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- 191. La Confédération des cadres a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale dans une communication en date du 10 septembre 1991. Par la suite, le 20 novembre 1991, elle a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 26 février 1992.
- 192. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 193. La Confédération des cadres indique, dans ses communications des 10 septembre et 20 novembre 1991 que, conformément aux dispositions de la loi no 4, du 8 janvier 1986, relative à la dévolution des biens du patrimoine syndical accumulé ainsi qu'à la jurisprudence en la matière, le patrimoine de l'ancien Mouvement syndical lié au régime antérieur devait être réparti entre les syndicats existant dans l'Etat espagnol, afin qu'ils puissent les utiliser pour s'acquitter de leurs fonctions et obligations. La confédération plaignante souligne qu'après la promulgation de la loi, les syndicats désignés comme "les plus représentatifs" au niveau national, se sont vu attribuer la jouissance des biens de l'ex-mouvement syndical défunt, désignés par l'expression "patrimoine syndical accumulé".
- 194. La Confédération des cadres indique qu'elle est une organisation syndicale confédérale regroupant des organisations syndicales de cadres dans les différents secteurs de production, et qu'elle participe, au même titre que les autres syndicats du pays, aux opérations électorales syndicales qui se déroulent dans l'Etat espagnol. Dans ces conditions, le comité directeur de la Confédération des cadres a cru lui aussi que la jouissance des locaux du patrimoine syndical accumulé lui serait accordée, car s'il n'en était pas ainsi la confédération allait être victime d'une limitation de l'exercice de la liberté syndicale et qu'elle n'allait pas être à même d'assumer son rôle sur un pied d'égalité avec les autres syndicats de l'Etat espagnol.
- 195. La confédération plaignante précise que, conformément à ce qui précède, la Confédération des cadres avait fait connaître, dans une demande écrite formulée par son président le 1er février 1988, son désir de participer à la dévolution du patrimoine syndical accumulé "sur un pied d'égalité avec les autres organisations syndicales, afin de satisfaire directement ses besoins pratiques et institutionnels", mais que le 29 février 1988 le sous-secrétaire d'Etat au Travail et à la Sécurité sociale avait répondu en soutenant que la dévolution de l'usage des biens en question n'était prévue par la loi qu'en faveur des syndicats désignés comme étant "les plus représentatifs" et que, la Confédération des cadres ne répondant pas à cette condition, elle n'était pas admise au bénéfice de ces transferts.
- 196. La confédération plaignante fait savoir que, devant cette situation, dès lors que la jurisprudence des tribunaux espagnols avait reconnu et confirmé le droit de tous les syndicats, qu'ils soient ou non les plus représentatifs, de participer à la dévolution des biens faisant partie du patrimoine syndical accumulé, et alors également que le ministère du Travail ne faisait pas cas de cette jurisprudence, elle a introduit un recours contentieux en référé, en s'appuyant sur la loi no 62 de 1978 relative à la protection juridictionnelle des droits fondamentaux de la personne, contre le refus du ministère du Travail. Un jugement reconnaissant le droit de la Confédération des cadres d'"être bénéficiaire, d'une manière générale, du transfert des biens et, de manière concrète, de biens déterminés du patrimoine syndical accumulé..." a donc été rendu le 16 novembre 1988.
- 197. La Confédération des cadres indique qu'en se fondant sur ce jugement, dont elle a demandé l'exécution au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, elle a sollicité le 16 juin 1989 la cession effective de locaux précis et déterminés faisant partie du patrimoine syndical accumulé. Cependant, le sous-secrétaire d'Etat au Travail et à la Sécurité sociale a répondu à la demande d'exécution du jugement par des arguments et des déclarations de nature dilatoire, en soutenant par exemple qu'il lui fallait assurer une répartition adéquate entre les différentes entités bénéficiaires eu égard à leur représentativité globale, et qu'il établissait par conséquent un ordre de préférence entre les diverses organisations, la priorité étant accordée à celles qui répondaient manifestement à la condition d'"organisations les plus représentatives"; une autre objection touchait à la disponibilité des locaux au moment de la demande. La confédération plaignante convient que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale reconnaissait les droits de la Confédération des cadres, ceux-ci ayant été confirmés par les tribunaux, mais regrette qu'il s'obstinait à accorder la préférence et la priorité aux organisations "les plus représentatives".
- 198. La confédération plaignante indique que, face à la plus récente réponse du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, elle a exigé dans les formes l'exécution du jugement en alléguant les recours antérieurs, et que le tribunal a intimé au ministère du Travail et de la Sécurité sociale d'exécuter le jugement conformément aux termes de celui-ci; la Division ministérielle a répondu par une autre manoeuvre dilatoire, en prétendant que la commission consultative du patrimoine syndical accumulé (l'organe chargé d'instruire les demandes de dévolution des biens) ne s'était pas réunie depuis la notification du jugement, et qu'il n'était pas possible d'opérer la cession d'un local quelconque tant qu'elle ne se réunirait pas de nouveau.
- 199. Enfin, la confédération plaignante dénonce le fait qu'elle est de toute évidence l'objet d'une discrimination, le gouvernement ayant accordé, par l'intermédiaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, l'usage de locaux du patrimoine syndical accumulé à d'autres organisations, qu'elles remplissent ou non la condition de syndicats les plus représentatifs.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 200. Dans sa communication du 26 février 1992, le gouvernement déclare que la Confédération des cadres avait demandé par écrit, le 18 mars 1986, en s'appuyant sur la loi no 4 de 1986 relative à la dévolution des biens du patrimoine syndical accumulé, que les biens qui lui revenaient lui soient attribués, ce à quoi il lui avait été répondu par écrit, le 18 avril 1986, qu'il serait donné suite à cette demande lorsque la commission consultative aurait été constituée, mais compte tenu du fait que la répartition se ferait en fonction des disponibilités, après seulement que les droits préférentiels d'autres entités syndicales auraient été satisfaits, selon le critère établi par la loi no 4 de 1986. Le gouvernement indique par ailleurs que, le 23 février 1987, la Confédération des cadres, réaffirmant les termes de sa demande antérieure, avait demandé quelle suite avait été réservée à sa demande, et qu'il lui a été répondu par écrit, le 4 février 1987, que cette dernière serait inscrite à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission consultative.
- 201. Le gouvernement indique que, le 6 avril 1987, la confédération plaignante avait de nouveau sollicité des informations sur le sort de sa demande, et qu'il lui avait été répondu qu'il n'avait pas été possible de convoquer la commission consultative, les résultats des élections syndicales n'ayant pas été officiellement proclamés. Le gouvernement ajoute qu'en date du 10 décembre 1987 la Confédération des cadres avait été informée par le secrétaire de la commission consultative du patrimoine syndical que, sa demande ayant été examinée à la réunion des 26 et 27 novembre de la commission consultative, cette dernière avait établi un rapport négatif, car il était alors donné considération aux droits préférentiels des organisations syndicales et patronales les plus représentatives et que les locaux, objet de sa demande, n'étaient pas disponibles. Le gouvernement signale par ailleurs que la Confédération des cadres avait demandé par écrit, le 27 janvier 1988, que soit reconnu son droit de faire partie de la commission consultative et de prendre part à ses travaux, ainsi que de participer à la dévolution du patrimoine syndical accumulé. Le 29 février 1988, il avait été adressé à cette demande une réponse soulignant les dispositions du décret royal no 1671 de 1986 relatives à la composition de la commission consultative, le droit d'être bénéficiaire de la cession des biens du patrimoine syndical accumulé n'ayant pas par ailleurs été contesté, même si la condition de syndicat le plus représentatif n'était pas remplie.
- 202. Le gouvernement fait savoir que, le 29 février 1988, la Confédération des cadres avait formé un recours contentieux administratif demandant à participer à la dévolution des biens du patrimoine syndical accumulé, et qu'un jugement avait été rendu le 16 novembre 1988, comme l'avait indiqué la confédération plaignante dans une lettre datée du 16 juin 1989, demandant le transfert de l'usage de locaux précis et déterminés faisant partie du patrimoine syndical accumulé dans les municipalités de Madrid et de Barcelone. Le gouvernement ajoute qu'une réponse lui avait été adressée le 14 juillet 1989 selon laquelle le ministère du Travail et de la Sécurité sociale assumait entièrement le contenu du jugement reconnaissant le droit de la Confédération des cadres de participer de manière générale et concrète à la dévolution des biens provenant du patrimoine syndical accumulé, mais que son attention avait été appelée sur le fait que la mise en oeuvre effective de ce droit était soumise à la procédure établie par la loi no 4 de 1986 et dépendait de la représentativité de l'organisation en cause, la commission consultative étant l'organe compétent pour statuer sur les demandes de transfert de biens du patrimoine syndical accumulé présentées par les organisations syndicales et patronales.
- 203. Le gouvernement indique que, le 9 octobre 1990, la Confédération des cadres a demandé, compte tenu du temps écoulé depuis la tenue de la dernière réunion de la commission consultative, à bénéficier d'une allocation qui lui permette de faire face à ses frais de loyer, ce à quoi il a été répondu le 13 novembre 1990 en réaffirmant qu'il incombait à la commission consultative d'instruire au préalable les demandes de dévolution en fonction de la représentativité et des disponibilités en locaux. Par ailleurs, le 5 juillet 1991, l'Union provinciale de la Confédération des cadres de Palencia a sollicité l'octroi d'un local faisant partie du patrimoine syndical. Cette demande a été examinée à la réunion de la commission permanente tenue le 21 novembre 1991, en vue de son étude éventuelle par la commission consultative en séance plénière.
- 204. Le gouvernement déclare que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n'a pas eu une attitude négative vis-à-vis de la demande de cession de locaux faisant partie du patrimoine syndical accumulé présentée par la Confédération des cadres. Cette demande a été dûment étudiée et soumise à la procédure légale prévue par la loi no 4, du 8 janvier 1986, ainsi que par son décret d'application no 1671 du 1er août 1986. La première fois que la commission consultative a examiné, en même temps que d'autres, la demande présentée par la Confédération des cadres, elle a établi un rapport négatif, parce qu'elle s'occupait alors des droits préférentiels des organisations syndicales et patronales les plus représentatives et que les locaux demandés n'étaient pas disponibles. La demande a donc été traitée dans les formes requises, bien que le résultat ait alors été négatif, le critère de la hiérarchie de la représentativité syndicale ayant été strictement et légalement appliqué, conformément à la loi et au décret susmentionnés.
- 205. Le gouvernement ajoute que le jugement invoqué par la confédération plaignante n'apporte rien de nouveau à la position juridique et administrative qui vient d'être exposée. Le tribunal a reconnu le droit de la Confédération des cadres, lequel était déjà établi par les dispositions législatives en vertu desquelles la demande de dévolution des biens avait été présentée, avec le résultat concret que l'on sait. Par conséquent, le ministère, conformément à la loi, avec ou sans cette reconnaissance juridictionnelle, n'a à aucun moment nié le droit de la confédération de participer à la dévolution des biens du patrimoine syndical accumulé, sous prétexte qu'il s'agissait d'un syndicat moins représentatif que d'autres. Cependant, cette notion de degré de représentativité est le critère fondamental établi par la loi, que la commission consultative applique et que le ministère entérine, et ce serait la non-application dans la pratique de ce principe qui pourrait donner lieu à des allégations de discrimination dans la répartition des biens.
- 206. Le gouvernement indique que l'organisation d'élections syndicales au niveau national en 1990 a entraîné la suspension temporaire des réunions de la commission consultative. Le critère légal appliqué pour la redistribution du patrimoine syndical étant celui de la représentativité, il convenait de suspendre la procédure jusqu'à ce que le résultat actualisé de cette représentativité soit établi. Les opérations électorales syndicales se sont déroulées du 1er octobre au 15 décembre 1990 mais, comme un grand nombre de réclamations ont dû être résolues par les commissions électorales provinciales et par la commission électorale nationale, les résultats, bien que non définitifs, n'ont été publiés officiellement que le 14 novembre 1991. Tout de suite après cette date, le 21 novembre 1991, la commission permanente de la commission consultative s'est réunie pour poursuivre l'examen des demandes de cession de biens que les syndicats, quelle que soit leur représentativité, avaient présentées ou adressées à la commission consultative. Rien dans ces faits ne peut être interprété comme constituant une manoeuvre dilatoire destinée à masquer une intention de faire obstruction ou de retarder la procédure de redistribution des biens du patrimoine syndical accumulé, et encore moins comme portant atteinte à la liberté syndicale.
- 207. Le gouvernement conclut en soulignant que la demande de la Confédération des cadres sera examinée une seconde fois par la commission consultative, créée légalement à cet effet.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 208. Le comité constate que tant la justice par un jugement du 16 novembre 1988 que le gouvernement lui-même considèrent que la Confédération des cadres a le droit de bénéficier, d'une manière générale et concrète, de la cession de biens du patrimoine syndical accumulé.
- 209. Le comité prend note des explications du gouvernement sur le retard apporté à la satisfaction de la demande de la Confédération des cadres relative à la cession de tels biens (eu égard au critère légal de la priorité dans le traitement des demandes selon le critère de représentativité syndicale, et à la suspension temporaire des réunions de la commission consultative du patrimoine syndical, organe appelé à examiner les demandes des syndicats en raison des élections syndicales organisées au niveau national). Le comité doit cependant regretter que de nombreuses années se soient écoulées depuis le dépôt de la demande de la Confédération des cadres aux fins de la cession de tels biens, sans que la commission consultative se soit prononcée à ce sujet.
- 210. Le comité prend note avec intérêt de ce que, d'après le gouvernement, la commission consultative se prononcera prochainement sur la demande de la Confédération des cadres. Dans ces conditions, le comité espère que cette confédération obtiendra dans un très proche avenir la cession de biens du patrimoine syndical accumulé, et il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 211. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité espère que la Confédération des cadres obtiendra dans un très proche avenir la cession de biens du patrimoine syndical accumulé, droit qui lui a déjà été reconnu par le gouvernement et par l'autorité judiciaire. Il demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à cet égard et de le tenir informé des suites de cette affaire.