ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 281, Mars 1992

Cas no 1569 (Panama) - Date de la plainte: 07-JANV.-91 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 118. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications du Syndicat des travailleurs de l'Institut des ressources hydrauliques et de l'électrification (SITIRHE) en date du 7 janvier et du 15 février 1991, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en date du 17 janvier 1991 et du Syndicat des travailleurs de l'Institut national des télécommunications (SITINTEL) en date du 18 janvier 1991. Le gouvernement de Panama a envoyé ses observations dans des communications des 22 février, 24 mai et 3 novembre 1991, ainsi que des 8 et 28 janvier 1992.
  2. 119. Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 120. Dans sa communication du 7 janvier 1991, le Syndicat des travailleurs de l'Institut des ressources hydrauliques et de l'électrification (SITIRHE) indique que l'Assemblée législative de Panama a adopté le 14 décembre 1990 la loi no 25, qui tend à interdire les organisations syndicales dans les entreprises d'Etat. Dès le 10 décembre - c'est-à-dire avant même l'adoption de cette loi -, la Direction générale de l'Institut des ressources hydrauliques et de l'électrification (IRHE) avait licencié tous les dirigeants syndicaux, y compris le secrétaire général; avec l'aide de l'armée, elle avait aussi occupé les bureaux et locaux du syndicat après les avoir fermés et avait saisi illégalement les cotisations syndicales.
  2. 121. Les plaignants indiquent que, sans aucune justification légale, les tribunaux du travail du pays ont rejeté les demandes des travailleurs.
  3. 122. Le texte de l'article premier de la loi no 25 est ainsi conçu:
    • Afin de maintenir l'ordre constitutionnel, le pouvoir exécutif et les directeurs des établissements autonomes et semi-autonomes, des entreprises d'Etat, des entreprises municipales et des autres établissements publics de l'Etat ont le droit de révoquer les fonctionnaires qui ont participé ou qui participent à l'organisation, l'encouragement ou l'exécution d'activités portant atteinte à la démocratie et à l'ordre constitutionnel, et ce qu'ils exercent ou non des fonctions dans les organes directeurs des organisations syndicales et des associations de fonctionnaires; sont visés également les délégués et représentants syndicaux ou sectoriels et les dirigeants des associations de fonctionnaires, qu'ils ressortissent ou non au droit syndical et qu'ils soient régis ou non par une législation spéciale.
    • Le texte de l'article 2 se lit comme suit:
    • Les autorités supérieures des différentes entités de l'Etat, comme les ministres, les directeurs des établissements autonomes et semi-autonomes, des entreprises d'Etat et autres établissements publics, les procureurs de la nation et de l'administration, le Contrôleur général de la République, les gouverneurs et les maires, pourront après identification révoquer les fonctionnaires qui participent aux activités mentionnées à l'article premier de la présente loi.
    • Paragraphe: Avant d'appliquer la sanction administrative qu'est la révocation, l'exécutif déterminera, par le canal du Conseil de cabinet, si les activités visées portent atteinte à la démocratie et à l'ordre constitutionnel.
    • Article 3. Si un fonctionnaire conteste la révocation, il pourra seulement s'adresser à l'autorité qui a pris la décision, puis faire appel devant l'autorité supérieure, dernier recours administratif.
  4. 123. Dans sa communication du 15 février 1991, le SITIRHE déclare que le gouvernement est intervenu auprès de la banque où le syndicat dépose ses fonds pour qu'elle cesse de reconnaître les dirigeants licenciés et leur retire l'autorisation de gérer les fonds syndicaux.
  5. 124. Par ailleurs, le SITIRHE a envoyé un double de la résolution no 10 du Cabinet adoptée le 23 janvier 1991, en application de l'article 2 de la loi no 25, qui précise quelles sont les activités des employés publics qui portent atteinte à la démocratie et à l'ordre public. Dans son article premier, cette résolution dispose: "portent atteinte à la démocratie et à l'ordre constitutionnel les grèves et arrêts de travail collectifs du secteur public décidés sans préavis". L'article 2 prévoit qu'est passible de révocation tout employé public qui a participé ou participera dans l'avenir - y compris en l'encourageant, la décidant ou l'organisant - à une grève qui ne respecte pas les règles et les limitations fixées par la loi ou à un arrêt collectif de travail du secteur public décidé sans préavis.
  6. 125. Dans sa communication du 17 janvier 1991, la CISL note que la loi no 25 autorise le licenciement sommaire des employés publics accusés d'avoir organisé, décidé ou exécuté des actions contraires à la démocratie et à l'ordre public. La qualification de ces actions est de la compétence exclusive de l'exécutif, représenté par le Conseil de cabinet. Les possibilités de contester les licenciements effectués en vertu de cette loi sont limitées, les garanties ordinaires ne s'appliquant pas aux syndicalistes.
  7. 126. La CISL ajoute que la lettre et l'esprit de la loi sont manifestement antisyndicaux, comme en témoigne son applicabilité rétroactive au 4 décembre 1990, date précise à laquelle le mouvement syndical panaméen s'est uni au sein de la "Coordination nationale pour le droit à la vie", qui a organisé une manifestation de masse des travailleurs pour exiger du gouvernement qu'il adopte un programme de revendications en 13 points qu'il avait refusé en octobre. Quelque 80.000 travailleurs ont participé à cette manifestation, suivie d'un appel des syndicats à une grève générale de vingt-quatre heures pour le jour suivant, le 5 décembre. Le jour de la grève, le gouvernement a dénoncé l'échec d'une tentative de coup d'Etat fomenté par des militaires. Les syndicats estiment qu'il n'existe aucune preuve d'une véritable tentative de coup d'Etat ou d'une action quelconque représentant une menace. En tout état de cause, il n'y a aucun lien entre, d'une part, la manifestation et la grève des 4 et 5 décembre et, d'autre part, une prétendue menace militaire. Pourtant, le gouvernement a accusé publiquement les syndicats d'avoir été complices des auteurs de la prétendue tentative de coup d'Etat et d'être des traîtres, afin de les discréditer et de justifier ainsi les atteintes ultérieures à leurs droits fondamentaux.
  8. 127. Enfin, la CISL indique que, depuis l'adoption de la loi no 25, la quasi-totalité des dirigeants syndicaux du secteur public (chemins de fer, eau et électricité, communications, ports, travaux publics et sécurité sociale) ont été licenciés. Selon la CISL, ces licenciements ont pour cause les activités syndicales légitimes des travailleurs en question et ils constituent de la part du gouvernement du Panama une violation flagrante et délibérée des principes de la liberté syndicale.
  9. 128. Dans une communication du 18 janvier 1991, le Syndicat des travailleurs de l'Institut national des télécommunications (SITINTEL) s'est joint à la plainte présentée par le SITIRHE et a transmis une liste de syndicalistes et d'employés publics licenciés en vertu de la loi no 25.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 129. Dans une communication du 22 février 1991, le gouvernement a indiqué que le SITIRHE avait déposé le 21 décembre 1990 devant la Cour suprême de justice une demande d'annulation de la loi no 25, adoptée pour préserver l'ordre constitutionnel et la démocratie.
  2. 130. Dans sa communication du 24 mai 1991, le gouvernement note que les plaignants prétendent que la loi no 25 du 14 décembre 1990 interdirait les organisations syndicales dans les établissements publics, or il affirme que ceci est inexact, comme il va le démontrer plus loin.
  3. 131. Les relations professionnelles du secteur privé sont régies par le Code du travail, dont l'article 2 fixe le champ d'application, déclarant que les dispositions du Code sont d'ordre public et s'imposent à l'ensemble des personnes physiques et morales, entreprises, exploitations et établissements situés sur le territoire national. Les employés du secteur public relèvent des règles de la carrière administrative, sauf dans les cas où il est expressément prévu que telle ou telle disposition du Code leur est applicable.
  4. 132. Le gouvernement explique que, sous le régime militaire, l'application du Code du travail - ou du moins de certaines de ses dispositions - a été étendue par des lois spéciales aux services de l'électricité, du téléphone, des chemins de fer et des ports nationaux; il fait remarquer que ces lois spéciales ont été adoptées par le régime militaire sans respecter les formalités parlementaires et constitutionnelles d'un Etat de droit; mais il ajoute qu'elles sont en vigueur et qu'il les respecte et s'y conforme. Toutes les entités susmentionnées ont un syndicat, bien que la République de Panama n'ait pas ratifié la convention no 151 sur les relations de travail dans la fonction publique. Il est vrai qu'un certain nombre de travailleurs qui exerçaient en même temps des fonctions de dirigeant syndical ont été licenciés en vertu de la loi no 25 pour s'être livrés à des activités étrangères aux objectifs syndicaux; en revanche, les syndicats n'ont jamais cessé d'exister et de jouer leur rôle de représentation, puisque les postes de direction vacants ont été attribués à de nouveaux titulaires et à leurs suppléants.
  5. 133. Le gouvernement précise que la loi no 25, qui a été adoptée à titre temporaire (jusqu'en décembre 1991) à seule fin de préserver l'ordre constitutionnel et la démocratie, visait à répondre au mouvement lancé le 16 octobre 1990 par les dirigeants syndicaux et d'autres fonctionnaires qui avaient présenté au gouvernement sur un ton comminatoire un cahier de revendications qui dépassaient les objectifs économiques et sociaux normaux des organisations syndicales et abordaient divers aspects du domaine gouvernemental: politique, économie, finances, administration et sécurité sociale. Parallèlement à cette démarche inhabituelle s'est produite la première tentative de coup d'Etat d'un groupe d'officiers des anciennes forces de défense dirigé par un ancien colonel et un ancien chef de la police nationale. Malgré ces circonstances, une commission de ministres a étudié le cahier de revendications et a répondu comme il convenait à chacune d'elles par une note écrite. Les dirigeants syndicaux des services publics n'ont pas pris en considération ces réponses du gouvernement et ont décidé une grève nationale pour le 5 décembre 1990, alors qu'il n'existait aucun conflit du travail et que le principe même de la grève nationale est étranger à l'ordre juridique panaméen. Tandis qu'avait lieu une marche précédant l'arrêt de travail, le colonel susmentionné s'est enfui puis a été arrêté pour avoir fomenté la tentative de coup d'Etat du 16 octobre et avoir déclenché une révolte militaire pour remplacer le gouvernement légitime par un régime autoritaire. Manifestement complices des auteurs de ce coup de force, les dirigeants syndicaux ont proclamé que l'arrêt de travail durerait jusqu'à la chute du gouvernement; ce qui prouve qu'ils appuyaient le mouvement subversif.
  6. 134. Le gouvernement a joint à sa communication les déclarations de deux témoins, MM. Otilio Miranda (qui s'est rétracté par la suite) et Danilo Martín Toro, selon lesquels il existe des liens entre les dirigeants syndicaux du secteur public et les auteurs du coup de force militaire, et le secrétaire général du SITIRHE et d'autre dirigeants syndicaux ont eu des contacts téléphoniques avec eux.
  7. 135. Le gouvernement ajoute que, en vue de garantir la bonne marche des services publics, la Constitution fixe des limites et des restrictions à l'activité syndicale en leur sein. La loi no 8 du 25 février 1975, qui énonce les règles particulières régissant les relations professionnelles entre l'IRHE et l'INTEL et leur personnel, fixe la procédure à suivre en cas de conflit du travail, laquelle commence par le dépôt d'une plainte et peut se terminer par une grève si l'établissement intéressé ne se plie pas à la décision de la commission d'arbitrage (art. 140 de la loi no 8/75). Mais la législation panaméenne ne prévoit pas de "droit de grève".
  8. 136. Dans sa communication, le gouvernement affirme que cette législation garantit efficacement l'exercice des activités syndicales. Le droit syndical s'applique toujours à condition que ces activités visent à améliorer la situation économique et sociale des travailleurs (art. 357 du Code du travail); il n'autorise pas les syndicats à entreprendre n'importe quelles actions, et notamment celles qui portent atteinte à l'ordre public et visent à remplacer le gouvernement légitime par un régime autoritaire. C'est pourquoi le gouvernement ne partage pas l'avis de la CISL selon lequel les licenciements ont eu pour cause des "activités syndicales légitimes" et "il n'existe aucun lien entre la manifestation syndicale" et "une prétendue rébellion militaire".
  9. 137. Au sujet de l'allégation du SITIRHE présentée dans la plainte selon laquelle l'armée a occupé les bureaux de ce syndicat, le gouvernement indique qu'en réalité la direction de l'IRHE avait prêté audit syndicat un local provisoire en attendant la location d'un nouveau local. Ce local provisoire a été placé sous bonne garde pour éviter des actes de vandalisme, comme il s'en était produit sous le régime militaire. Actuellement, les travailleurs syndiqués ont libre accès au local, à ses biens et à ses archives, et ils peuvent se livrer à leurs activités en toute liberté. Le SITIRHE et le SITINTEL affirment, par ailleurs, qu'on a bloqué illégalement les fonds provenant des cotisations syndicales; cette allégation est fausse puisque l'INTEL et l'IRHE ont confié ces cotisations aux dirigeants syndicaux responsables. (Le gouvernement transmet en annexe copie de l'acte certifiant la remise des cotisations syndicales au SITINTEL.)
  10. 138. Selon le gouvernement, les autorités ne se seraient pas immiscées dans la gestion des fonds du syndicat de l'IRHE. Le directeur de l'institut se serait borné à indiquer à la banque où étaient déposés les fonds syndicaux, quels étaient les dirigeants révoqués et quels étaient ceux qui restaient en fonction, afin de garantir que ces fonds soient gérés conformément à la loi, c'est-à-dire par des personnes n'ayant pas été licenciées. Le gouvernement assure qu'il est très respectueux du droit des syndicats de gérer leurs fonds de manière indépendante et autonome.
  11. 139. Quant à l'affirmation selon laquelle les tribunaux du travail du pays ont rejeté les demandes des travailleurs sans aucune justification légale, le gouvernement a indiqué dans ses communications du 3 novembre 1991 et du 8 janvier 1992 que la troisième chambre de la Cour suprême de justice avait examiné 144 requêtes présentées contre l'IRHE et l'INTEL par des employés publics licenciés. Par ailleurs, le gouvernement indique que 66 des employés licenciés en vertu de la loi no 25 de 1990, qui ont présenté une demande de réintégration au sein de l'IRHE devant le cinquième Conseil de conciliation, se sont désistés par la suite. Il ajoute que, contrairement à ce que prétendent les organisations plaignantes, la loi no 25 de 1990 ne limite pas les réclamations des employés publics aux questions administratives, puisque ceux d'entre eux qui ont été révoqués peuvent intenter un recours devant l'autorité qui a pris la décision et devant l'autorité gouvernementale supérieure, et qu'ils peuvent faire appel devant la troisième chambre de la Cour suprême de justice, qui est l'autorité supérieure en matière de travail. Le gouvernement indique en outre que 15 des 149 employés de l'IRHE et 10 des 67 employés de l'INTEL qui ont été licenciés ont été réintégrés à la suite du recours administratif qu'ils ont présenté.
  12. 140. Enfin, le gouvernement signale que la Cour suprême de justice a rejeté la demande tendant à prononcer l'inconstitutionnalité de la loi no 25 et qu'elle a confirmé la validité de cette loi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 141. Le comité observe que les allégations présentées par les organisations plaignantes portent sur les questions suivantes:
    • a) le licenciement massif de dirigeants syndicaux et d'employés du secteur public (des chemins de fer, de l'eau, de l'électricité, des communications, des travaux publics et des ports, etc.) en raison de la grève du 5 décembre 1990. Selon les allégations, la loi no 25 du 14 décembre 1990 et la résolution no 10 du Cabinet autorisent les organes exécutifs et administratifs des entités publiques à révoquer les fonctionnaires - qu'ils exercent ou non des responsabilités syndicales - qui participent ou ont participé à des activités portant atteinte à la démocratie et à l'ordre constitutionnel, y compris les grèves et arrêts collectifs de travail décidés sans préavis dans le secteur public;
    • b) l'occupation des locaux du Syndicat des employés de l'électricité SITIRHE par l'armée; et
    • c) l'intervention du gouvernement dans la gestion des fonds syndicaux et l'interdiction faite aux dirigeants syndicaux, massivement révoqués, de gérer ces fonds, suivies du blocage des cotisations syndicales.
  2. 142. En ce qui concerne les allégations de licenciements massifs de dirigeants syndicaux du secteur public (au nombre de 87 selon les organisations plaignantes) et d'employés de ce secteur (au nombre de 95) décidées en vertu de la loi no 25 et de la résolution no 10 du Cabinet, le comité observe que le gouvernement fait valoir les arguments suivants:
  3. 1) la loi no 25 a été adoptée à titre temporaire (jusqu'en décembre 1991) à seule fin de préserver l'ordre constitutionnel et la démocratie, du fait que les dirigeants syndicaux et d'autres fonctionnaires avaient entamé le 16 octobre 1990 une action visant à présenter au gouvernement sur un ton comminatoire un cahier de revendications qui dépassaient les objectifs économiques et sociaux normaux des organisations syndicales et abordaient divers aspects du domaine gouvernemental: politique, économique, finances, administration et sécurité sociale;
  4. 2) la grève nationale n'est pas autorisée par l'ordre juridique panaméen;
  5. 3) le SITIRHE et le SITINTEL n'ont pas respecté la procédure fixée par la loi no 8 du 25 février 1975, qui régit les relations de travail entre, d'une part, l'électricité (IRHE) et les télécommunications (INTEL) et, d'autre part, les employés de ces établissements publics; cette loi autorise la grève en cas de conflit du travail si l'établissement concerné ne respecte pas la décision d'une commission d'arbitrage;
  6. 4) il y a eu complicité entre les dirigeants syndicaux du secteur public et les auteurs de la tentative de coup d'Etat militaire qui s'est produite pendant la grève.
  7. 143. Tout en prenant note des arguments présentés par le gouvernement, le comité doit observer que:
  8. 1) la grève nationale, organisée par les dirigeants syndicaux des services publics le 5 décembre 1990, a été décidée en réaction à la réponse du gouvernement aux revendications de caractère économique, financières et sociales présentées par les organisations syndicales et auxquelles il prête un caractère politique; pourtant, selon la documentation communiquée par le gouvernement, ces revendications à caractère politique n'ont pas pour but de renverser le gouvernement mais de s'opposer à la privatisation des entreprises publiques ou de certaines de leurs activités et d'abroger les lois qui modifient le Code du travail ainsi que différents types de décrets: décrets de guerre, décrets anti-ouvriers, etc.;
  9. 2) l'assertion du gouvernement selon laquelle il y aurait eu complicité entre les dirigeants syndicaux du secteur public et les militaires qui ont tenté de prendre le pouvoir ne paraît pas probante dans la mesure où le gouvernement n'apporte à l'appui de ses dires que les déclarations de deux personnes (dont l'une s'est rétractée ultérieurement devant l'autorité judiciaire) selon lesquelles le secrétaire général du SITIRHE et d'autres dirigeants syndicaux ont eu des contacts téléphoniques avec les militaires impliqués, et une déclaration du secrétaire général rapportée par un périodique ("... et s'ils ne veulent pas négocier dans les vingt-quatre heures, la grève se prolongera de quarante-huit à soixante-douze heures ... jusqu'à leur chute"); par ailleurs, la réponse du gouvernement ne mentionne aucune poursuite pénale intentée contre les dirigeants syndicaux par la commission pénale pour avoir porté atteinte à "la sûreté intérieure de l'Etat";
  10. 3) le licenciement massif de dirigeants syndicaux et d'employés publics décidé en réponse à la grève du 5 décembre 1990 est une mesure qui peut compromettre gravement l'action des organisations syndicales dans les établissements du secteur public où elles sont présentes; étant donné en outre que ces licenciements se sont produits collectivement dans un court laps de temps, il y a lieu de conclure que la procédure et les garanties légales qui devraient être appliquées en cas de licenciement de fonctionnaires et d'employés publics n'ont pas été respectées;
  11. 4) le comité a affirmé à diverses reprises que les grèves nationales étaient légitimes dès lors qu'elles avaient des objectifs économiques et sociaux, et non purement politiques; l'interdiction de la grève n'est admissible que pour les fonctionnaires agissant en tant qu'organe de la puissance publique ou pour les travailleurs des services essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de ces personnes dans l'ensemble ou dans une partie de la population);
  12. 5) selon les informations communiquées par le gouvernement, seuls deux dirigeants syndicaux, 13 travailleurs de l'IRHE et 10 de l'INTEL ont été réintégrés, les plaintes déposées contre l'IRHE par 66 autres travailleurs devant le Conseil de conciliation ayant été retirées;
  13. 6) enfin, il convient d'ajouter du point de vue législatif que:
    • - à part quelques rares cas (Syndicat de l'électricité, Syndicat des télécommunications), les fonctionnaires et employés publics sont privés par la législation nationale du droit d'organisation collective et des autres droits syndicaux;
    • - la commission d'experts insiste depuis de nombreuses années pour que le droit syndical soit accordé aux fonctionnaires et aux employés publics;
    • - à sa session de mars 1991, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a prié le gouvernement de prendre des mesures pour abroger la loi no 25, en vertu de laquelle ont été décidés les licenciements massifs, en raison de ce qu'elle porte gravement atteinte au droit des associations d'employés publics d'organiser leurs activités;
    • - selon le comité, le membre de phrase "qui portent atteinte à la démocratie et à l'ordre constitutionnel" qui figure dans la loi no 25 et dans la résolution no 10 du Cabinet en vertu desquelles ont été décidés les licenciements, est trop vague et peut donner lieu à des abus.
      • Dans ces conditions, le comité estime que le licenciement massif de dirigeants syndicaux et d'employés publics constitue une grave violation de la convention no 98, et il demande au gouvernement de prendre des mesures pour réintégrer ces dirigeants syndicaux et employés, ce qui ne pourra que contribuer au rétablissement de relations professionnelles normales et harmonieuses. Le comité demande aussi au gouvernement de le tenir informé du déroulement et de l'issue des procès des employés licenciés qui ont lieu devant la troisième chambre de la Cour suprême de justice. Enfin, il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire consacrer par sa législation le droit d'organisation syndicale et les autres droits syndicaux des fonctionnaires et des employés publics reconnus par les conventions nos 87 et 98.
    • 144. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'armée aurait occupé les locaux du SITIRHE, le comité prend note des explications du gouvernement, qui déclare que l'accès au local est actuellement libre et que celui-ci a été gardé pour éviter les actes de vandalisme, comme il s'en est produit sous le régime militaire. Le comité rappelle au gouvernement que l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant, mandat qui faisait défaut en l'espèce, et que l'occupation des locaux syndicaux peut constituer une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. (Voir à ce sujet le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 202 et 203.)
  14. 145. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le gouvernement a bloqué les fonds syndicaux du SITIRHE, empêchant ainsi les dirigeants syndicaux licenciés d'avoir accès aux cotisations syndicales et de les gérer, le comité relève que ce blocage a été décidé à la suite du licenciement des dirigeants syndicaux qui, de ce fait, n'avaient plus autorité légale en ce domaine. Le comité ajoute que le licenciement d'un dirigeant syndical ne devrait pas entraver l'exercice de ses activités syndicales pendant la durée de son mandat et considère que la gestion des fonds syndicaux devrait pouvoir être assurée par les dirigeants désignés selon les statuts syndicaux sans aucune ingérence extérieure. Il appartient en particulier aux membres du syndicat eux-mêmes de décider si les dirigeants doivent continuer à gérer les fonds de l'organisation. Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures en ce sens.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 146. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne le licenciement massif de dirigeants syndicaux et d'employés du secteur public décidé en raison de la grève du 5 décembre 1990, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour réintégrer ces dirigeants syndicaux et employés publics et à le tenir informé du déroulement des procédures en cours à ce sujet.
    • b) Le comité demande aussi au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire consacrer par la législation nationale le droit d'organisation collective et les autres droits syndicaux des fonctionnaires et travailleurs du secteur public reconnus par les conventions nos 87 et 98.
    • c) Le comité demande au gouvernement d'assurer à l'avenir que l'inviolabilité des locaux syndicaux ait comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ces locaux sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant.
    • d) Le comité demande au gouvernement de permettre aux dirigeants syndicaux du SITIRHE de gérer leurs cotisations syndicales, conformément aux statuts syndicaux, et de s'abstenir de toute ingérence à cet égard.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer