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Rapport définitif - Rapport No. 284, Novembre 1992

Cas no 1601 (Canada) - Date de la plainte: 29-AOÛT -91 - Clos

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  1. 27. Dans une communication datée du 29 août 1991, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte concernant des violations de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Québec) au nom du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).
  2. 28. Le gouvernement fédéral, dans une communication du 13 mai 1992, a transmis les observations et les informations fournies par le gouvernement du Québec.
  3. 29. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 30. Dans leur communication du 29 août 1991, les plaignants allèguent que le gouvernement du Québec a enfreint les conventions internationales sur la liberté syndicale en adoptant en mai 1990 une loi assurant la continuité des services d'électricité d'Hydro-Québec (ci-après appelée "la loi no 58") imposant le retour au travail à quelque 15.700 travailleurs de la société d'Etat, regroupés en six unités de négociation et trois sections locales, assurant la production et la fourniture d'électricité dans l'ensemble de la province de Québec.
  2. 31. Les relations professionnelles dans ce secteur sont régies par le Code du travail, et notamment les articles 111.015 et suivants relatifs aux services publics. Conformément à ces dispositions, le gouvernement a adopté, le 9 novembre 1988, le décret no 1691-88 ordonnant à Hydro-Québec et aux syndicats concernés de maintenir les services essentiels en cas de grève. A l'échéance de leurs conventions collectives, en décembre 1988, les syndicats ont entamé le processus de négociation en vue du renouvellement des conventions; n'étant pas parvenus à une entente après plusieurs mois de négociation, ils ont avisé l'employeur, le ministère du Travail et le Conseil des services essentiels, qu'ils entendaient recourir à la grève le 6 novembre 1989. Les syndicats et les salariés ont respecté les dispositions du Code du travail concernant l'exercice du droit de grève et les recommandations du Conseil des services essentiels relatives au maintien desdits services.
  3. 32. Les plaignants affirment que la continuité des services d'électricité n'a jamais été mise en péril durant la grève. Les syndicats, tout en maintenant leurs efforts en vue du renouvellement des conventions collectives, ont constamment maintenu les services essentiels requis pour assurer la continuité des services d'électricité. A chaque occasion, lorsque les sections locales ont lancé une grève pendant la période allant d'octobre 1989 à mai 1990, elles ont présenté des observations au Conseil des services essentiels, organisme gouvernemental dont la responsabilité est d'assurer que les services essentiels soient fournis lorsqu'un conflit survient entre un employeur et un syndicat. A chaque occasion, les sections locales ont reçu l'approbation du conseil pour faire la grève, tout en conservant le nombre nécessaire de travailleurs sur les lieux de travail, afin de maintenir les services essentiels au public. Dans son rapport annuel de 1989-90, le conseil constate que "... les syndicats ont effectué les modifications nécessaires à leurs listes, ce qui démontre leur responsabilité et leur lucidité à l'égard de leurs obligations envers le public."
  4. 33. Les sections locales ont poursuivi une série de grèves régulières d'une journée sur une base bi-hebdomadaire pendant tout l'hiver et le printemps de 1990. Les grèves étaient toujours en conformité à la fois avec le Code du travail et avec les directives du Conseil des services essentiels. Le 3 mai 1990, après une rencontre entre le conciliateur du travail du gouvernement et toutes les parties concernées, un accord semblait imminent. Les sections locales ont annoncé publiquement le 3 mai leur acceptation de la convention proposée et, avec elle, la fin des grèves; le gouvernement a néanmoins adopté le 4 mai la loi no 58.
  5. 34. Cette législation:
    • - impose le retour au travail des salariés concernés, à compter du 4 mai 1990;
    • - impose la totalité des conditions de travail applicables aux salariés concernés, jusqu'au 13 décembre 1992;
    • - oblige chacun de ces salariés à "accomplir tous les devoirs rattachés à ses fonctions, conformément aux conditions de travail qui lui sont applicables sans arrêt, ralentissement, diminution ou altération des activités que comporte l'accomplissement de ses fonctions" (art. 6);
    • - interdit aux syndicats demandeurs de déclencher toute grève ou action concertée qui aurait pour effet d'amener ses membres à omettre une de ses obligations prévues à l'article 6;
    • - interdit toute action ou omission qui aurait pour effet de faire obstacle à la bonne exécution par les salariés des fonctions qui leur incombent;
    • - ajoute aux sanctions déjà prévues par le Code du travail les pénalités suivantes: suspension des retenues à la source des montants dus aux associations de salariés; réduction de traitement; imposition de diverses amendes pouvant aller jusqu'à 60.000 dollars par jour ou partie de jour pour un individu, et jusqu'à 100.000 dollars par jour ou partie de jour pour une association de salariés, et ce par infraction.
  6. 35. De plus, la loi no 58 supprime ou est en retrait par rapport à certaines conditions d'emploi contenues dans les conventions antérieures ou acceptées dans l'accord de principe du 3 mai, et concernant notamment: les dispositions relatives à la sous-traitance; le droit des travailleurs de refuser un travail dangereux; le plan d'évaluation des emplois et le plan d'équité salariale; les avantages sociaux divers tels que régime de soins dentaires, assurance-vie, etc.
  7. 36. Les plaignants soutiennent que la loi no 58 est fondamentalement incompatible avec les principes de la liberté syndicale et avec les nombreuses décisions du comité sur ce sujet, notamment les cas nos 1438 et 1451. La grève était légale, exercée en conformité complète avec le Code du travail et, pendant toute sa durée, les membres des sections locales du SCFP ont fourni les services essentiels pour assurer que la vie, la sécurité personnelle et la santé de la population du Québec ne soient pas mises en danger. La loi no 58 était une intrusion inutile et injustifiée dans la libre négociation collective de la part du gouvernement du Québec qui ne pouvait que dépouiller les travailleurs de l'Hydro-Québec d'un levier légal et économiquement efficace.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 37. Dans sa communication du 30 avril 1992, le gouvernement du Québec allègue que, une convention collective ayant été conclue entre les parties concernées en juin 1991, il serait inapproprié pour le comité de statuer sur une plainte devenue sans objet; quant au fond, le gouvernement soutient que la plainte n'est pas fondée et qu'il a respecté les normes internationales du travail applicables en l'espèce.
  2. 38. S'agissant de son argument préliminaire, le gouvernement fait observer qu'au lendemain de l'adoption de la loi no 58 les parties ont repris la négociation collective et, le 6 juin 1991, ont conclu une entente de principe. Pour souligner cet effort, le gouvernement a adopté en décembre 1991 la loi no 158 qui abrogeait la loi no 58. En septembre 1991, l'entente de principe sur les nouvelles conventions a été librement ratifiée par un vote des travailleurs; ces conventions collectives, résultat de véritables négociations entre les parties, couvrent la période allant de septembre 1991 à décembre 1993. Elles reprennent substantiellement les conditions prévues à la loi no 58: il en va ainsi des conditions relatives aux salaires, à la sous-traitance et au droit de refus d'exercer un travail jugé dangereux, conditions dont les syndicats se plaignent pourtant dans leur communication. Quant aux salaires, les paramètres prévus dans la loi no 58 ont été reconduits et un accord supplémentaire visant l'année 1993 a été conclu.
  3. 39. De l'avis du gouvernement, puisque les conditions de travail prévues à la loi no 58 ont été négociées, puis ultérieurement acceptées par les syndicats et leurs membres, la plainte du CTC est devenue sans objet. Par ailleurs, les sanctions pénales et administratives prévues à la loi no 58, qui n'avaient rien de disproportionné ni d'inusité, n'ont jamais été appliquées et ne pourront jamais l'être puisque la loi no 58 a été abrogée par la loi no 158. Le gouvernement estime qu'une décision concernant une loi qui a fait depuis l'objet d'une abrogation serait inappropriée dans le contexte actuel. Un examen de la plainte, outre le fait qu'il serait un exercice inutile, aurait pour effet d'introduire dans la relation de confiance récemment établie entre les parties des germes de tension susceptibles de rouvrir un débat désormais clos.
  4. 40. S'agissant du fond de la plainte, le gouvernement déclare que Hydro-Québec, société d'Etat de service public ayant pour unique actionnaire le gouvernement du Québec, assure la production et la distribution de l'électricité sur l'ensemble du territoire de la province, grâce à un réseau d'installations très complexe et réparti sur un vaste territoire: 53 centrales hydroélectriques; 26 centrales thermiques; capacité de production de 25.700 mégawatts; réseau de transport, de répartition et de distribution de 96.300 km. Environ 70 pour cent de la population québécoise dépend de l'électricité pour assurer le chauffage en hiver, où la température peut atteindre -47oC au nord et -39oC au sud. Source d'énergie principale au Québec dont dépendent essentiellement les maisons, hôpitaux, écoles, industries et le transport par métro, l'électricité constitue un élément essentiel de l'infrastructure économique du Québec. Lorsqu'une panne survient, particulièrement en hiver où les températures sont très froides, la population est immédiatement affectée puisqu'il n'existe pas d'énergie de remplacement. Comme l'énergie électrique ne peut être stockée, toute panne prolongée est susceptible d'entraîner une catastrophe à l'échelle de la province. Les activités de développement, de maintien, de prévention et de réparation des installations du réseau d'Hydro-Québec sont donc vitales pour l'entreprise dont le mandat est d'assurer la fourniture continue d'électricité.
  5. 41. Le gouvernement décrit le régime des relations professionnelles, et notamment les particularités applicables aux services essentiels, telles les entreprises d'électricité. Le Conseil des services essentiels (CSE) a été créé en 1982 pour veiller à l'application de ces mécanismes, en aidant notamment les parties à identifier les services à maintenir durant un conflit. Le CSE est composé de huit membres: un président et un vice-président, deux membres provenant des associations de salariés les plus représentatives dans les domaines des services publics et de la santé et des services sociaux, deux des associations d'employeurs les plus représentatives dans ces mêmes domaines et deux autres membres choisis après consultation de la Commission des droits de la personne, de l'Office des personnes handicapées du Québec, du Protecteur du citoyen et d'autres personnes ou organismes. Les décisions du CSE sont prises à la majorité des voix.
  6. 42. Les parties doivent négocier les services essentiels qui seront maintenus en cas de grève. Elles transmettent cette entente au CSE qui évalue la suffisance des services essentiels qui y sont prévus. A défaut d'entente, la partie syndicale transmet sa liste à l'employeur et au CSE. Ce dernier juge alors de la suffisance de ces services et fait rapport au ministre du Travail. En cas d'insuffisance de l'entente ou de la liste des services essentiels, le CSE recommande une modification aux parties. L'association accréditée doit donner un préavis de grève d'au moins sept jours, indiquant le moment où elle entend recourir à la grève, au ministre du Travail, à l'employeur et au CSE. Ce dernier doit sensibiliser les parties au maintien des services essentiels durant une grève et dispose en conséquence de certains pouvoirs de redressement en cas de non-respect des obligations. Il peut ainsi exiger le respect de la loi, d'une convention collective, d'une entente ou d'une liste de services essentiels; il détient les mêmes pouvoirs en ce qui concerne une action concertée autre qu'une grève ou un ralentissement d'activités si ce geste a pour effet de porter préjudice à un service auquel le public a droit.
  7. 43. Durant les seize mois qu'a duré le différend, comprenant deux hivers, le conflit de travail a atteint une telle ampleur qu'il a nécessité l'intervention du gouvernement, soucieux de préserver la sécurité de la population. Durant le conflit, contrairement à ce qu'ils allèguent dans leur plainte, les syndicats n'ont pas toujours agi dans la légalité. D'une part, les différents moyens de pression exercés ont donné lieu à plusieurs reprises et en divers endroits à des actes de sabotage et de vandalisme, ainsi qu'à des menaces et agressions sur des représentants de l'entreprise. Le CSE a dû intervenir 41 fois et a ordonné plusieurs fois aux employés de cesser leurs moyens de pression. Les négociations ont également été ponctuées de plusieurs arrêts de travail illégaux, c'est-à-dire sans préavis ou sans maintien des services essentiels. Enfin, même l'exercice légal du droit de grève a été entaché de nombreuses illégalités, le CSE devant intervenir à six reprises pour rappeler aux syndicats leur obligation de maintenir les services essentiels déterminés au préalable. Le gouvernement soumet à l'appui de ses observations le texte de toutes les décisions du CSE et divers documents (coupures de presse, débats à l'Assemblée nationale, rapports au ministre) faisant état du sérieux de la situation.
  8. 44. Contrairement aux allégations des plaignants, aucun accord n'était imminent la veille de l'adoption de la loi no 58. Des tentatives de règlement ont eu lieu mais aucune n'a été menée à terme. Le coût des demandes syndicales s'élevait à 850 millions de dollars sur trois ans et, malgré l'intervention d'un conciliateur, après 16 mois de négociations l'écart entre les positions des parties était tel qu'on ne pouvait raisonnablement prévoir un dénouement rapide du différend. Le gouvernement a donc jugé bon d'adopter la loi no 58, car il y avait un constat d'échec des négociations, les moyens de pression s'éternisaient et il existait un danger réel pour la sécurité de la population. Le comité a déjà statué que la fourniture d'électricité constitue un service essentiel (cas no 1307, 238e rapport, paragr. 325; cas no 1549, 277e rapport, paragr. 444), tout comme les travaux d'entretien destinés à prévenir les accidents ou les catastrophes (cas no 961, 204e rapport, paragr. 68; cas no 1019, 217e rapport, paragr. 375).
  9. 45. Par ailleurs, le comité a décidé qu'il était légitime de maintenir un service minimum en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une situation de crise nationale aiguë telle que "les conditions normales d'existence de la population pourraient être en danger" (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 415). Malgré les services essentiels déterminés par les syndicats et l'employeur, services qui n'ont pas été constamment maintenus par les syndicats et en dépit des nombreuses interventions du CSE, le retard dans les travaux d'entretien du réseau Hydro-Québec avait atteint une telle ampleur que les "conditions normales d'existence de la population pouvaient être sérieusement compromises". En fait, à l'époque de l'adoption de la loi no 58, la sécurité de la population était à ce point menacée que, même si les services essentiels avaient alors commencé à être respectés dans leur intégralité, le constat de danger serait resté le même. Seule une reprise complète des opérations normales pouvait modifier la situation. Ce n'est donc qu'en dernier ressort, après l'écoulement de 16 longs mois de négociations et plusieurs tentatives infructueuses pour rapprocher les parties, devant une menace réelle pour la santé et la sécurité du public, que le gouvernement du Québec s'est résolu à intervenir en adoptant la loi no 58.
  10. 46. L'intervention législative du gouvernement s'est concrétisée par un renouvellement pour une très courte période des conditions de travail des employés, accompagné d'une modification au contenu des conventions collectives prenant la forme d'augmentations salariales suffisantes pour protéger le niveau de vie des travailleurs. Cela est conforme aux principes du comité selon lesquels les autorités publiques devraient en règle générale s'abstenir d'intervenir pour modifier le contenu des accords collectifs librement conclus, sauf si ces interventions sont justifiées pour des raisons impérieuses de justice sociale et d'intérêt général. D'après cette jurisprudence du comité, lorsque des restrictions à la liberté de négociation sont ainsi motivées, elles doivent, pour être acceptables, demeurer une mesure d'exception limitée à l'indispensable, ne pas dépasser une période raisonnable et être accompagnées de garanties suffisantes pour protéger le niveau de vie des travailleurs. Le gouvernement estime que ces conditions ont ici été respectées, ayant fait la démonstration que des raisons impérieuses d'intérêt public ont motivé son intervention.
  11. 47. La loi no 58 avait également pour but de rétablir la continuité du service de fourniture d'électricité en stipulant que chaque salarié devait accomplir tous les devoirs rattachés à ses fonctions, conformément aux conditions de travail applicables, et ce sans arrêt, ralentissement, diminution ou altération des activités. De l'avis du gouvernement, cette obligation de reprendre le travail était acceptable puisque le cumul des grèves, des moyens de pression, des actes sérieux de vandalisme contre les biens de l'entreprise et le non-respect des services essentiels avaient compromis la sécurité de l'ensemble de la population. Le comité a déjà admis que le droit de grève peut faire l'objet de restrictions, voire d'interdictions, dans la fonction publique ou les services essentiels, dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale (Recueil, ibid., paragr. 343). Le droit de grève est normalement reconnu aux employés du service public de l'électricité dans la législation québécoise. Toutefois, dans des circonstances d'urgence, le gouvernement se doit d'agir et de faire primer l'intérêt collectif. Lors de l'adoption de la loi no 58, le gouvernement était dans l'impossibilité d'évaluer et d'assurer l'approvisionnement en électricité de la population québécoise.
  12. 48. Enfin, si la loi no 58 prévoyait des mesures administratives et pénales susceptibles d'application en cas de violation des dispositions de la loi (suspension du précompte syndical, réductions de traitement et sanctions pénales), aucune de ces sanctions n'a été appliquée en fait, le retour au travail ayant eu lieu comme le prévoyait la loi. Même si ces sanctions avaient été appliquées, elles auraient de toutes façons constitué des sanctions proportionnelles aux manquements reprochés. (Recueil, ibid., paragr. 441.)
  13. 49. Une fois rétablis les services d'électricité dont le maintien avait été compromis pendant la grève des employés, il est apparu à Hydro-Québec comme à la partie syndicale qu'il était opportun d'en venir à une entente sur les conditions de travail et sur la rémunération des employés des trois syndicats concernés. Au printemps 1991, les parties ont repris la négociation visant la signature de conventions collectives en lieu et place de la loi no 58. Après quelques semaines de négociations qui se sont déroulées dans un bon climat, les parties ont conclu, au mois de novembre 1991, les nouvelles conventions collectives qui s'appliqueront jusqu'en décembre 1993. En décembre 1991, le gouvernement a adopté la loi no 158 abrogeant la loi no 58.
  14. 50. Le gouvernement prie le comité de conclure qu'un examen de la plainte quant au fond n'est pas approprié dans les circonstances et, à défaut, que la plainte n'est pas fondée; il prie le comité d'inviter les syndicats et les salariés concernés à respecter, pour l'avenir, la loi et les normes internationales du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 51. Dans le présent cas, les plaignants critiquent les dispositions de la loi no 58 adoptée en mai 1990 par l'Assemblée législative du Québec afin d'assurer la continuité des services d'électricité. Ils allèguent que cette loi est contraire aux normes internationales du travail et aux décisions antérieures du comité sur le sujet. Le gouvernement réplique que la loi était nécessaire pour protéger la vie et la sécurité de la population et entrait dans les exceptions admises par le comité; de plus, les pénalités prévues dans la loi n'ont jamais été appliquées et la loi a ensuite été abrogée, les parties concernées ayant conclu une convention collective.
  2. 52. Le comité rappelle que la fourniture de services d'électricité constitue un service essentiel où le droit de grève peut être restreint, voire interdit. Dans cette affaire, il a tenu compte des conditions climatiques locales. Le gouvernement a expliqué en quoi les réparations du réseau doivent être effectuées de façon urgente et l'ampleur des difficultés que pourrait entraîner une panne prolongée. Le comité a également tenu compte dans son appréciation de la durée du différend. Cette affaire se distingue donc clairement des cas invoqués par les plaignants et qui concernaient respectivement le secteur ferroviaire (cas no 1438, 265e rapport) et les services postaux (cas no 1451, 268e rapport). Toutefois, le fait que la grève puisse être restreinte, voire interdite dans les services essentiels, ne signifie pas que ces services devraient être exclus de la négociation collective. Les partenaires sociaux devraient par exemple pouvoir négocier les services minima à assurer. Il note qu'en l'occurrence les parties avaient, dans le cas présent, conclu un accord à cet effet.
  3. 53. Le comité souligne le rôle déterminant joué par le Conseil des services essentiels (CSE) dans le cadre du mécanisme de détermination des services minima établi par le Code du travail. Le CSE est un organisme qui fait appel à la participation de différents secteurs de la population et associe des représentants de syndicats et d'employeurs à la détermination des services essentiels. Comme l'avait déjà souligné le comité dans un cas concernant cette province "... le conseil est sans aucun doute le mieux placé pour évaluer objectivement la réalité de la situation, compte tenu de sa composition et des éléments d'information dont il dispose." (cas no 1526, paragr. 254). Les parties ont pu faire valoir leurs observations devant le CSE qui a rendu dans ce cas de nombreuses décisions donnant, selon le cas, gain de cause à la partie syndicale ou à l'employeur.
  4. 54. Le comité relève par ailleurs que la loi no 58 protégeait dans une certaine mesure le niveau de vie des salariés et surtout qu'une entente a été conclue et ratifiée par un scrutin libre des salariés, reprenant sensiblement ces dispositions de la loi, soit des augmentations de 4 pour cent pour 1989, 5 pour cent pour 1990, 4-5 pour cent pour 1991, et un taux d'augmentation comparable à ceux du secteur public pour 1992. Les clauses normatives sont également largement inspirées de la loi no 58.
  5. 55. Le comité observe enfin que la loi no 58 a été abrogée depuis la présentation de la plainte une fois conclues de nouvelles conventions collectives et que les pénalités prévues dans la loi n'ont jamais été appliquées. Il estime en conséquence que cette plainte n'appelle pas d'examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 56. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que le présent cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
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