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- 268. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1992 à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 284e rapport du comité, paragr. 1011 à 1029, approuvé par le Conseil d'administration à sa 254e session (novembre 1992).) Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans une communication du 29 janvier 1993.
- 269. Cuba a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 270. En novembre 1992, restaient en suspens les allégations relatives à l'absence de réponse du ministère de la Justice à la demande d'enregistrement et de reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC), alors que le délai légal de soixante jours était écoulé, et à l'attaque violente contre Rafael Gutiérrez, président de l'UGTC, par une "brigade d'intervention rapide" qui prenait part à une "action de répudiation" organisée par le gouvernement et, enfin, à la détention hors de tout contrôle judiciaire dudit dirigeant pendant 48 heures sans que des charges aient été retenues contre lui et sans qu'aucune explication ait été donnée sur les motifs de sa détention.
- 271. Le comité a formulé les recommandations suivantes au Conseil d'administration sur les allégations en instance (voir 284e rapport du comité, paragr. 1029):
- Le comité demande au gouvernement d'envoyer de toute urgence des observations précises sur l'allégation relative à l'attaque violente contre la personne de Rafael Gutiérrez, fondateur et président de l'UGTC. Le comité souligne que le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes tant de celles qui existent déjà que de tout parti politique.
- Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans tarder ses observations sur la détention de M. Rafael Gutiérrez (président de l'UGTC) pendant 48 heures et signale à l'intention du gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes sans mandat d'arrestation, ou sans que soit prouvé qu'un chef d'inculpation existe, constitue une violation manifeste de la liberté syndicale.
- Le comité demande au gouvernement d'envoyer des informations précises sur l'absence de réponse du ministère de la Justice à la demande d'enregistrement et de reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC) et de se prononcer sans délai sur ce point, en tenant pleinement compte du fait que, conformément à l'article 2 de la convention no 87, les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations.
- B. Réponse du gouvernement
- 272. Dans sa communication du 28 janvier 1993, le gouvernement déclare que M. Rafael Gutiérrez Santos n'est pas syndicaliste et que, selon un rapport du secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la marine marchande, des ports et de la pêche, l'intéressé était membre du bureau syndical de l'Unité 04 de l'entreprise Terminales Mambisas de La Havane, mais qu'il a été destitué de ses fonctions à la suite d'une assemblée de travailleurs au cours de laquelle il a été rejeté par ces derniers, ayant perdu tout prestige à cause de ses attitudes contraires aux intérêts et aux principales revendications des travailleurs. Le gouvernement ajoute que le statut de syndicaliste de M. Gutiérrez Santos n'existe que dans son imagination et dans la désinformation de la propagande internationale de la CISL, et que les démarches bureaucratiques imprécises et contradictoires effectuées par M. Gutiérrez Santos et manipulées par certains moyens d'information à l'extérieur et maintenant par la CISL ne suffisent pas pour lui conférer le statut de dirigeant syndical qu'on lui attribue. L'exercice de toute activité syndicale exige avant tout que cette activité s'inscrive réellement dans la pratique quotidienne parmi un collectif de travailleurs authenthiques, et qu'elle se fonde sur l'autorité, le prestige et la représentativité, ce dont M. Gutiérrez Santos est manifestement dépourvu.
- 273. Par ailleurs, le gouvernement souligne que ce que la CISL a présenté comme une demande d'"enregistrement et de reconnaissance" d'une prétendue organisation syndicale de la part de M. Gutiérrez Santos n'est rien d'autre qu'une demande d'information concernant la loi des associations adressée au ministère de la Justice. C'est à tort que M. Gutiérrez Santos considère comme une demande d'inscription la simple attestation qu'il a demandée dans sa lettre du 30 septembre 1991; il est évident que ce citoyen n'a pas les facultés ni la volonté requises pour représenter une prétendue organisation, étant donné que, par une autre lettre du 1er avril 1992, il a demandé expressément l'annulation de la demande d'enregistrement de l'Union générale des travailleurs de Cuba (le gouvernement fournit des photocopies des deux communications). La difficulté pour M. Gutiérrez Santos de créer une organisation syndicale ne tient ni à la loi ni aux formalités bureaucratiques: elle réside dans le fait même de son manque de crédibilité, de prestige et d'autorité non pas devant les organismes officiels mais devant les travailleurs de Cuba. La CISL déforme les faits pour faire du battage dans la propagande anticubaine autour d'un prétendu refus officiel de la création d'organisations syndicales.
- 274. Le gouvernement précise que, lorsque les travailleurs ont jugé bon pour la défense de leurs intérêts de constituer des organisations syndicales différentes des organisations existantes, ils n'ont rencontré aucun obstacle dans la législation et ils n'ont pas eu à attendre l'autorisation d'un organisme d'Etat quelconque, conformément aux dispositions de l'article 13 du Code du travail. A titre d'exemple, on peut mentionner que le 28 mars 1992 a été créé le Syndicat national des travailleurs des sciences qui regroupe 44.130 adhérents et compte 46 bureaux syndicaux, 592 sections syndicales, 218 comités syndicaux et 3.139 dirigeants de base élus par les travailleurs eux-mêmes. On ne peut en dire autant de M. Gutiérrez Santos dont la prétendue organisation syndicale n'existe que dans une manoeuvre de propagande encouragée depuis les Etats-Unis afin de discréditer le système de relations professionnelles de Cuba. Le gouvernement ajoute qu'en ce qui concerne les allégations relatives à l'existence d'une demande d'enregistrement et de reconnaissance de la personnalité juridique d'une prétendue organisation syndicale, il ressort d'une enquête effectuée par le ministère de la Justice qu'il n'y a pas eu de demande de ce genre, mais seulement une demande d'information.
- 275. S'agissant de la détention de M. Gutiérrez Santos, le gouvernement signale que le 11 janvier 1992 ce citoyen a provoqué des troubles sur la voie publique qui ont exigé l'intervention des forces de police, lesquelles l'ont arrêté étant donné que M. Gutiérrez Santos était l'auteur et le principal protagoniste de l'incident. Comme toutes les législations pénales des pays du monde, la législation de Cuba confère à la police la responsabilité d'agir devant tout acte de caractère délictueux, y compris - exemples typiques - les troubles de l'ordre public et de la tranquillité des citoyens, et elle lui octroie la faculté de détenir provisoirement les auteurs de tels actes afin d'effectuer les enquêtes indispensables pour décider s'il convient de mettre les intéressés à la disposition des tribunaux ou si la nature des faits permet de ne pas donner des suites pénales mais des suites administratives au cas. La conduite de M. Gutiérrez Santos le 11 janvier 1992 constitue un délit de trouble public prévu et sanctionné par l'article 201 du Code pénal. Pour ces faits, ledit citoyen aurait pu faire l'objet de poursuites pénales; néanmoins, dans un souci d'apaisement et conformément aux dispositions de l'article 19 du décret-loi no 99 du 25 décembre 1987 sur les infractions personnelles, il a été décidé de ne pas engager de poursuites pénales contre M. Gutiérrez Santos, de ramener son délit au rang d'infraction et de le mettre en liberté moyennant une amende administrative de 20 pesos prévue à l'article 1, alinéa g), du décret no 141 du 24 mars 1988 concernant les infractions à l'ordre intérieur. Bien que la législation prévoie le droit d'interjeter un recours contre ce type d'amende, M. Gutiérrez Santos ne l'a pas fait. Le gouvernement précise que M. Gutiérrez Santos a été remis en liberté avant la fin du délai légal prévu à l'article 245 de la loi de procédure pénale; il nie que ce dernier ait été mis au secret et affirme qu'il a même reçu la visite de son fils.
- 276. Le gouvernement souligne l'inconsistance et le manque de sérieux de l'argument avancé par la CISL au sujet de l'existence d'une prétendue centrale syndicale qui n'est pas connue des travailleurs cubains et qui ne représente nullement les intérêts et les revendications du mouvement ouvrier cubain. La main-d'oeuvre du pays est syndiquée à 96,7 pour cent dans des organisations librement choisies qui élisent leurs dirigeants, adoptent elles-mêmes leurs statuts, les résolutions et la structure qui conviennent le mieux à leurs intérêts dans les congrès qu'elles tiennent périodiquement, et elles participent activement et systématiquement à la prise de décisions pour les questions qui intéressent la force majoritaire qu'elles représentent en tant qu'organisations autonomes et indépendantes.
- 277. Enfin, le gouvernement précise qu'il ne s'agit pas dans le présent cas d'un acte légitime de solidarité syndicale avec des organisations nées de la libre volonté des travailleurs mais, au contraire, d'une action de même nature que celles qui sont à l'origine de la loi Torricelli, laquelle vise à faire plier la volonté du peuple de Cuba non seulement par la faim et en empêchant la vente de médicaments pour les travailleurs cubains, mais aussi en finançant la création d'organisations qui, sous couvert d'activités syndicales, encouragent les sabotages du travail et les tentatives de corruption de dirigeants syndicaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 278. En ce qui concerne les allégations relatives à l'attaque violente contre M. Rafael Gutiérrez, fondateur et président de l'UGTC, et à sa détention pendant 48 heures, le comité note que, selon le gouvernement, M. Gutiérrez n'a pas été mis au secret pendant sa détention qui a été motivée par des troubles sur la voie publique dont il avait été l'auteur et le principal protagoniste (conduite qui, en vertu de l'article 201 du Code pénal, constitue un délit d'atteinte à l'ordre public) et que l'intéressé a été remis en liberté avant la fin du délai légal.
- 279. A cet égard, le comité constate que les versions du gouvernement (qui considère M. Gutiérrez comme auteur et principal protagoniste d'un trouble de l'ordre public) et de l'organisation plaignante (qui allègue que M. Gutiérrez a été agressé par suite de ses activités syndicales) sont contradictoires. Dans ces conditions, tout en notant que, selon le gouvernement, M. Gutiérrez se trouve en liberté, le comité rappelle de manière générale que "l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes (même si c'est pour une courte période) constitue une violation des principes de la liberté syndicale" (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 88). Le comité rappelle également que "le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà". (Voir 197e rapport, cas no 905 (URSS), paragr. 635; 270e rapport, cas no 1500 (Chine), paragr. 324; et 284e rapport, cas no 1628 (Cuba), paragr. 1026.)
- 280. En ce qui concerne l'allégation relative à l'absence de réponse du ministère de la Justice à la demande d'enregistrement et de reconnaissance de la personnalité juridique de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC) (dont les statuts comportant le nom de plusieurs travailleurs avaient été joints en annexe par l'organisation plaignante), le comité prend note des observations du gouvernement selon lesquelles il n'y a pas eu de demande d'enregistrement mais seulement une demande adressée au ministère de la Justice de simple "certificat de reconnaissance" attestant que dans ce service il n'existe pas d'association de travailleurs ayant la même appellation et que par la suite M. Gutiérrez a demandé au même ministère l'annulation de ladite demande d'enregistrement. De l'avis du comité, ce "certificat de reconnaissance" semble avoir été demandé dans le but précis de procéder ensuite à la demande d'"enregistrement légal" du nouveau syndicat, de sorte qu'il s'agirait d'une procédure engagée dans le but manifeste d'obtenir l'enregistrement d'un nouvel organe syndical. Le comité observe en outre qu'il ressort des documents joints en annexe par le gouvernement que, si M. Gutiérrez a effectivement demandé l'annulation de la demande d'enregistrement de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC), c'est uniquement parce qu'il voulait modifier l'appellation de cette association et la remplacer par "Union syndicale des travailleurs de Cuba (USTC)".
- 281. Dans ces conditions, le comité conclut que cela fait plus d'un an et demi que l'Union générale des travailleurs de Cuba a été constituée (laquelle, selon le gouvernement, s'appellerait maintenant Union syndicale des travailleurs de Cuba (USTC)), sans avoir réussi encore à obtenir son enregistrement. Par ailleurs, tout en prenant note des déclarations du gouvernement relatives à l'absence de représentativité de l'UGTC, le comité tient à souligner que le fait qu'une organisation compte un petit nombre d'adhérents ne justifie pas le refus de son enregistrement. Dans ces conditions, le comité demande instamment une fois de plus au gouvernement de se prononcer immédiatement sur l'enregistrement de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC) (qui, selon le gouvernement, s'appellerait maintenant Union syndicale des travailleurs de Cuba (USTC)), étant donné qu'en vertu de l'article 2 de la convention no 87 les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure adoptée à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 282. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Constatant que les versions du gouvernement et de l'organisation plaignante concernant l'allégation relative à l'attaque violente perpétrée à l'encontre de M. Gutiérrez et à sa détention par la suite sont contradictoires, et notant que, selon le gouvernement, M. Gutiérrez a recouvré rapidement sa liberté, le comité rappelle de manière générale que "l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes (même si c'est pour une courte période) constitue une violation des principes de la liberté syndicale" et que "le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations qui sont indépendantes de celles qui existent déjà".
- b) Le comité demande instamment une fois de plus au gouvernement de se prononcer de manière immédiate sur l'enregistrement de l'Union générale des travailleurs de Cuba (UGTC) (qui, selon le gouvernement, s'appelle maintenant Union syndicale des travailleurs de Cuba (USTC)), en tenant pleinement compte du fait que, en vertu de l'article 2, de la convention no 87, les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.