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Rapport définitif - Rapport No. 284, Novembre 1992

Cas no 1611 (Venezuela (République bolivarienne du)) - Date de la plainte: 27-NOV. -91 - Clos

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  1. 326. La plainte figure dans une communication de la Fédération latino-américaine des travailleurs de l'éducation et de la culture (FLATEC) en date du 27 novembre 1991. La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Confédération mondiale du travail (CMT) ont appuyé cette plainte par des communications datées des 20 décembre 1991 et 30 janvier 1992. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 24 août 1992.
  2. 327. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 328. Les organisations plaignantes allèguent que, le 23 mars 1990, le ministère de l'Education et sept fédérations nationales vénézuéliennes de l'enseignement ont signé la troisième convention collective réglementant les relations professionnelles entre les travailleurs de l'enseignement et le ministère de l'Education, dont le paragraphe 67 se lit comme suit:
    • Le ministère de l'Education s'engage, à compter de la signature et du dépôt de la présente convention collective, à continuer de retenir sans interruption au moyen des mécanismes de paiement en vigueur les cotisations ordinaires et extraordinaires dues par les travailleurs de l'éducation affiliés aux organisations syndicales signataires, ainsi que tout autre montant revenant à chacune des organisations syndicales signataires. Ces retenues ne pourront être ni suspendues ni retirées par décision unilatérale du ministère de l'Education, sauf à titre de mesure conservatoire ou en cas de jugement formel et exécutoire rendu par un tribunal ordinaire compétent. Même en cas de conflit, le montant des retenues sera remis tous les 15 jours à l'organisation à laquelle il échoit. Le ministère s'engage également à prélever sur le salaire de chaque travailleur de l'éducation qui bénéficie de la présente convention la totalité de l'augmentation salariale mensuelle qui y est établie et à la remettre en une fois aux organisations syndicales signataires. Le montant des retenues effectuées sur le salaire des travailleurs affiliés sera remis intégralement aux organisations syndicales correspondantes.
  2. 329. Les organisations plaignantes ajoutent que, dans le dessein d'affaiblir les fédérations d'enseignants, le ministère de l'Education, dans une attitude d'autoritarisme et d'ingérence dans les affaires syndicales, a remis à chaque enseignant, par le biais des moyens de paiement du ministère, une feuille imprimée lui signalant la possibilité de renoncer à la cotisation extraordinaire lui indiquant que, s'il signait l'imprimé, cette cotisation ne serait pas prélevée sur son salaire. Les organisations plaignantes expliquent que la cotisation visée correspond au montant de l'augmentation salariale d'un mois obtenue aux termes de la convention collective, que cette cotisation est imputable aux travailleurs de l'enseignement, qu'ils soient ou non affiliés aux organisations syndicales, et qu'elle est destinée aux fédérations syndicales.
  3. 330. Enfin, les organisations plaignantes signalent que, le 14 mai 1991, la Fédération vénézuélienne des instituteurs a officiellement exigé par écrit du ministère de l'Education le respect du paragraphe 67 de la convention collective mentionnée, ce qu'ont fait également les sept fédérations signataires de la convention en date du 21 octobre 1991, mais qu'aucune réponse n'avait été reçue à la date de la plainte de la FLATEC auprès du comité (le 27 novembre 1991), et que les cotisations extraordinaires au titre de l'augmentation salariale prévue par la convention collective n'avaient pas été prélevées à cette date.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 331. Dans sa communication du 24 août 1992, le gouvernement déclare que, pour mettre fin à la procédure administrative engagée à l'Inspection du travail dans le district fédéral au motif que le ministère de l'Education aurait enfreint le paragraphe 67 de la troisième convention collective signée le 23 mars 1990 par le ministère et les sept fédérations nationales de l'enseignement, les parties en cause (dont le dirigeant syndical signataire de la plainte présentée au comité par la FLATEC) ont signé, le 5 février 1992, un protocole d'accord dans lequel le ministère s'engage, dans des termes qui sont identiques aux termes du paragraphe 67 de la convention susmentionnée, à retenir et à remettre aux fédérations nationales les cotisations ordinaires et extraordinaires prévues dans la troisième convention collective pour les travailleurs de l'enseignement, qu'ils soient ou non affiliés à ces fédérations.
  2. 332. Le gouvernement ajoute qu'à compter du 25 juin 1992 le ministère de l'Education a retenu sur le salaire de tous les enseignants, qu'ils soient ou non affiliés aux organisations syndicales, les cotisations ordinaires et extraordinaires visées au paragraphe 67 de la convention collective en question, appliquant ainsi les dispositions de ce paragraphe ainsi que celles de l'article 446 de la loi organique du travail. Le montant total des cotisations prélevées sur le salaire des enseignants s'élève à trois cents millions de bolivares.
  3. 333. Toutefois, indique le gouvernement, le ministère de l'Education a déposé cet argent à la Banque centrale du Venezuela en fidéicommis, parce que le Procureur général a demandé à la Cour suprême, le 28 juillet 1992, la nullité partielle de l'article 446 de la loi organique du travail, qui se lit comme suit:
    • Les employeurs devront retenir sur les salaires des travailleurs affiliés à un syndicat les cotisations ordinaires ou extraordinaires que le syndicat aura fixées conformément à ses statuts. S'agissant des autres travailleurs qui bénéficient d'une convention collective conclue par le syndicat, le montant de la cotisation extraordinaire établie pour les membres du syndicat sera déduit de leur salaire pour des raisons de solidarité et en raison des avantages conférés par ladite convention collective.
    • L'employeur remettra les sommes perçues aux représentants autorisés du syndicat aussitôt le prélèvement effectué.
    • Le Procureur général considère qu'il est non seulement inconstitutionnel, mais aussi illégal de retenir une partie du salaire d'un travailleur pour le verser à un syndicat si ce travailleur n'en est pas membre; il considère en outre qu'il n'y a pas de véritable justice si l'on oblige le travailleur, sans son autorisation ou contre sa volonté, à contribuer matériellement aux activités d'un syndicat auquel il n'appartient pas ou duquel il s'est retiré; il déduit que l'article 446 de la loi organique du travail porte atteinte au principe de la protection du salaire, lequel revêt une importance vitale pour le travailleur.
  4. 334. Le gouvernement ajoute que, dans ce contexte, le Procureur général a demandé à la Cour suprême de déclarer la nullité partielle de l'article 446 de la loi organique du travail, sur la base des dispositions de l'article 87 de la Constitution nationale et de l'article 132 de la loi organique du travail, qui rappellent l'impossibilité de renoncer au salaire. Ces dispositions sont reproduites ci-après:
    • Article 87 de la Constitution nationale:
    • La loi établira les moyens permettant d'obtenir un salaire juste; elle fixera des normes pour assurer à tous les travailleurs au moins un salaire minimum; elle garantira un salaire égal pour un travail égal, sans discrimination aucune; elle fixera la part des bénéfices des entreprises qui doit échoir aux travailleurs et protégera le salaire et les prestations sociales par l'insaisissabilité d'une fraction du salaire, et dans les cas prévus par elle par les autres privilèges et garanties qu'elle établit.
    • Article 132 de la loi organique du travail:
    • Il ne peut être renoncé au droit au salaire, et ce droit ne peut être cédé, en tout ou en partie, à titre gratuit ou à titre onéreux, qu'au conjoint, au concubin ou aux enfants du travailleur. Il ne peut être offert en garantie que dans les cas et dans la mesure déterminés par la loi.
    • PARAGRAPHE UNIQUE. Toutefois, dans les entreprises occupant plus de cinquante (50) personnes, le travailleur pourra demander à l'employeur de retenir sur son salaire des cotisations uniques ou périodiques au profit d'organismes de bienfaisance, de sociétés civiles ou de fondations à but non lucratif, de coopératives, d'organisations culturelles, artistiques, sportives ou d'autres organisations dont les activités présentent un intérêt social, et celui-ci sera tenu de le faire lorsque les organisations bénéficiaires auront accompli les démarches nécessaires pour être légalisées. Le travailleur pourra à tout moment retirer son autorisation.
  5. 335. Enfin, le gouvernement invite le Comité de la liberté syndicale, à titre de consultation, à donner son avis sur la solidarité syndicale afin de déterminer si les travailleurs non syndiqués sont tenus de verser des cotisations au syndicat lorsqu'ils bénéficient de la convention collective. Le gouvernement ajoute que cette opinion sera portée à la connaissance de la Cour suprême, qui statuera sur le recours en nullité formé par le Procureur général.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 336. Le comité prend note avec intérêt de l'accord intervenu le 5 février 1992 entre le ministère de l'Education et sept fédérations nationales de l'enseignement, dans lequel le ministère s'engage à retenir sur le salaire des travailleurs auxquels s'applique la convention collective signée le 23 mars 1990 les cotisations ordinaires et extraordinaires prévues au paragraphe 67 de ladite convention collective. Le comité observe cependant qu'une fois effectuées les retenues, le ministère de l'Education a dû déposer en fidéicommis les sommes prélevées à la Banque centrale du Venezuela, le Procureur général ayant demandé à la Cour suprême la nullité partielle de l'article 446 de la loi organique du travail, qui permet le prélèvement des cotisations de solidarité (c'est-à-dire au titre des avantages conférés par la convention collective) sur le salaire des travailleurs non affiliés aux syndicats signataires de la convention, parce qu'il jugeait que l'obligation faite à un travailleur, sans son autorisation ou contre son gré, de contribuer matériellement aux activités d'un syndicat dont il n'est pas membre était contraire à la justice et aux principes constitutionnels et légaux relatifs à la protection du salaire et à l'impossibilité d'y renoncer. Le comité note également avec intérêt que le gouvernement lui demande de formuler une opinion sur ces questions afin de la porter à la connaissance de la Cour suprême.
  2. 337. Dans les cas impliquant des questions relatives aux clauses de sécurité syndicale - y compris celles prévoyant des cotisations de solidarité par des travailleurs non affiliés aux syndicats signataires d'une convention collective -, le comité s'est inspiré des débats qui ont eu lieu au sein de la Conférence internationale du Travail lors de l'adoption de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 338. A cette occasion, la Commission des relations professionnelles de la Conférence, tenant compte du débat qui avait eu lieu en son sein sur la question des clauses de sécurité syndicale, s'est généralement mise d'accord pour exprimer dans son rapport l'opinion que la convention ne devrait en aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales. (Voir 281e rapport du Comité, cas no 1579 (Pérou), paragr. 64, où sont cités les comptes rendus des sessions de la Conférence internationale du Travail (CIT), 32e session, 1949, p. 464.)
  4. 339. Tenant compte de cette déclaration, le comité considère que les problèmes liés aux clauses de sécurité syndicale doivent être résolus sur le plan national, conformément à la pratique et au système de relations professionnelles de chacun des pays. En d'autres termes, tant les situations où les clauses de sécurité syndicale sont autorisées que celles où elles sont interdites peuvent être considérées comme conformes aux principes et normes de l'OIT en matière de liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 340. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
    • Se fondant sur les débats ayant eu lieu au sein de la Conférence internationale du Travail lors de l'adoption de la convention no 98, le comité considère que tant les situations où les clauses de sécurité syndicale sont autorisées que celles où elles sont interdites peuvent être considérées comme conformes aux principes et normes en matière de liberté syndicale.
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