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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 281, Mars 1992

Cas no 1593 (République centrafricaine) - Date de la plainte: 12-JUIL.-91 - Clos

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  1. 237. Les plaintes dans la présente affaire figurent dans les communications de la Confédération mondiale du travail (CMT) datée du 12 juillet 1991, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 2 août 1991, de l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) également datée du 2 août 1991 et de la Fédération syndicale mondiale (FSM) datée du 5 août 1991. L'OUSA a fourni des renseignements complémentaires à l'appui de sa plainte en date du 15 août 1991.
  2. 238. Le gouvernement a répondu aux allégations dans une communication datée du 2 novembre 1991.
  3. 239. La République centrafricaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 240. La Confédération mondiale du travail (CMT) allègue, dans sa communication du 12 juillet 1991, que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98. Elle explique que le 29 avril 1991 une grève avait été déclenchée par les six fédérations professionnelles de la fonction publique pour revendiquer le paiement des salaires à terme échu pour tous les fonctionnaires, aussi bien dans la capitale que dans les provinces, car dans certains endroits éloignés ils n'avaient pas été payés depuis plus de deux mois, la revalorisation de la grille salariale bloquée depuis plus de dix ans, la réintégration des travailleurs suspendus depuis novembre 1990 pour avoir manifesté leur désir de plus de démocratie et de la tenue d'une conférence nationale. Le 3 juin 1991, les travailleurs du secteur privé se sont également mis en grève pour demander une augmentation de leurs salaires qui ne leur permettaient que de survivre.
  2. 241. Devant cette situation, d'après la CMT, le gouvernement a lancé une offensive contre les grévistes en arrêtant arbitrairement et en détenant au commissariat de Bangui, le 28 juin 1991, les syndicalistes suivants: M. Jean-Michel Sanzema, secrétaire général du syndicat SOCAF, M. Edouard Parizé, syndicaliste dans l'établissement "Dias Frères", M. Léon Topomo de la société Bamay, MM. Mathurin Gbaboné et Jean-Michel Somode de PETROCA et M. Louis Ngoufoudou. Par la suite, MM. Ngaba-Mangou, secrétaire général des travailleurs des travaux publics, Jacquesson Mazette, secrétaire général des enseignants du supérieur, et Germain Zoungoula, d'une part, et Mme Cécile Guéret, membre du bureau national de l'Union syndicale des travailleurs de Centrafrique (USTC), d'autre part, ont été arrêtés respectivement les 4 et 9 juillet 1991. Le plaignant indique que des syndicalistes et des travailleurs sont traqués, que deux médecins et une infirmière sont recherchés ainsi que d'autres membres du bureau de l'USTC, et que des grévistes ont été menacés de perte d'emploi.
  3. 242. La CMT explique que le gouvernement, le 3 juillet 1991, lors d'une réunion de l'USTC à la Bourse du travail, aurait infiltré des policiers dans les rangs des travailleurs, mais qu'ils auraient été démasqués et priés de quitter les lieux. La police en aurait pris prétexte pour mener une action brutale, en utilisant des gaz lacrymogènes, investir la Bourse et arrêter des syndicalistes. Elle ajoute que le 4 juillet les autorités auraient arrêté, lors de leur sortie de la réception de l'ambassade américaine, organisée à l'occasion de la fête de l'Indépendance, les syndicalistes MM. Pierre Ngaba-Mangou, Jacquesson Mazette et Germain Zoungoula.
  4. 243. La CMT accuse également le gouvernement d'avoir décrété, en date du 5 juillet 1991, la suspension de l'USTC et de ses activités jusqu'au 31 octobre 1991 en menaçant de mettre en place un autre bureau syndical si la situation n'était pas normalisée d'ici là.
  5. 244. Selon la confédération plaignante, le gouvernement a aussi entravé le déroulement des négociations collectives dans le secteur privé en refusant que le patronat discute seul avec les travailleurs et leurs organisations et en instituant dans ce but une commission paritaire dans laquelle siègent également des représentants gouvernementaux. Elle estime que le gouvernement a ainsi montré sa volonté manifeste d'ingérence dans le déroulement normal des négociations collectives entre les partenaires sociaux.
  6. 245. La CMT demande la remise en liberté des personnes arrêtées et l'annulation de la suspension des activités syndicales.
  7. 246. La plainte de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), communiquée en date du 2 août 1991, traite en premier lieu des événements qui ont mené au déclenchement de la grève du 29 avril 1991. Elle explique qu'après une trève syndicale entre 1981 et 1990 la loi no 88/009 de 1988, entrée en vigueur en mai 1990, avait permis la reprise des activités syndicales. Après sa fondation en juillet 1990, l'USTC avait déclenché, le 21 novembre 1990, une grève générale de protestation contre le gel des salaires en vigueur depuis dix ans, contre les mauvaises conditions de travail et pour revendiquer le paiement régulier des salaires. Le gouvernement avait déclaré cette grève illégale, réquisitionnant par décret certaines catégories de fonctionnaires en les obligeant à reprendre le travail dans les sociétés de distribution d'eau, d'électricité et dans les aéroports notamment, et il avait fait appel à la police et aux forces de sécurité pour faire appliquer le décret. Selon la CISL, des syndicalistes avaient été arrêtés le 23 novembre 1990, soumis à de sévères interrogatoires puis relâchés. La police anti-émeute avait encerclé le siège social de l'USTC et utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation de l'USTC. Selon la confédération plaignante, le gouvernement avait rejeté les demandes de médiation et d'arbitrage du différend présentées par le syndicat.
  8. 247. La CISL indique que par la suite, en avril 1991, l'USTC avait rencontré des représentants gouvernementaux au sujet des retards dans le paiement des salaires et de la réintégration de cinq travailleurs de la Compagnie centrafricaine de distribution d'électricité, licenciés durant la grève de novembre 1990. Le 29 avril 1991, les fonctionnaires s'étaient mis en grève, suivis le 3 juin par les travailleurs du secteur privé.
  9. 248. La CISL allègue plus spécifiquement que les autorités ont recherché des dirigeants syndicaux, arrêté le 31 mai 1991 le président de la Fédération des travailleurs au ministère des Finances, intenté des poursuites judiciaires contre les dirigeants syndicaux, les accusant de "transformer leurs syndicats afin de présenter des revendications d'ordre politique", et fait appel à des militaires retraités pour renforcer l'armée. Elle explique que le 3 juillet l'USTC a tenu une réunion à la Bourse du travail où deux membres des services de sécurité s'étaient infiltrés. Des travailleurs les ont découverts et ces deux policiers ont dû se réfugier dans une résidence privée d'où ils ont appelé les forces de l'ordre. L'armée a investi la Bourse usant des gaz lacrymogènes, causant les blessures de dizaines de syndicalistes. Suite à ces événements, le gouvernement a interdit toute réunion à la Bourse du travail. Trente-quatre responsables syndicaux ont été arrêtés et interrogés par la police les 4 et 5 juillet, et M. Sonny-Cole, secrétaire général de l'USTC, a dû se réfugier dans la clandestinité.
  10. 249. La CISL indique aussi que le 8 juillet, par décret gouvernemental, six syndicats du secteur public ont été suspendus jusqu'au 31 octobre. Durant le mois de juillet, des dizaines de dirigeants syndicaux et de simples syndicalistes auraient été arrêtés et détenus dans un lieu secret. Selon la confédération plaignante, les menaces d'arrestation se poursuivraient.
  11. 250. Elle accuse enfin le gouvernement d'avoir condamné en leur absence et sans qu'ils aient pu présenter leur défense, MM. Mazette Jacquesson, secrétaire général de la Fédération syndicale des enseignants centrafricains (FSEC), à une peine d'emprisonnement de deux ans avec sursis, Germain Zoungoula et Pierre Ngaba-Mangou, respectivement secrétaire général adjoint de la FSEC et secrétaire général de la Fédération syndicale des travailleurs des travaux publics (FSTPAT), à un an d'emprisonnement avec sursis, et MM. Théophile Sonny-Cole, secrétaire général de l'USTC, et Nestor Ballet, responsable de la Fédération des enseignants, à une peine d'emprisonnement ferme d'un an.
  12. 251. La plainte présentée par l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA), les 2 et 15 août 1991, traite de l'occupation de la Bourse du travail par les forces de l'ordre, de la suspension des activités des six fédérations syndicales du secteur public pour une durée de quatre mois (juillet à fin octobre 1991), du licenciement de fonctionnaires n'ayant pas repris le travail le 8 juillet 1991 conformément à l'ultimatum du gouvernement, de la détention à Bangui de plusieurs responsables syndicaux et des jugements du 8 juillet. L'OUSA fait remarquer que toutes ces mesures ont un lien direct et indéniable avec la grève décidée par les syndicats pour revendiquer le paiement des arriérés de salaire des fonctionnaires et agents de l'Etat, le paiement à terme échu des salaires mensuels et la réintégration à leur poste de travail de cinq travailleurs de l'Energie centrafricaine (Enerca) licenciés à la suite d'une précédente grève qui avait eu lieu à la fin de 1990.
  13. 252. La Fédération syndicale mondiale (FSM) fait également état, dans une communication du 5 août 1991, de la condamnation à des peines de un an de prison ferme des deux dirigeants syndicaux, MM. Sonny-Cole et Ballet, qui n'ont pas été entendus ni cités à l'audience, et à des peines de un à deux ans de prison avec sursis de trois autres dirigeants syndicaux, le 31 juillet 1991.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 253. Dans sa communication datée du 2 novembre 1991, le gouvernement commence par indiquer que le 19 mai 1988 le Chef d'Etat a promulgué une loi relative à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical conforme en tous points aux dispositions de la convention no 87. Il explique que cette loi a mis fin à la trêve syndicale et a permis aux travailleurs de s'organiser. Environ 60 syndicats de base et sept fédérations se sont constitués. Du 4 au 7 juillet 1990, les syndicats ont organisé leur congrès au cours duquel ils ont mis en place leur centrale, l'Union syndicale des travailleurs de Centrafrique (USTC), et ont élu les membres du bureau national. Le gouvernement déclare que toutes ces activités ont été menées démocratiquement et librement, sans ingérence aucune des pouvoirs publics, et en présence d'un représentant du BIT et des représentants d'organisations syndicales internationales.
  2. 254. Le gouvernement convient ensuite que le 17 octobre 1990 une grève a été déclenchée par certaines fédérations du secteur public pour revendiquer le déblocage des salaires avec paiement immédiat et effet rétroactif au 1er janvier 1990, le paiement des indemnités de technicité, la revalorisation de ces indemnités à 100 pour cent, le paiement des salaires à terme échu, l'annulation de la catégorisation, le rétablissement des concours professionnels et le paiement des indemnités de logement aux enseignants supérieurs. Sur instructions du Chef d'Etat, des négociations ont été menées entre le gouvernement et l'USTC, et le travail a repris.
  3. 255. Cependant, le 21 avril 1991, les cinq fédérations du secteur public ont déclenché une nouvelle grève illimitée pour revendiquer le paiement des arriérés des salaires des mois de février et mars 1991 et le rétablissement dans leur emploi de cinq employés de l'Enerca licenciés, selon le gouvernement, pour sabotage des installations techniques de l'entreprise. Le gouvernement affirme que le 31 mai 1991 toutes ces revendications ont été satisfaites: les salaires ont été payés, y compris ceux d'avril 1991, et les travailleurs de l'Enerca licenciés ont été réembauchés. Il joint, en annexe, copie de la décision de réembauchage du 8 mai 1991.
  4. 256. Le gouvernement relate que l'USTC, qui était en pourparlers avec la Fédération nationale du patronat centrafricain (FNPC) sur la révision des grilles de salaires du secteur privé, a rompu les négociations sous prétexte que la délégation du patronat se livrait à des manoeuvres dilatoires, alors que cette dernière, tout en étant favorable au principe de la révision, demandait un délai de dix jours lui permettant de consulter ses membres pour refaire des propositions chiffrées. Le gouvernement indique que, dès la rupture des négociations par l'USTC, cette centrale a lancé un mot d'ordre de grève de 48 heures, grève qui a duré un mois dans le secteur privé et qui continuait encore, en date du 2 novembre, dans l'enseignement fondamental et technique, dans l'enseignement supérieur, la santé et les postes. Le gouvernement estime que cette grève s'est accompagnée de nombreux manquements aux dispositions légales et réglementaires régissant l'exercice du droit de grève: non-respect de la procédure de déclenchement de grève, maintien abusif du mot d'ordre de grève, organisation de piquets de grève, non-observation des ordres de réquisition et refus d'assurer le service minimum, comportement singulier des dirigeants syndicaux, violation grossière de la démocratie syndicale et déviation de l'objet du syndicat.
  5. 257. Le gouvernement admet toutefois qu'en date du 5 juillet 1991 le conseil d'arbitrage, composé d'un magistrat et de deux assesseurs représentant les travailleurs et de deux assesseurs représentant les employeurs, a reconnu le bien-fondé des revendications des travailleurs, mais il a constaté que la grève déclenchée par les travailleurs du secteur privé était illicite. Toujours selon le gouvernement, la sentence a en outre recommandé la production, dans les huit jours, des résultats du comité ad hoc chargé de la révision des salaires minima (SMIG et SMAG) afin de permettre aux deux parties de reprendre les négociations en vue de discuter des conditions de la reprise du travail.
  6. 258. S'agissant de la réunion syndicale organisée par l'USTC le 3 juillet 1991 à la Bourse du travail, le gouvernement explique que cette réunion s'est terminée par des agressions commises par des hordes parties de la Bourse du travail. Il indique que plusieurs citoyens ont été victimes de ces agissements et que le ministère du Travail a été pris d'assaut: des pierres ont été lancées, des documents et du matériel détruits, le secrétaire personnel du ministre agressé et un inspecteur du travail molesté. Le gouvernement est d'avis qu'il se devait de faire respecter l'ordre. C'est dans ces circonstances que les forces de l'ordre sont intervenues pour faire évacuer la Bourse du travail et que les activités des fédérations syndicales du secteur public ont été suspendues. Il ajoute que, des victimes ayant porté plainte avec constitution de partie civile, il était normal que les autorités judiciaires se prononcent.
  7. 259. C'est ainsi, toujours selon le gouvernement, que les syndicalistes ont été appréhendés et gardés à vue dans les locaux de la police et non dans un lieu secret. Les enquêtes préliminaires ont abouti à leur inculpation et ils ont été jugés à l'occasion d'un procès régulier, au cours de débats publics et dans le respect des droits de la défense. Le 31 juillet 1991, le tribunal de grande instance de Bangui a condamné MM. Sonny-Cole, Ballet, Mazette, Ngaba-Mangou et Zoungoula. Le gouvernement ajoute qu'aucune des personnes concernées n'a séjourné à la maison d'arrêt puisque la grâce présidentielle accordée le 6 septembre 1991 et la loi d'amnistie promulguée le 25 septembre 1991 sont intervenues.
  8. 260. Le gouvernement conclut ses observations en déclarant que depuis le 1er novembre 1991 les activités syndicales ont repris dans le secteur public, suite à l'arrêté no 91.006 du 31 octobre 1991 portant reprise des activités des fédérations syndicales du secteur public.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 261. Le comité relève que les organisations plaignantes allèguent: 1) le non-respect des droits fondamentaux des dirigeants et militants syndicaux (arrestation, détention, condamnations et licenciements); 2) la suspension des activités de certaines organisations syndicales; 3) les entraves au droit de négociation collective et de grève.
  2. 262. Concernant la première série d'allégations, le comité note qu'elles portent sur l'arrestation arbitraire et la détention de plusieurs militants et dirigeants syndicaux qui, semble-t-il, n'ont pas été jugés, ainsi que sur la condamnation à des peines d'emprisonnement d'un ou deux ans avec sursis de MM. Mazette, Zoungoula et Ngaba-Mangou et d'un an ferme de MM. Sonny-Cole, secrétaire général de l'USTC, et Nestor Ballet, dirigeant de la Fédération syndicale des enseignants par contumace. Le comité rappelle qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme, et que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, ou sans qu'aucun délit spécifique soit retenu contre eux, constituent une violation des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 68, 88 et 89.)
  3. 263. Le comité a pris connaissance du texte du jugement qui a condamné les syndicalistes en question. Ayant examiné les informations disponibles, le comité est d'avis qu'il ne saurait conclure que les intéressés n'ont pas été jugés par les autorités judiciaires compétentes et qu'ils n'ont pas bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière. Il doit cependant constater que des syndicalistes ont été condamnés pour violences et voies de fait auxquelles ils ne semblent pas avoir participé directement. Le comité exprime sa préoccupation devant ces condamnations et exprime le ferme espoir que de telles mesures ne seront pas prises à l'avenir. Le comité note par ailleurs que ces syndicalistes bénéficient du décret no 91.226 portant remise gracieuse de peines et de la loi no 91/010 portant amnistie à l'occasion du 1er septembre 1991. Il estime donc qu'il n'y a pas lieu de poursuivre cet aspect du cas.
  4. 264. Quant à l'allégation des licenciements de certains fonctionnaires pour avoir participé à une grève, le comité rappelle le principe selon lequel le recours à des mesures extrêmement graves, comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève, implique de graves risques d'abus et constitue une violation de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 444.) Le comité estime en conséquence que le gouvernement n'aurait pas dû prononcer ces licenciements. Le comité constate, en outre, que l'amnistie prononcée par la loi no 91/010 n'entraîne pas la réintégration dans les fonctions ou emplois publics. Il demande donc au gouvernement de réintégrer dans leurs postes les fonctionnaires sanctionnés et de le tenir informé de toute décision prise à cet égard.
  5. 265. Quant aux allégations relatives aux ingérences dans les activités syndicales de l'USTC, et plus particulièrement celle ayant trait à la réunion syndicale organisée par l'USTC le 3 juillet 1991 à la Bourse du travail, le comité note que, selon le gouvernement, la réunion s'est terminée par des agressions commises par des hordes parties de la Bourse. Le gouvernement explique que, dans ces conditions, il se devait de faire intervenir les forces de l'ordre pour évacuer la Bourse du travail, en la fermant et en interdisant toute réunion. Sur ces incidents, le comité observe que dans ces attendus le jugement du 31 juillet reconnaît que les prévenus peuvent bénéficier du sursis dans la mesure où, n'eût été la présence de deux fonctionnaires en civil parmi la foule, cette situation ne se serait peut-être pas produite puisque les syndicalistes avaient bien supporté jusque-là la présence à distance d'un petit détachement de l'armée. Le comité souligne l'importance qu'il attache au fait que l'intrusion dans des locaux syndicaux, sans mandat judiciaire, ou leur occupation constitue une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 202 et 203.) Il prie le gouvernement de prendre toute mesure nécessaire pour permettre à l'USTC de diposer librement de la Bourse du travail et d'y tenir, sans aucune ingérence, des réunions syndicales.
  6. 266. En ce qui concerne la suspension des activités des fédérations syndicales du secteur public jusqu'au 31 octobre 1991, le comité note avec regret que cette mesure a été prononcée par un arrêté gouvernemental du 6 juillet, contrairement à l'article 4 de la convention no 87. Le comité considère que la suspension par voie administrative des organisations syndicales constitue une grave limitation du droit des organisations de travailleurs d'organiser leur gestion, leur programme d'action et leurs activités, en violation de l'article 3 de la convention no 87. Le comité note cependant que l'arrêté gouvernemental de suspension du 6 juillet 1991 a été reporté par l'arrêté no 91.006 du 31 octobre 1991 portant reprise des activités syndicales du secteur public.
  7. 267. Pour ce qui est de la négociation collective dans le secteur privé, le comité observe que le conseil d'arbitrage a, le 5 juillet 1991, reconnu le bien-fondé des revendications des travailleurs et recommandé la production des résultats des travaux des comités chargés de la révision des salaires minima sous huitaine afin de permettre aux deux parties de reprendre les négociations en vue de discuter des conditions de la reprise du travail. Le comité prie en conséquence le gouvernement de le tenir informé du déroulement de la négociation collective dans le secteur privé.
  8. 268. Quant au décret présidentiel, qui avait été adopté après le déclenchement de la première grève générale par l'USTC, le 21 novembre 1990, portant réquisition des fonctionnaires des sociétés de distribution d'eau et d'électricité ainsi que des travailleurs des aéroports et les obligeant à reprendre le travail, le comité rappelle au gouvernement que le principe selon lequel la grève peut être limitée ou interdite dans les "services essentiels" risquerait de perdre tout son sens et, par conséquent, d'entraver le droit des syndicats "d'organiser la gestion et les activités" et de "formuler des programmes d'action" garantis par l'article 3 de la convention no 87, si l'interdiction ne se limitait pas aux services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 394 et 400.) Si le comité reconnaît que les services d'approvisionnement d'eau ou d'électricité constituent un service essentiel au sens strict du terme, il a par contre, à maintes reprises, indiqué que les transports ne peuvent pas, en termes généraux, rentrer dans la catégorie des services essentiels.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 269. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S'agissant de l'allégation de la condamnation des dirigeants syndicaux, MM. Zoungoula, Ngaba-Mango, Mazette, Sonny-Cole et Ballet, le comité, tout en exprimant sa préoccupation devant la condamnation de syndicalistes, note avec satisfaction qu'ils ont tous bénéficié de la grâce présidentielle et de la loi portant amnistie.
    • b) Quant à l'allégation relative aux licenciements de fonctionnaires pour faits de grève, le comité demande au gouvernement de réintégrer dans leurs fonctions les personnes sanctionnées et de le tenir informé de toute décision prise à cet égard.
    • c) Quant à l'occupation et à la fermeture des locaux syndicaux de l'USTC, le comité, rappellant l'importance qu'il attache à l'inviolabilité des locaux syndicaux, prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de ce principe et pour permettre à l'USTC de disposer librement de la Bourse du travail et d'y tenir, sans aucune ingérence, des réunions syndicales.
    • d) S'agissant de la suspension par voie administrative des activités syndicales dans le secteur public, de juillet à novembre 1991, le comité estime que cette mesure est manifestement contraire à l'article 4 de la convention no 87 et exprime l'espoir que de telles mesures ne seront plus adoptées à l'avenir.
    • e) S'agissant de la réquisition de certains fonctionnaires et travailleurs lors de la grève générale en novembre 1990, le comité veut croire que le gouvernement, à l'avenir, tiendra compte du principe selon lequel de telles mesures devraient se limiter aux services essentiels au sens strict du terme.
    • f) Enfin, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue du déroulement des négociations collectives dans le secteur privé.
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