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Rapport définitif - Rapport No. 279, Novembre 1991

Cas no 1585 (Philippines) - Date de la plainte: 29-MAI -91 - Clos

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  1. 119. La Fédération des agriculteurs libres (FFF) a porté plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement des Philippines dans des communications datées des 29 mai et 3 juillet 1991.
  2. 120. Le gouvernement a présenté ses observations sur cette affaire dans une communication datée du 12 août 1991.
  3. 121. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.

A. Allégations de la fédération plaignante

A. Allégations de la fédération plaignante
  1. 122. Dans sa communication du 29 mai 1991, la FFF affirme que diverses dispositions du Code du travail des Philippines portent atteinte aux conventions nos 87 et 141. Les dispositions en question sont les suivantes:
  2. - article 241 (c) et (p) exigeant que les dirigeants locaux et nationaux soient élus directement au scrutin secret;
  3. - article 241 (j) prévoyant l'annulation automatique de l'enregistrement d'un syndicat en cas de non-présentation des rapports financiers; et
  4. - article 3, paragraphe (d), article II, livre V exigeant des fédérations et des syndicats nationaux qu'ils organisent leurs affiliés directs en unités ou sections locales.
  5. 123. En ce qui concerne le premier point, l'article 241 (c) et (p) du Code du travail disposent:
  6. (c) Les membres élisent directement tous les cinq ans et au scrutin secret les dirigeants de leur syndicat local ainsi que les dirigeants nationaux du syndicat national ou de la fédération dont ils sont membres ou dont leur syndicat local est membre. Pour se porter candidat à l'un de ces postes, il suffit d'être un membre en règle des organisations professionnelles en question. Le secrétaire ou tout autre responsable du syndicat doit communiquer au ministère du Travail et de l'Emploi la liste des dirigeants nouvellement élus ainsi que le nom des dirigeants ou autres membres chargés de la gestion des fonds, et ce dans les trente jours civils qui suivent l'élection des dirigeants ou toute modification intervenue dans la liste des dirigeants de l'organisation professionnelle.
  7. ...
  8. (p) Toute violation des droits et conditions d'affiliation susvisés constitue un motif d'annulation de l'enregistrement d'un syndicat ou de destitution d'un dirigeant, selon le cas.
  9. 124. La fédération plaignante considère que ces dispositions portent atteinte à la liberté syndicale et violent les articles 2, 3, 4 et 8 (2) de la convention no 87 ainsi que les articles 3, 4 et 5 de la convention no 141. Elle cite à ce propos l'Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations intitulée Liberté syndicale et négociation collective de 1983:
  10. La commission estime qu'une législation qui réglemente minutieusement les procédures d'élection interne des syndicats est incompatible avec les droits reconnus aux syndicats par la convention no 87. Il y a lieu de considérer en effet qu'une réglementation détaillée des élections syndicales, par l'intermédiaire d'une législation fixant des règles précises à ce sujet, limite le droit des organisations d'élire librement leurs représentants et peut constituer une sorte de contrôle a priori de la procédure électorale, de nature à faciliter également l'intervention des pouvoirs publics dans le déroulement du scrutin (paragr. 172).
  11. 125. La FFF est une organisation professionnelle nationale, dûment enregistrée, dont les membres sont des travailleurs ruraux habitant de nombreux villages dans beaucoup de provinces de l'archipel des Philippines, lequel comprend plus de 7.000 îles. Elle se compose de sections villageoises, d'associations provinciales, de bureaux régionaux et d'un bureau national. Comme la plupart des villages sont situés à des kilomètres des villes et que les municipalités et les provinces sont souvent éloignées les unes des autres de centaines de kilomètres, il est matériellement et moralement impossible pour la FFF d'organiser les élections de telle manière que ses milliers de membres choisissent directement tous leurs dirigeants, notamment leurs dirigeants provinciaux, régionaux et nationaux, le même jour ou au cours d'une même période, à plus forte raison au scrutin secret. La plupart des membres de la FFF sont des travailleurs indépendants (exploitants propriétaires ou fermiers, commerçants, pêcheurs) et des ouvriers agricoles, y compris des agriculteurs sans terre pratiquant la culture itinérante, qui vivent et travaillent dans les villages. Ils sont très dispersés parce qu'ils exploitent des terres fort éloignées les unes des autres. Il leur est impossible de bien connaître les dirigeants ou candidats provinciaux, régionaux et nationaux. On ne peut pas réunir ces milliers de membres qui vivent à des centaines de kilomètres les uns des autres en un même lieu pour procéder à des élections, problèmes de communication et de transport qui se posent en milieu rural et notamment au niveau provincial, régional ou national, à cause des gros qui sont périodiquement aggravés par des catastrophes naturelles telles que des typhons.
  12. 126. L'organisation des élections en différents endroits à une date déterminée ou au cours d'une période donnée poserait beaucoup de problèmes et coûterait très cher, et il serait impossible de contrôler et de coordonner le déroulement du scrutin. A cela s'ajoutent les problèmes d'accréditation, d'authentification et de dépouillement simultanés dans toutes les unités. Si les élections ont lieu à des dates différentes, un autre problème se pose: celui de respecter le délai de trente jours avant la fin duquel les noms des dirigeants nouvellement élus et nommés doivent être communiqués au ministère du Travail et de l'Emploi.
  13. 127. Pour ces différentes raisons, ce sont des délégués qui, mis à part les élections villageoises, sont chargés d'élire les dirigeants, comme il est prévu dans l'acte constitutif et les statuts de la FFF. Cette procédure contrevient aux dispositions du Code du travail qui prévoient une élection directe; selon toute probabilité, toute élection organisée selon cette procédure serait donc jugée illégale et invalidée. Il est clair que ces dispositions du Code du travail philippin posent un problème juridique à la FFF et à beaucoup d'organisations professionnelles se trouvant dans la même situation et risquent d'entraîner leur paralysie et finalement leur disparition.
  14. 128. En ce qui concerne le deuxième point, l'article 241 (j) du Code du travail dispose:
  15. Toute entrée de fonds au profit de l'organisation doit être consignée dans un registre indiquant la source de ces fonds, et toute sortie de fonds appartenant à l'organisation doit être attestée par un reçu signé de la personne à laquelle le paiement est effectué et indiquant la date, le lieu et le motif du paiement. Ce registre et ces reçus font partie des pièces comptables de l'organisation.
  16. Toute action concernant les fonds de l'organisation se prescrit par un délai de trois ans à compter de la date de présentation du rapport financier annuel au ministère du Travail et de l'Emploi ou de la date à laquelle, selon la loi, ce rapport aurait dû être soumis si cette dernière date est antérieure; étant entendu que cette disposition ne s'applique qu'aux organisations professionnelles légalement reconnues qui ont soumis les rapports financiers prévus par le présent code; étant entendu aussi que l'enregistrement d'une organisation professionnelle qui n'a pas respecté l'obligation de présenter périodiquement des rapports financiers ni les règlements promulgués au titre de la présente loi dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de cette dernière est automatiquement annulé.
  17. 129. La FFF considère que ces prescriptions détaillées concernant l'administration financière des organisations professionnelles constituent une ingérence dans leurs affaires internes et violent l'article 3 de la convention no 87 de l'OIT, qui dispose que ces organisations ont le droit d'élaborer leurs statuts et d'organiser leurs activités sans intervention des autorités publiques. En outre, l'annulation automatique de l'enregistrement d'une organisation professionnelle qui n'a pas présenté les rapports financiers exigés par la loi est une procédure illégitime qui viole l'article 4 de la convention no 87 de l'OIT, laquelle dispose que les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution par voie administrative.
  18. 130. En ce qui concerne le troisième point, la FFF souligne que l'article 3, paragraphe (d), de l'article II, livre V, du Code philippin du travail oblige les fédérations ou les syndicats nationaux ayant des affiliés directs à organiser ces affiliés en sections ou unités locales au sein des entreprises ou établissements dans lesquels ils travaillent, et ce dans les soixante jours qui suivent l'entrée en vigueur des règlements.
  19. 131. Selon la FFF, cette disposition viole l'article 3 de la convention no 87, qui dispose que les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs et d'organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques. Elle viole aussi les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention no 141 de l'OIT, qui prévoit que les principes de la liberté syndicale doivent être pleinement respectés dans le cas des organisations de travailleurs ruraux qui ne doivent être soumises à aucune ingérence. Enfin, elle va à l'encontre des articles 5 et 6 de la convention no 141, qui demandent l'un et l'autre que soient éliminés les obstacles d'ordre législatif et administratif qui s'opposent à la constitution et au développement des organisations de travailleurs ruraux.
  20. 132. Les fédérations et les syndicats nationaux ont plusieurs bonnes raisons de conserver des affiliés directs, ce qui relève de leurs droits et des décisions de leurs membres. En outre, cette disposition du Code du travail est sans doute plus aisément applicable aux organisations professionnelles du secteur non agricole dont les membres sont des salariés qu'il est plus facile de regrouper par entreprise ou lieu de travail. Dans le cas de la FFF et des autres organisations qui se composent en partie, voire avant tout, de travailleurs indépendants, la géographie a plus d'importance que l'identité des employeurs lorsqu'il s'agit de constituer des sections ou unités locales. En tout état de cause, l'organisation professionnelle directement intéressée est la mieux à même de savoir quelle structure lui convient le mieux.
  21. 133. Dans une deuxième communication, en date du 3 juillet, la FFF indique que son conseil national, réuni le 8 juin 1991 à Quezon City, compte tenu de l'impossibilité matérielle d'organiser des élections directes comme l'exige le Code du travail, a approuvé à l'unanimité une résolution qui reporte sine die la convention nationale de la FFF en attendant que la loi soit amendée afin de permettre à l'organisation d'en respecter les dispositions. Les sections locales représentées à cette réunion, à laquelle ont participé des dirigeants régionaux et provinciaux de la FFF venus de tout le pays, ont fait état des difficultés qui rendent également impossible l'organisation d'élections directes au niveau provincial, et notamment des difficultés suivantes: un énorme effort financier et administratif serait nécessaire pour informer des centaines ou des milliers de travailleurs ruraux très dispersés et pour les rassembler dans un ou plusieurs centres à travers toute une province; cela est d'autant plus vrai que les moyens de communication, de transport, etc. sont médiocres, voire inexistants, que la paix et l'ordre public ne sont pas toujours assurés et que beaucoup d'endroits sont sujets à des catastrophes naturelles.
  22. 134. Le conseil ainsi que les responsables nationaux et locaux de la FFF présents à la réunion sont convenus que la disposition susmentionnée du Code du travail plaçait l'ensemble de l'organisation dans un état d'incertitude et de paralysie. En outre, une enquête menée officieusement par la FFF auprès d'autres fédérations et syndicats nationaux au cours des deux années passées a montré que ces organisations (actives principalement dans les secteurs du commerce, de l'industrie et des services) prévoyaient qu'il serait extrêmement difficile, voire impossible, de respecter cette disposition du Code du travail. Seul un syndicat national qui rassemble des travailleurs des hôtels et des restaurants a réussi à organiser des élections directes. Selon son président, ce syndicat connaît encore dans ce domaine de graves problèmes financiers et administratifs bien que la plupart de ses sections se trouvent à Manille.
  23. 135. En résumé, la FFF considère qu'une épée de Damoclès est suspendue en permanence au-dessus des organisations professionnelles (et notamment de celles dont on peut penser qu'elles ont peu de sympathie pour le gouvernement en place) étant donné que la légitimité des conventions ou des élections peut toujours être mise en doute et que leurs résultats peuvent être invalidés, ce que confirment les services juridiques du ministère du Travail dans la lettre en date du 3 novembre 1989 qu'ils ont adressée à la FFF.
  24. B. Réponse du gouvernement
  25. 136. Dans sa communication du 12 août 1991, le gouvernement se déclare fermement convaincu que les préoccupations exprimées par la FFF sont sans fondement. Il souligne que les dispositions mises en cause ne visent que les syndicats créés dans des entreprises spécifiques ou syndicats de travailleurs du secteur structuré, et non les organisations de travailleurs ruraux et de travailleurs itinérants, ambulants et indépendants, telles que la fédération qui a porté plainte. Selon le gouvernement, cela ressort en particulier de l'article 212 (g) du Code du travail qui dispose: "L'expression "organisation professionnelle" désigne un syndicat ou une association créé uniquement ou en partie dans le but d'organiser des négociations collectives ou de traiter avec les employeurs des conditions d'emploi" (non souligné dans le texte).
  26. 137. En outre, le gouvernement fait observer que, telle qu'il est appliqué, l'article 241 (c) est considéré comme ayant un caractère indicatif et non pas force obligatoire. De même, l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat qui n'a pas présenté les rapports financiers exigés par la loi n'est pas automatique. L'Office des relations professionnelles (service du ministère du Travail et de l'Emploi directement chargé de tout ce qui touche aux organisations professionnelles) n'entame une procédure d'annulation que si un syndicat, après avoir reçu au moins deux rappels, se refuse toujours à obtempérer. Au cours de cette procédure, les syndicats peuvent s'expliquer et se défendre. De même, l'article 3 (d) de l'article II, livre V, du Code du travail a un caractère purement indicatif.
  27. 138. Le gouvernement conclut que les dispositions précitées sont le fruit de consultations tripartites, mais il est conscient des déficiences signalées par la commission d'experts et de son obligation de prendre des mesures pour les amender afin de respecter les dispositions de la convention no 87.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 139. Le comité note que la fédération plaignante critique les dispositions du Code du travail philippin qui exigent que les dirigeants locaux et nationaux des organisations professionnelles soient élus directement au scrutin secret (article 241 (c) et (p)) et que les fédérations et les syndicats nationaux organisent leurs affiliés directs en sections locales (livre V, article II, article 3 (d)) et qui prévoient en outre l'annulation automatique de l'enregistrement d'un syndicat qui n'aurait pas présenté les rapports financiers exigés par la loi (article 241 (j)). La fédération plaignante affirme que la première de ces dispositions l'empêche pratiquement de fonctionner étant donné que toute élection de dirigeants syndicaux par des délégués risque d'être invalidée; elle considère par ailleurs que les deux autres dispositions représentent une ingérence dans ses affaires internes.
  2. 140. Dans ses brèves observations du 12 août 1991, le gouvernement ne prend pas véritablement position sur le fond des allégations mais répond en termes très généraux a) qu'il ne considère pas que la FFF soit une organisation professionnelle au sens du code, de sorte que les dispositions en question ne lui sont pas applicables; et b) que ces dispositions, en tout état de cause, ont un caractère indicatif et non impératif.
  3. 141. D'une manière générale, le comité note que la FFF se compose de différentes catégories de travailleurs dont la plupart sont, selon la fédération plaignante, des travailleurs indépendants. Ces derniers sont couverts non seulement par les garanties prévues par les conventions nos 87 et 98, mais aussi par celles prévues par la convention no 141; cette dernière convention, dans son article 2, indique en effet que les termes "travailleurs ruraux" désignent "toutes personnes exerçant une occupation agricole, ... qu'il s'agisse de salariés ou ... (sous certaines réserves) de personnes travaillant à leur propre compte".
  4. 142. Quant au caractère indicatif des dispositions mises en cause par la fédération plaignante, le comité observe que trois d'entre elles sont rédigées dans des termes qui leur donnent manifestement force obligatoire et que celles qui sont énoncées dans l'article 241 (p) peuvent avoir des conséquences particulièrement graves, à savoir l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat ou la destitution d'un dirigeant. Le risque que les autorités administratives ou judiciaires considèrent ces dispositions comme impératives existe, comme en témoigne l'exemple présenté plus loin.
  5. 143. En ce qui concerne la procédure d'élection directe, le comité note que, même si le gouvernement affirme que les dispositions en question ne visent que les syndicats du secteur structuré et non des organisations telles que celle de la fédération plaignante, le directeur des services juridiques du ministère du Travail et de l'Emploi n'en considère pas moins implicitement que la FFF est assujettie aux dispositions de l'article 241 (c) et (p) lorsque, dans sa lettre du 3 novembre 1989 à la FFF, il écrit textuellement: "... les responsables syndicaux doivent être directement élus par les membres des syndicats concernés attendu que les auteurs de la loi de la République no 6715 estiment que cela contribuera à la démocratisation des syndicats. En conséquence, vous ne pouvez pas déroger à cette procédure sous peine d'une invalidation des résultats de l'élection" (non souligné par le texte.) Le gouvernement affirme maintenant que la FFF n'est pas visée par cette disposition qui, dit-il, a un caractère purement indicatif. Le comité prend néanmoins note des raisons qui ont amené, en juin 1991, le conseil de la FFF à décider à l'unanimité de reporter sa convention nationale jusqu'à ce que la loi soit amendée et que les incertitudes soient levées.
  6. 144. La fédération plaignante explique les raisons pour lesquelles l'organisation d'élections directes pose des problèmes pratiques insurmontables (conditions géographiques et climatiques, difficultés de transport et de communication, coût très lourd, obstacles administratifs). Le comité comprend que le législateur puisse souhaiter rendre les élections syndicales aussi démocratiques que possible mais, dans ce cas particulier, la poursuite de cet objectif, par ailleurs légitime, empêche en fait les membres de la FFF d'élire leurs représentants et d'élaborer leurs statuts et règlements librement, ce qui constitue pourtant deux des principes fondamentaux de la liberté syndicale.
  7. 145. Comme le comité l'a déjà maintes fois souligné, le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu'elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s'abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l'exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d'éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 295). Le comité en conclut, à la lumière des circonstances particulières du cas, caractérisées notamment par les difficultés de transport, que les dispositions en question ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale
  8. 146. En ce qui concerne le deuxième point, le comité considère que les dispositions législatives qui exigent, par exemple, que des rapports financiers soient soumis chaque année aux autorités ne représentent pas en elles-mêmes une atteinte à l'autonomie des syndicats; elles sont utiles pour autant qu'elles visent uniquement à prévenir les abus et à protéger les syndiqués eux-mêmes contre les fraudes ou contre une mauvaise gestion de leurs fonds. Dans le cas d'espèce, l'article 241 (j) va plus loin puisqu'il exige que toute entrée ou sortie de fonds soit attestée dans un registre ou par un reçu indiquant la date, le lieu et le motif du paiement.
  9. 147. Le gouvernement indique par ailleurs que la procédure d'annulation n'est pas automatique bien que le libellé de l'article 241 (j) soit très clair sur ce point; il affirme qu'en pratique une procédure n'est engagée que si un syndicat, après avoir reçu deux rappels, se refuse à obtempérer; en outre, les syndicats peuvent s'expliquer et se défendre durant cette procédure.
  10. 148. Le comité observe que l'article 241 (j) dispose que les registres et reçus font partie des pièces comptables de l'organisation mais n'exige pas qu'ils soient produits en même temps que le rapport financier annuel. A partir des informations qui lui ont été fournies, le comité n'est pas à même d'évaluer précisément dans quelle mesure les autorités exercent un contrôle et encore moins de savoir quelles autorités exercent en fin de compte ce contrôle. Il rappelle qu'il existe certaines garanties contre l'ingérence des autorités dans la gestion financière interne des syndicats lorsque le fonctionnaire choisi pour effectuer les contrôles jouit d'une certaine indépendance à l'égard des autorités administratives et s'il est lui-même soumis au contrôle des autorités judiciaires (Recueil de décisions et de principes, ibid., paragr. 327-337). Cela est particulièrement important quand, comme dans le cas présent, l'enregistrement et l'existence d'une organisation sont en jeu. Le comité demande par conséquent au gouvernement de mettre en oeuvre ce principe.
  11. 149. En ce qui concerne le troisième point, à savoir l'obligation pour les fédérations ou les syndicats nationaux d'organiser leurs affiliés directs en unités ou sections (art. II (3)(d)), le comité rappelle le principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'organiser leur gestion sans aucune ingérence des autorités publiques. La FFF est donc en droit de choisir librement la structure organisationnelle qu'elle juge la plus appropriée compte tenu des caractéristiques particulières de ses membres et des facteurs géographiques. Le gouvernement indique que cette disposition n'a qu'un caractère indicatif. Il n'en demeure pas moins que l'article II (3)(d) du livre V, dans son énoncé actuel, n'est pas compatible avec les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 150. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité estime, compte tenu des difficultés des organisations de travailleurs ruraux de réunir leurs membres, que les dispositions concernant l'élection des dirigeants syndicaux au scrutin direct et l'organisation interne des fédérations et de leurs affiliés directs ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement de les amender et renvoie cet aspect du cas à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
    • b) Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait qu'il existe certaines garanties contre l'ingérence des autorités dans la gestion financière interne des syndicats lorsque le fonctionnaire choisi pour effectuer les contrôles jouit d'une certaine indépendance à l'égard des autorités administratives et s'il est lui-même soumis au contrôle des autorités judiciaires. Il invite le gouvernement à mettre en oeuvre l'application de ce principe.
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