'appui de cette affirmation, il cite une déclaration publique du Premier ministre, en date du 16 novembre 1989, concernant l'attitude du gouvernement vis-à-vis de l'AFAP qui précisait:
- Le gouvernement souhaite réitérer fermement sa position en ce qui concerne, premièrement, le droit des pilotes employés par les compagnies d'aviation d'être représentés par le syndicat de leur choix et, deuxièmement, la possibilité pour ces derniers de chercher, en présentant des offres dans ce sens, à faire apporter des modifications aux contrats en vigueur.
- Mon gouvernement a toujours admis que les pilotes employés par les compagnies d'aviation peuvent être représentés par le syndicat de leur choix. Il défend par principe le droit de ces employés d'être représentés par des syndicats.
- La question de savoir quel syndicat représente les pilotes employés par les deux compagnies d'aviation (Ansett et Australian) relève des pilotes eux-mêmes.
- Les anciens pilotes qui envisagent de se faire réengager ne doivent se faire aucun souci quant à leur droit d'être représentés par un syndicat et, manifestement, il existe des procédures établies permettant à un syndicat qui représente les pilotes employés par les compagnies d'aviation de faire valoir ses arguments dans l'élaboration de la sentence arbitrale.
- 204. Le gouvernement souligne aussi que, dans sa décision du 23 novembre 1989, la Cour suprême de l'Etat de Victoria a rejeté expressément l'allégation de la fédération selon laquelle les compagnies aériennes et le gouvernement auraient provoqué le conflit dans le cadre d'un plan visant, notamment, à écarter l'AFAP en tant que représentante des pilotes de ce secteur. Les éléments de preuve soumis à la Cour montrent clairement que l'AFAP elle-même se préparait au moins depuis février 1989, ou même avant, à un conflit majeur.
- 205. En ce qui concerne les conséquences de la démission en masse des pilotes le 24 août 1989, le gouvernement souligne que: i) si, techniquement, l'AFAP restait alors partie à un différend avec les compagnies aériennes (conformément au système fédéral de relations professionnelles, un syndicat enregistré peut créer un différend auquel il est partie en son nom propre en présentant des revendications relatives à des personnes qui remplissent les conditions requises pour s'affilier), il n'en allait pas de même pour ses membres. En effet, ils avaient volontairement démissionné de leur emploi et ne pouvaient donc être considérés comme participant à une grève ou à d'autres moyens de pression contre les compagnies aériennes; ii) il a été jugé que l'AFAP ne représentait pas les pilotes actuellement employés par les compagnies aériennes et que ces pilotes ne souhaitaient pas être représentés par elle; iii) il n'y a pas d'obstacle à ce que les pilotes actuellement employés par les compagnies aériennes s'affilient à l'AFAP s'il le souhaitent et, en pareil cas, à ce que l'AFAP représente leurs intérêts; et iv) l'AFAP a eu plusieurs possibilités de faire valoir ses revendications par la procédure de conciliation et d'arbitrage mais, avant mars 1990, elle ne s'en est jamais prévalue. Depuis la décision de l'AIRC du 15 mai 1990, l'AFAP est de nouveau partie aux sentences arbitrales applicables aux pilotes employés par les compagnies aériennes, et elle est en cause dans diverses procédures devant la commission. La demande que les compagnies ont présentée aux termes de l'article 118 de la loi pour interdire à l'AFAP de représenter les pilotes à leur service se fonde sur divers motifs, notamment le fait que "la très grande majorité des pilotes employés par les demandeurs (c'est-à-dire les compagnies) est vivement opposée à ce que l'AFAP représente leurs intérêts professionnels". Cela est confirmé par le fait que les pilotes en question ont constitué des "associations du personnel", ou se sont affiliés à de telles associations, lesquelles ont conclu des accords avec un autre syndicat enregistré à l'échelon fédéral en vue de lui confier la représentation de leurs intérêts. Cette demande est encore en instance devant l'AIRC. Comme pour les autres difficultés avec lesquelles la fédération s'est trouvée aux prises, ce problème est uniquement la conséquence de ses actes.
- 206. En ce qui concerne l'action de common law engagée devant la Cour suprême de l'Etat de Victoria, le gouvernement souligne qu'elle n'a été intentée qu'après que l'AFAP eut: i) refusé de se conformer aux instructions de l'AIRC enjoignant de ne pas effectuer d'arrêts de travail; ii) refusé de mettre fin à la "campagne des 9h-17h"; iii) encouragé ses membres à ne pas travailler aux conditions prévues par les sentences arbitrales et ordonnances en vigueur; et iv) refusé de faire valoir ses revendications conformément à la procédure de conciliation et d'arbitrage prévue par la loi au titre de laquelle elle a librement choisi de se faire enregistrer. Il faut noter que la cour a constaté que les réunions autorisant la "campagne des 9h-17h" non seulement ont eu lieu après que l'AIRC eut donné pour instructions de ne pas exercer de moyens de pression, mais aussi ont été convoquées d'une façon qui n'était pas conforme aux règles de la fédération elle-même.
- 207. La responsabilité de l'AFAP et de ses dirigeants tient principalement au fait que, en participant à la "campagne des 9h-17h", les pilotes ont agi d'une façon qui constituait une rupture de leur contrat de travail. Ceux qui les ont amenés à agir ainsi pouvaient donc être poursuivis en responsabilité civile quasi délictuelle pour "incitation à une rupture de contrat". Les défendeurs pouvaient aussi être poursuivis en responsabilité civile quasi délictuelle pour "ingérence illégale dans les activités ou les affaires" des compagnies aériennes et pour "conspiration par des moyens illicites". Les "moyens illicites", dans ces cas, consistaient dans le fait d'avoir incité les pilotes à rompre leur contrat de travail et dans le fait que la fédération avait été impliquée dans des violations de l'article 312 de la loi de 1988 sur les relations professionnelles. Aux termes de cet article, une organisation liée par une sentence arbitrale, qui agit de façon à inciter à la boycotter, commet une infraction (punissable d'une amende pouvant aller jusqu'à 500 dollars australiens). Le but de la disposition est de protéger le système de conciliation et d'arbitrage en faisant en sorte que les organisations enregistrées conformément à la loi de 1988 ne tournent pas cette loi en incitant leurs membres à ne pas respecter les sentences arbitrales rendues par l'AIRC. La Cour a manifestement considéré que cet article avait été violé (encore qu'il n'y ait pas eu de poursuites effectives au sujet d'une telle infraction) et qu'il s'agissait là de "moyens illicites" susceptibles d'engager une responsabilité quasi délictuelle pour "ingérence illégale dans les activités ou les affaires" d'autrui et pour "conspiration par des moyens illicites".
- 208. Le gouvernement déclare qu'il n'est pas favorable à ce qu'on utilise le droit civil comme moyen normal de résoudre les différends du travail ou de mettre fin à des moyens de pression. Il considère toutefois que, dans le cas présent, les compagnies aériennes se sont trouvées dans une situation où les procédures civiles constituaient le seul recours effectif par rapport au comportement de l'AFAP et de ses membres et dirigeants. Ces procédures auraient été inutiles si la fédération avait été disposée à faire valoir ses revendications auprès de l'AIRC.
- 209. Le gouvernement souligne aussi: i) que les compagnies aériennes n'ont pas donné suite aux actions qu'elles avaient engagées contre les pilotes à titre individuel (en dehors des six dirigeants de la fédération); ii) qu'elles ont fait savoir qu'elles ne chercheraient pas à toucher les dommages et intérêts auxquels ces six dirigeants syndicaux ont été condamnés; et iii) que le Premier ministre a de nouveau lancé publiquement un appel aux compagnies aériennes pour qu'elles ne réclament pas le paiement des dommages et intérêts auxquels la fédération a été condamnée. Le gouvernement nie que cette dernière initiative obéisse à des considérations politiques: elle procède de l'idée qu'il ne servirait à rien de toucher ces dommages et intérêts alors que les activités des compagnies aériennes sont en train de reprendre progressivement leur cours normal et que les relations professionnelles entre les quatre compagnies et l'AFAP vont pouvoir être renouées; iv) à ce jour, les compagnies n'ont demandé l'exécution ni de l'arrêt de la Cour condamnant la fédération à des dommages et intérêts ni des ordonnances relatives aux dépens.
- 210. Le gouvernement relève que la fédération plaignante ne fournit pas de renseignements sur les prétendues menaces de poursuites pénales qui auraient été formulées contre la fédération ou ses membres ou dirigeants. Il déclare néanmoins catégoriquement qu'il n'a à aucun moment essayé ou menacé d'utiliser les moyens du droit pénal à propos de l'action entreprise par l'AFAP et ses membres. Il faut toutefois noter qu'au cours de la procédure devant l'AIRC diverses déclarations ont été faites selon lesquelles les pilotes actuellement employés par les compagnies aériennes auraient reçu des menaces de violence. S'il était établi que quiconque ait agi à cet égard d'une façon qui constitue une infraction pénale, le gouvernement estime que les voies de recours normales du droit pénal devraient être mises en oeuvre. Or, jusqu'à présent, aucune preuve en ce sens n'a été produite.
- 211. En ce qui concerne les allégations de la fédération plaignante concernant le versement de sommes dues au titre de la retraite ou à d'autres titres aux pilotes ayant démissionné, le gouvernement croit comprendre que tous les pilotes précédemment employés par les compagnies aériennes ont touché l'intégralité de leur dû. Les statuts de la caisse de retraite des anciens pilotes d'Ansett permettaient, il est vrai, la retenue de prestations dans certains cas de faute ou de négligence, mais il apparaît que cette disposition n'a pas été appliquée dans le cas présent. Quant aux anciens pilotes qui ont réintégré les compagnies aériennes, ils ont pu choisir entre deux solutions: garder les prestations qui leur avaient déjà été versées et s'affilier à une nouvelle caisse pour l'ensemble des pilotes, ou rembourser ces prestations et se réaffilier à leur ancienne caisse. Dans sa dernière communication, le gouvernement indique qu'un certain nombre de pilotes ont intenté des recours, ou envisagent de le faire, contre leurs anciens employeurs à propos du montant des prestations qui leur sont dues au titre de la retraite. Il s'agit de réclamations portant sur des droits individuels et non de tentatives de pression systématiques sur la fédération ou ses membres.
- 212. Le gouvernement considère que la plainte relative au prétendu refus des compagnies aériennes de reconnaître l'AFAP comme représentante des pilotes est dénuée de fondement. A l'appui de cette affirmation, il souligne ce qui suit: i) aucune mesure n'a été prise contre l'AFAP en ce qui concerne le maintien de son enregistrement comme organisation de travailleurs au titre de la loi sur les relations professionnelles; ii) aucune atteinte n'a été portée aux droits ou aux compétences que l'AFAP possède conformément à ses statuts tels qu'ils sont enregistrés, non plus qu'à sa capacité, en tant qu'organisation enregistrée, de présenter des revendications en ce qui concerne les salariés remplissant les conditions requises pour s'affilier; iii) à tout moment, l'AFAP avait pleinement accès auprès de l'AIRC pour trouver une solution à la situation dans laquelle elle s'était elle-même placée; iv) l'annulation des sentences arbitrales auxquelles l'AFAP était partie et le prononcé de nouvelles sentences arbitrales concernant les conditions d'emploi dans la branche auxquelles elle n'était pas partie initialement ont été l'aboutissement d'une procédure devant une juridiction indépendante, l'AIRC, où l'AFAP avait toutes possibilités de se faire entendre; v) l'AFAP était pleinement reconnue comme représentant les pilotes employés par les compagnies aériennes avant les démissions en masse; vi) ultérieurement, l'AIRC a conclu que l'AFAP ne représentait plus les pilotes actuellement employés par les compagnies aériennes et que ceux-ci ne souhaitaient pas être représentés par elle; vii) au cours de la procédure devant l'AIRC, les compagnies aériennes se sont opposées à ce que l'AFAP soit admise comme partie aux nouvelles sentences arbitrales; viii) l'AIRC a néanmoins indiqué que, pour autant qu'elle satisfasse à certaines prescriptions concernant sa situation en tant qu'organisation enregistrée, l'AFAP avait la possibilité de demander à devenir partie aux nouvelles sentences arbitrales; c'est ce qui s'est effectivement produit à la suite des engagements que la fédération a pris auprès de la commission en mars 1990; ix) le gouvernement a affirmé à maintes reprises au cours du différend qu'il appartenait à l'AFAP de décider si elle entendait accepter ses obligations en tant qu'organisation enregistrée et chercher à renouer, de façon appropriée, ses relations professionnelles avec les compagnies aériennes; x) les fonctions de l'AFAP en tant qu'organisation enregistrée, en ce qui concerne les pilotes d'autres secteurs des transports aériens, n'ont pas été affectées et elle est restée partie aux sentences arbitrales en question durant tout le conflit.
- Nouvelle communication de l'IFALPA
- 213. Le gouvernenent a envoyé, le 15 janvier 1990, une réponse détaillée à la nouvelle communication présentée par la fédération plaignante. Il observe que les points soulevés dans cette communication ne font que développer plus en détail des questions qu'elle avait déjà posées ou qui en sont proches. Le gouvernement note également que les nombreuses allégations figurant dans la communication de l'IFALPA, du 11 décembre 1990, sont soit trompeuses, soit incorrectes.
- 214. Le gouvernement rejette catégoriquement l'analyse de la fédération plaignante quant à ses motivations dans ce différend. Sa préoccupation essentielle a toujours été que la demande d'augmentation salariale de 29,45 pour cent soit examinée dans le cadre des prescriptions des Principes salariaux nationaux. Il n'existe pas de plan dont l'objectif avoué aurait été la disparition de l'AFAP. La fédération plaignante a déformé la nature et les effets de l'Accord, qui est un accord entre le gouvernement et l'ACTU et qui ne peut pas lier l'AIRC constitutionnellement. La commission énonce des principes salariaux nationaux après avoir examiné les conclusions de toutes les parties intéressées. A aucun moment l'AFAP n'a tenté d'intervenir dans le processus national de fixation des salaires, elle en a accepté les principes et elle a donc obtenu des augmentations de salaire jusqu'à son expulsion de l'AIRC en 1989, conformément à la procédure de règlement des différends établie par la loi sur les relations professionnelles. En mai 1990, l'AFAP a affirmé qu'elle acceptait de nouveau les principes et la compétence de la commission.
- 215. Les augmentations de salaire des pilotes de la compagnie aérienne Qantas, des pilotes des lignes aériennes, des contrôleurs du trafic aérien que mentionne la fédération plaignante ont toutes été fixées conformément aux principes salariaux nationaux. Les augmentations de salaire des juges et des politiciens sont régies par une législation différente mais n'ont été accordées par le tribunal compétent qu'après avoir été jugées compatibles avec les Principes salariaux nationaux.
- 216. Le gouvernement rejette les assertions selon lesquelles sa politique concernant l'immigration de pilotes étrangers aurait violé, en quelque manière que ce soit, les principes de la liberté syndicale. Il nie également qu'il y ait eu abus en la matière, mais il souligne que l'AFAP a engagé des poursuites pour contester la validité légale de certains aspects de cette politique. Ces poursuites sont toujours en instance. L'ordonnance du tribunal auquel la fédération plaignante fait allusion est un arrêt en référé qui ne préjuge pas du fond. Elle ne constitue donc pas une approbation de la position de la fédération.
- 217. Il est faux d'affirmer que les compagnies aériennes continuent de recruter des pilotes à l'étranger. Australian Airlines n'a pas recruté de pilotes étrangers depuis le 21 mars 1990, et depuis la fin de 1989 Ansett Airlines n'a pas offert de contrats à des personnes qui auraient besoin de l'accord du gouvernement pour travailler en Australie.
- 218. Le gouvernement relève que la fédération plaignante n'a fourni aucune preuve à l'appui de ces affirmations selon lesquelles il aurait exercé des représailles contre l'AFAP en persuadant les compagnies aériennes étrangères de ne pas recruter ses anciens membres. Le gouvernement nie avoir exercé des représailles, de quelque nature que ce soit, contre l'AFAP ou ses membres. Il souligne également que l'article 334 de la loi sur les relations professionnelles dispose que le fait pour un employeur de refuser d'engager une personne parce qu'elle a été dirigeant, délégué ou membre d'un syndicat enregistré ou d'une organisation d'employeur constitue un délit.
- 219. En ce qui concerne les prétendus dénigrements et intimidations qui auraient été formulés dans les médias, le gouvernement déclare qu'il respecte l'indépendance des médias, qu'il n'intervient pas et qu'il ne se mêle pas de leur politique. Il tient également à souligner que la fédération et ses membres disposent de plusieurs voies de recours légales pour obtenir réparation s'ils estiment avoir été traités de façon injuste par les médias.
- 220. En ce qui concerne le refus allégué du gouvernement et des compagnies aériennes de reconnaître l'AFAP, le gouvernement estime qu'il est erroné d'affirmer, sans réserves, que, "selon la loi sur les relations professionnelles, la fédération demeure la seule organisation représentant les pilotes des lignes intérieures australiennes". Il est vrai que dans ses statuts l'AFAP déclare expressément représenter les pilotes de lignes intérieures, ce qui lui permet d'invoquer la juridiction de l'AIRC pour tout ce qui touche à ces pilotes et lui donne le droit d'être partie aux sentences arbitrales. Toutefois, la loi de 1988 n'interdit pas que les intérêts professionnels des pilotes salariés soient représentés par d'autres organes compétents. Ainsi, par exemple, l'AIRC a-t-elle reconnu le droit de l'ATOP à représenter les pilotes salariés et lui a permis d'intervenir dans les procédures où l'AFAP tente d'obtenir des modifications des sentences arbitrales en vigueur. L'AIRC a également accepté que des groupes individuels de pilotes soient représentés auprès d'elle. En outre, les conclusions déposées par les pilotes indiquent qu'ils sont opposés à ce que l'AFAP représente leur intérêt professionnel.
- 221. En ce qui concerne le refus allégué des compagnies aériennes de reconnaître ou de négocier avec l'AFAP, le gouvernement souligne que, selon l'article 119 de la loi sur les relations professionnelles, toute organisation syndicale enregistrée qui ne peut obtenir des avancées lors de négociations avec un employeur a la possibilité de faire appel à la juridiction de l'AIRC, y compris à son pouvoir de convoquer impérativement des réunions. Actuellement, l'AFAP est en procès dans un certain nombre de procédures qui sont en instance devant la commission. Certaines de ces affaires ont été initiées par la fédération, d'autres par les compagnies aériennes.
- 222. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les compagnies aériennes encouragent activement leurs pilotes à adhérer à l'ATOF ou à des associations du personnel "maison", le gouvernement ne peut que réaffirmer sa position d'où il ressort que c'est aux pilotes eux-mêmes qu'il appartient de déterminer le syndicat auquel ils souhaitent adhérer. Il ajoute qu'il n'a pas connaissance de cas où des pressions aient été exercées contre des pilotes, comme l'a prétendu la fédération plaignante, et déclare que Ansett et Australian Airlines nient toutes les deux avoir exercé de telles pressions.
- 223. En conclusion, le gouvernement affirme que les difficultés concrètes que l'AFAP continue de rencontrer ne sont que la conséquence directe de sa politique menée en 1989. Toutefois, il convient de noter que, en tant qu'organisation enregistrée, l'AFAP a la possibilité de participer librement aux procédures de l'AIRC relatives à l'industrie du transport aérien et d'y exercer tous ses droits et recours. C'est par une utilisation légitime de ces procédures que l'AFAP, comme toutes les autres organisations enregistrées, pourra rétablir et maintenir une place appropriée dans cette industrie. Si l'AFAP n'avait pas violé la procédure en 1989 malgré les obligations qui étaient les siennes en tant qu'organisation syndicale enregistrée, aucun des problèmes soulevés par l'IFALPA aujourd'hui ne se poseraient. Le gouvernement déclare que sa participation au différend a été motivée par deux considérations essentielles:
- - premièrement, il estimait que le différend devait être résolu avec méthode et efficacité, conformément aux procédures prévues par la loi fédérale sur les relations professionnelles et aux Principes salariaux nationaux énoncés par l'AIRC, de façon à disposer ainsi d'une base appropriée sur laquelle l'emploi des pilotes des transports aériens intérieurs puisse désormais se fonder; et
- - deuxièmement, il avait conscience qu'il lui incombait d'aider à maintenir et à rétablir les services des compagnies aériennes sur les lignes intérieures, pour essayer de limiter la désorganisation que le différend causait dans l'économie, l'emploi des travailleurs des compagnies aériennes et des autres branches touchées et la vie commerciale et sociale nationale en général, et d'empêcher autant que possible qu'un préjudice grave ne soit causé à la vie, à la santé ou à la sécurité des personnes dans la population.
- En poursuivant ces objectifs, le gouvernement a agi de façon responsable, dans l'intérêt public et en pleine conformité de ses obligations au titre des conventions nos 87 et 98. En conséquence, il estime que la plainte présentée par l'IFALPA est dénuée de fondement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 224. La plainte a pour origine un différend du travail long et complexe touchant les transports aériens intérieurs en Australie. Les allégations de la fédération plaignante tournent pour l'essentiel autour de deux problèmes principaux: le fait que le gouvernement et les compagnies aériennes auraient empiété sur le droit de l'AFAP de représenter librement les intérêts de ses membres, et le déni du droit de la fédération et de ses membres d'exercer des moyens de pression pour protéger et promouvoir leurs intérêts professionnels légitimes.
- 225. Les informations fournies par le gouvernement montrent que les conditions essentielles d'emploi de quelque 32 pour cent de la main-d'oeuvre australienne sont réglementées dans le cadre du système fédéral de conciliation et d'arbitrage. Le fonctionnement du système fédéral, comme celui de presque tous les systèmes existant au niveau des Etats, est en grande partie fondé sur l'enregistrement des organisations d'employeurs et de travailleurs. L'enregistrement est volontaire, mais il confère aux organisations des avantages très substantiels en ce qui concerne la protection juridique de leur sécurité en tant qu'organisation, et l'accès aux procédures de prévention et de règlement des différends du travail par la voie de la conciliation et de l'arbitrage sous les auspices de l'AIRC. Le droit à ces avantages est soumis à un certain nombre de conditions, dont les plus importantes sont d'adhérer à des normes déterminées de contrôle démocratique des organisations enregistrées et de se conformer aux ordonnances et aux sentences arbitrales rendues par l'AIRC. Quelque 47 pour cent des syndicats australiens ont choisi de se faire enregistrer conformément à la législation fédérale. La grande majorité des autres est enregistrée conformément à la législation des Etats.
- 226. Dans le cadre législatif institué par la loi de 1988 sur les relations professionnelles (et la loi de 1904 sur la conciliation et l'arbitrage qui l'a précédée), un système très élaboré de fixation des salaires à l'échelle nationale s'est développé. Ce système est centré sur l'examen périodique de "Cas salariaux nationaux". Il s'agit, formellement, de demandes visant à faire modifier les sentences arbitrales en vigueur dans divers secteurs clés. Avant de prendre sa décision dans ces cas, l'AIRC examine les conclusions présentées par toutes les parties intéressées - y compris les syndicats (d'ordinaire, par l'intermédiaire de l'ACTU), les employeurs et les pouvoirs publics (autorités fédérales et autorités des Etats et territoires). Elle est aussi tenue de prendre en considération les intérêts des employeurs et des travailleurs en général, et ceux de l'ensemble de la population (articles 3 c) et 90 b) de la loi de 1988 sur les relations professionnelles). Les avantages découlant des décisions rendues dans les Cas salariaux nationaux se répercutent en principe sur toutes les autres sentences arbitrales relevant du système fédéral et, par l'intermédiaire des Cas salariaux d'Etat, sur les sentences arbitrales rendues à ce niveau également. Ces dernières années, l'AIRC (comme son prédécesseur, la Commission australienne de conciliation et d'arbitrage) a eu pour pratique d'adopter et de réviser périodiquement un ensemble de directives connu sous le titre de "Principes salariaux nationaux". La faculté de bénéficier des décisions nationales concernant les salaires est soumise à la condition que le syndicat intéressé prenne l'engagement de ne faire valoir aucune revendication professionnelle autrement que conformément à ces principes. Le refus de prendre (ou d'honorer) cet engagement signifie que le syndicat et ses membres ne pourront bénéficier des avantages découlant de la décision par l'intermédiaire des procédures prévues par la loi de 1988 sur les relations professionnelles. Le syndicat reste toutefois libre de faire valoir ses revendications par la négociation collective en dehors du système, s'il le souhaite.
- 227. L'AFAP ne s'était fait enregistrer aux termes de la loi précédant la loi de 1988 qu'en 1986. Cependant, elle avait participé pendant de nombreuses années au système fédéral de réglementation des questions professionnelles (par l'intermédiaire du Tribunal du travail du personnel navigant). Elle semble avoir été de plus en plus mécontente du fonctionnement du système du point de vue de la protection des revenus réels de ses membres. En conséquence, en août 1989, elle a refusé de prendre l'engagement de ne pas présenter de "revendications supplémentaires", qui était une des conditions préalables pour pouvoir bénéficier de la décision rendue par la commission le 7 août de cette même année. Elle a choisi, au contraire, de présenter des revendications beaucoup plus importantes en dehors du cadre du système fédéral de conciliation et d'arbitrage. Il semble que, légalement, elle était parfaitement dans son droit en décidant d'adopter cette ligne de conduite. Toutefois, ce faisant, elle s'est en fait fermé l'accès aux procédures de règlement des différends prévues par la loi de 1988. Les décisions ultérieures de l'AIRC ont clairement précisé que cet accès lui serait rouvert lorsqu'elle serait prête à se conformer aux normes du système, ce qui s'est effectivement produit en mai 1990.
- 228. Face à la décision de la fédération de se retirer du système de fixation des salaires, les compagnies aériennes ont refusé de participer à des négociations collectives autrement que dans le cadre des paramètres prévus par les Principes salariaux nationaux alors en vigueur. Les employeurs, eux aussi, semblent avoir été parfaitement dans leur droit au regard de la loi en agissant ainsi. En outre, le gouvernement fédéral les y a encouragés.
- 229. Le comité ne considère pas qu'on puisse voir dans ces événements une violation des principes de la liberté syndicale. L'enregistrement au titre de la loi de 1988 est facultatif. L'AFAP avait choisi de se faire enregistrer et d'accepter les avantages qui en découlent. Le comité considère qu'il est parfaitement raisonnable que la législation et l'AIRC exigent l'adhésion aux normes du système de conciliation et d'arbitrage à titre de contrepartie pour ces avantages. Cela ne semble nullement incompatible avec les garanties prévues par les articles 2 et 3 de la convention no 87 et par l'article 4 de la convention no 98. Les travailleurs peuvent constituer le syndicat de leur choix et s'y affilier. Ce syndicat peut ensuite choisir, s'il le souhaite, de se faire enregistrer au titre de la loi fédérale. Il peut aussi se faire enregistrer au titre de la législation d'un ou de plusieurs Etats, ou ne pas se faire enregistrer. Qu'il soit enregistré ou non, il peut élaborer ses programmes en toute liberté. Il peut aussi participer à des négociations collectives libres. Si ces négociations ont lieu dans le cadre de la loi sur les relations professionnelles, les résultats doivent être conformes aux Principes salariaux nationaux en vigueur. Si elles ont lieu en dehors du cadre législatif, les parties peuvent s'entendre comme elles le veulent. Dans le cas présent, les employeurs, soutenus par le gouvernement, ont refusé de participer à des négociations collectives autrement que conformément aux Principes énoncés par la commission. Le comité n'a pas compétence pour formuler une opinion quant au point de savoir s'il était souhaitable ou non d'adopter cette attitude. En revanche, il a compétence pour déterminer si, ce faisant, les employeurs ou le gouvernement ont agi d'une façon qui n'était pas conforme aux principes de la liberté syndicale.
- 230. Face au refus des employeurs de négocier sa demande d'augmentation de 29,7 pour cent, la fédération a décidé d'engager une action directe sous la forme de la "campagne des 9h-17h". Cette action visait manifestement à entraîner une grave désorganisation des activités des compagnies aériennes, et elle a atteint son but. Le 23 août 1989, après plusieurs jours de perturbations, les employeurs ont fait savoir qu'ils n'étaient pas disposés à accepter cette exécution partielle du contrat de travail des pilotes et qu'ils exigeaient que ceux-ci effectuent leur service conformément aux dispositions de leur contrat. Ils ont aussi engagé des poursuites en vertu de la common law contre l'AFAP et contre un certain nombre de ses membres et dirigeants. Pour désamorcer cette réaction des employeurs, les pilotes ont démissionné en masse le 24 août 1989, apparemment parce que leurs conseillers juridiques leur avaient indiqué que cela réduirait pour eux les risques de poursuites en dommages et intérêts par les voies de la common law.
- 231. On peut considérer, d'un côté, que ces démissions en masse ont mis fin au différend du travail entre les pilotes et les compagnies aériennes. Les pilotes n'ont pas rompu leurs contrats de travail, comme cela aurait été le cas si, par exemple, ils s'étaient mis en grève ou avaient résilié leur relation d'emploi autrement que conformément aux conditions de leurs contrats et des sentences arbitrales applicables. Ils n'ont pas fait non plus l'objet d'un lock-out de la part de leurs employeurs. Ils ont au contraire choisi de démissionner, conformément à l'avis de conseillers juridiques indépendants. Au cours de leur action en dommages et intérêts contre la fédération et six de ses dirigeants, les compagnies aériennes ont soutenu que cette décision de démissionner en masse constituait, en vertu de la common law, une "conspiration pour porter préjudice". La Cour suprême de l'Etat de Victoria a rejeté cet argument dans son arrêt du 23 novembre 1989. Elle a toutefois décidé que: i) les réunions qui avaient autorisé l'AFAP à lancer la "campagne des 9h-17h" n'avait pas été convoquées conformément aux propres règles de la fédération; ii) la "campagne des 9h-17h" était illégale en vertu de l'article 312 de la loi sur les relations professionnelles, aux termes duquel tout acte visant à inciter au "boycottage" d'une sentence arbitrale constitue une infraction; iii) la mise en oeuvre de la campagne avait entraîné la rupture des contrats de travail des membres de la fédération. Sur la base des ces éléments, la Cour a estimé que la fédération et ses dirigeants: a) avaient usé de "moyens de conspiration illicites"; b) s'étaient ingérés de façon illicite dans "les activités ou les affaires" des compagnies aériennes; c) avaient, de façon illicite, incité les membres de l'AFAP qui avaient participé à la "campagne des 9h-17h" à rompre leurs contrats de travail. Ils pouvaient donc être condamnés à verser des dommages et intérêts aux compagnies aériennes pour les pertes que celles-ci avaient subies du fait de leurs actes illicites.
- 232. Le comité a toujours considéré que le droit de grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 363.) Il en découle que, pour déterminer s'il y a eu ou non violation des principes de la liberté syndicale dans le présent cas, il faut d'abord déterminer si la "campagne des 9h-17h" et les démissions collectives des membres de l'AFAP constituaient un exercice légitime du droit de grève comme moyen de promouvoir et de défendre les intérêts économiques et sociaux des pilotes.
- 233. Pour ce qui est de la "campagne des 9h-17h", le comité estime que, en l'espèce, elle ne peut être considérée comme telle. A l'appui de cette conclusion, il rappelle que, aux termes de l'article 8 1) de la convention no 87, dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la convention, "les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus ... de respecter la légalité", tandis que l'article 8 2) dispose que "la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la (...) convention". Dans le cas présent, l'AFAP a engagé sa campagne au mépris direct des instructions d'une juridiction (l'AIRC) à la compétence de laquelle elle s'était volontairement soumise. Elle a aussi, de l'avis de la Cour suprême de Victoria, enfreint l'article 312 de la loi de 1988. Cette dernière disposition apparaît au comité comme un moyen légitime de chercher à protéger l'intégrité des procédures de conciliation et d'arbitrage prévue par ladite loi. Il s'ensuit que, au regard de l'article 8, la fédération n'a pas "respecté" des lois elles-mêmes compatibles avec les garanties prévues par la convention, ce qui, inévitablement, enlève à la "campagne des 9h-17h" le caractère d'un exercice légitime du droit de grève.
- 234. Il n'en demeure pas moins que l'AFAP et six de ses dirigeants ont été condamnés à des dommages et intérêts d'un montant élevé pour des actes qui, en d'autres circonstances, auraient été considérés comme un exercice légitime du droit de grève. Ces actes, en l'espèce, n'ont pas ce caractère. Le comité rappelle néanmoins qu'il a toujours considéré que le développement de relations professionnelles harmonieuses pourrait être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs de sanctions sévères, en particulier de sanctions pénales, pour faits de grève. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 440.) Le comité considère que, dans le cas présent, il serait conforme à l'esprit de ce principe que les compagnies aériennes suivent la suggestion du gouvernement de ne pas réclamer l'exécution de la décision condamnant la fédération à des dommages et intérêts. Il note que celles-ci n'ont, en fait, pris aucune mesure pour réclamer l'exécution de cette décision. Il invite le gouvernement à poursuivre ses efforts pour persuader les compagnies aériennes de s'en tenir à cette position.
- 235. Le comité note que, dans les considérants détaillés de son arrêt, la Cour suprême de l'Etat de Victoria a mentionné les commentaires de divers auteurs qui ont suggéré que la portée de la responsabilité civile quasi délictuelle pour incitation à rupture de contrat est telle que tous les syndicats et dirigeants syndicaux australiens qui appellent des syndicalistes à la grève pourraient, sur cette base, être poursuivis en dommages et intérêts et faire l'objet de demandes d'injonction en vertu de la common law. La Cour a déclaré: "Ce n'est pas à nous de dire si c'est là une bonne ou une mauvaise chose, mais, si cela n'est pas souhaitable, il appartient au Parlement d'y remédier."
- 236. Le comité ne saurait considérer avec équanimité un ensemble de règles juridiques qui: i) semble traiter virtuellement tout moyen de pression comme une rupture de contrat de la part de ceux qui y ont participé; ii) expose tout syndicat ou dirigeant syndical qui aura incité à cette rupture de contrat à des poursuites en dommages et intérêts pour les pertes que l'employeur aura pu subir en conséquence de leur action; iii) permet à l'employeur confronté à une telle action de demander aux tribunaux d'interdire le début (ou la poursuite) de la conduite illicite. L'effet cumulé de ces dispositions semble être de priver les travailleurs de la possibilité de faire grève légalement pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 363.) En conséquence, le comité estime qu'il serait approprié de signaler cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 237. En ce qui concerne les démissions collectives des pilotes le 24 août 1989, le comité est convaincu que, dans certains cas, cette action doit être considérée comme un exercice du droit de grève, aux fins de l'application des principes de la liberté syndicale. Cependant, au vu des circonstances particulières du cas présent, le comité considère que la démission des pilotes le 24 août 1989 ne peut être valablement considérée comme un exercice du droit de grève, aux fins de l'application des principes de la liberté syndicale.
- 238. Le comité note que les pilotes ont démissionné conformément aux dispositions de leurs contrats de travail après un avis juridique indépendant. Lors de leur démission, ils ont réclamé et reçu la totalité des sommes auxquelles ils avaient droit au titre de la retraite. Puis, ils ont clairement manifesté qu'ils ne travailleraient pour les compagnies aériennes que sur la base de nouveaux contrats de travail aux conditions qu'ils stipuleraient. Le comité estime que ces éléments montrent bien que les pilotes considéraient avoir mis un terme à leurs contrats de travail avec les compagnies aériennes. Ce n'est pas au comité de décider si cette démission constituait une ligne de conduite prudente, légalement et professionnellement, mais il est clair qu'en agissant de la sorte les pilotes entendaient mettre un terme à leurs contrats de travail.
- 239. Il apparaît également très clairement que les compagnies aériennes considéraient, elles aussi, que la relation d'emploi avec leurs pilotes était rompue. A la demande des pilotes, elles ont versé la totalité des sommes dues au titre de la retraite. Elles ont immédiatement commencé à chercher, en Australie comme à l'étranger, des pilotes pour les remplacer. Il est vrai qu'elles ont proposé de réembaucher les pilotes qui accepteraient d'être engagés sur la base d'un contrat individuel et, que dans certains cas, elles l'ont effectivement fait. Qualitativement, cependant, cette situation est différente de celle qui s'imposerait dans une grève dite "normale" où la participation à une grève peut soit suspendre, soit rompre le contrat de travail des travailleurs concernés, mais où les deux parties, employeurs comme travailleurs, supposent qu'à la fin du conflit les grévistes retourneront au travail sur la base de leur ancien contrat de travail (peut-être amendé pour tenir compte du règlement du conflit). Cette situation est également qualitativement différente des situations où l'employeur licencie des travailleurs pour les pénaliser d'avoir participé à une grève ou d'avoir eu recours à tout autre moyen de pression.
- 240. Il s'ensuit que la réponse des employeurs et du gouvernement à la démission collective des pilotes ne constituait pas, dans le cas présent, une violation des principes de la liberté syndicale se rapportant à l'exercice du droit de grève. C'était plutôt une tentative de limitation des conséquences sociales, professionnelles et économiques de l'action des pilotes.
- 241. La fédération plaignante n'a pas fourni de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle la décision des pilotes de démissionner était en partie motivée par la crainte de poursuites pénales. Le gouvernement nie avoir menacé les intéressés de poursuites à quelque moment que ce fût. Dans ces conditions, le comité considère que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 242. La fédération plaignante n'a pas non plus produit de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle certains pilotes auraient été menacés de ne pas toucher l'intégralité des sommes auxquelles ils avaient droit au titre de la retraite après leur démission. Le gouvernement indique qu'un certain nombre de pilotes ont entamé des poursuites ou envisagent de le faire contre leur ancien employeur parce qu'ils contestent le montant des indemnités de retraite qui leur a été versé. Cette constatation s'explique par des situations personnelles, bien spécifiques, des individus concernés et non par une quelconque volonté d'exercer des pressions indirectes sur la fédération ou ses membres en retenant une partie des indemnités de retraite. En conséquence, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
- 243. Dans sa communication du 11 décembre 1990, la fédération plaignante prétend qu'il existe de plus en plus de preuves que le gouvernement a exercé des représailles à l'encontre de l'AFAP en menaçant de retirer leur licence d'atterrissage en Australie aux compagnies étrangères qui recruteraient d'anciens membres de l'AFAP. La fédération plaignante n'a fourni aucune information allant dans ce sens au comité et le gouvernement nie que cela soit vrai. Dans ces conditions, le comité ne peut que conclure que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
- 244. La fédération plaignante a également présenté une nouvelle communication sur les origines du différend, l'immigration de pilotes étrangers et le refus des compagnies aériennes de reconnaître que l'AFAP représente les intérêts des pilotes. Le gouvernement a fourni des observations détaillées sur chacun de ces points. Le comité considère que ces allégations, ainsi que les observations du gouvernement, démontrent amplement que l'AFAP a désormais pleinement recouvré sa capacité de participer au système de conciliation et d'arbitrage, établi par la loi de 1988 sur les relations professionnelles, même si sa représentativité est considérablement affaiblie depuis les événements d'août 1989. Toutefois, selon le comité, aucune des nouvelles questions soulevées par la fédération plaignante ne révèle une quelconque violation des principes de la liberté syndicale.
- 245. Enfin, le comité note que, même si rien n'a été fait jusqu'ici pour demander l'exécution de la condamnation à des dommages et intérêts prononcée contre l'AFAP et certains de ses dirigeants, la décision rendue en novembre 1989 par la Cour suprême de l'Etat de Victoria subsiste. Il note aussi que l'AFAP a formé un recours contre cette décision. En conséquence, il prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation en ce qui concerne cet aspect de la plainte. Il prie aussi le gouvernement de le tenir informé du résultat des diverses procédures en instance devant l'AIRC dans lesquelles l'AFAP est actuellement en cause, et en particulier du résultat de l'action que les compagnies ont engagée au titre de l'article 118 de la loi de 1988 sur les relations professionnelles afin de voir la fédération privée du droit de représenter les intérêts professionnels des pilotes qu'elles emploient.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 246. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que les allégations de la fédération plaignante concernant: i) le refus de reconnaître le droit des pilotes à négocier collectivement avec les compagnies aériennes, par l'intermédiaire de l'AFAP, sans l'intervention du gouvernement; ii) le refus de reconnaître le droit de l'AFAP et de ses membres d'entamer des actions conformes aux principes de la liberté syndicale; iii) les menaces de poursuite pénale; iv) les retenues sur les indemnités de retraite; et v) les représailles exercées par le gouvernement à l'encontre de l'AFAP et de ses membres, n'appellent pas un examen plus approfondi.
- b) Le comité est préoccupé de la portée de la responsabilité civile qui semble encourue en vertu de la common law en Australie, en cas de grève; il signale cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- c) Rappelant que le développement de relations professionnelles harmonieuses pourrait être entravé par une attitude inflexible quant à l'imposition de sanctions sévères aux travailleurs qui participent à une grève, le comité estime que le gouvernement devrait persévérer dans ses efforts pour persuader les compagnies aériennes de ne pas réclamer les 6,48 millions de dollars australiens de dommages et intérêts que la Fédération australienne des pilotes de l'air et six de ses dirigeants ont été condamnés à leur verser par la Cour suprême de l'Etat de Victoria.
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation en ce qui concerne: i) l'exécution de la décision condamnant l'AFAP et ses dirigeants à des dommages et intérêts; ii) le résultat du recours formé par la fédération contre la décision de la Cour suprême de l'Etat de Victoria; et iii) la procédure engagée par les compagnies au titre de l'article 118 de la loi sur les relations professionnelles.