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- 47. Par une communication en date du 29 juin 1990, le Syndicat national des marins (National Union of Seamen (NUS)) a soumis une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Royaume-Uni. Le gouvernement a adressé ses observations concernant ces allégations dans une communication en date du 16 janvier 1991.
- 48. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Contexte législatif
A. Contexte législatif- 49. En vertu de la "Common Law", les grèves et la plupart des autres formes d'action de revendication constituent des violations portant rupture des contrats de travail. Cela signifie qu'en principe l'employeur peut décider de considérer que la relation d'emploi a tout simplement pris fin. Dans la pratique, cela n'arrive que rarement. Néanmoins, il n'est pas inhabituel, surtout en cas de différends prolongés, que les employeurs préviennent officiellement des travailleurs en grève que, s'ils n'ont pas repris le travail à une date déterminée, leur emploi sera considéré comme ayant pris fin (en termes techniques, cela signifie que l'employeur "acceptera" la "violation portant rupture" comme ayant mis fin au contrat). En vertu de la "Common Law", un employeur qui prend une telle décision est entièrement dans son droit.
- 50. La loi de 1971 sur les relations professionnelles a été la première à introduire la notion de "congédiement non justifié" dans le droit britannique. En d'autres mots, ce texte a accordé aux salariés le droit de ne pas faire l'objet d'un "congédiement inéquitable" de la part de leur employeur. Cette protection a été reprise dans la loi de 1974 sur les syndicats et les relations professionnelles, et se retrouve maintenant dans la loi de 1978 sur la protection de l'emploi (codification), dans sa teneur modifiée.
- 51. L'article 26 de la loi de 1971 prévoit que, lorsque le motif ou le motif principal du congédiement est qu'un salarié a participé à une grève ou à une autre action dans le domaine du travail, le congédiement n'est pas considéré comme "inéquitable", sauf s'il est démontré qu'un ou plusieurs salariés au service du même employeur ont également participé à pareille action et qu'ils n'ont pas été congédiés de ce fait, ou encore qu'un ou que plusieurs des salariés ayant été congédiés du fait qu'ils avaient participé à pareille action ont reçu une offre de réengagement à la fin de ladite action, alors que le salarié devenu partie requérante n'en a pas reçu. En d'autres termes, si tous les salariés qui ont participé à une grève ou à toute autre action de revendication ont été licenciés et n'ont pas reçu d'offre de réengagement, aucun d'entre eux ne peut prétendre avoir été congédié de façon inéquitable aux termes de la loi. Néanmoins, si quelques participants à la grève ou à une autre action de revendication n'ont pas été congédiés ou, si après l'avoir été, ils ont reçu une offre de réengagement, alors, ceux qui ont été licenciés et qui n'ont pas bénéficié d'une offre de réengagement peuvent engager une action en justice pour licenciement inéquitable. L'article 25 de la loi accorde une certaine protection aux salariés à qui une offre de réengagement n'a pas été faite à la fin d'un lock-out.
- 52. Les articles 25 et 26 de la loi de 1971 sont à la base de l'article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi qui, dans sa teneur modifiée, est encore en vigueur.
- 53. L'article 62 a été modifié par l'article 9 de la loi de 1982 sur l'emploi:
- - en premier lieu, en prévoyant que les travailleurs licenciés ne peuvent invoquer un réengagement discriminatoire que si un ou plusieurs travailleurs ont reçu une offre de réengagement avant la fin des trois mois commençant à la date du licenciement du requérant;
- - en second lieu, en prévoyant que le groupe auquel il convient de se référer pour établir le traitement discriminatoire est celui qui est composé des membres du personnel qui prenaient part à l'action à la date du licenciement du requérant.
- Le premier de ces amendements a eu pour effet d'autoriser le réengagement discriminatoire pour autant que l'employeur laisse passer un délai de trois mois après les licenciements avant de proposer de réengager l'un quelconque des grévistes. Il ressort du deuxième amendement que les grévistes qui ont repris le travail pendant une grève ne peuvent pas faire partie du groupe de référence auquel se rapportent les travailleurs ayant été licenciés ultérieurement pour avoir participé à cette même grève.
- 54. La loi de 1978 a été modifiée à nouveau par l'article 9 de la loi de 1990 sur l'emploi qui a inséré une nouvelle disposition, l'article 62 A, immédiatement après l'article 62. Cet amendement a pour objet de retirer la protection que l'article 62 accordait aux travailleurs ayant été licenciés pour avoir participé à une grève "non autorisée" ou toute autre action de revendication "non autorisée". Selon l'article 62 A, paragraphe 2:
- Un salarié est censé avoir participé à une grève ou à une autre action de revendication "non autorisée", sauf
- a) s'il est membre d'un syndicat et que l'action a été autorisée ou appuyée par ce syndicat; ou
- b) s'il n'est pas membre d'un syndicat mais qu'il y avait parmi ceux qui participaient à l'action de revendication des membres d'un syndicat ayant autorisé ou appuyé cette action.
- Etant entendu qu'une grève ou toute autre action de revendication ne sera pas considérée comme étant "non autorisée" s'il n'y a aucun travailleur syndiqué parmi les participants.
- 55. Par suite de l'insertion de l'article 62 A, il a fallu modifier l'article 62 en conséquence. Les dispositions pertinentes de cet article sont maintenant libellées comme suit:
- 1) Les dispositions du présent article exercent leurs effets à l'égard d'un travailleur (le requérant) qui affirme avoir été congédié sans juste motif alors qu'à la date du congédiement:
- a) l'employeur avait déclaré ou était sur le point de déclarer un lock-out; ou
- b) le requérant prenait part à une grève ou autre action directe.
- 2) En pareil cas, le tribunal du travail ne se prononcera pas sur le point de savoir si le congédiement était justifié ou injustifié à moins qu'il n'ait été établi:
- a) qu'un ou plusieurs travailleurs qu'il est pertinent de considérer et que le même employeur a à son service n'ont pas été congédiés; ou
- b) qu'un quelconque travailleur de cette sorte a reçu, avant la fin des trois mois commençant à la date du congédiement dudit travailleur, une offre de réengagement alors que le requérant n'a pas reçu de pareille offre.
- ...
- 4) Dans le présent article:
- a) par "date du congédiement", il faut entendre:
- i) lorsque le contrat de travail est dénoncé au moyen d'un préavis: la date à laquelle le préavis a été donné par l'employeur;
- ii) dans tous les autres cas: la date effective de la cessation de service;
- b) par "travailleur qu'il est pertinent de considérer", il faut entendre:
- i) en rapport avec un lock-out: les travailleurs qui étaient directement concernés par le conflit en prévision ou dans le cadre duquel le lock-out a eu lieu;
- ii) en rapport avec une grève ou une autre action syndicale: les membres du personnel de l'établissement qui prenaient part à l'action à la date du licenciement du requérant;
- l'"établissement" au sens du sous-alinéa ii) s'entend de l'établissement de l'employeur où le requérant est employé ou auquel il est rattaché;
- c) toute référence à une offre de réengagement est une référence à une offre de réengagement (faite soit par l'employeur primitif, soit par successeur dudit employeur ou par un employeur associé) soit dans l'emploi que le travailleur occupait immédiatement avant la date du congédiement, soit dans un emploi différent qu'il n'est pas déraisonnable de considérer comme lui convenant.
- 5) Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à un salarié qui, aux termes de l'article 62 A ci-dessus, n'a aucun droit d'invoquer un congédiement injustifié; néanmoins, rien dans cet article ne porte sur la détermination de ceux qui sont des travailleurs qu'il est pertinent de considérer en rapport avec un salarié auquel les dispositions du présent article sont effectivement applicables.
- B. Allégations de l'organisation plaignante
- 56. Dans sa communication du 29 juin 1990, le Syndicat national des marins (National Union of Seamen (NUS)) demande que "l'article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, soit déclaré contraire aux conventions et aux principes de l'OIT et soit à ce titre condamné". Le syndicat fonde ses critiques de l'article 62 sur le congédiement de 2.000 de ses membres survenu à la suite d'un différend avec un des principaux armateurs de ferry-boats assurant la traversée de la Manche, la société P & O European Ferries (Dover) en 1987 et en 1988.
- Description du conflit du travail
- 57. En décembre 1987, la société a engagé des discussions avec le syndicat au sujet de la nécessité de réorganiser ses activités afin de pouvoir concurrencer le tunnel sous la Manche qui doit être inauguré en 1993. Le syndicat a été d'accord pour participer à ces discussions dans le cadre des "procédures de réclamation" qui avaient été mises au point en accord avec la société en 1986.
- 58. Le 4 décembre 1987, sans aucun préavis et en violation absolue des procédures de réclamation, la société a adressé à tous ses salariés une lettre les prévenant que les conventions en vigueur allaient être fortement modifiées afin d'obtenir d'importantes réductions du coût de la main-d'oeuvre tout en maintenant des normes élevées de sécurité et d'efficacité opérationnelle. Dans cette lettre, elle donnait trois mois aux intéressés pour ce faire et exposait trois objectifs majeurs en demandant que des commentaires lui soient adressés.
- 59. Le 9 décembre 1987, le NUS s'est déclaré préoccupé par la hâte avec laquelle la société semblait vouloir introduire les changements envisagés. En outre, le 11 décembre, le secrétaire général du NUS a écrit à la P & O demandant le retrait du préavis de trois mois notifié le 4 décembre afin que des discussions puissent avoir lieu sans qu'une date d'expiration soit fixée préalablement. Au milieu de décembre 1987, les parties ont engagé des discussions préliminaires au sujet de ce préavis, mais n'ont abouti à aucune solution.
- 60. Au milieu de janvier 1988, tous les membres du NUS ont été appelés à participer à un scrutin pour décider de l'opportunité de négociations. Le résultat du scrutin a été favorable à des négociations. Des réunions entre la société et le NUS se sont poursuivies pendant tout le mois de janvier, mais peu de progrès ont été réalisés.
- 61. Le 1er février 1988, bien que le secrétaire de la section locale du NUS ait assuré que les membres n'engageraient aucune action à l'appui d'un différend n'ayant aucun rapport avec eux et opposant le NUS à une autre entreprise de transport maritime (Isle of Man Steam Packet Company), la P & O a obtenu une injonction ordonnant au syndicat et à ses fonctionnaires de s'abstenir d'inciter à une action secondaire à l'appui des membres du conflit avec la société Isle of Man Steam Packet Company. Le 2 février, à l'occasion d'une réunion que tenaient le comité de négociations et la société, la P & O a avisé tous les intéressés de l'injonction obtenue et l'a signifiée à tous ceux qui étaient présents. Les négociations ont été interrompues et un scrutin de grève a été organisé à l'occasion duquel une majorité écrasante s'est déclarée en faveur d'une telle action. A partir du 3 et du 4 février 1988, il y a eu un arrêt de travail motivé par le fait que l'attitude de la société avait entraîné la rupture des négociations. Quelque 2.000 membres du syndicat ont participé à cet arrêt de travail.
- 62. Des négociations en vue de la reprise du travail ont été engagées; elles se sont poursuivies jusqu'en mars sans succès. Le 15 mars, la société a adressé des lettres de licenciement à tous les marins tout en leur offrant un réengagement à de nouvelles conditions radicalement différentes de celles qui étaient alors en vigueur. On a appelé ces conditions le "livre bleu". La société donnait à tous les marins un délai d'une semaine (jusqu'au 23 mars) pour accepter les nouvelles conditions. Pendant ce temps, le Service consultatif de conciliation et d'arbitrage, organisme indépendant, est intervenu et de nouvelles négociations ont été engagées; elles ont abouti au retrait des propositions du livre bleu et à l'établissement de nouvelles propositions connues sous le nom de "livre rouge".
- 63. Le 14 avril 1988, les conditions du livre rouge ont été diffusées auprès de tous les marins qui ont eu jusqu'au 20 avril pour les accepter. La majorité des membres du syndicat NUS n'ayant pas accepté l'offre du livre rouge à l'expiration du délai, le 25 avril, la P & O a commencé à envoyer des avis de licenciement aux salariés.
- 64. Tout au long du mois de juin, la société a commencé, après une vaste campagne de recrutement de main-d'oeuvre non syndiquée, à remettre en navigation ses divers navires, alors même que le différend et l'action de revendication "autorisés" se poursuivaient. Une minorité de membres du NUS ont progressivement repris le travail au cours des mois suivants, période pendant laquelle la société a démissionné de la Fédération britannique des transports maritimes (principal organisme employeur de cette branche d'activité). Elle a continué à recruter une main-d'oeuvre non syndiquée et a retiré sa reconnaissance au NUS aux fins de la négociation collective. Le 9 juin 1989, le syndicat a officiellement mis fin au différend qui opposait ses membres et la P & O.
- 65. Selon l'organisation plaignante, environ 800 des 2.000 travailleurs ayant été licenciés en avril 1988 auraient par la suite accepté les nouvelles conditions que la société leur offrait. Le syndicat a déposé des plaintes en congédiement injustifié au nom de 1.025 des quelque 1.200 membres qui n'ont pas été réengagés.
- 66. La première plainte concernait M. Byrne. Lors de la première audience, la société a soutenu que, puisqu'elle avait licencié tous les salariés grévistes, le tribunal du travail n'avait pas, aux termes de l'article 62 2) a) de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, compétence pour examiner le cas. M. Byrne a fait valoir qu'un "travailleur qu'il est pertinent de considérer" n'avait pas été licencié. La société a alors demandé que le salarié en question soit désigné. M. Byrne a refusé de le faire alléguant que l'employeur pourrait alors licencier ce travailleur entraînant de ce fait l'application de l'article 62 2) a). Le tribunal du travail ainsi que le tribunal d'appel de l'emploi ont estimé que l'employeur n'avait pas le droit de connaître l'identité du "travailleur qu'il est pertinent de considérer". Cette décision a été infirmée par la Cour d'appel qui a refusé à M. Byrne l'autorisation de recourir à la Chambre des Lords. D'après l'organisation plaignante, cette décision de la Cour d'appel a eu pour effet d'autoriser la société, à n'importe quel moment de la procédure devant le tribunal, de connaître l'identité du "travailleur qu'il est pertinent de considérer", qu'elle pourrait alors licencier, se prévalant ensuite de ce fait de la protection de l'article 62 2) a). Bien que la communication de l'organisation plaignante ne soit pas absolument claire à ce sujet, il semble que, à la lumière de cette décision judiciaire, le syndicat ait estimé qu'il n'aboutirait à rien en maintenant ses recours au titre de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi dans sa teneur modifiée. Il a donc décidé de saisir l'OIT de la question.
- Allégations précises
- 67. L'organisation plaignante allègue que l'article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, dénie aux travailleurs qui ont été congédiés pendant qu'ils participaient à une action de revendication la possibilité de recourir à une procédure légale. En conséquence, cet article sape le droit de grève et, partant, doit être considéré comme incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 68. Elle critique les amendements apportés en 1982 à l'article 62 pour les motifs suivants: i) ils permettent à l'employeur de licencier tous les travailleurs restant en grève, même si quelques-uns de leurs collègues ont repris le travail. Selon l'organisation plaignante, cela encourage les employeurs à émettre des ultimatums dans des situations comme celle qui s'est présentée lors du conflit à la P & O; ii) en cas de réengagement sélectif, ils ne permettent aux salariés n'ayant pas été réengagés d'invoquer un congédiement injustifié que si les salariés réengagés ont été réintégrés dans les trois mois suivant le congédiement.
- 69. L'organisation plaignante allègue également que les propositions contenues dans le projet de loi de 1989 sur l'emploi, soumis au Parlement (qui depuis est devenu la loi de 1990 sur l'emploi), réduisent encore la protection limitée qu'assurait l'article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, par l'adjonction d'un nouvel article 62 A. Elle s'oppose à ces propositions pour les raisons suivantes: i) elles refusent toute protection contre le licenciement injustifié aux salariés ayant été congédiés pour avoir participé à une grève ou à toute autre action de revendication "non autorisée"; ii) elles prévoient que la détermination du caractère "autorisé" ou "non autorisé" doit se faire en se référant aux faits au moment du congédiement (article 62 A 4)). L'organisation plaignante estime que cela "donnerait lieu à des décisions discrétionnaires des tribunaux qui ne pourraient aucunement faire l'objet d'un recours"; iii) elles entravent l'autonomie syndicale en établissant une présomption (réfutable) d'"autorisation" par un syndicat lorsqu'une action de revendication a été autorisée par un responsable de ce syndicat qui ne fait pas partie de ses salariés ou par un groupe de personnes comprenant un responsable du syndicat (article 62 A 3)); iv) elles refusent toute protection contre des procès en dommages et intérêts engagés en vertu de la "Common Law" et contre des injonctions interdisant le recours à une action de revendication engagée entièrement ou partiellement pour protester contre des congédiements sélectifs encourus en application de l'article 62 A (article 9 2) de la loi de 1990).
- 70. A l'appui de ses allégations, l'organisation plaignante se réfère de façon détaillée: i) aux décisions précédentes du comité telles qu'elles ont été relevées dans le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985; ii) aux instruments normatifs de l'OIT, et notamment aux conventions nos 87 et 98 et à la convention (no 158) sur le licenciement, 1982; iii) aux critiques de l'article 62 formulées par la Commission pour l'application des conventions et recommandations en 1989 (Conférence internationale du Travail, 76e session, 1989, rapport III (Partie IV A), pages 234-235); iv) à un certain nombre d'instruments internationaux concernant les droits de l'homme, et notamment à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, à la Convention européenne des droits de l'homme de 1950, à la Charte sociale européenne de 1961 et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.
- C. Réponse du gouvernement
- 71. Dans sa réponse, le gouvernement déclare qu'à son avis rien dans sa législation sur l'emploi - qui comprend l'article 62 et les dispositions qui s'y rapportent dans ce qui est actuellement la loi de 1990 sur l'emploi - n'est incompatible avec les garanties accordées par les conventions internationales du travail que le Royaume-Uni a ratifiées. Le gouvernement estime que l'allégation d'incompatibilité présentée par le NUS est infondée et il considère que le comité devrait rejeter la plainte.
- Différend
- 72. Le gouvernement observe que le compte rendu du différend qui oppose les membres du NUS à la P & O est à la fois partial et incomplet; il poursuit en corrigeant ce qu'il estime être des distorsions ou des omissions. Ainsi, il convient, d'après lui, de tenir compte des perceptions et des motivations de l'employeur à l'égard des questions qui ont donné lieu à ce différend. Il importe également de garder présent à l'esprit le fait que le syndicat et ses membres avaient librement choisi d'engager une action de revendication contre la P & O. Ils en avaient parfaitement le droit. Mais ils n'en avaient pas moins d'autres possibilités d'action. Par exemple, chaque marin aurait pu démissionner face à ce qu'il estimait être une tentative de son employeur de modifier unilatéralement ses conditions d'emploi, puis alléguer avoir fait l'objet d'un "licenciement implicite" au sens des dispositions de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée.
- 73. Le gouvernement fait aussi observer que les procédures de réclamation acceptées par le NUS et la société n'avaient pas légalement force exécutoire. Il s'ensuit que l'employeur n'agissait pas de façon illégale en refusant de respecter les dispositions de ces accords. De la même façon, le syndicat n'aurait pas agi de façon illégale s'il avait choisi de ne pas tenir compte des dispositions de ces accords. Il n'y a donc "aucune raison pour que, dans ces conditions, le syndicat ait pu s'attendre à ce que l'employeur agisse comme si les dispositions des accords étaient légalement exécutoires - surtout si les conditions du moment avaient changé -, mais la plainte laisse entendre que cela aurait été là une présomption réaliste".
- 74. Le gouvernement note qu'à première vue la référence faite par l'organisation plaignante à la décision de l'employeur de demander une injonction interdisant le recours à une action "secondaire" illégale semble n'avoir aucune pertinence dans le cas en question. Néanmoins, la déclaration faite par la suite par l'organisation plaignante selon laquelle la grève avait été engagée parce que "l'attitude de la société avait entraîné la rupture des négociations" (soulignement du gouvernement) donne à penser au gouvernement que la principale raison de la grève était que l'employeur avait exercé son droit d'empêcher des violations potentielles de la loi nationale liées à un conflit différent.
- Article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée
- 75. En ce qui concerne l'effet de l'article 62, le gouvernement se réfère à sa réponse aux observations de la commission d'experts de 1989 à propos de l'article 62. (Ces observations avaient également été communiquées au Comité de la liberté syndicale en date du 2 octobre 1989 en liaison avec le cas no 1439 (Royaume-Uni).) (Cette plainte a été retirée avant d'avoir été pleinement examinée par le comité - voir 268e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration à sa 244e session, novembre 1989, paragr. 9.) Le gouvernement fait notamment observer qu'au Royaume-Uni la loi assure effectivement une certaine protection contre le licenciement de ceux qui participent à une action de revendication ou l'organisent, mais qu'il y a de nombreuses et importantes différences de structure, entre la législation britannique du travail et celle des autres pays. Ainsi: i) la loi britannique interdit expressément à un tribunal d'ordonner à un employé en grève quel qu'il soit, et dans quelques circonstances que cela soit, d'honorer son contrat d'emploi et de reprendre le travail (article 16 de la loi de 1974 sur les syndicats et les relations professionnelles). Cette interdiction s'applique même dans des situations qui peuvent être considérées comme mettant en cause "la sécurité de l'Etat" ou en cas d'"état de siège"; ii) une protection statutaire ("immunité") est assurée contre les poursuites judiciaires que les employeurs ou des tiers auraient pu autrement engager pour éviter ou sanctionner un appel à une action de revendication entravant l'exécution de contrats (aux termes de l'article 13 de la loi de 1974). Cette protection est garantie, que les effets de l'action de revendication soient ou ne soient pas en proportion avec la nature de la plainte ou de la question faisant l'objet du différend; iii) la notion selon laquelle un travailleur engageant une action de revendication devrait jouir d'une certaine forme de protection spéciale contre les conséquences de cette action n'a jamais figuré dans la loi britannique.
- 76. En ce qui concerne les allégations spécifiques de l'organisation plaignante concernant l'article 62, le gouvernement déclare que:
- i) il n'admet pas que la modification de 1982 ait eu pour effet d'encourager les employeurs à adresser des ultimatums aux travailleurs qui restent en grève alors que d'autres salariés ont repris le travail. Il incombe exclusivement à l'employeur de décider comment réagir à une situation ou à des actions particulières dans le cadre d'un conflit du travail. Il doit prendre ses décisions au regard non seulement de la législation pertinente, mais aussi des conséquences pratiques, économiques et industrielles qui pourraient en découler;
- ii) en application de l'article 62, un tribunal ne pouvait examiner une plainte relative au licenciement d'un salarié engagé dans une action de revendication dans le cadre du conflit à la P & O que si l'employeur n'avait pas licencié un ou plusieurs des autres salariés engagés dans cette même action. De l'avis du gouvernement du Royaume-Uni, le jugement de la Cour d'appel dans l'affaire P & O European Ferries Dover Limited contre Byrne découle tout simplement de ce principe. En particulier, lorsqu'il y a une allégation selon laquelle l'employeur n'aurait pas licencié un de ses travailleurs, il est juste que celui-ci ait droit à des précisions concernant cette allégation. Si l'employeur licenciait alors ce salarié restant, il pourrait s'exposer à une plainte pour licenciement injustifié présentée par ce salarié; néanmoins, interdire un tel licenciement serait limiter de façon déraisonnable la capacité de l'employeur de décider de conserver ou de congédier un ou plusieurs salariés déterminés;
- iii) l'article 62 ne s'applique pas aux licenciements qui ont lieu avant ou après une action de revendication. Un salarié qui est congédié pour avoir envisagé une action de revendication peut présenter une plainte pour licenciement injustifié, tout comme peut le faire un salarié ayant été congédié après avoir repris le travail;
- iv) le gouvernement convient, avec l'organisation plaignante, que l'hypothèse sous-tendant l'article 62 est qu'il vaut mieux laisser la solution d'un différend du travail aux parties elles-mêmes et que les cours et les tribunaux ne devraient pas trancher les questions de fond dans un conflit. Il est en conséquence approprié que l'article 62 ne prenne pas en considération le fait qu'une action de revendication ayant débouché sur le licenciement ou le refus de réengager ait été raisonnable ou non.
- 77. Le gouvernement considère que les traités et conventions qui n'ont pas été adoptés par l'OIT et auxquels l'organisation plaignante se réfère ne sont pas pertinents à l'examen du présent cas par le comité. Il poursuit en réfutant de façon détaillée les arguments de l'organisation plaignante qui sont fondés sur les articles 2, 3 et 8 de la convention no 87, sur l'article 1 de la convention no 98 et sur les articles 4 et 8 de la convention no 158. Il rejette également les arguments de l'organisation plaignante qui s'appuient sur des décisions antérieures du comité figurant dans le Recueil.
- 78. En particulier, le gouvernement affirme que ces paragraphes du Recueil (443 et 444) qui donnent à penser qu'il est contraire aux principes de la liberté syndicale de licencier ou de refuser de réengager des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux pour avoir participé à une grève n'ont aucun rapport avec des dispositions telles que celles de l'article 62 qui concernent exclusivement le congédiement pendant une grève ou une autre action de revendication. Le gouvernement répète qu'un travailleur, qui est licencié pour avoir envisagé une action de revendication ou après avoir repris le travail, a le droit de se plaindre pour licenciement injustifié. Le gouvernement n'estime pas que les salariés qui prennent part à une action de revendication ont droit à une protection contre le licenciement équivalente à celle qui est accordée pour une "participation à des activités syndicales". La législation britannique reconnaît depuis longtemps qu'une telle proposition ne saurait être acceptée sans permettre aux salariés d'engager une action de revendication en sachant que leur employeur ne pourra jamais licencier l'un d'entre eux sans s'exposer à une plainte pour licenciement injustifié. Le gouvernement n'est pas d'accord avec la thèse du NUS selon laquelle les paragraphes 443 et 444 du Recueil doivent être interprétés comme impliquant que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection contre le licenciement pendant qu'ils participent à une action de revendication, à défaut de quoi ils seraient privés de la protection contre le licenciement pour participation à des activités syndicales qu'exige l'article 1 de la convention no 98. De l'avis du gouvernement, une telle interprétation serait contraire au libellé exprès de l'article 1, paragraphe 2, alinéa b), étant donné qu'on peut penser qu'un employeur qui licencie des travailleurs pendant qu'ils sont en grève n'a pas consenti à ce que cette activité particulière (en d'autres termes, la grève) ait lieu durant les heures de travail.
- 79. D'après le gouvernement, l'argumentation de l'organisation plaignante au sujet de l'article 1 de la convention no 98 se heurte à un autre obstacle: en effet, les travailleurs qui participent à une action de revendication dans un cas quelconque peuvent être syndiqués ou ne pas l'être ou encore quelques-uns peuvent l'être alors que d'autres ne le sont pas. Il semble impossible de concilier une telle situation avec une thèse tendant à interpréter l'article 62, qui rend compétents les tribunaux lorsque les salariés sont licenciés pendant qu'ils participent à une action de revendication, comme étant un refus d'assurer la protection contre le licenciement pour participation à des activités syndicales au titre de l'article 1 de la convention.
- 80. Les arguments de l'organisation plaignante qui sont fondés sur les articles 4 et 8 de la convention no 158 sont sans objet puisque le Royaume-Uni n'a pas ratifié cette convention.
- Loi de 1990 sur l'emploi
- 81. Le gouvernement convient que le nouvel article 62 A, qui a été inséré dans la loi de 1978 sur la protection de l'emploi telle que modifiée en vertu de l'article 9 de la loi de 1990, a pour effet d'empêcher toute plainte pour licenciement injustifié quand un salarié est congédié pendant qu'il participe à une grève ou à une autre action revendicative qui est "non autorisée" au sens de l'article 26 A 2). En tant que tel, il fait partie d'un ensemble de mesures adoptées afin de décourager les actions de revendication "non autorisées". Etant donné que ces dispositions ont été soumises au Parlement pour la première fois en 1989 et qu'elles ne sont entrées en vigueur qu'en 1990, elles ne pouvaient aucunement entrer en ligne de compte dans le différend opposant le NUS et la P & O en 1987-88.
- 82. Afin de mettre l'article 62 A dans son contexte, le gouvernement fait observer que cet article: i) n'est pas applicable lorsque l'action de revendication est "autorisée", c'est-à-dire a été engagée ou, de toute autre manière, appuyée par un syndicat; ii) ne rend pas illégale une action de revendication "non autorisée" et n'entrave pas la liberté des salariés d'engager une telle action; iii) n'empêche pas un salarié de soumettre une plainte pour licenciement injustifié s'il a été congédié avant le début de l'action de revendication ou après qu'il ait cessé d'y participer.
- 83. Comme pour l'article 62, le gouvernement estime qu'il est impossible d'établir que l'article 62 A est incompatible avec l'une quelconque des dispositions des conventions nos 87 et 98 et que la convention no 158 ne saurait être prise en considération.
- 84. Le gouvernement rejette les allégations de l'organisation plaignante relatives à l'imputation aux syndicats de la responsabilité découlant d'agissements de responsables et à l'effet de l'article 62 A 4). Ces dernières allégations sont, d'après lui, fondées sur une conception erronée de l'effet de ce paragraphe. En droit britannique, un tribunal du travail doit à la fois établir les faits et appliquer la loi pertinente. L'article 62 A 4) signifie tout simplement que si une plainte pour licenciement injustifié est déposée par une personne congédiée pendant une action de revendication et que la question est posée de savoir si cette action était autorisée ou appuyée par un syndicat, le tribunal se doit d'étudier la situation factuelle à la date du congédiement. Le gouvernement ne pense pas que les questions soulevées en application de l'article 62 A puissent être réglées de façon différente des autres questions relatives à la compétence d'un tribunal en cas de plainte pour licenciement injustifié. En outre, comme pour toute procédure concernant un licenciement injustifié engagée devant un tribunal du travail, le Tribunal d'appel de l'emploi peut être saisi d'un recours sur toute question de droit que pourrait soulever une décision rendue par un tribunal du travail en vertu du nouvel article.
- 85. En ce qui concerne la responsabilité civile imputée, le gouvernement fait observer qu'en droit britannique un syndicat peut se rendre coupable d'un dommage l'exposant à des poursuites ("quasi-délit") s'il incite des travailleurs à participer à une action de revendication qui entrave l'exécution de leur contrat d'emploi, lorsqu'une telle incitation ne bénéficie pas de la protection ou "immunité". Les amendements apportés à l'article 15 de la loi de 1982 sur l'emploi par l'article 6 de la loi de 1990 se bornent à identifier les responsables et les organes syndicaux dont les agissements doivent être assimilés à des agissements du syndicat à cet effet. Ces changements reconnaissent et reflètent le fait que, pour des membres ordinaires d'un syndicat et les tiers traitant avec un syndicat, un appel à une action de revendication lancé par n'importe lequel des responsables du syndicat ou par des membres de son bureau est normalement considéré comme étant un appel lancé par le syndicat lui-même. Autoriser ou appuyer une action de revendication est, par définition, un acte qui se répercute sur des parties autres que le syndicat lui-même; c'est pourquoi on n'est pas en droit de prétendre que les nouvelles dispositions portent exclusivement sur les affaires intérieures d'un syndicat. De toute façon, un syndicat peut éviter cette responsabilité tout simplement en répudiant l'acte du responsable ou de l'organe de décision. Tout ce que la loi de 1990 exige c'est que cette répudiation soit communiquée de façon adéquate aux personnes qui sont touchées par l'acte considéré.
- 86. Le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle la loi de 1990 rendrait illégale une action de revendication ayant pour objet de protester contre le licenciement sélectif des participants à une grève "non autorisée". Ce que ce texte fait, c'est de priver tout acte de ce genre de la protection contre la responsabilité civile en vertu de la "Common Law". C'est là un élément nécessaire de l'ensemble de mesures qui, dans la loi, ont été conçues pour décourager une action de revendication "non autorisée".
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 87. Les allégations du Syndicat national des marins (NUS) (qui, par suite d'une récente fusion, fait maintenant partie du Syndicat national des cheminots et des marins) portent essentiellement sur deux questions: i) le licenciement de 2.000 marins pendant un conflit du travail opposant le NUS et un important armateur de ferry-boats en 1988; ii) l'absence alléguée de protection adéquate en droit britannique pour les travailleurs qui auraient été licenciés pendant un conflit du travail. D'une part, l'organisation plaignante étaie ses allégations d'une analyse détaillée des dispositions législatives pertinentes et des normes et principes internationaux pertinents (y compris la jurisprudence du comité), ainsi que d'un compte rendu de ce qu'elle estime être les caractéristiques saillantes du conflit à la P & O. D'autre part, le gouvernement fournit certaines informations sur le déroulement du conflit et répond de façon détaillée à l'analyse présentée par l'organisation plaignante des normes législatives nationales et internationales pertinentes.
- 88. Malgré les exposés complexes qui lui ont été soumis, le comité estime que les questions soulevées dans le présent cas sont, pour l'esentiel, extrêmement simples. Pendant un conflit du travail qui les opposait à la société dans laquelle ils travaillaient, les marins ont décidé à la suite d'un vote de déclencher une grève. Quelque temps après le début de la grève, la société a écrit à chacun des grévistes pour les prévenir que, s'ils ne reprenaient pas le travail aux conditions qu'elle leur offrait, elle considérerait que leur relation d'emploi aurait pris fin. Il semble que quelque 800 grévistes aient accepté d'être réengagés aux conditions offertes par l'entreprise. Les 1.200 restants ont refusé parce que, semble-t-il, les conditions offertes étaient nettement inférieures à celles qui avaient été en vigueur avant le début de la grève. L'organisation plaignante a alors cherché à engager une procédure pour licenciement injustifié au nom de quelque 1.025 de ses membres qui n'avaient pas été réengagés. Cette tentative a échoué.
- 89. Le comité estime qu'il ne lui appartient pas d'exprimer un avis sur le différend initial ayant opposé l'organisation plaignante et ses membres à la société. Il n'a pas non plus à déterminer si les décisions rendues par les diverses autorités judiciaires ayant examiné les actions pour licenciement injustifié engagées contre la société par des membres du NUS sont conformes ou non au droit britannique. Il est cependant à la fois nécessaire et approprié que le comité exprime son avis sur les questions suivantes: i) le licenciement par l'employeur de travailleurs exerçant de façon légitime leur droit de grève est-il compatible avec les principes de la liberté syndicale? ii) L'offre de réengagement faite à des grévistes licenciés à des conditions qui sont nettement moins favorables que celles qui étaient en vigueur avant le différend est-elle, de quelque manière que ce soit, contraire aux principes de la liberté syndicale? iii) Les dispositions de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans leur teneur révisée, offrent-elles une protection adéquate aux travailleurs qui perdent leur emploi pour avoir participé à des grèves ou à d'autres actions de revendication?
- 90. Comme l'ont relevé à la fois l'organisation plaignante et le gouvernement, le comité a toujours estimé que le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d'abus et constituent une violation de la liberté syndicale (Recueil, op. cit., paragr. 444). Le gouvernement semble penser que ce principe interdit le licenciement pour fait de grève après celle-ci, mais ne s'applique pas aux congédiements prononcés pendant la grève, comme ce fut le cas dans la présente plainte. Le comité estime que cette opinion n'est pas acceptable. Le respect des principes de la liberté syndicale exige que l'on ne puisse ni licencier des travailleurs, ni refuser de les réengager, en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. Que le congédiement soit prononcé pendant ou après la grève n'est pas pertinent dans ce contexte. Logiquement, le fait que le licenciement précède une grève ne devrait pas non plus entrer en ligne de compte, si le licenciement a pour objet d'entraver ou de pénaliser l'exercice du droit de grève. En appliquant ces principes aux faits du présent cas, le comité ne peut que conclure que le licenciement, en avril 1988, de 2.000 membres du syndicat plaignant n'était pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.
- 91. Le comité estime aussi que l'offre ultérieure de réengagement à des conditions moins favorables n'a rien à voir avec la compatibilité ou non des licenciements initiaux avec les principes de la liberté syndicale. Ce qui est pertinent, c'est que 2.000 travailleurs ont été licenciés parce qu'ils avaient engagé une grève contre leur employeur et avaient refusé de reprendre le travail aux conditions offertes. L'offre ultérieure de réengagement à des conditions moins favorables que celles qui avaient été en vigueur jusqu'alors ne saurait modifier le fait que ces licenciements ont eu lieu, ni les raisons qui les ont motivés.
- 92. En ce qui concerne l'article 62 de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, le comité note qu'en 1989 la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a adressé certaines observations au gouvernement en liaison avec ces dispositions:
- La commission estime qu'il est incompatible avec le droit de grève, tel que garanti par les articles 3, 8 et 10 de la convention no 87, de permettre à un employeur de refuser de réintégrer une partie ou l'ensemble de ses employés à la fin d'une grève, d'un lock-out ou d'autres actions semblables, sans que ces employés n'aient le droit de saisir une cour ou un tribunal indépendant, afin qu'il statue sur le caractère équitable ou non du licenciement.
- ...
- Il est ... clair que la "Common Law" n'accorde pas aux travailleurs licenciés pour fait de grève, lock-out ou autre action assimilée le droit de présenter une plainte contre ledit licenciement à un tribunal ou à une autre autorité indépendante des parties. La même remarque vaut en ce qui concerne les dispositions législatives concernant les licenciements injustes - exception faite de la protection restreinte reconnue aux employés victimes d'un "licenciement discriminatoire" au sens de l'article 62 de la loi de 1978 (consolidation) sur la protection de l'emploi (modifié par l'article 9 de la loi de 1982). La commission est d'avis que cette dernière disposition n'assure pas aux travailleurs une protection adéquate aux fins de la convention: i) parce qu'elle permet encore à un employeur de licencier tout son personnel, même s'il a déclaré un lock-out ou provoqué une grève par son attitude parfaitement déraisonnable; et ii) parce qu'un employeur peut réembaucher des employés sur une base discriminatoire, à condition de laisser écouler un délai de trois mois entre le licenciement des travailleurs "victimes" de ses tactiques et la réembauche.
- La commission demande donc au gouvernement d'adopter des mesures législatives de protection contre les licenciements, discriminatoires ou non, et les autres formes de traitement discriminatoire - telles que le transfert, la rétrogradation ou le retrait des droits acquis -, imposés pour faits de grève et actions assimilées afin de donner effet aux principes mentionnés ci-dessus.
- 93. Dans sa réponse à ces observations, qu'il a intégrée dans sa réponse aux allégations faites dans le présent cas, le gouvernement déclare que la législation du Royaume-Uni assure une certaine protection à ceux qui participent à une action de revendication ou qui l'organisent. Il poursuit toutefois en relevant plusieurs différences entre la structure de la législation du travail britannique et celle de la législation du travail d'autres pays. Parmi ces différences, il cite les suivantes: i) il est impossible, en droit britannique, qu'un tribunal ordonne à un travailleur, dans quelques circonstances que ce soit, de reprendre son travail; ii) en cas d'action de revendication, le travailleur et les syndicats jouissent d'une certaine protection législative contre les poursuites en responsabilité civile en vertu de la "Common Law"; iii) la notion selon laquelle un travailleur engageant une action de revendication doit bénéficier d'une certaine forme de protection spéciale contre les conséquences pouvant découler de son action n'a jamais figuré dans la législation britannique.
- 94. Tout comme la commission d'experts, le comité reconnaît que la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, assure effectivement une certaine protection contre le licenciement motivé par la participation à une grève ou à une autre action de revendication. Néanmoins, il estime aussi que le degré de protection assuré par la législation ne suffit pas à satisfaire aux exigences des principes de la liberté syndicale. Il est donc nécessaire que la loi de 1978 sur la protection de l'emploi soit amendée afin de protéger efficacement les travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève, et en particulier pour permettre aux travailleurs licenciés pendant ou après une grève ou toute autre action de revendication de demander à une autorité judiciaire de décider si ce licenciement était justifié.
- 95. Tant l'organisation plaignante que le gouvernement ont présenté un certain nombre de considérations liées à ce qui est actuellement la loi de 1990 sur l'emploi. En particulier, l'organisation plaignante allègue que l'article 62 A de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée - qui a été ajouté à ce texte par l'article 9 de la loi de 1990 -, réduit encore la portée, déjà limitée, de la protection qu'assurait l'article 62 de cette loi. Le gouvernement ne le nie pas, mais affirme que cette mesure se justifie par la nécessité de décourager les actions de revendication "non autorisées".
- 96. Le comité note que les dispositions de la loi de 1990 n'ont aucun rapport avec le différend opposant le NUS à la P & O, qui est au centre des allégations de l'organisation plaignante: i) parce que ce texte n'était pas en vigueur au moment des faits; ii) parce qu'il n'aurait eu aucun rapport avec le conflit, même s'il avait été en vigueur à l'époque, puisque personne n'a essayé de faire croire que la grève qui a commencé en février 1988 était "non autorisée". Néanmoins, l'article 62 A semble réduire la portée de la protection que le comité a considérée comme étant insuffisante au regard des principes de la liberté syndicale. En conséquence, le comité invite le gouvernement à introduire des amendements appropriés pour mettre l'article 62 A de la loi de 1978 sur la protection de l'emploi, dans sa teneur modifiée, en pleine conformité avec les principes de la liberté syndicale.
- 97. Les questions soulevées par les allégations de l'organisation plaignante portent manifestement sur l'effet donné aux conventions nos 87 et 98 par le Royaume-Uni. En conséquence, le comité soumet ses conclusions concernant le présent cas à l'attention de la commission d'experts.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 98. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que la législation pertinente du Royaume-Uni devrait être amendée de manière à protéger efficacement les travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève, et en particulier pour permettre aux travailleurs licenciés pendant ou après une grève ou toute autre action de revendication de demander à une autorité judiciaire de décider si ce licenciement était justifié.
- b) Les conclusions du comité concernant le présent cas devraient être portées à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.