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- 94. Les plaintes dans la présente affaire figurent dans les communications de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), datées respectivement du 31 juillet et du 4 septembre 1990. Le gouvernement a répondu par communication du 15 février 1991.
- 95. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 96. L'Organisation internationale des employeurs (OIE) allègue, dans sa communication du 31 juillet 1990, que le gouvernement a adopté un règlement régissant la désignation des représentants employeurs à la Conférence internationale du Travail (décret exécutif no 1589 du 18 juin 1990), dont l'article 4 établit que: "Les représentants ou conseillers techniques des employeurs qui ont déjà participé, au sein de la délégation équatorienne, aux sessions de la Conférence internationale du Travail ne seront plus éligibles et ne pourront plus être désignés à nouveau comme représentants ou conseillers au sein des délégations de l'Equateur à d'autres sessions de la Conférence, à partir de la 78e session, conformément au principe d'alternance démocratique." De même, l'article 1 impose une rotation qui empêche la désignation du délégué ou du conseiller employeur sur la base du critère de l'organisation la plus représentative conformément à l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution, et en vertu des intérêts des employeurs en fonction des thèmes soumis à discussion.
- 97. Selon l'OIE, ledit règlement, et notamment les articles susmentionnés, constitue un acte d'ingérence du gouvernement dans les activités des organisations d'employeurs et une restriction du droit des employeurs d'élire librement leurs représentants, contrairement aux principes de liberté syndicale consacrés par la convention no 87.
- 98. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue, en outre, dans sa communication du 4 septembre 1990 que, le 29 mars 1990, le ministre du Travail a adressé aux quatre centrales syndicales de l'Equateur, à savoir la Confédération équatorienne d'organisations syndicales libres (CEOSL), la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE), la Confédération équatorienne d'organisations de classes (CEDOC) et la Confédération équatorienne unitaire d'organisations de classes de travailleurs (CEDOCUT), une circulaire leur demandant de faire connaître leurs opinions quant à la composition de la délégation des travailleurs à la Conférence de 1990. Dans cette circulaire, il rappelait que, conformément au décret no 1381, il incombait à la CEOSL de désigner le délégué travailleur. Ainsi, le 20 avril 1990, le Front uni des travailleurs, composé par la CEOSL, la CTE et la CEDOCUT, a dûment informé le gouvernement de ce que la CEOSL désignerait le délégué à la Conférence de 1990, et a indiqué qu'il faudrait adapter le système du fait qu'une quatrième centrale syndicale juridiquement reconnue venait d'être créée. Simultanément, la CEOSL a informé le gouvernement qu'elle désignait son président, José Chávez, comme délégué à la Conférence. Plus tard, le 25 mai 1990, sans préavis ni consultation et sans exposé de motif, le gouvernement a promulgué le décret no 1535, qui modifiait le décret no 1381. L'article 2 du nouveau décret prévoit que, afin de permettre aux nouveaux dirigeants syndicaux d'acquérir une expérience internationale et d'accroître les qualifications des syndicalistes équatoriens, "une personne ayant assisté, en qualité de délégué principal ou de conseiller technique des travailleurs à la Conférence générale de l'Organisation internationale du Travail, ne pourra plus être désignée pour assurer l'une ou l'autre de ces représentations lors des sessions à venir de la Conférence générale, y compris la 77e". Le 28 mai 1990, le gouvernement a fait connaître aux quatre centrales syndicales le contenu du décret, soulignant ainsi la nature unilatérale de la décision qu'il avait prise. Il a fixé au 31 mai 1990 le délai de désignation de leurs représentants par les centrales syndicales, conformément aux nouvelles dispositions.
- 99. La CISL estime que les dispositions du décret no 1535 qui ont empêché M. Chávez, délégué des travailleurs de l'Equateur librement élu, de participer à la Conférence en 1990, constituent une ingérence scandaleuse dans les affaires internes du mouvement syndical équatorien et une violation des principes de la liberté syndicale, et qu'elles devraient être modifiées. La CISL rappelle enfin que, jusqu'en 1990, la désignation des représentants des travailleurs avait lieu selon un système d'alternance accepté par les centrales syndicales (décret no 1381 du 13 décembre 1982), après consultation de ces centrales, et que ce système avait fonctionné jusque-là sans soulever de problèmes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 100. Dans sa communication du 15 février 1991, le gouvernement déclare que, eu égard à l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT aux termes duquel la désignation des délégués et des conseillers techniques non gouvernementaux doit s'effectuer "... d'accord avec les organisations professionnelles les plus représentatives soit des employeurs, soit des travailleurs ...", il a réglementé la procédure à suivre aux fins de ces désignations, et ce depuis le 17 décembre 1982, par le décret exécutif no 1381, instituant ainsi l'alternance et la rotation dans la désignation du délégué des travailleurs.
- 101. Se référant à la désignation des délégués travailleurs à la 77e session de la Conférence internationale du Travail, le gouvernement indique que des consultations ont eu lieu au préalable avec les quatre organisations les plus représentatives, conformément à l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT.
- 102. S'agissant du décret no 1535 du 25 mai 1990, le gouvernement déclare qu'il vise uniquement à modifier le règlement régissant la désignation des délégués travailleurs, de sorte que la condition générale pour faire partie de la délégation des organisations de travailleurs les plus représentatives du pays soit de n'avoir jamais assisté en cette qualité à des sessions antérieures de la Conférence internationale du Travail. Par conséquent, la faculté de désigner des délégués continue d'être l'apanage exclusif des organisations les plus représentatives, et le gouvernement ne s'y substitue pas. En fait, les noms des membres de la délégation équatorienne de juin 1990 qui représentaient les organisations de travailleurs ont été fournis par les organisations intéressées. Seules les organisations qui, en dépit de l'invitation gouvernementale, ont refusé de donner effet à la condition susmentionnée n'ont pas fait partie de la délégation équatorienne à la 77e session de la Conférence internationale du Travail. Le fait que la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL) et la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE) ont refusé de satisfaire à cette condition n'enlève pas leur légitimité aux désignations qui, elles, ont été faites en temps voulu par les deux autres centrales syndicales, à savoir la Confédération équatorienne d'organisations de classes (CEDOC) et la Confédération équatorienne unitaire d'organisations de classes de travailleurs (CEDOCUT). En outre, le gouvernement s'étonne des allégations formulées, car il est de notoriété publique que cette dernière organisation (la CEDOCUT), dont le délégué a participé aux délibérations de la 77e session de la Conférence, entretient des liens étroits de coordination avec l'organisation plaignante, la CEOSL, liens qui se sont concrétisés par la participation de ces deux organisations au Front uni des travailleurs (FUT). Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement réfute comme étant inexacte et tendancieuse l'affirmation selon laquelle il n'existerait qu'une seule organisation représentative des travailleurs en Equateur, et que celle-ci, la CEOSL, aurait été empêchée de faire partie de la délégation à la 77e session de la Conférence internationale du Travail.
- 103. Le gouvernement affirme qu'il a dûment consulté les organisations intéressées sur la réglementation de la désignation annuelle du délégué et des deux conseillers techniques des travailleurs pour la Conférence internationale du Travail tant en 1982, lorsqu'il a adopté le décret no 1381, qu'en mars 1990, lorsqu'il a envisagé la possibilité d'incorporer certaines réformes à cet ensemble de normes. Il annexe à sa réponse un exemplaire de la circulaire envoyée par le ministère du Travail invitant les quatre centrales syndicales à présenter leur avis sur les réformes envisagées au décret no 1381 ainsi qu'un exemplaire de la réponse envoyée par le FUT au nom de la CEOSL, de la CTE et de la CEDOCUT.
- 104. Le gouvernement ajoute que les troisième et quatrième considérants du décret no 1535 du 25 mai 1990 expliquent clairement les raisons et les principes des réformes opérées: "Considérant qu'il est souhaitable pour le pays d'instaurer, au sein des représentations syndicales, le principe de l'alternance, propre aux régimes démocratiques"; "Considérant que l'application de ce principe démocratique ... permettra à de nouveaux dirigeants syndicaux d'acquérir une expérience internationale et d'améliorer les qualifications des cadres du syndicalisme équatorien." Le gouvernement indique que, bien que certaines organisations syndicales se refusent à accepter les raisons invoquées par lui, ces raisons en définitive visent le bien commun des travailleurs en tant que classe et non pas l'intérêt de tel ou tel individu.
- 105. Selon le gouvernement, étant donné que le décret no 1535 a été promulgué le 28 mai 1990, que son texte a, par conséquent, été rendu public, et qu'il a acquis force de loi à compter de cette date, il est surprenant que les plaignants affirment que le fait de porter à la connaissance des syndicats le contenu du décret prouve son caractère unilatéral, dès lors que les normes obligatoires émanant des ministères et des organismes de l'Etat doivent être rendues publiques.
- 106. Par ailleurs, les faits signalés par le gouvernement recoupent les allégations puisqu'elles indiquent que "le gouvernement a fixé le délai de désignation des représentants par leurs centrales syndicales au 31 mai"; on ne voit donc pas de quelle ingérence il peut être accusé. Involontairement, les allégations admettent que ce sont bien les centrales de travailleurs du pays qui ont désigné les délégués (ou qui, par caprice, ont refusé de les désigner). Le gouvernement conclut au caractère totalement infondé et injuste de la plainte et la rejette.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 107. Le comité relève que les organisations plaignantes d'employeurs et de travailleurs allèguent: 1) l'adoption - sans consultation préalable des organisations de travailleurs et d'employeurs - de deux décrets (nos 1535 du 25 mai 1990 et 1589 du 18 juin 1990) relatifs à la désignation des délégués et des conseillers techniques des travailleurs et des employeurs devant faire partie de la délégation équatorienne aux sessions de la Conférence internationale du Travail; 2) l'interdiction faite à toute personne, en vertu de ces décrets, de participer plus d'une fois aux sessions de la Conférence internationale du Travail en qualité de délégué ou de conseiller technique des travailleurs ou des employeurs (ce qui a d'ailleurs empêché le président de la CEOSL de participer en tant que délégué travailleur à la 77e session de la Conférence (juin 1990) bien qu'il ait été désigné à cette fin par les centrales syndicales du pays); 3) l'imposition d'une rotation entre les six organisations d'employeurs les plus représentatives pour désigner le représentant principal et le conseiller technique des employeurs aux sessions de la Conférence internationale du Travail.
- 108. En revanche, selon le gouvernement, ce sont les organisations de travailleurs qui ont désigné le délégué travailleur à la 77e session de la Conférence, lequel devait (comme le reconnaît le gouvernement) remplir la condition juridique de n'avoir pas fait partie de la délégation équatorienne aux sessions antérieures de la Conférence. Le gouvernement justifie cette condition par le principe de "l'alternance, propre aux régimes démocratiques" et par la nécessité, pour les nouveaux dirigeants syndicaux, d'acquérir une expérience internationale et d'élargir leurs qualifications de cadres du syndicalisme équatorien.
- 109. Le comité note que, contrairement aux déclarations du gouvernement, les informations que ce dernier a envoyées ne prouvent pas que le texte du décret no 1535 ait fait l'objet de consultations lors de son élaboration, tout au moins en ce qui concerne la condition, pour être désigné, qu'un délégué ou un conseiller technique n'ait pas fait partie de la délégation équatorienne lors de sessions antérieures de la Conférence.
- 110. Le comité a pris connaissance du fait que la CISL a présenté une protestation contre la désignation de la délégation des travailleurs de l'Equateur à la 77e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1990) et que la Commission de vérification des pouvoirs a présenté un rapport à cet égard (voir Compte rendu provisoire no 23, troisième rapport, paragr. 28 à 36), dont les conclusions figurent ci-après:
- La commission (de vérification des pouvoirs) prend note que, selon la protestation de la CISL, la CEOSL, qui était la plus grande centrale du pays, avait été empêchée de désigner son représentant, M. J. Chávez, par le décret no 1535 du 25 mai 1990. La commission signale que le décret en question modifie le système de rotation, établi par accord mutuel quelques années auparavant, et qui avait fonctionné à la satisfaction des organisations intéressées. A cet égard, la commission rappelle que tout système de rotation devrait toujours résulter de l'accord entre les organisations les plus représentatives et non pas être imposé par le gouvernement.
- La commission (de vérification des pouvoirs) estime que ledit décret, en plus de violer l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution, en empêchant les organisations de choisir librement les personnes qui doivent les représenter à Genève, constitue un acte d'ingérence contraire aux principes de la liberté syndicale.
- 111. Le comité estime que les principes et critiques énoncés dans les conclusions susmentionnées concernant la désignation de la délégation des travailleurs de l'Equateur aux sessions de la Conférence internationale du Travail (décret no 1535 du 25 mai 1990) sont également applicables à la procédure de désignation de la délégation des employeurs (décret no 1589 du 18 juin 1990) puisque leur situation dans ce cas précis est identique en substance.
- 112. Le comité regrette donc que le président de la CEOSL n'ait pu participer à la 77e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1990) en qualité de délégué travailleur, bien qu'il ait été désigné par les centrales syndicales de son pays, et ce par suite de l'application du décret no 1535 qui interdit qu'une même personne participe plus d'une fois aux sessions de la Conférence internationale du Travail en tant que délégué ou conseiller technique. Le comité estime que les décrets nos 1535 et 1589 enfreignent les principes de la liberté syndicale selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants (articles 3 et 5 de la convention no 87). Il demande instamment au gouvernement de modifier ces décrets en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives, en vue de supprimer l'interdiction faite à une même personne, qu'il s'agisse d'un travailleur ou d'un employeur, de participer plus d'une fois aux sessions de la Conférence internationale du Travail en qualité de délégué ou de conseiller technique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 113. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à adopter les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette que le président de la CEOSL n'ait pu participer en qualité de délégué travailleur à la 77e session de la Conférence internationale du Travail (juin 1990) bien qu'il ait été désigné par les centrales syndicales de son pays, et ce par suite de l'application du décret no 1535 qui interdit qu'une même personne participe plus d'une fois aux sessions des Conférences internationales du Travail en qualité de délégué ou de conseiller technique.
- b) Le comité estime que les décrets nos 1535 et 1589 enfreignent les principes de la liberté syndicale selon lesquels les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. Il demande instamment au gouvernement de modifier ces décrets en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives, en vue de supprimer l'interdiction faite à une même personne, travailleur ou employeur, de participer plus d'une fois aux sessions de la Conférence internationale du Travail en qualité de délégué ou de conseiller technique.